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13/12/2019 | FRANCE | N°17/05647

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 13 décembre 2019, 17/05647


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3



ARRÊT AU FOND

DU 13 DECEMBRE 2019



N° 2019/ 344













Rôle N° RG 17/05647 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAH2A







[T] [U]





C/



SA CMA CGM



















Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-

PROVENCE



Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-E

N-

PROVENCE

























Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 23 Février 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F15/02128.





APPELANTE



Madame [T] [U]

née le [Date naissance 1]...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 13 DECEMBRE 2019

N° 2019/ 344

Rôle N° RG 17/05647 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAH2A

[T] [U]

C/

SA CMA CGM

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-

PROVENCE

Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-

PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 23 Février 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F15/02128.

APPELANTE

Madame [T] [U]

née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 8] (MAROC), demeurant [Adresse 3]

comparante en personne, assistée de Me Antoine LOUNIS de la SELARL ERGASIA LOUNIS LECOMTE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SA CMA CGM prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Bertrand CASTEX, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Octobre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Dominique DUBOIS, Président de Chambre

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Madame Erika BROCHE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Décembre 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Décembre 2019

Signé par Madame Dominique DUBOIS, Président de Chambre et Mme Nadège LAVIGNASSE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

[T] [U] a été engagée le 11 févier 1980 en contrat à durée indéterminé par la société CMA CGM en qualité de standardiste, moyennant une rémunération brute mensuelle de 2600 francs. Au 1er janvier 2006 elle devenait assistante administrative, niveau V, échelon 1, coefficient 320, statut agent de maîtrise, et par avenant du 16 juin 2010 elle a été promue aux fonctions d'assistante de direction, niveau V, échelon 3, coefficient 360

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective du personnel sédentaire des entreprises de navigation libre.

La société CMA CGM employait habituellement au moins 11 salariés au moment du licenciement

Une rupture conventionnelle est intervenue entre les parties le 03 novembre 2014, après un entretien le 03 octobre 2014, avec une date de fin de contrat prévue le 31 décembre 2014 et le versement d'une indemnité de rupture de 100 000€.

[T] [U] a saisi le 22 juillet 2015 le conseil des Prud'hommes de Marseille de demandes tendant pour l'essentiel à la reconnaissance du statut de cadre et à la revalorisation de sa classification avec les rappels de salaire subséquents.

Par jugement du 23 février 2017 le conseil des Prud'hommes de Marseille a :

- débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes

- condamné Mme [T] [U] aux entiers

[T] [U] a interjeté appel du jugement par acte du 23 mars 2017.

PRETENTIONS ET MOYENS

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 24 septembre 2019 [T] [U], appelante, demande de:

- dire Madame [T] [U] bien fondée en son appel

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

- dire que l'emploi occupé par la salariée relevait de la classification 'cadre, coefficient VII B 520" à compter du mois de juillet 2009

- dire y avoir lieu à rappel de salaire à ce titre

- dire y avoir lieu à rappel de prime d'intéressement

- enjoindre à la Société CMA CGM, sous astreinte de 50,00 € par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, d'avoir à produire tous les éléments en sa possession permettant de déterminer le mode de calcul des primes d'intéressement pour les années 2010 à 2015.

- réserver les demandes de la concluante à ce titre

- ordonner de ce chef seulement, la réouverture des débats à une audience à venir

afin qu'il soit statué sur la demande de rappel de prime d'intéressement et, le cas échéant, tiré toutes conséquences de la carence de l'intimée

- condamner cette dernière au paiement des sommes suivantes :

- 9 124,16 € à titre de rappel de salaire au titre de l'année 2010

- 912,42 € à titre d'incidence congés payés sur rappel précité

- 8 875,25 € à titre de rappel de salaire au titre de l'année 2011

- 887,53 €à titre d'incidence congés payés sur rappel précité

- 10 143,78 € à titre de rappel de salaire au titre de l'année 2012

- 1 014,38 € à titre d'incidence congés payés sur rappel précité

- 10 190,80 € à titre de rappel de salaire au titre de l'année 2013

- 1019,08 € à titre d'incidence congés payés sur rappel précité

- 8 690,83 € à titre de rappel de salaire au titre de l'année 2014

- 869,08 € à titre d'incidence congés payés sur rappel précité

- dire que les créances susvisées produiront intérêts de droit à compter de la demande en Justice, avec capitalisation, en application des Articles 1231-7 et 1343-2 du Code Civil

- enjoindre la société CMA CGM, sous astreinte de 50,00 € par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, d'avoir a établir et délivrer les documents suivants :

$gt; Bulletins de salaire détaillés année par année et mois par mois comportant les

rappels de rémunération judiciairement fixés pour la période comprise entre le 1er

janvier 2010 et le 31 décembre 2014

$gt; Attestation destinée a POLE EMPLOI rectifiée de même

$gt; Certificat de Travail conforme mentionnant la classification 'Cadre, Coefficient VII B 520 ' à compter du mois de juillet 2009.

- enjoindre, sous même astreinte, d'établir et de délivrer a Madame [U] les documents suivants :

$gt; Attestation de salaire relative à la période d'arrêt de travail pour cause d'accident

du travail (survenu le 24 septembre 2014) du 26 septembre 2013 au 11 octobre

2013 (denier jour travaillé le 23 septembre 2013)

$gt; Attestation de salaire relative à la période d'arrêt de travail pour cause de maladie

du 1er septembre 2014 au 7 septembre 2014 (dernier jour travaillé le 31 août 2014)

$gt; Attestation de salaire relative à la période d'arrêt de travail pour cause d'accident

du travail (survenu le 18 septembre 2014) du 8 octobre 2014 an 30 octobre 2014 (dernier jour travaillé le 17 septembre 2014)

$gt; Attestation de salaire relative à la période d'arrêt de travail pour cause de maladie

du 4 novembre 2014 au 31 décembre 2014 (dernier jour travaillé le 3 novembre

2014)

- enjoindre, sous astreinte identique, d'avoir à régulariser la situation de la concluante auprès des organismes sociaux au bénéfice desquels seront prélevées les cotisations figurant sur les bulletins de paie délivrés en exécution de l'arrêt à intervenir

- condamner en outre la Société CMA CGM au paiement des sommes suivantes :

- 20 000,00€ à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail en réparation des préjudices moral, économique et professionnel soufferts

- 2 000,00 € à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'Article 700 du Code de Procedure Civile.

- la condamner aux dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 26 septembre 2019 la SA CMA CGM, intimée, demande de :

- confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Marseille du 23 février 2017

Par conséquent :

- débouter Madame [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions sans distinction

- à titre subsidiaire, réduire le montant des condamnations prononcées à de plus justes proportions

En tout état de cause :

- relever que Madame [U] formule des demandes nouvelles en appel de rappel de salaires au visa du principe « à travail égal, salaire égal » et de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et l'en débouter

- condamner Madame [U] à verser à la société CMA CGM la somme de 2.000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner Madame [U] aux entiers dépens, ceux d'appel au profit de Maître Romain CHERFILS, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, Avocats associés, aux offres de droit.

Sur la revendication du statut de cadre

[T] [U] soutient qu'en dépit des fonctions réellement exercées et des engagements reçus dès 2009, elle n'a pas bénéficié du statut de cadre et qu'il ne lui a été confié par avenant à son contrat de travail du 01 juillet 2010 que les fonctions 'd'assistante de direction, niveau V, échelon 3, coefficient 360'.

Elle se prévaut de l'accord d'entreprise qui institue une classification interne des postes de travail et plus spécifiquement une classification établie pour l'agence de Marseille 'Filière Postes Uniques Marseille', non dénoncée et en conséquence toujours applicable, prévoyant que les salariés occupant les fonctions d'assistant de direction relèvent nécessairement du statut Cadre 7B520.

Elle fait valoir l'obtention en 2004 du BTS Assistant de direction, sa fiche de poste du 12 juillet 2004, augmentée progressivement de plusieurs missions et responsabilités en 'ressources humaines': responsabilité du standard de l'agence, de la commande de fournitures, de la gestion des stocks, de la gestions des absences, encadrement de deux salariées affectées au standard avec recrutement et évaluations des formations suivies par les membres de son équipe, habilitation à signer les 'bons à payer'. Elle s'appuie également sur les comptes rendus d'entretiens annuels faisant état de l'évolution de ses compétences, le courrier de son supérieur hiérarchique préconisant une promotion.

Elle invoque également le principe 'à travail égal, salaire égal' en faisant valoir que Mme [R] occupait jusqu'à sa mise en retraite en 2012 le même poste d'assistant de direction mais avec le statut de cadre et qu'elle a d'ailleurs repris ses missions ensuite. Sur ce moyen elle indique qu'ayant saisi le conseil des Prud'hommes le 22 juillet 2015, soit antérieurement au décret du 20 mai 2016, elle demeure recevable à formuler des demandes nouvelles en cause d'appel. Elle rappelle enfin que conformément aux dispositions de l'article L3243-3 du code du travail, l'acceptation sans protestation ni réserve de ses bulletins de paie ne vaut pas renonciation aux sommes dues en vertu de la loi, du règlement, d'une convention, d'un accord collectif ou d'un contrat.

En réplique la CMA CGM soutient que la grille de classification dont la salariée se prévaut, était une grille faisant exception à la grille générale applicable aux agences France compte tenu des particularités antérieures de l'agence de [Localité 7] en terme d'autonomie, qui n'est plus applicable depuis la réorganisation de 2008, qui a transféré au siège et à l'agence du Havre, des fonctions supports aux missions commerciales et notamment les missions RH. Sans contester l'absence de dénonciation formelle de la 'Filière postes uniques à [Localité 7]', elle soutient que par suite du transfert des fonctions supports, cette grille de classification n'était simplement plus opérante, la réunion des anciens critères de la classification n'étant plus possible. Au cas particulier de Mme [U], nommée au poste d'assistante de direction le 1er juillet 2010, la classification spécifique n'avait plus d'objet.

Par ailleurs la société soutient qu'au regard des fonctions réellement exercées par Mme [U] elle ne relevait pas du statut de cadre, rappelant qu'aucun droit à une promotion ne découle de la bonne exécution du contrat de travail. Elle fait valoir que les pièces qu'elle produit comme les tâches dont la salariée se prévaut, démontrent qu'il s'agissait de tâches administratives, de collecte et de transmission d'information, d'exécution et qu'elle ne rapporte pas la preuve de responsabilités plus ample, de fonction décisionnaire, d'encadrement avec pouvoir hiérarchique.

S'agissant de l'invocation du principe 'à travail égal, salaire égal', visant à réclamer une créance salariale, l'employeur soutient qu'il s'agit d'une demande nouvelle, puisqu'en 1er instance, le rappel de salaire n'était que la conséquence de la demande de classification au statut de cadre, et comme telle, prohibée par l'article 564 du code de procédure civile. Au fond l'employeur invoque l'existence de raisons objectives justifiant une différence de salaire avec Mme [R], dont le statut de cadre figurait au contrat de travail, dont le parcours professionnel était différent, de sorte que si le périmètre de ses fonctions avait été modifié à compter de la réorganisation de 2008, l'employeur ne pouvait modifier son contrat de travail.

Les demandes subséquentes

En conséquence de la revendication du statue de cadre Mme [U] réclame des rappels de salaires de janvier 2010 (en application des règles de la prescription) à décembre 2014.

Dans la suite de ses revendications elle demande également un réajustement de la prime d'intéressement calculée en fonction du montant de la rémunération brute annuelle mais soutient ne pouvoir le chiffrer, seul l'employeur ayant à sa disposition les éléments propres à pouvoir le faire de sorte qu'elle en demande la production sous astreinte.

Elle réclame également sous astreinte des bulletins de salaire rectifiés pour l'ensemble des mois et années concernées, une attestation Pôle emploi rectifiée, un certificat de travail conforme à la classification cadre à compter du mois de juillet 2009, ainsi que des attestations de salaires rectifiés pour les périodes d'arrêt de travail, les rappels de rémunération ayant une incidence sur le montant des indemnités journalières perçues et la régularisation auprès des organismes sociaux collecteurs des cotisations.

La CMA CGM relève des erreurs de calcul dans les rappels de salaires sollicités, soulève le caractère nouveau des demandes en cause d'appel relative à la remise d'un certificat de travail mentionnant la classification cadre, l'existence de demandes nouvelles dans les dernières conclusions (bulletins de salaires de chaque mois rectifiés et non plus bulletin de salaire unique, attestations de salaire rectifiées) et conteste la demande de remise sous astreinte, des modalités de calcul des primes d'intéressement, l'intimée n'ayant pas à palier la carence de l'appelante dans l'administration de la preuve.

Sur les dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

Mme [U] fait valoir que l'exécution déloyale du contrat de travail lui occasionne nécessairement un préjudice financier comme sur ses droits à retraite, que le maintien en situation de sous-classification a eu des répercussions sur son état de santé et entraîné un préjudice moral.

La société intimée soulève l'irrecevabilité de cette demande nouvelle en appel et soutient au fond qu'elle ne rapporte pas la preuve du préjudice moral allégué, les certificats médicaux ne faisant que rapporter les affirmation de Mme [U] et qu'elle ne quantifie pas les droits à retraite qu'elle prétend minorés.

SUR CE

La revendication du statut de cadre

Il appartient au salarié qui revendique une autre classification d'en établir la preuve.

Mme [U] était depuis le 1er janvier 2006 dans la catégorie agent de maîtrise, niveau V échelon 1 coefficient 320. L'intitulé de son poste figurant dans ses bulletins de paie était celui d'assistante administrative de direction. Par avenant à son contrat de travail en date du 16 juin 2010 il lui était attribué les fonctions d'assistante de direction au sein de l'agence de [Localité 7], statut agent de maîtrise, niveau V échelon 3 coefficient 360.

Au 1er soutien de sa revendication du statut de cadre la salariée se réfère à la classification 'Filières Postes uniques [Localité 7]' d'octobre 2006 qui classe le poste 'assistant direction agence' au statut cadre. Elle affirme donc qu'occupant les fonctions d'assistante de direction elle devait nécessairement relever du statut cadre 7 niveau B, échelon B coefficient 520 tel que retenu dans la dite classification .

Cette grille de classification est intégrée dans le document interne intitulé 'Commission Nationale Classification Personnel sédentaire. Siège social, Agence France, Antilles'.

L'origine du document n'est pas précisée.

Il ressort de la note interne à l'attention de l'ensemble du personnel de [Localité 7] en date du 24 janvier 2001 que la DRH avait entrepris en janvier 2000 le chantier de la classification des emplois, notamment sur le site de [Localité 7] où elle n'existait pas et qu'un protocole d'accord relatif aux salaires minima avait été signé avec les organisations syndicales le 20 juillet 2001.

Il ressort ensuite du protocole d'accord de la Commission 'classification des emplois' Personnel Sédentaires UES CMA/CGM du 8 février 2008 signé par l'employeur et les organisations syndicales que cette commission paritaire nationale de classification a notamment pour mission d'établir et de mettre à jour le référentiel national de nomenclature emplois et l'architecture de la classification, étudier les modifications d'organisation et de métier susceptibles d'impacter les classifications existantes. Le protocole précise que les décisions de la Commission Nationale sont applicables s'il y a accord de la délégation patronale et de la majorité de la délégation syndicale présente à la Commission.

La document 'Commission Nationale Classification Personnel Sédentaire' portant la date d'octobre 2006 n'est pas exhaustivement produit.

Son sommaire comprend 1. Filières Siège social, 2.Filières Agences France, 3. Filières Antilles. Au titre des Filières siège social une grille Filière Assistanat classant les seize postes recensés employé ou agent de maîtrise, à l'exception du poste d' 'Assistant de direction de Présidence' comme cadre et au titre des Filières Agences France, une grille Filières Postes Unique [Localité 7] comprenant dix postes dont celui d' 'Assistant Administratif Agence' comme agent de maîtrise et celui d' 'Assistant Direction Agence' comme cadre, à l'instar du poste de 'Contrôleur de gestion confirmé' et de 'Coordinateur commercial et Opérations Delom' .

Au cas présent il n'est pas produit l'accord d'entreprise ayant instauré la grille de classification 'Filières Postes unique à [Localité 7]', ni précisé sa date. Il résulte de la grille nominative intitulée 'Classification Agences [Localité 7] - Evaluation des Fonctions-Postes Uniques' que Mme [R] , 'Assistante de direction Agence', était cadre à la date de mise à jour du document le 24 juin 2004.

Il ne ressort de la grille de 2006 aucune référence à des critères de classification : âge, ancienneté, conditions pour bénéficier de la qualité de cadre au sens de la convention collective du personnel sédentaire des entreprises de navigation signée le 14 septembre 2010, en particulier de son annexe 2 relatif à l'accord de branche du 19 février 1997 énonçant les critères applicables à la classification des emplois selon 3 critères de responsabilité (importance du domaine d'action, influence sur le domaine d'action, autonomie d'action), 3 critères de compétence (connaissances requises, aptitude aux relations humaines, aptitude à l'encadrement) et un critère d'exigence particulière de l'emploi au regard de la disponibilité, les déplacements ou les astreintes qu'il implique.

La salariée soutient que l'accord d'entreprise en vigueur en 2006 n'a pas été dénoncé et que le poste d'assistant de direction agence [Localité 7] n'a pas été touché par la révision des classifications opérée postérieurement pour tirer les conséquences de la restructuration de l'entreprise CMA CGM emportant redéfinition du périmètre d'action des agences et réattribution de certaines missions entre elles. Il n'est produit pour en attester qu'une note interne du 10 mars 2011 rédigée par [N] [C] expliquant les principaux changements en terme de classification au sein de l'Agence France. La note est taisante sur le poste d'assistant de direction agence.

Cependant nonobstant la question de l'opposabilité de l'ancienne classification de 2006, Mme [U] ne peut valablement se référer à la nomenclature du poste d' 'Assistante de Direction Agence' qui ne correspond pas à l'intitulé exact de son poste et revendiquer de plein droit un automatisme de classification. Il existe d'ailleurs une fiche de poste spécifique du poste d'Assistante de Direction Agence.

L'intitulé de son poste étant celui d'assistante de direction, la question de sa classification ne peut être examinée indépendamment des fonctions réellement exercées.

Au 2ème soutien de ses prétentions elle s'appuie sur les promesses faites par la direction en 2009 de 'changement de titre et de statut' alors que l'avenant du 16 juin 2010 ne lui a attribué que les fonctions d'assistante de direction statut agent de maîtrise niveau V échelon 3 coefficient 360.

Elle produit en ce sens le mail de Mr [V], directeur de l'agence [Localité 7] adressé à [L] [P], responsable ressources humaines, le 29 juin 2009 pour lui rappeler que Mme [U] 'mérite largement qu'on revoie sa classification et qu'on la confirme dans la position d'assistante de direction.... Depuis 9 ans elle s'occupe de la gestion du standard et toutes les tâches administratives de l'agence ...elle m'assiste dans beaucoup de dossiers... Depuis les dernières discussions avec Mr [Z], elle a fait d'énormes progrès. Elle m'assiste dans beaucoup de dossiers mais à chaque fois la validation de son poste est repoussée pour diverses raisons...C'est quelqu'un de dévoué et motivé et elle mérite qu'on régularise cette situation une fois pour toutes '.

Le 30 juillet 2009 [L] [P] l'informe par mail que 'vos changements de titre et de statut seront effectifs sur votre bulletin de salaire du mois de juillet. Le service d'administration du personnel vous contactera dans les prochains jours pour vous faire signer votre avenant'

Par mail du 12 février 2010 Mr [V] répondait aux sollicitations de Mme [U] qu'il s'était bien occupé de son dossier, avait envoyé un message à [L] [P] 'qui devait régulariser la situation ....je reprendrais le dossier avec [S] [B] [A] pour finaliser définitivement le dossier'

Mais ces éléments, qui évoquent un changement de statut, de classification ou de titre, sans jamais citer le statut de cadre, qui sont à l'initiative du seul directeur d'agence non décisionnaire et qui se rattachent davantage à l'expression d'une gratification, ne peuvent être en eux-même déterminants dans la nécessaire démonstration de l'adéquation entre ses fonctions et le statut revendiqué .

Par ailleurs les entretiens d'évaluation de 2008 et 2009 objectivent que la grille des compétences de management ne sont pas renseignées avec la mention 'non applicable' et les évaluations littérales ne renvoient pas à un changement de statut : 'elle a définitivement passé un palier, participe pleinement aux différentes tâches/dossiers direction et prépare des présentations' (2008) ' continue de progresser. La formation synergie portuaire lui sert à mieux appréhender les tâches qu'elle effectue. Le travail accompli est de bonne qualité'.

Au 3ème soutien la salariée appelante invoque les fonctions réellement exercées comme relevant du statut de cadre et soutient qu'au bénéficie du BTS Assistant de direction obtenu en 2004 elle occupait les fonctions d'assistant de direction avant même l'obtention du titre en 2010.

Il résulte des pièces produites (mail, notes ) que :

- elle était responsable du standard /accueil avec fonction d'encadrement de deux agents : notes internes du 21 novembre 2000 par lesquelles le directeur général la désigne comme responsable de l'organisation et de la gestion du standard, entretiens d'évaluation de Mme [D], Mme [I], hôtesses d'accueil/ standardistes en 2003 conjointement réalisé par Mme [U] N+1 et le N+2 , désignée comme responsable sur la fiche de poste des agents d'accueil du 15 décembre 20104, contribution en tant que responsable hiérarchique à l'évaluation de la formation suivie par Mme [D] et Mme [J] les 19 et 23 juin 2009, gestion matérielle du recrutement des remplacements temporaires de ces agents transmis ensuite pour validation

- il lui a été confié en 2001 la responsabilité des commandes de fournitures et de la gestion de ses stocks en même temps qu'elle est affectée deux jours par semaine au secrétariat de direction ce qui peut être mis en relation avec son habilitation, en qualité d'assistante administrative, dans un tableau récapitulatif non daté, parmi seize autres membres du personnel à signer les bons à payer

- elle intervenait dans la gestion du service courrier : échanges de mails du 24 avril au 4 mai 2009 pour informer d'un changement de fournisseur de transport de documents et de la mise en place à cette fin d'une formation pour les agents dont elle a collecté et géré l'inscription,

interlocutrice pour le prestataire affranchissement courrier (courrier du 3 décembre 2003), pour le prestataire transport TNT (courrier du 25 mars 2009)

- elle participait à la gestion des absences des salariés (maladie, RTT, congés annuels) en faisant l'interface avec le service paie de la DRH jusqu'à la reprise totale de ces tâches par la DRH dès 2011 (note interne du 9 février 2011) et plus généralement en 2012: centralisation des déclarations d'absences par les chefs de service (notes de services du directeur général le 6 septembre 2001, de Mme [R] le 20 décembre 2001), établissement d'états des absences des personnels ventilées suivant la nature de celles-ci, de tableaux des congés maternité ou parental en 2008/2009 et 2009/2010, création d'une matrice pour l'enregistrement des absences (dans le cadre de la validation des acquis de l'expérience en 2004

- elle était en charge du service des médailles d'honneur

- elle centralisait les astreintes, transmettait le listing mensuel au service paie de la DRH et établissait des tableaux statistiques et récapitulatifs des astreintes (mails du 20 mars 2014 et du 14 août 2014, tableau du mois d'avril 2009, tableau du coût des astreintes)

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que Mme [U] avait certes des attributions multiformes mais qui relevaient de la gestion courante, du travail de préparation, d'assistance, de transmission, sans traduire une autonomie d'action et de décision ni un niveau de responsabilités excédant la fiche de poste de l'assistant administratif de direction agence qu'elle produit en date du 12 juillet 2004, pas plus que de la seconde fiche de poste Assistant Administratif agence [Localité 7], simplifiée, réduite (excepté pour l'ajout du suivi des dossiers de médailles du travail) mais non datée, non renseignée ni paraphée, également produite.

Par ailleurs aucune évolution notable de ses fonctions n'est observée.

Si elle produit un récapitulatif de ses attributions établi par ses soins, nombre des tâches visées ne sont étayées par aucun élément tangible, concret, permettant d'en justifier ni de déterminer à partir de quel date elle aurait eu cette charge, que ce soit dans le domaine des services généraux hors les secteurs standard /accueil, courrier, fournitures ou celui des dossiers de direction : trafic du port tous bassins entrées/sorties, escales des navires bassin E/O avec tableaux de synthèses, synthèses des bassins E/0 par secteur de navire, dossier escales portes conteneurs, trafic mensuel et annuel des bassins E/0 +cumul....

En conséquence Mme [U] ne rapporte pas la preuve que les fonctions qu'elle exerçait réellement correspondaient à la catégorie qu'elle revendique.

Au 4ème soutien elle invoque le principe 'à travail égal salaire égal'.

En application de ce principe, lorsqu'un salarié accomplit avec une ancienneté et un niveau comparable, de par sa formation, sa qualification, le même travail que ses collègues, il doit percevoir une rémunération d'un même montant. Ce principe d'égalité de traitement peut recevoir application pour l'ensemble des droits individuels et collectifs, financiers ou non.

Il appartient au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité, à charge pour l'employeur de justifier que les différences reposent sur des raisons objectives .

Ce nouveau fondement présenté en appel ne constitue pas une prétention nouvelle au sens de l'article 564.

Mme [U] se compare à Mme [R] en soutenant qu'elles étaient placées dans une situation de travail identique de sorte qu'aucune raison objective ne justifiait leur différence de statut et d'évolution de carrière.

Il résulte des pièces produites que Mme [R] occupait le poste d'assistante de direction Agence (nécessitant aux termes de la fiche de poste un niveau bac +2 ), statut cadre, depuis au moins 2004 et bénéficiait donc d'une expérience professionnelle beaucoup plus longue dans ses fonctions.

S'agissant de la situation de travail, la salariée s'appuie sur l'attestation de [X] [V], directeur général Agence de [Localité 7], en date du 3 juin 2014 par laquelle il indiquait que 'En 2004 suite à la réussite de son BTS d'assistante de direction, je lui ai confié des dossiers de plus en plus importants, le même type de dossiers que je confiais à Mme [R] (dossier de Mr [E], volume Fidélité Croissance, GP2M, recrutement, Organigramme, gestion de l'immeuble Espace Gaymard, présentation Management Meeting...).

A cette époque, l'Agence de [Localité 7] gérait également les agences de [Localité 11], de [Localité 6], de [Localité 9] ainsi que le service transit armement devenu depuis CC LOG, soit environ 150 personnes.

Les deux assistantes géraient l'une comme l'autre mes dossiers. Après le départ de Mme [R] en avril 2012, Mme [U] a repris la totalité des dossiers.

Même si certains tâches du poste ont été récupérées par la DRH (congés, budget...) il n'en demeure pas moins que la plupart des tâches sont restées inchangées. Jusqu'à ce jour, Mme [U] a toujours rempli sa fonction à ma plus grande satisfaction'.

Bien qu'il affirme qu'elles géraient les dossiers qu'il leur confiait sans différenciation entre les deux salariées, il ne peut être tiré de cette seule attestation, qui contient ses propres limites et imprécisions (progressivité dans la prise en charge des dossiers, données quantitatives et qualitatives insuffisantes, modification du périmètre d'action, transfert de certaines tâches) des éléments suffisants à caractériser une situation de travail identique ou de même valeur .

Les dites affirmations ne sont pas étayées par des élément précis, concrets, circonstanciés, quantifiables.

Et si le traitement des dossiers du directeur d'agence constituait bien une de leurs attributions, les fonctions qu'elles exerçaient respectivement dépassaient ce périmètre.

Selon la grille d'évaluation mise à jour en 2004 dans la classification Agences [Localité 7], Postes Uniques, Mme [R] effectuait le secrétariat du directeur, était désignée comme l'interlocuteur du personnel de l'agence concernant l'administration du personnel et assurait l'encadrement de deux personnes.

Plus précisément la fiche de poste Assistant de Direction Agence détaille les missions parmi lesquelles le secrétariat du directeur (courriers, rapports, fax, messagerie, gestion de l'agenda, organisation des déplacements...), la gestion par délégation avec rapport du suivi des dossiers présidence (mise en place de caution en douane, suivi des droits de ports, suivi des ristournes Pam et Y Barra, suivi des recouvrements, contrôle des factures de certains prestataires..), le rôle de référent du personnel de l'agence sur les questions relatives à l'administration du personnel (suivi des formation, gestion des astreintes, classification des postes...), l'organisation des déplacements du personnel de l'Agence, le suivi des demandes de recrutement, des travaux spécifiques (tableaux de suivi des effectifs, études statistiques sur l'activité import/export de l'agence, études diverses : rentabilité, création de département).

Cette fiche de poste prévoit également au titre de l'autonomie d'action, que l'Assistant de Direction Agence en réfère à son directeur pour toute prise de décision ayant un impact financier important, alerte sur les échéances à respecter (contrats de travail), qu'il gère au quotidien les dossiers en cours concernant l'administration du personnel, la gestion de l'immeuble, les cautions en douane et effectue des comptes rendus.

Ainsi si les deux salariées pouvaient exercer un certain nombre de tâches semblables, le panel des fonctions et le niveau de responsabilité de Mme [R] différaient de ceux qui ont été retenus ci-dessus s'agissant de Mme [U].

D'ailleurs le mail qu'adresse Mme [R] le 14 février 2012 à Mme [U] peut s'analyser comme une transmission pratique des tâches qui lui étaient antérieurement dévolues et que Mme [U] devait s'approprier après son départ. Il n'est ensuite produit aucun élément tangible de la reprise in extenso des attributions citées et il est établi et non contesté que certaines tâches ont été redispatchées (statistiques clients, gestion des absences, vérification/validation des factures fournisseurs).

Pour sa part la société CMA CGM, tenue de justifier par des raisons objectives la différence de traitement entre les salariées, rappelle qu'elle ne pouvait remettre en cause le statut de cadre contractualisé avec Mme [R], élément non contesté, après la restructuration de l'entreprise en 2009 ayant réduit son périmètre fonctionnel. Après son départ en 2012 elle n'a pas été remplacée.

Mme [U] s'appuie également sur une grille dont rien ne permet d'identifier l'origine, la date, ni l'application concernée et faisant apparaître le poste de secrétaire de direction RH, sur le site LHV, occupé par M.H [K] avec la classification de cadre au même échelon et coefficient que Mme [R]. Alors que l'égalité de traitement suppose un travail identique ou de valeur égale, aucun élément d'appréciation n'est apporté sur le poste et les fonctions exercées.

Il résulte de ce qui précède que ces éléments de faits sont insuffisants pour être susceptibles de caractériser une inégalité de traitement et le jugement déféré sera confirmé.

Elle sera en conséquence déboutée de l'ensemble de ses demandes subséquentes, au titre des rappels de salaire, de rappel sur prime d'intéressement, de la production sous astreinte des documents relatifs à la prime d'intéressement, de la délivrance des documents de fin de contrat rectifiés et des attestations pour les périodes d'arrêt de travail, de la régularisation auprès des organismes sociaux, des dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail .

Les dispositions accessoires':

Mme [U] qui succombe en son appel sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée aux dépens d'appel.

L'équité et la situation des parties commandent de débouter la société CMA CGM de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Déclare l'appel recevable,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute Mme [U] de ses autres prétentions,

Déboute Mme [U] et de la société CMA CGM de leur demande respective sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [U] aux dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-3
Numéro d'arrêt : 17/05647
Date de la décision : 13/12/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°17/05647 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-12-13;17.05647 ?
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