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21/09/2022 | FRANCE | N°19-12568

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 21 septembre 2022, 19-12568


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CA3

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 septembre 2022

Rejet

M. CATHALA, président

Arrêt n° 960 FS-B

Pourvoi n° D 19-12.568

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 SEPTEMBRE 2022

M. [M] [P], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 19-12.568 contre l'

arrêt rendu le 26 octobre 2018 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale, prud'hommes), dans le litige l'opposant à la société Wimetal, soc...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CA3

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 septembre 2022

Rejet

M. CATHALA, président

Arrêt n° 960 FS-B

Pourvoi n° D 19-12.568

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 SEPTEMBRE 2022

M. [M] [P], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 19-12.568 contre l'arrêt rendu le 26 octobre 2018 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale, prud'hommes), dans le litige l'opposant à la société Wimetal, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Huglo, conseiller doyen, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. [P], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Wimetal, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 juin 2022 où étaient présents M. Cathala, président, M. Huglo, conseiller doyen rapporteur, M. Rinuy, Mme Ott, Mme Sommé, Mme Agostini, conseillers, Mme Chamley-Coulet, Mme Lanoue, M. Le Masne de Chermont, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 26 octobre 2018), M. [P] a été engagé par la société Wimetal le 25 décembre 1995. Il exerçait les fonctions de délégué syndical, de représentant syndical au comité d'établissement et au comité central d'entreprise et de conseiller du salarié. Le 2 juin 2014, l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement pour motif économique. Il a été licencié le 4 juin 2014. Le 25 août suivant, l'inspecteur du travail a retiré sa décision du 2 juin 2014 et pris une nouvelle décision autorisant le licenciement pour motif économique. Par ordonnance du 11 mai 2015, le tribunal administratif a dit qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la requête en annulation de la décision du 2 juin 2014 formée par le salarié, cette décision ayant été retirée.

2. Le 7 août 2014, le salarié avait saisi la juridiction prud'homale d'une demande de constat d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une demande de paiement de certaines indemnités.

3. Par l'arrêt du 26 octobre 2018, la cour d'appel a partiellement sursis à statuer et saisi le tribunal administratif de la question de la légalité de la décision du 25 août 2014 autorisant le licenciement du salarié. Par jugement du 15 mai 2019, le tribunal administratif a déclaré que cette décision d'autorisation n'est pas entachée d'illégalité. Le pourvoi du salarié a été rejeté comme étant irrecevable par arrêt n° 445744 du Conseil d'Etat du 19 mai 2022.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que le retrait de l'autorisation administrative de licenciement du 2 juin 2014 ne produisait pas les effets d'une annulation et de déclarer sans objet ses demandes indemnitaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour retrait de l'autorisation administrative, alors :

« 1°/ que le retrait de l'autorisation administrative de licenciement produit les mêmes effets que son annulation et prive de validité le licenciement déjà intervenu; qu'en jugeant que M. [P] ne pouvait soutenir à l'appui de ses demandes indemnitaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et retrait de la décision du 2 juin 2014 que ledit retrait produisait les effets d'une annulation, quand elle constatait que l'inspecteur du travail avait retiré l'autorisation de licenciement litigieuse qui était illégale eu égard à l'absence de vérifications du motif économique et du respect des obligations conventionnelles de reclassement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé les articles L. 1235-3 et L. 2422-1 du code du travail ;

2°/ qu'une nouvelle autorisation de licenciement accordée concomitamment au retrait d'une première autorisation ne saurait avoir d'incidence sur les effets de ce retrait en termes indemnitaires et de droit à réintégration, ni valider rétroactivement le licenciement intervenu sur la base de la décision initiale; qu'en retenant, pour dire les demandes indemnitaires de M. [P] sans objet, que l'inspecteur du travail pouvait valablement retirer sa décision et en prendre une autre autorisant le licenciement, de sorte que le retrait ne produisait pas les effets d'une annulation, la cour d'appel a violé les articles L. 1235-3 et L. 2422-1 du code du travail ;

3°/ qu'en jugeant les demandes indemnitaires de M. [P] sans objet, au prétexte que l'inspecteur du travail pouvait valablement retirer sa décision et en prendre une autre autorisant le licenciement, sans dire en quoi la nouvelle autorisation viendrait tenir en échec les effets du retrait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1235-3 et L. 2422-1 du code du travail ;

4°/ qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions d'appel de M. [P], selon lesquelles il relevait de la compétence du conseil de prud'hommes d'apprécier la validité du licenciement prononcé de sorte que les demandes indemnitaires portant sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et sur le retrait devaient être jugées recevables, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, en l'état d'une autorisation administrative de licenciement devenue définitive, apprécier le caractère réel et sérieux du motif de licenciement au regard de la cause économique ou du respect par l'employeur de son obligation de reclassement.

6. Ayant constaté que l'inspecteur du travail avait, par décision du 25 août 2014, décision dont la légalité ne peut plus être contestée, autorisé le licenciement pour motif économique du salarié, la cour d'appel en a déduit à bon droit qu'elle ne pouvait se prononcer sur la cause réelle et sérieuse du licenciement et sur les demandes indemnitaires présentées sur ce fondement.

7. Le moyen, inopérant en ses deux premières branches, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Rejette le pourvoi ;

Condamne M. [P] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé et signé par M. Huglo conseiller doyen rapporteur, en ayant délibéré, en remplacement du président empêché, en l'audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. [P]

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le retrait de l'autorisation administrative de licenciement du 2 juin 2014 ne produisait pas les effets d'une annulation, et déclaré sans objet les demandes indemnitaires de M. [P] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour retrait de l'autorisation administrative ;

AUX MOTIFS QUE l'administration qui a compétence liée peut opérer le retrait d'une décision autorisant ou refusant un licenciement dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision si elle est illégale ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces produites que l'inspecteur du travail a retiré l'autorisation de licenciement qu'il avait délivrée le 2 juin 2014, après avoir constaté que cette décision était illégale pour absence de vérification d'une part du motif économique invoqué, d'autre part du respect par l'entreprise de ses obligations conventionnelles de reclassement ; qu'il en résulte que l'inspecteur du travail pouvait valablement retirer sa première décision pour en modifier le sens et énoncer précisément l'ensemble des motifs de la nouvelle décision par laquelle, il a autorisé, le 25 août 2014, le licenciement de M. [P], de sorte que celui-ci n'est pas fondé à soutenir à l'appui de ses demandes indemnitaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour retrait de l'autorisation de licenciement que le retrait de l'autorisation délivrée le 2 juin 2014 produit les effets d'une annulation ; que dès lors, les demandes indemnitaires de M. [P] sur ce fondement sont sans objet ;

1°) ALORS QUE le retrait de l'autorisation administrative de licenciement produit les mêmes effets que son annulation et prive de validité le licenciement déjà intervenu; qu'en jugeant que M. [P] ne pouvait soutenir à l'appui de ses demandes indemnitaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et retrait de la décision du 2 juin 2014 que ledit retrait produisait les effets d'une annulation, quand elle constatait que l'inspecteur du travail avait retiré l'autorisation de licenciement litigieuse qui était illégale eu égard à l'absence de vérifications du motif économique et du respect des obligations conventionnelles de reclassement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé les articles L. 1235-3 et L. 2422-1 du code du travail ;

2°) ALORS QU' une nouvelle autorisation de licenciement accordée concomitamment au retrait d'une première autorisation ne saurait avoir d'incidence sur les effets de ce retrait en termes indemnitaires et de droit à réintégration, ni valider rétroactivement le licenciement intervenu sur la base de la décision initiale; qu'en retenant, pour dire les demandes indemnitaires de M. [P] sans objet, que l'inspecteur du travail pouvait valablement retirer sa décision et en prendre une autre autorisant le licenciement, de sorte que le retrait ne produisait pas les effets d'une annulation, la cour d'appel a violé les articles L. 1235-3 et L. 2422-1 du code du travail ;

3°) ALORS QUE, subsidiairement, en jugeant les demandes indemnitaires de M. [P] sans objet, au prétexte que l'inspecteur du travail pouvait valablement retirer sa décision et en prendre une autre autorisant le licenciement, sans dire en quoi la nouvelle autorisation viendrait tenir en échec les effets du retrait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1235-3 et L. 2422-1 du code du travail ;

4°) ALORS QU' en s'abstenant de répondre aux conclusions d'appel de M. [P], selon lesquelles il relevait de la compétence du conseil de prud'hommes d'apprécier la validité du licenciement prononcé de sorte que les demandes indemnitaires portant sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et sur le retrait devaient être jugées recevables (conclusions d'appel p. 15), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-12568
Date de la décision : 21/09/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Contrat de travail - Licenciement économique - Salarié protégé - Autorisation administrative devenue définitive - Motif du licenciement - Caractère réel et sérieux - Appréciation - Compétence du juge judiciaire - Exclusion - Etendue - Détermination - Portée

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Cause - Cause réelle et sérieuse - Appréciation - Compétence du juge judiciaire - Exclusion - Cas - Salarié protégé - Licenciement pour motif économique - Autorisation administrative devenue définitive - Portée

Le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, en l'état d'une autorisation administrative de licenciement devenue définitive, apprécier le caractère réel et sérieux du motif de licenciement au regard de la cause économique ou du respect par l'employeur de son obligation de reclassement


Références :

Loi des 16-24 août 1790

décret du 16 fructidor an III

principe de séparation des pouvoirs.

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 26 octobre 2018

Sur les limites de la compétence du juge judiciaire lorsque la rupture du contrat de travail d'un salarié protégé a fait l'objet d'une autorisation administrative devenue définitive, à rapprocher : Soc., 22 janvier 2014, pourvoi n° 12-22546, Bull. 2014, V, n° 32 (cassation), et les arrêts cités ;

Soc., 19 janvier 2022, pourvoi n° 19-18898 (1), Bull., (cassation partielle sans renvoi)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 21 sep. 2022, pourvoi n°19-12568, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Cathala
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 27/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:19.12568
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