LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article R. 1452-8 du code du travail ;
Attendu, selon ce texte, qu'en matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction ; que ne constituent pas de telles diligences les indications relatives à la fixation des délais données aux parties par le bureau de conciliation en application de l'article R. 1454-18 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que dans un litige opposant M. X... à son ancien employeur, la Société établissements Bringuier, des délais ont été fixés aux parties pour se communiquer mutuellement pièces et notes à l'appui de leurs prétentions ; qu'alléguant que M. X... avait conclu plus de deux ans après la date qui lui avait été fixée, son adversaire lui a opposé l'exception de péremption ;
Attendu que pour juger que l'instance introduite par M. X... était périmée, l'arrêt retient que le salarié n'a pas accompli, dans le délai de l'article 386 du code de procédure civile, les diligences mises à sa charge par le procès-verbal du bureau de conciliation qui lui avait été notifié, par voie d'émargement, lors de l'audience de conciliation du 4 juin 2003 ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 mai 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne la société Etablissements Bringuier aux dépens ;
Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Etablissements Bringuier à payer la somme de 2 500 euros à Me Georges ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Georges, avocat aux Conseils pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a constaté la péremption de l'instance et, en conséquence, déclaré irrecevables les demandes de M. X..., s'agissant de la demande initiale et des demandes faites lors de l'audience de conciliation du 4 juin 2003,
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article 386 du Code de procédure civile énonce que l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans ; que l'article R.516-3 du Code du travail précise : « En matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du Code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction» ; que, lors de l'audience de conciliation du 4 juin 2003, le conseil de prud'hommes de Montpellier a renvoyé l'affaire à l'audience de jugement du 4 février 2004 et a fixé le délai de communication des pièces ou des notes entre les parties à l'appui de leurs prétentions au 15 septembre 2003 pour M. X... et au 21 novembre 2003 pour la société Bringuier ; qu'en demandant aux parties de communiquer leurs pièces et leurs notes conformément à l'article R.516-20-1 du Code du travail, les juges prud'homaux ont mis à leur charge une diligence expresse qu'elles devaient accomplir dans le délai fixé ; que le procès-verbal de conciliation du 4 juin 2003 signé par le président de la formation de conciliation et par le greffier constitue une décision judiciaire et son contenu, notamment la prescription relative aux communications, leur a été notifié lors de l'audience de conciliation où M. X... comparaissait en personne comme l'établit la signature des parties au bas dudit procès-verbal, qui précise également que cet émargement vaut convocation pour l'audience du 4 février 2004 ; que le délai de péremption a commencé à courir le 15 septembre 2003, date à laquelle M. X... devait accomplir les diligences mises à sa charge par le bureau de conciliation ; que ni l'audience du 4 février 2004, ni celle du 17 novembre 2004 à laquelle l'affaire a été radiée n'ont interrompu ce délai de péremption en l'absence de diligences de nature à faire progresser l'affaire ; que le premier acte après le 15 septembre 2003 effectué pour parvenir à un jugement est la demande de M. X... de réinscription au rôle du 17 novembre 2006, intervenue plus de deux ans après ; que, dès lors, l'instance est périmée (arrêt attaqué, p.4) ;
1) ALORS QUE, en matière prud'homale, le délai de péremption de l'instance ne court que lorsque les parties ont reçu notification d'une décision juridictionnelle mettant expressément à leur charge des diligences ; que l'établissement par le greffe d'un procès-verbal de l'audience de conciliation, précisant que l'émargement de ce procès-verbal vaut convocation à l'audience à laquelle l'affaire est renvoyée, ne peut, même si ce procès-verbal mentionne la fixation aux parties d'un délai de communication des pièces ou des notes et est revêtu des signatures du président de la formation de conciliation et du greffier, suppléer à l'exigence, pour faire courir le délai de péremption de l'instance, de la notification d'une décision juridictionnelle mettant expressément des diligences à la charge des parties ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article R.516-3, devenu l'article R.1452-8, du Code du travail ;
2) ALORS, en toute hypothèse, QUE, en matière prud'homale, le délai de péremption ne court que lorsque les parties ont reçu notification d'une décision juridictionnelle mettant à leur charge des diligences ; que les décisions juridictionnelles rendues en matière prud'homale sont notifiées aux parties en cause par le greffe du conseil de prud'hommes, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception sans préjudice du droit des parties de les faire signifier par acte d'huissier de justice ; qu'en l'espèce, en énonçant que le procès-verbal de l'audience de conciliation du 4 juin 2003, contenant fixation d'un délai de communication des pièces ou des notes entre les parties à l'appui de leurs prétentions, et ce au 15 septembre 2003 pour M. X..., constituait une décision judiciaire dont la notification avait été effectuée lors de l'audience de conciliation ainsi que l'établissait la signature au bas du procès-verbal, lequel précisait également que cet émargement valait convocation pour l'audience du 4 février 2004, pour en déduire que le délai de péremption avait commencé à courir le 15 septembre 2003, la cour d'appel, en considérant que la notification de la décision juridictionnelle dont elle a retenu l'existence avait pu être faite par voie de remise de l'acte à son destinataire contre émargement lors de l'audience de conciliation, a violé l'article R.516-42, devenu l'article R.1454-26, du Code du travail, ensemble l'article 749 du Code de procédure civile ;
ET AUX MOTIFS, QUAND ILS SERAIENT REGARDES COMME REPUTES ADOPTES, DES PREMIERS JUGES QUE M. X... a saisi le conseil de prud'hommes le 2 avril 2003 ; que l'audience de conciliation a eu lieu le 4 juin 2003 ; qu'en date du 17 novembre 2004, le conseil de prud'hommes a prononcé une radiation administrative, constatant que l'affaire n'était pas en état d'être plaidée à cette audience, ordonné en conséquence le retrait de l'affaire du rang des affaires en cours et dit qu'elle ne pourrait être réinscrite que sur justification de communication de pièces à la partie adverse ; que l'affaire a été réinscrite par dépôt de conclusions au greffe le 17 novembre 2006 ; qu'aux termes de l'article R.516-3 du Code du travail : «En matière prud'homale, l'instance n'est périmée que lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du nouveau Code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction» ; qu'en l'espèce, le délai de péremption était le 16 novembre 2006 à minuit, les conclusions et pièces ayant été communiquées entre les parties comme l'imposaient les diligences édictées par le jugement du 17 novembre 2004 ; qu'en conséquence, il y a péremption de l'instance prud'homale pour la demande introduite par saisine du 2 août 2003 (sic) – il s'agit en réalité du 2 avril 2003 – et les demandes faites lors de la conciliation du 4 juin 2003 (jugement entrepris, p. 3) ;
3) ALORS QU'à supposer que soient regardés comme réputés adoptés les motifs des premiers juges ayant retenu que le délai de péremption avait couru à compter de la décision de radiation, quand la cour d'appel a, par motifs propres, retenu que le délai de péremption avait commencé à courir le 15 septembre 2003, l'arrêt attaqué est alors entaché d'une contradiction de motifs en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
4) ALORS QU'une décision de radiation par laquelle des diligences auraient été expressément mises à la charge des parties n'est susceptible de faire courir le délai de péremption de l'instance qu'à la condition que les parties en aient reçu notification, de sorte qu'à supposer que soient regardés comme réputés adoptés les motifs des premiers juges ayant retenu que le délai de péremption avait couru à compter de la date du prononcé de la décision de radiation, sans déterminer si cette décision avait été notifiée et à quelle date, la cour d'appel a violé l'article R.516-3, devenu l'article R.1452-8, et l'article R.516-42, devenu l'article R.1454-26, du Code du travail ;
5) ALORS, en toute hypothèse, QUE lorsqu'un acte ou une formalité doit être accompli avant l'expiration d'un délai, celui-ci a pour origine la date de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ; que lorsqu'un délai est exprimé en mois ou en années, ce délai expire le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui fait courir le délai ; qu'ainsi, à supposer que soient regardés comme réputés adoptés les motifs des premiers juges énonçant, après avoir relevé que la radiation avait été prononcée le 17 novembre 2004, que «le délai de péremption était le 16 novembre 2006 à minuit », de sorte que, lors du dépôt des conclusions au greffe le 17 novembre 2006, la péremption de l'instance était acquise, la cour d'appel a alors violé les articles 640 et 641, alinéa 2, du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables les nouvelles demandes formées par M. X... lors de la réinscription de l'affaire au rôle sollicitée le 17 novembre 2006,
AUX MOTIFS PROPRES QUE la péremption de l'instance atteint aussi les demandes nouvelles formées par M. X... lors de la reprise d'instance ; qu'en effet, selon l'article R.516-1 du Code du travail, toutes les demandes dérivant du contrat de travail entre les mêmes parties doivent faire l'objet d'une seule instance, à moins que leur fondement ne soit né ou ne se soit révélé que postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes ; que toutes les demandes nouvelles de M. X... sont nées au plus tard le 27 septembre 2003, date de son licenciement, et sont antérieures au jugement de radiation du 17 novembre 2004 (arrêt attaqué, p. 4) ; ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, DES PREMIERS JUGES QUE, concernant les nouvelles demandes lors de la réintroduction du 17 novembre 2006, «il ressort de l'étude de la demande d'unicité de l'instance et de l'article R.516-1 du Code du travail que le Conseil considère que ces demandes nouvelles sont en totalité relatives à l'exécution du contrat de travail signé le 27 septembre 2003, soit antérieurement à la date du premier jugement ordonnant la radiation et qu'elle aurait dû donc être évoquée lors de l'audience du 17 novembre 2004, leur évocation lors de la réintroduction en date du 17 novembre 2006 n'ayant pour objet que de combattre la péremption de l'instance» (jugement entrepris, p. 3) ;
ALORS QUE, en ce qu'elle confirme le jugement entrepris du chef de l'irrecevabilité des demandes nouvelles formées par M. X... lors de la réinscription au rôle du 17 novembre 2006, en conséquence, d'une part, de la constatation que la péremption de l'instance était antérieurement acquise et, d'autre part, de l'application de la règle de l'unicité de l'instance, la disposition de l'arrêt confirmative de celle du jugement déclarant irrecevables les demandes nouvelles est dans un lien de dépendance avec la disposition retenant la péremption de l'instance initialement introduite, de sorte que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera nécessairement par voie de conséquence, en application de l'article 624 du Code de procédure civile, celle de la disposition de l'arrêt confirmant le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables lesdites demandes formulées par M. X....