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07/07/2021 | FRANCE | N°20-12892;20-12893;20-12894;20-12895;20-12896;20-12897;20-12898;20-12899

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 juillet 2021, 20-12892 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 juillet 2021

Cassation

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 878 F-B

Pourvois n°
20-12.892
à 20-12.899 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 JUILLET 2021

La Société

méridionale de transports (Sometra), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé les pourvois n° 20-12.892, 20-12.893, 20-12....

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 juillet 2021

Cassation

Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 878 F-B

Pourvois n°
20-12.892
à 20-12.899 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 JUILLET 2021

La Société méridionale de transports (Sometra), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé les pourvois n° 20-12.892, 20-12.893, 20-12.894, 20-12.895, 20-12.896, 20-12.897, 20-12.898 et 20-12.899 contre huit arrêts rendus le 13 décembre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-2), dans les litiges l'opposant respectivement :

1°/ à M. [N] [V], domicilié [Adresse 2],

2°/ à M. [E] [L], domicilié [Adresse 3],

3°/ à M. [W] [D], domicilié [Adresse 4],

4°/ à M. [G] [G], domicilié [Adresse 5],

5°/ à M. [Q] [M], domicilié [Adresse 6],

6°/ à M. [S] [A], domicilié [Adresse 7],

7°/ à M. [O] [X], domicilié [Adresse 8],

8°/ à Mme [R] [Y], veuve [O],
9°/ à M. [F] [O],
10°/ à M. [T] [O],

tous trois domiciliés [Adresse 9], pris en leur qualité d'ayants droits de [X] [O], décédé,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de ses pourvois, le moyen unique de cassation commun annexé au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la Société méridionale de transports, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [V] et des neufs autres salariés ou ayants droit, après débats en l'audience publique du 26 mai 2021 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Barincou, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 20-12.892, 20-12.893, 20-12.894, 20-12.895, 20-12.896, 20-12.897, 20-12.898 et 20-12.899 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 13 décembre 2019), M. [V] et sept autres salariés ont été engagés par la Société méridionale de transports (Sometra) en qualité de chauffeurs poids lourds.

3. Contestant le décompte de leur temps de travail, les salariés ont saisi la juridiction prud'homale le 16 décembre 2008.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief aux arrêts de constater la péremption d'instance à compter du 5 juillet 2018, alors « que, en matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction ; que l'avis délivré par le greffe aux conseils des parties pour les informer des délais fixés pour le dépôt des conclusions, ne met à leur charge aucune diligence au sens de l'article R. 1452-8 du code du travail, faute d'émaner de la juridiction, peu important la référence faite à des consignes du magistrat chargé d'instruire l'affaire, sans mention d'une décision de sa part avec l'indication de sa date et du nom de son auteur ; qu'en l'espèce, il ressort des mentions de l'avis du 14 avril 2016, qu'il a été signé avec l'apposition du tampon du greffe de la cour d'appel après l'indication de la mention « Po/[T] M., conseiller » et que l'arrêt a constaté que l'avis a été signé « pour ordre » le 14 avril 2106, ce dont il s'évinçait que les diligences mises à la charge des parties n'émanaient pas de la juridiction peu important la mention "pour ordre" ; qu'en retenant néanmoins que la diligence mise à la charge de l'appelant d'avoir à adresser une copie de ses conclusions pour le 5 juillet 2016 constitue une diligence au sens de l'article R. 1452-8 du code du travail dès lors qu'elle a été ordonnée par la juridiction pour mettre l'affaire en l'état et que le délai de péremption court à la date impartie pour la réalisation de cette diligence en sorte que l'instance s'est trouvée périmée le 5 juillet 2018 au motif que l'avis a été rendu par le magistrat chargé de la mise en état, alors pourtant qu'il résultait de ses propres constatations que l'avis du 14 avril 2016 avait été signé « pour ordre » de ce magistrat, la cour d'appel a violé l'article R. 1452-8 du code du travail alors en vigueur et l'article 386 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. Les salariés contestent la recevabilité du moyen en soutenant que l'employeur n'a pas contesté devant la cour d'appel le fait que l'avis du 14 avril 2016 signé « pour ordre » émanait bien du conseiller chargé d'instruire l'affaire, ni qu'il imposait l'accomplissement d'une diligence à peine de péremption de l'instance mais s'est borné à soutenir que le délai de péremption ne courait qu'à compter de l'arrêt de radiation et qu'ainsi l'instance n'était pas périmée.

6. Cependant, l'employeur faisait valoir, dans ses conclusions, que l'avis du 14 avril 2016 était une simple convocation à l'audience et qu'il était fantaisiste de prétendre qu'il aurait été de nature à faire courir le délai de péremption, contrairement à l'arrêt de radiation qui émanait lui de la juridiction.

7. Le moyen n'est donc pas nouveau et est recevable.

Bien fondé du moyen

Vu l'article R. 1452-8 du code du travail dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 :

8. Selon les dispositions de ce texte, en matière prud'homale, l'instance est périmée lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans prévu par l'article 386 du code de procédure civile, les diligences expressément mises à leur charge par la juridiction.

9. Pour déclarer l'instance éteinte par l'effet de la péremption, les arrêts retiennent que le magistrat chargé d'instruire l'affaire avait, par un avis du 14 avril 2016, mis à la charge des parties des diligences qui n'ont pas été accomplies dans le délai imparti.

10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'avis du 14 avril 2016 de convocation à l'audience, non signé par un magistrat, ne constituait pas une décision émanant de la juridiction, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur l'autre grief :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 13 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne MM. [V], [L], [D], [G], [M], [A], [X] et Mme [Y] veuve [O], MM. [F] [O], [T] [O], ès qualités, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen commun produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la Société méridionale de transports (Sometra), demanderesse aux pourvois n° 20-12.892 à 20-12.899

Le moyen fait grief aux arrêts attaqués d'AVOIR constaté la péremption d'instance à compter du 5 juillet 2018.

AUX MOTIFS QUE l'avis rendu par le conseiller [T] [B] et signé « pour ordre » le 14 avril 2016 était ainsi rédigé : « J'ai l'honneur de porter à votre connaissance que l'affaire : Société MERIDIONALE DE TRANSPORTS SOMETRA [...] contre [N] [V] [...] sera appelée à l'audience tenue par un MAGISTRAT CHARGE D'INSTRUIRE : 5 octobre 2016 à 14H00, salle 2 LES MILLES (D.9 sortie 4), [Adresse 10]. Étant donné l'ancienneté de l'appel la situation a pu évoluer. Je vous prie en conséquence de me faire connaitre s'il y a eu désistement, transaction, changement d'adresse, redressement judiciaire ou liquidation judiciaire et de m'adresser toute pièce utile avec une copie de la présente, notamment un extrait K BIS de la société concernée. Dans la négative, si vous entendez conclure une copie de ces conclusions devra être adressée : - Par l'appelant pour le 5 juillet 2016 - Par l'intimé pour le 5 septembre 2016 En cas de difficulté relative à l'instruction de la procédure, il vous appartient de me le signaler d'URGENCE et au plus tard un mois avant l'audience pour permettre éventuellement de remplacer cette procédure par une autre. AUCUNE DEMANDE DE RENVOI ne sera en effet accordée le jour de l'audience ou dans le mois qui précède celle-ci, sauf cas très exceptionnel. » ; que la cour retient que par avis du 14 avril 2016, le magistrat chargé de la mise en état avait indiqué à l'appelant qu'une copie des conclusions devait lui être adressée pour le 5 juillet 2016, qu'un tel dépôt de conclusions écrites, en matière de procédure orale, constitue une diligence au sens de l'article précité dès lors qu'il a été ordonné par la juridiction pour mettre l'affaire en état d'être jugée, et que le délai de péremption court à la date impartie pour la réalisation de cette diligence expressément mise à sa charge et non de l'arrêt de radiation du 10 mars 2017, lequel ne dispensait pas l'appelant d'observer les prescriptions de l'avis du 14 avril 2016 dès lors que le délai de péremption dont il fait état au moyen d'un futur à valeur conditionnelle n'est nullement exclusif de celui qui avait commencé à courir le 5 juillet 2016 ; qu'en conséquence, l'instance s'est trouvée périmée au 5 juillet 2018.

1° ALORS QU'en matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction ; que l'avis délivré par le greffe aux conseils des parties pour les informer des délais fixés pour le dépôt des conclusions, ne met à leur charge aucune diligence au sens de l'article R. 1452-8 du code du travail, faute d'émaner de la juridiction, peu important la référence faite à des consignes du magistrat chargé d'instruire l'affaire, sans mention d'une décision de sa part avec l'indication de sa date et du nom de son auteur ; qu'en l'espèce, il ressort des mentions de l'avis du 14 avril 2016, qu'il a été signé avec l'apposition du tampon du greffe de la cour d'appel après l'indication de la mention « Po/[T] [B], Conseiller » et que l'arrêt a constaté que l'avis a été signé "pour ordre" le 14 avril 2106, ce dont il s'évinçait que les diligences mises à la charge des parties n'émanaient pas de la juridiction peu important la mention "pour ordre" ; qu'en retenant néanmoins que la diligence mise à la charge de l'appelant d'avoir à adresser une copie de ses conclusions pour le 5 juillet 2016 constitue une diligence au sens de l'article R. 1452-8 du code du travail dès lors qu'elle a été ordonnée par la juridiction pour mettre l'affaire en l'état et que le délai de péremption court à la date impartie pour la réalisation de cette diligence en sorte que l'instance s'est trouvée périmée le 5 juillet 2018 au motif que l'avis a été rendu par le magistrat chargé de la mise en état, alors pourtant qu'il résultait de ses propres constatations que l'avis du 14 avril 2016 avait été signé "pour ordre" de ce magistrat, la cour d'appel a violé l'article R. 1452-8 du code du travail alors en vigueur et l'article 386 du code de procédure civile.

2° ALORS subsidiairement QU'en matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction ; qu'une décision de radiation qui subordonne le rétablissement au rôle de l'affaire à l'accomplissement par les parties de certaines diligences dans un certain délai énonce des diligences qui ont été expressément mises à la charge des parties par la juridiction ; qu'en l'espèce, l'arrêt de radiation du 10 mars 2017 a dit d'une part que la procédure ne pourra être rétablie au rôle qu'après l'accomplissement par l'appelant ou à défaut par l'intimé, des diligences suivantes : dépôt des conclusions écrites au greffe avec bordereau de communication de pièces et justification de la communication à la partie adverse de ses conclusions et pièces, et d'autre part que l'instance pourra être déclarée éteinte si aucune des parties ne se manifeste dans un délai de deux ans commençant à courir à compter de la date de la notification de l'arrêt par lettre simple ; qu'en jugeant néanmoins que l'instance était périmée au 5 juillet 2018, au motif que le délai de péremption court à la date impartie à l'appelant pour déposer des conclusions écrites par le conseiller chargé de la mise en état dans l'avis du 14 avril 2016 et non de l'arrêt de radiation du 10 mars 2017, alors pourtant que par cet arrêt, la cour d'appel avait expressément mis à la charge des parties, des diligences à accomplir dont celle de déposer des conclusions écrites par l'appelant, avant un délai de deux ans commençant à courir à compter de la notification de l'arrêt, ce qui rendait nécessairement caduc le délais prescrit dans l'avis du conseiller de la mise en état pour la même diligence, la cour d'appel a violé l'article R. 1452-8 du code du travail alors en vigueur et l'article 386 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-12892;20-12893;20-12894;20-12895;20-12896;20-12897;20-12898;20-12899
Date de la décision : 07/07/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Analyses

PRUD'HOMMES - Procédure - Instance - Péremption - Diligences à accomplir - Décision émanant de la juridiction - Nature - Critères - Caractérisation - Portée

PRUD'HOMMES - Procédure - Instance - Péremption - Délai - Point de départ - Diligences fixées par la juridiction - Définition

Un avis de convocation à l'audience, non signé par le magistrat chargé d'instruire l'affaire, ne constitue pas, même s'il prescrit des diligences, une décision émanant de la juridiction de nature à faire courir le délai de péremption en application de l'article R. 1452-8 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016


Références :

Article R. 1452-8 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 13 décembre 2019

Sur la nécessité que les diligences, point de départ de la péremption, soient prescrites par la juridiction, et non par le greffe ou le bureau de conciliation, à rapprocher : Soc., 27 mars 2007, pourvoi n° 05-43459, Bull. 2007, V, n° 59 (rejet)

arrêt citéSoc., 29 septembre 2010, pourvoi n° 09-40741, Bull. 2010, V, n° 205 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 jui. 2021, pourvoi n°20-12892;20-12893;20-12894;20-12895;20-12896;20-12897;20-12898;20-12899, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.12892
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