La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/06/2021 | FRANCE | N°20-14854

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 10 juin 2021, 20-14854


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 juin 2021

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 568 F-P

Pourvoi n° J 20-14.854

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 JUIN 2021

La société d'assurances GMF AIS, société anonyme, dont

le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 20-14.854 contre l'arrêt rendu le 6 février 2020 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), d...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 juin 2021

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 568 F-P

Pourvoi n° J 20-14.854

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 JUIN 2021

La société d'assurances GMF AIS, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 20-14.854 contre l'arrêt rendu le 6 février 2020 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [T] [U], domiciliée [Adresse 2],

2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) [Localité 1], dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société d'assurances GMF AIS, de la SCP Spinosi, avocat de Mme [U], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 mai 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 6 février 2020), statuant sur renvoi après cassation (2e civ. 13 septembre 2018, pourvoi n° 17-26.011), Mme [U], victime, en 1986, d'un accident de la circulation, a été indemnisée par la société GMF AIS, assureur du véhicule impliqué.

2. Imputant à l'accident une aggravation de son état de santé, Mme [U] a assigné, en 2013, la société GMF AIS (l'assureur) à fin d'indemnisation, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie [Localité 1].

3. Mme [U] a obtenu en appel une indemnisation globale de préjudice à hauteur de 1 163 598, 80 euros, incluant une somme de 720 149, 37 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs et une somme de 10 000 euros au titre du préjudice lié à l'incidence professionnelle.

4. La Cour de cassation a, par arrêt du 13 septembre 2018, cassé avec renvoi l'arrêt ayant statué sur le préjudice de Mme [U], seulement en ce qu'il a condamné l'assureur à lui payer la somme totale de 1 163 598,80 euros, déduction faite des provisions versées à concurrence de 7 000 euros avec intérêts légaux à compter du 11 décembre 2014 sur la somme de 34 597,50 euros, du 28 avril 2015 sur la somme de 385 660,34 euros, et de l'arrêt pour le surplus.

5. La requête en rectification d'erreur matérielle de l'arrêt du 13 septembre 2018, formée par Mme [U], en ce que l'arrêt de la cour d'appel n'aurait été cassé qu'en ses dispositions condamnant l'assureur à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, a été rejetée par un arrêt du 21 janvier 2021 (n° 17-26.011).

Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. L'assureur fait grief à l'arrêt, constatant que Mme [U] ne formulait aucune demande au titre de l'incidence professionnelle, de le condamner à lui verser la somme de 1 153 598,80 euros déduction faite des provisions versées à concurrence de 7 000 euros avec intérêts légaux à compter du 11 décembre 2014 sur la somme de 34 597,50 euros, du 28 avril 2015 sur la somme de 385 660,34 euros et du 13 septembre 2016 pour le surplus et de le débouter de ses demandes plus amples ou contraires, alors « que la cassation qui atteint un chef de dispositif n'en laisse rien subsister, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation ; qu'en l'espèce, par un arrêt en date du 13 septembre 2018, la Cour de cassation a cassé et annulé, « mais seulement en ce qu'il condamne la compagnie AIS GMF à payer à Mme [C] [U], la somme totale d'un montant de 1 163 598,80 euros déduction faite des provisions versées à concurrence de 7 000 euros avec intérêts légaux à compter du 11 décembre 2014 sur la somme de 34 597,50 euros, du 28 avril 2015 sur la somme de 385 660,34 euros, et du présent arrêt pour le surplus, l'arrêt rendu le 13 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être faire droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry » ; qu'en jugeant qu'il convenait de donner acte à Mme [U] de son renoncement à solliciter une indemnisation au titre de l'incidence professionnelle et de déduire de l'indemnité globale visée dans le dispositif de l'arrêt du 13 septembre 2016 de la cour d'appel de Grenoble (1 163 598,80 euros), le montant alloué au titre de l'incidence professionnelle (10 000 euros), les autres dispositions de l'arrêt demeurant inchangées, quand, du fait de la cassation du chef de dispositif ayant condamné la société GMF AIS à paiement d'une somme totale de 1 163 598,80 euros, tous les postes de préjudice réparés globalement par ce chef de dispositif désormais annulé pouvaient être rediscutés devant la cour d'appel de renvoi, quel que soit le moyen ayant déterminé cette cassation, la cour d'appel a violé les articles 623, 624 et 625 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 623, 624 et 625 du code de procédure civile :

8. Il résulte de ces textes que lorsque la cassation, dont la portée est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce, atteint un chef de dispositif de la décision attaquée, elle n'en laisse rien subsister, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation.

9. Pour condamner l'assureur à verser à Mme [U] la somme de 1 153 598,80 euros, déduction faite des provisions versées et avec intérêts légaux selon les modalités qu'il a fixées, et le débouter de ses demandes plus amples ou contraires, l'arrêt retient, que dans son arrêt de cassation partielle du 13 septembre 2018, la Cour de cassation a spécifié expressément que le motif de cassation portait uniquement sur le fait que l'indemnisation de l'incidence professionnelle ne pouvait se cumuler avec l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs sur la base d'une rente viagère, et que Mme [U] ne sollicitant, devant la cour d'appel de renvoi, aucune indemnisation au titre de l'incidence professionnelle, il y avait lieu de déduire de l'indemnité globale de 1 163 598,80 euros, le montant alloué au titre de l'incidence professionnelle (10 000 euros), les autres dispositions de l'arrêt partiellement cassé demeurant inchangées.

10. En statuant ainsi, alors qu'en l'absence de tout chef de dispositif se rapportant à l'indemnisation de l'incidence professionnelle, la cassation, par l'arrêt du 13 septembre 2018, du chef de dispositif condamnant l'assureur à payer à Mme [U] la somme totale de 1 163 598,80 euros, déduction faite des provisions versées à concurrence de 7 000 euros avec intérêts légaux à compter du 11 décembre 2014 sur la somme de 34 597,50 euros, du 28 avril 2015 sur la somme de 385 660,34 euros, et de l'arrêt pour le surplus, ne laissait rien subsister de ce chef de dispositif, et imposait à la juridiction de renvoi de se prononcer sur tous les postes de préjudice réparés globalement par ce chef de dispositif annulé, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute Mme [U] de sa demande relative à l'irrecevabilité des conclusions notifiées le 21 janvier 2019 par la société GMF AIS, l'arrêt rendu le 6 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Condamne Mme [U] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [U] et la condamne à payer à la société GMF AIS la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du dix juin deux mille vingt et un et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société d'assurances GMF AIS

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir, constatant que Mme [U] ne formulait aucune demande au titre de l'incidence professionnelle, condamné la société GMF AIS à lui verser la somme de 1 153 598,80 euros déduction faite des provisions versées à concurrence de 7 000 euros avec intérêts légaux à compter du 11 décembre 2014 sur la somme de 34 597,50 euros, du 28 avril 2015 sur la somme de 385 660,34 euros et du 13 septembre 2016 pour le surplus et d'avoir débouté la société GMF AIS de ses demandes plus amples ou contraires ;

Aux motifs que, sur l'étendue de la saisine de la cour de renvoi, dans son arrêt du 13 septembre 2018, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation casse partiellement l'arrêt déféré de la cour d'appel de Grenoble en spécifiant expressément que le motif de cassation porte uniquement sur le fait que l'indemnisation de l'incidence professionnelle ne peut se cumuler avec l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs sur la base d'une rente viagère, sauf à violer le principe de la réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime ; qu'or, Mme [U] indique, dans ses dernières conclusions, ne solliciter aucune indemnisation au titre de l'incidence professionnelle ; que dans ces conditions, il convient de donner acte à Mme [U] de son renoncement et de déduire de l'indemnité globale visée dans le dispositif de l'arrêt du 13 septembre 2016 de la cour d'appel de Grenoble (1 163 598,80 euros), le montant alloué au titre de l'incidence professionnelle (10 000 euros), les autres dispositions de l'arrêt demeurant inchangées ;

Alors 1°) que la cassation qui atteint un chef de dispositif n'en laisse rien subsister, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation ; qu'en l'espèce, par un arrêt en date du 13 septembre 2018, la Cour de cassation a cassé et annulé, « mais seulement en ce qu'il condamne la compagnie AIS GMF à payer à Mme [C] [U], la somme totale d'un montant de 1 163 598,80 euros déduction faite des provisions versées à concurrence de 7 000 euros avec intérêts légaux à compter du 11 décembre 2014 sur la somme de 34 597,50 euros, du 28 avril 2015 sur la somme de 385 660,34 euros, et du présent arrêt pour le surplus, l'arrêt rendu le 13 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être faire droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry » ; qu'en jugeant qu'il convenait de donner acte à Mme [U] de son renoncement à solliciter une indemnisation au titre de l'incidence professionnelle et de déduire de l'indemnité globale visée dans le dispositif de l'arrêt du 13 septembre 2016 de la cour d'appel de Grenoble (1 163 598,80 euros), le montant alloué au titre de l'incidence professionnelle (10 000 euros), les autres dispositions de l'arrêt demeurant inchangées, quand, du fait de la cassation du chef de dispositif ayant condamné la société GMF AIS à paiement d'une somme totale de 1 163 598,80 euros, tous les postes de préjudice réparés globalement par ce chef de dispositif désormais annulé pouvaient être rediscutés devant la cour d'appel de renvoi, quel que soit le moyen ayant déterminé cette cassation, la cour d'appel a violé les articles 623, 624 et 625 du code de procédure civile ;

Alors 2°) que, les juges du fond ne peuvent dénaturer les document de la cause ; que, par un arrêt du 13 septembre 2018, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé, « mais seulement en ce qu'il condamne la compagnie AIS GMF à payer à Mme [C] [U], la somme totale d'un montant de 1 163 598,80 euros déduction faite des provisions versées à concurrence de 7 000 euros avec intérêts légaux à compter du 11 décembre 2014 sur la somme de 34 597,50 euros, du 28 avril 2015 sur la somme de 385 660,34 euros, et du présent arrêt pour le surplus, l'arrêt rendu le 13 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble » ; qu'en retenant, pour considérer qu'elle n'était saisie que de la question de l'indemnisation de Mme [U] au titre de l'incidence professionnelle et que les autres dispositions de l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble en date du 13 septembre 2016 demeuraient inchangées, que par l'arrêt susvisé, la Cour de cassation avait cassé partiellement cette décision en spécifiant expressément que le motif de cassation portait uniquement sur le fait que l'indemnisation de l'incidence professionnelle ne pouvait se cumuler avec l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs sur la base d'une rente viagère, la cour d'appel, qui a dénaturé cet arrêt qui avait anéanti sans aucune restriction le chef de dispositif de l'arrêt ayant condamné la société GMF à paiement de la somme globale de 1 163 598, 80 euros, a violé l'article 4 du code de procédure civile, ensemble le principe faisant interdiction aux juges du fond de dénaturer les documents de la cause.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 20-14854
Date de la décision : 10/06/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

CASSATION - Effets - Etendue de la cassation - Détermination - Portée

CASSATION - Juridiction de renvoi - Pouvoirs - Connaissance du chef du litige tranché dans tous ses éléments de fait et de droit - Cassation partielle - Etendue - Détermination - Portée

Il résulte des articles 623, 624 et 625 du code de procédure civile que lorsque la cassation, dont la portée est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce, atteint un chef de dispositif de la décision attaquée, elle n'en laisse rien subsister, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation


Références :

Articles 623, 624 et 625 du code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 06 février 2020

A rapprocher : 2e Civ., 28 mai 1990, pourvoi n° 89-14349, Bull. 1990, II, n° 115 (cassation) ;

Com., 15 octobre 2002, pourvoi n° 01-11518, Bull. 2002, IV, n° 142 (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 10 jui. 2021, pourvoi n°20-14854, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie, SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.14854
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award