LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er décembre 2021
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 752 FS-B
Pourvoi n° K 20-12.923
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER DÉCEMBRE 2021
M. [K] [R], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 20-12.923 contre l'arrêt rendu le 16 décembre 2019 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, section 2), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [P] [W], domicilié [Adresse 2],
2°/ à M. [A] [W], domicilié [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dard, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de M. [R], de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de MM. [P] et [A] [W], et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 12 octobre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dard, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, M. Hascher, Mme Antoine, M. Vigneau, Mmes Poinseaux, Guihal, M. Fulchiron, Mme Beauvois, conseillers, Mme Gargoullaud, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 16 décembre 2019), [H] [C] est décédé le 19 septembre 2008, en laissant pour lui succéder son fils, M. [R], héritier réservataire, en l'état de deux testaments olographes datés des 30 octobre 2007 et 23 janvier 2008 et instituant MM. [P] et [A] [W], respectivement légataires universel et à titre universel. M. [P] [W] a mis en vente le bien immobilier constituant son legs.
2. M. [R] a assigné MM. [W] en paiement d'indemnités de réduction.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. M. [R] fait grief à l'arrêt de chiffrer aux sommes de 132 720 euros et de 473 740 euros les indemnités de réduction lui étant respectivement dues par MM. [A] et [P] [W], de dire que ces indemnités sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la date de son prononcé, de rejeter sa demande de capitalisation des intérêts et de le condamner à restituer la somme de 57 509 euros à M. [P] [W], alors « qu'en l'absence d'indivision entre le légataire universel et les héritiers réservataires, le calcul de l'indemnité de réduction due par le légataire universel ne saurait, être affecté ni par la date à laquelle ce dernier, postérieurement au décès, a aliéné le bien légué ni par le montant auquel il l'a aliéné ; qu'en prenant en considération, pour fixer le montant de l'indemnité de réduction due par [P] [W], propriétaire de l'immeuble de Mouguerre depuis le décès du testateur le 19 septembre 2008, le prix fixé par le juge de l'expropriation le 23 septembre 2016 pour la cession de ce bien, la cour d'appel a violé les articles 924 et 924-2 du code civil. »
Réponse de la Cour
4. Aux termes de l'article 924-2 du code civil, le montant de l'indemnité de réduction se calcule d'après la valeur des biens donnés ou légués à l'époque du partage ou de leur aliénation par le gratifié et en fonction de leur état au jour où la libéralité a pris effet.
5. En l'absence d'indivision entre le bénéficiaire de la libéralité et l'héritier réservataire et, par conséquent, en l'absence de partage, le montant de l'indemnité de réduction se calcule d'après la valeur des biens donnés ou légués à l'époque de sa liquidation ou de leur aliénation par le gratifié.
6. La cour d'appel a retenu à bon droit que l'indemnité de réduction due par M. [P] [W] devait être calculée d'après le montant de l'indemnité allouée par le juge de l'expropriation à la suite de la préemption de l'immeuble dont il avait été gratifié, soit d'après la valeur du bien légué à l'époque de son aliénation.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le moyen, pris en ses deuxième à quatrième branches
Enoncé du moyen
8. M. [R] fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors :
« 2°/ qu'en l'absence d'indivision entre le légataire universel et les héritiers réservataires, l'indemnité de réduction est due à compter du décès, point de départ des intérêts de retard ; qu'en retenant que les indemnités de réduction dues par les consorts [W] étaient payables à la date de l'arrêt intervenu, les intérêts courant à compter de celui-ci, la cour d'appel a violé les articles 924 et 924-3 du code civil ;
3°/ subsidiairement, qu'en l'absence d'indivision entre le légataire universel et les héritiers réservataires, l'indemnité de réduction est due à compter de la date de délivrance du legs ; qu'en retenant que les indemnités de réduction dues par les consorts [W] étaient payables à la date de l'arrêt intervenu, les intérêts courant à compter de celui-ci, après avoir constaté que la délivrance des legs s'était effectuée antérieurement, la cour d'appel a violé les articles 924, 924-3 et 1005 du code civil ;
4°/ plus subsidiairement encore, qu'en l'absence d'indivision entre le légataire universel et les héritiers réservataires, les intérêts moratoires courent à compter du jour où le débiteur de l'indemnité de réduction a été mis en demeure de s'en acquitter ; qu'en retenant que les indemnités de réduction dues par les consorts [W] étaient payables à la date de l'arrêt intervenu, les intérêts courant à compter de celui-ci, la cour d'appel a violé les articles 924 et 924-3 du code civil, ensemble l'article 1153, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
9. Selon l'article 924-3, alinéa 2, du code civil, également applicable en l'absence d'indivision successorale, à défaut de convention ou de stipulation contraire, l'indemnité de réduction est productive d'intérêts à compter de la date à laquelle son montant a été fixé.
10. Le moyen n'est donc pas fondé
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [R] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [R] et le condamne à payer à MM. [W] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour M. [R]
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir chiffré à la somme de 132 720 euros l'indemnité de réduction due par M. [A] [W] à M. [R], chiffré à la somme de 473 740 euros l'indemnité de réduction due par M. [P] [W] à M. [R], dit que les indemnités de réduction mises à la charge des Consorts [P] et [A] [W] pour un montant respectif de 473 740 € et de 132 720 euros sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt qui en a fixé les montants , débouté M. [R] de sa demande de capitalisation des intérêts et de l'avoir condamné M. [R] à restituer la somme de 57 509 euros à M. [P] [W],
AUX MOTIFS QU'il convient de se référer aux dispositions de l'article 924-2 du Code Civil qui énonce que « le montant de l'indemnité de réduction se calcule d'après la valeur des biens donnés ou légués à l'époque du partage ou de leur aliénation par le gratifié et en fonction de leur état au jour où la libéralité a pris effet », et qui trouve à s'appliquer quelle que soit la situation de l'héritier réservataire, et sans aucune distinction à opérer suivant qu'il existe ou non une indivision successorale entre celui-ci et les bénéficiaires des libéralités jugées excessives ; qu'en application de ces prescriptions, il y a lieu, s'agissant de l'indemnité de réduction due par M. [A] [W] à M. [R], de tenir compte de l'objet de son legs (mobilier et des avoirs bancaires) pour la chiffrer au montant de l'excédent ci-dessus calculé, soit à la somme de 132 720 € ; que, s'agissant de l'indemnité de réduction due par M. [P] [W] à M. [R], il y a lieu de tenir compte du fait que l'immeuble de Mouguerre, objet du legs de M. [P] [W] soumis à réduction pour un excédent de 579 744 €, a été vendu par ce dernier au cours de la présente procédure, et ce pour avoir fait l'objet d'une préemption exercée par l'EPFL Pays Basque, et moyennant le paiement d'un prix de 898 870,98 € correspondant au montant de l'indemnité d'expropriation telle que fixée par le juge de l'expropriation de Pau ; qu'il convient dès lors de retenir cette valeur de 898 870,98 € arrondie à 898 870 € pour le calcul de l'indemnité de réduction due par M. [P] [W], laquelle sera donc chiffrée à la somme de 473 740 € (soit 579 444 / 1 100 000 x 898 870) ; qu'il y a lieu de de débouter les consorts [P] et [A] [W] de leur demande tendant à « voir dire que l'indemnité de réduction due par chaque légataire sera calculée suivant la valeur des biens au jour de la liquidation, d'après leur état au jour de la demande en justice de la délivrance de legs » (?) ; que l'indemnité de réduction est en principe payable au moment du partage, sachant qu'en l'espèce où la situation des parties est exclusive de toute possibilité de partage judiciaire, il y a lieu de considérer que les indemnités de réduction respectivement dues par M. [A] [W] pour un montant de 132 720 €, et par M. [P] [W] pour un montant de 473 740 €, sont payables à compter de la date du présent arrêt qui en a déterminé le montant ; qu'en application de l'article 924-3 alinéa 2 du code civil énonçant qu'à défaut de convention ou de stipulation contraire, l'indemnité de réduction est productive d'intérêts au taux légal « à compter de la date à laquelle le montant de l'indemnité de réduction a été fixé », il convient de débouter M. [R] de sa demande tendant à voir dire que les indemnités de réduction à lui dues par les consorts [P] et [A] [W] sont productives d'intérêts à compter de la date du décès de M. [C] survenu le 19 septembre 2008, en l'absence de tout accord pris en ce sens, ainsi que de sa demande subséquente aux fins de capitalisation desdits intérêts et de dire que les indemnités de réduction mises à la charge des consorts [P] et [A] [W] sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt qui en a fixé les montants ;
1°- ALORS QU'en l'absence d'indivision entre le légataire universel et les héritiers réservataires, le calcul de l'indemnité de réduction due par le légataire universel ne saurait, être affecté ni par la date à laquelle ce dernier, postérieurement au décès, a aliéné le bien légué ni par le montant auquel il l'a aliéné ; qu'en prenant en considération, pour fixer le montant de l'indemnité de réduction due par [P] [W], propriétaire de l'immeuble de Mouguerre depuis le décès du testateur le 19 septembre 2008, le prix fixé par le juge de l'expropriation le 23 septembre 2016 pour la cession de de ce bien, la cour d'appel a violé les articles 924 et 924-2 du code civil ;
2°- ALORS QU'en l'absence d'indivision entre le légataire universel et les héritiers réservataires, l'indemnité de réduction est due à compter du décès, point de départ des intérêts de retard ; qu'en retenant que les indemnités de réduction dues par les consorts [W] étaient payables à la date de l'arrêt intervenu, les intérêts courant à compter de celui-ci, la cour d'appel a violé les articles 924 et 924-3 du code civil ;
3°- ALORS subsidiairement QU'en l'absence d'indivision entre le légataire universel et les héritiers réservataires, l'indemnité de réduction est due à compter de la date de délivrance du legs ; qu'en retenant que les indemnités de réduction dues par les consorts [W] étaient payables à la date de l'arrêt intervenu, les intérêts courant à compter de celui-ci, après avoir constaté que la délivrance des legs s'était effectuée antérieurement, la cour d'appel a violé les articles 924, 924-3 et 1005 du code civil ;
4°- ALORS, plus subsidiairement encore QU'en l'absence d'indivision entre le légataire universel et les héritiers réservataires, les intérêts moratoires courent à compter du jour où le débiteur de l'indemnité de réduction a été mis en demeure de s'en acquitter ; qu'en retenant que les indemnités de réduction dues par les consorts [W] étaient payables à la date de l'arrêt intervenu, les intérêts courant à compter de celui-ci, la cour d'appel a violé les articles 924 et 924-3 du code civil, ensemble l'article 1153, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.