LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 25 novembre 2020
Cassation partielle
M. CATHALA, président
Arrêt n° 1120 FP-P+B+R+I
Pourvoi n° P 18-13.769
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 NOVEMBRE 2020
La société AGC France, société par actions simplifiée, dont le siège est 100 rue Léon Gambetta, BP 1, 59168 Boussois, a formé le pourvoi n° P 18-13.769 contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2018 par la cour d'appel de Caen (1re chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. I... G..., domicilié [...] ,
2°/ à M. P... RY... , domicilié [...] ,
3°/ à M. H... T..., domicilié [...] ,
4°/ à Mme L... S..., domiciliée [...] ,
5°/ à M. R... S..., domicilié [...] ,
6°/ à M. N... M..., domicilié [...] ,
7°/ à M. U... V..., domicilié [...] ,
8°/ à M. X... O..., domicilié [...] ,
9°/ à M. JY... A..., domicilié [...] ,
10°/ à M. K... E..., domicilié [...] ,
11°/ à M. Y... B..., domicilié [...] ,
12°/ à M. Q... F..., domicilié [...] ,
13°/ à l'ATC tutelle, dont le siège est BP 70222, 14653 Carpiquet cedex, prise en qualité de curatelle renforcée de M. Q... F...,
14°/ à M. W... D..., domicilié [...] ,
15°/ à Mme GS... LU..., domiciliée [...] ,
16°/ à M. J... C..., domicilié [...] ,
17°/ à M. JA... O..., domicilié [...] ,
18°/ à M. Q... BB..., domicilié [...] ,
19°/ à M. SW... MJ..., domicilié [...] ,
20°/ à Mme JM... UN..., domiciliée [...] , prise en qualité de mandataire liquidateur de la société AGC David miroiterie,
21°/ à l'AGS-CGEA de Rouen, dont le siège est 73 rue Martainville, CS 11716, 76108 Rouen cedex,
22°/ à Pôle emploi, dont le siège est 1-5 avenue du docteur Gley, 75987 Paris cedex 20,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Prache, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de la société AGC France, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. G... et des dix-sept autres salariés et de l'ATC tutelle, ès qualités, les plaidoiries de Me Buk Lament et celles de Me BX..., l'avis écrit de M. Weissmann, avocat général référendaire et l'avis oral de Mme Berriat, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 octobre 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Prache, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mme Farthouat-Danon, M. Schamber, Mme Leprieur, MM. Rinuy, Ricour, Mme Van Ruymbeke, M. Pietton, Mmes Cavrois, Pécaut-Rivolier, Monge, Richard, conseillers, Mmes Ala, Chamley-Coulet, M. Duval, conseillers référendaires, Mme Berriat, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 19 janvier 2018), le groupe David, composé de la société David miroiterie et de la société David services, a été repris le 22 septembre 2010 par le groupe verrier japonais AGC (Asahi Glass Compagny Limited). La société AGC France exerçait la présidence de la nouvelle société AGC David miroiterie venue aux droits de la société David miroiterie et ayant absorbé la société David services. Les actions de la société AGC David miroiterie étaient détenues par une autre société du groupe, également présidée par la société AGC France.
2. Les salariés non protégés ont été licenciés pour motif économique le 16 mai 2012, en raison de la cessation d'activité de la société AGC David miroiterie. Celle-ci a été placée le 9 janvier 2013 en liquidation judiciaire avec poursuite d'activité jusqu'au 9 avril 2013, Mme UN... étant désignée en qualité de liquidatrice.
3. Contestant leur licenciement, les salariés ont saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de dommages-intérêts à l'encontre de la société AGC David miroiterie et de la société AGC France, invoquant la qualité de coemployeur de celle-ci.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La société AGC France fait grief à l'arrêt de la déclarer coemployeur avec la société AGC David miroiterie, de dire qu'elle est tenue, in solidum avec cette dernière société, au paiement et au remboursement de diverses sommes, et de la condamner au paiement de ces sommes, alors « qu'une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un coemployeur à l'égard du personnel employé par une autre, hors l'existence d'un lien de subordination, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ; qu'en retenant, pour décider que la société AGC France avait la qualité de coemployeur des salariés à la cause, qu'à compter de février 2012, la société AGC David miroiterie a délégué à cette société la gestion de ses ressources humaines, que cette dernière lui a facturé son intervention, que dès septembre 2010, la gestion administrative de la société AGC David miroiterie a été assurée par une filiale de la société AGC France, moyennant redevance, que cette dernière société a géré sa trésorerie et, qu'entre la fermeture du site en avril 2012 et la liquidation judiciaire en janvier 2013, elle a repris les actifs de la société AGC David miroiterie à son profit ou au profit de ses filiales dans des conditions désavantageuses pour cette dernière, la cour d'appel a statué par des motifs ne permettant pas de caractériser une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion de la société AGC France dans la gestion économique et sociale de la société AGC David miroiterie, violant ainsi l'article L. 1221-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1221-1 du code du travail :
5. La Cour juge de façon constante que, hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un coemployeur, à l'égard du personnel employé par une autre, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière (Soc., 2 juillet 2014, n° 13-15.209 et s., Bull. 2014, V, n° 159, Molex ; Soc., 6 juillet 2016, n° 14-27.266 et s., Bull. 2016, V, n° 146, Continental ; Soc., 6 juillet 2016, n° 14-26.541, Bull. 2016, V, n° 145, Proma ; Soc., 6 juillet 2016, n° 15-15.481 à 15-15.545, Bull. 2016, V, n° 147, 3 Suisses).
6. Le premier de ces arrêts a ainsi été commenté par la chambre sociale (Site de la Cour, mensuel du droit du travail n° 56, juillet 2014, p. 4) : "L'arrêt confirme l'importance prise par ce critère d'immixtion dans la gestion économique et sociale de sa filiale par la société mère. Seule est susceptible d'être reprochée à une société mère son immixtion globale et permanente dans le fonctionnement de sa filiale, qui doit prendre à la fois une dimension économique et une dimension sociale. (...) Il n'y a immixtion sociale qu'à condition que la direction du personnel et la gestion des ressources humaines soient prises en main par la société mère qui ne permet plus à la filiale de se comporter comme le véritable employeur à l'égard de ses salariés. La situation de coemploi devrait donc rester exceptionnelle."
7. Il apparaît nécessaire eu égard à l'évolution du contentieux de préciser les critères applicables en la matière.
8. Il y a lieu de juger, en application de l'article L. 1221-1 du code du travail précité, que, hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.
9. Pour déclarer la société AGC France coemployeur avec la société AGC David miroiterie, dire qu'elle est tenue, in solidum avec cette dernière société, au paiement et au remboursement de diverses sommes et la condamner au paiement de ces sommes, l'arrêt retient que les sociétés AGC David miroiterie, AGC France, les autres filiales ou sous-filiales oeuvraient toutes dans le domaine du verre et en ce qui concerne les filiales -dont AGC David miroiterie- plus particulièrement dans la transformation du verre.
10. L'arrêt relève également que la société AGC France présidait, par l'intermédiaire d'un directeur, M. KR..., qui la représentait, d'une part, la société AGC David miroiterie, d'autre part, la société Isatis, actionnaire de la société AGC David miroiterie. Il constate que M. KR... avait réalisé des rapports et projets sur la situation de la société AGC David miroiterie, géré des litiges commerciaux, signé des contrats de location, de maintenance, des lettres d'embauche, d'avertissement, de rupture, ainsi qu'un accord salarial en février 2011 et accordé des congés payés, sans que soit démontrée l'existence de consignes particulières données par la société AGC David miroiterie à ces diverses occasions.
11. L'arrêt constate encore que si les éléments produits ne permettent pas d'établir que les achats de fournitures et de machines étaient autorisés par la société AGC France ni que celle-ci fixait les prix de vente, il était imposé en revanche à la société AGC David miroiterie de traiter diverses commandes, rarement rentables, pour d'autres sociétés du groupe, qu'elle était parfois amenée à prêter ses machines à d'autres sociétés françaises du groupe et bénéficiait également de prêts.
12. L'arrêt retient enfin qu'il existait, entre les sociétés AGC France et AGC David miroiterie, une confusion de direction, d'intérêt et d'activités qui s'est traduite par une immixtion anormale de la société AGC France dans la gestion sociale de la société AGC David miroiterie, la seconde ayant délégué à la première, à compter de février 2012, la gestion de ses ressources humaines et la société AGC France lui ayant facturé son intervention. Il ajoute que cette confusion s'est également traduite par une immixtion anormale dans la gestion économique puisque, dès septembre 2010, la gestion administrative de la société AGC David miroiterie a été assurée par une autre filiale du groupe, moyennant redevance, et que la trésorerie a été gérée par la société AGC France. L'arrêt observe que, en outre, entre la fermeture du site en avril 2012 et la liquidation judiciaire en janvier 2013, la société AGC France a repris les actifs de la société AGC David miroiterie à son profit ou au profit d'autres filiales dans des conditions désavantageuses pour la société AGC David miroiterie.
13. En se déterminant ainsi, sans caractériser une immixtion permanente de la société AGC France dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la société AGC David miroiterie et la société AGC France coemployeuses des salariés, juge que la société AGC France est tenue, in solidum avec la société AGC David miroiterie, au paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à l'égard de la société AGC France, condamne la société AGC France au paiement de ces sommes, juge que la société AGC France est tenue, in solidum avec la société AGC David miroiterie, au paiement de diverses sommes en application de l'article 700 du code de procédure civile, des dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au remboursement à Pôle Emploi des allocations de chômage versées aux salariés et condamne la société AGC France au paiement de ces sommes, l'arrêt rendu le 19 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour la société AGC France
La société AGC France fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déclarée coemployeur avec la société AGC David Miroiterie des salariés à la cause, d'avoir en conséquence dit qu'elle était tenue, in solidum, avec cette dernière société, au paiement des sommes de 28.650 €, de 27.200 €, de 13. 600 €, de 40.000 €, de 35.000 €, de 28.800 €, de 33.000 €, de 39.000 €, de 46.000 €, de 10.000 €, de 14.000 €, de 16.000 €, 44.000 €, 22.000 €, de 23.000 €, de 43.000 €, de 40.000 € et de 42.000 € allouées respectivement à M. M. MJ..., G..., E..., RY... , B..., T..., F... assisté par sa curatrice l'association ATC tutelle, D..., S..., M..., C..., V..., X... O..., JA... O..., BB..., A... et à Mmes S... et LU... à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l'avoir condamnée au paiement de ces sommes et de l'avoir déclarée tenue, in solidum, avec la société AGC David Miroiterie à rembourser à Pôle Emploi les allocations de chômage versées aux salariés du jour de leur licenciement au jour du jugement dans la limite de six mois par salarié, et condamnée au paiement de cette somme ;
AUX MOTIFS QUE (
.) ; sur la réparation ; que compte tenu notamment de l'ancienneté des salariés et de leur âge au moment du licenciement, de leur salaire moyen apprécié, en fonction des bulletins de paie produits, sur l'année 2011 ou sur les quatre premiers mois de 2012, les réparations seront fixées comme indiqué dans le tableau ci-dessous :
âge au moment du licenciement
ancienneté au moment du licenciement
salaire moyen
dommages et intérêts
I... G...
39 ans
16 ans 8 mois
2
27 200€
K... E...
26 ans
5 ans 7 mois
2
13 600€
P... RY...
50 ans
33 ans 5 mois
2
40 000€
Y... B...
51 ans
30 ans 10 mois
1
35 000€
H... T...
44 ans
24 ans 8 mois
1
28 800€
Q... F...
50 ans
33 ans 9 mois
1 739,64€
33 000€
W... D...
53 ans
30 ans 7 mois
2 035,62€
39 000€
L... S...
50 ans
28 ans 7 mois
2 271,75€
40 000€
R... S...
53 ans
36 ans 6 mois
2 264,33€
46 000€
GS... LU...
58 ans
38 ans 8 mois
1 995,04€
42 000€
SW... MJ...
55 ans
39 ans 8 mois
1 807,90€
28 650€
N... M...
23 ans
4 ans 6 mois
1 618,34€
10 000€
J... C...
27 ans
8 ans 7 mois
1 71374€
14 000€
UX...
27 ans
8 ans 4 mois
1 921,80€
16 000€
X... O...
52 ans
36 ans 7 mois
2 260,63€
44 000€
JA... O...
56 ans
13 ans 5 mois
1 882,29€
22 000€
Q... BB...
51 ans
14 ans 1 mois
1 854,34€
23 000€
JY... A...
51 ans
35 ans 9 mois
2 195,04€
43 000€
Sur le co-emploi :
que les salariés à la cause soutiennent que la société AGC France est coemployeuse parce que, selon eux, elle préside la société AGC David Miroiterie et en est l'unique actionnaire, que le directeur de la société AGC David Miroiterie a été écarté des décisions, que la société AGC France autorise l'achat des fournitures et des machines, fixe les prix de vente et intervient dans l'activité commerciale, dicte les choix stratégiques, contrôle, gère, à la place de la société AGC David Miroiterie et lui facture des frais à ce titre, parce que la décision de restructurer et de fermer le site a été prise par la société AGC France et mise en oeuvre par cette société ; que l'AGS-CGEA de Rouen ajoute qu'en outre, la société AGC France a dépouillé la société AGC David Miroiterie de ses actifs ; que certaines de ces allégations sont confirmées par les éléments produits, d'autres sont inexactes ou ne sont pas démontrées ; que comme indiqué en introduction, la société AGC France préside, par l'intermédiaire d'un directeur, M. KR... qui la représente, d'une part, la société AGC David Miroiterie, d'autre part, la société Isatis, actionnaire de la société AGC David Miroiterie ; qu'elle n'est donc pas directement actionnaire de la société AGC David Miroiterie ; que néanmoins, cette construction démontre l'absence structurelle d'autonomie de la société AGC David Miroiterie ; que le directeur, M. KR..., a réalisé des rapports et projets sur la situation de la société AGC David Miroiterie, géré des litiges commerciaux (avec la société Verre et Bleu), signé des contrats de location, de maintenance, des lettres d'embauche et de rupture, accordé des congés payés, signé des lettres d'avertissement et un accord salarial en février 2011 ; qu'il n'est pas démontré l'existence de consignes particulières données par la société AGC David Miroiterie à ces diverses occasions ;
que toutefois, le 22 février 2012, il a donné pouvoir à M. GE..., "HR Country Manager France" de la société AGC France de le représenter « dans le cadre de la procédure de plan social initiée au niveau du pôle architectural France », ce qui impliquait, aux termes de ce mandat, notamment, délégation pour « effectuer toutes les formalités nécessaires aux licenciements économique » (convocation à entretien préalable, lettre de licenciement et toute transaction) ; que l'ensemble de la procédure de licenciement a donc été mené directement par la société AGC France sans intervention du directeur de la société AGC David Miroiterie et a été financée par la société AGC France (paiement des derniers salaires, indemnités de rupture, indemnité supra légale, financement de la cellule de reclassement) ; que cette convention de management a été facturée 90.000 € à la société AGC David Miroiterie par la société AGC France ; qu'en outre a été refacturée à la société AGC David Miroiterie, selon une clé de répartition dont le commissaire aux comptes n'a pas obtenu justification, une partie des frais de restructuration (269.000 €) de l'ensemble des sociétés du groupe ; que dès sa reprise par la société AGC France, la société AGC David Miroiterie a contracté avec une autre filiale du groupe, la société AIV, un contrat d'assistance portant sur la direction, la maintenance, la qualité, la sécurité et environnement et la comptabilité ; que seules les factures relatives à ce contrat sont produites, pour un montant d'environ 11.000 € mensuels (ce qui correspond, sur un exercice, à 124.000 € selon le compte rendu de clôture établi, en 2012, par M. FA..., commissaire aux comptes) ; que le contrat lui-même n'est pas versé aux débats ; que selon M. FA..., il porte sur toute la gestion administrative de la société ; qu'en vertu d'une convention signée le 18 octobre 2010 entre la société AGC David Miroiterie et la société AGC France, David Miroiterie a donné mandat à AGC France de gérer sa trésorerie ; que la société AGC France était chargée de gérer et de coordonner la trésorerie du groupe, elle disposait d'un compte bancaire centralisateur ouvert à son nom destiné à "rationaliser" la trésorerie au niveau du groupe afin que les excédents de trésorerie d'une société puissent combler les besoins d'autres sociétés, les soldes débiteurs étant facturés et les avances rémunérées ; que cette convention prévoit que la société AGC David Miroiterie conserve ses comptes bancaires propres pour ses recettes et dépenses mais instaure un nivellement des comptes "par ou vers le compte centralisateur" ; que même si la société AGC David Miroiterie fonctionnait au quotidien grâce à ses propres comptes bancaires la gestion de sa trésorerie lui échappait ; que les éléments produits ne permettent d'établir ni que les achats de fournitures et de machines étaient autorisés par la société AGC France ni que c'est elle qui fixait les prix de vente ; qu'il est en revanche démontré qu'il était imposé à la société AGC David Miroiterie de traiter diverses commandes pour d'autres sociétés du groupe, commandes rarement rentables, a admis M. KR... le 14 décembre 2011 lors d'une réunion des délégués du personnel ; qu'il a toutefois ajouté que ces commandes "rendaient service" car elles permettaient "de couvrir une partie des charges fixes" ; qu'il est également admis par la société AGC France que la société AGC David Miroiterie était parfois amenée à prêter ses machines à d'autres sociétés françaises du groupe qui oeuvraient dans le même domaine qu'elle, la société AGC France indique que la société AGC David Miroiterie a également bénéficié de prêts ; qu'avant le dépôt de bilan de la société AGC David Miroiterie, les locaux de la société AGC David Miroiterie ont été vidés de tous les matériels, vendus en dessous de leur valeur nette comptable, pour l'essentiel à d'autres sociétés du groupe pour un prix correspondant à une valeur décidée par le groupe sans valorisation à dire d'expert. Le coût du démontage et du transport a été pris en charge par la société AGC David Miroiterie ; que les contrats de crédit-bail d'une valeur théorique de 200 à 600 000 € selon le commissaire aux comptes ont été cédés pour 0 € à la société AGC France ; que le commissaire aux comptes n'a pas été en mesure de se prononcer sur le prix de cession du stock qui figurait en 2011 dans les comptes pour 343 000 € et qui ne figurait plus au 31 décembre 2012 ni au bilan ni physiquement dans les locaux de l'entreprise ; qu'il ressort de ces différents points qu'il existait, entre les deux sociétés, une confusion de direction, d'intérêt et d'activités (AGC David Miroiterie, AGC France, ses autres filiales ou sous-filiales oeuvrant dans toutes dans le domaine du verre et en ce qui concerne les filiales - dont David Miroiterie - plus particulièrement dans la transformation du verre) qui s'est traduite par une immixtion anormale de la société AGC France dans la gestion économique et sociale de la société AGC David Miroiterie :
- dans le domaine social, la société AGC David Miroiterie a délégué, à compter de février 2012, à la société AGC France la gestion de ses ressources humaines (entièrement consacrées au licenciement collectif de l'ensemble des salariés) et la société AGC France lui a facturé son intervention,
- dans le domaine économique, dès septembre 2010, la gestion administrative de la société AGC David Miroiterie a été assurée par une filiale de la société AGC France, moyennant redevance, et la société AGC France a géré sa trésorerie ; qu'entre la fermeture du site en avril 2012 et la liquidation judiciaire en janvier 2013, la société AGC France a repris les actifs de la société AGC David Miroiterie à son profit ou au profit de ses filiales dans des conditions désavantageuses pour la société AGC David Miroiterie ; que la société AGC France doit donc être reconnue comme co-employeuse et, à ce titre, sera tenue, in solidum avec la société AGC David Miroiterie, au paiement des dommages et intérêts alloués aux salariés ; (
.) ; que sur les points annexes ; (
) ; qu'à l'égard de la société AGC France, les sommes accordées aux salariés produiront intérêts au taux légal à compter de la notification du présent arrêt, à l'exception de celle allouée à M. MJ... qui produira intérêts à compter du 10 juillet 2015 date de notification du jugement confirmé sur ce point ; (
) ; que la société AGC David Miroiterie et la société AGC France seront tenues, in solidum, de rembourser à Pôle Emploi les allocations de chômage versées aux salariés à la cause du jour du licenciement au jour du jugement dans la limite de six mois par salarié ;
ALORS QU'une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur à l'égard du personnel employé par une autre, hors l'existence d'un lien de subordination, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ; qu'en retenant, pour décider que la société AGC France avait la qualité de co-employeur des salariés à la cause, qu'à compter de février 2012, la société AGC David Miroiterie a délégué à cette société la gestion de ses ressources humaines, que cette dernière lui a facturé son intervention, que dès septembre 2010, la gestion administrative de la société AGC David Miroiterie a été assurée par une filiale de la société AGC France, moyennant redevance, que cette dernière société a géré sa trésorerie et, qu'entre la fermeture du site en avril 2012 et la liquidation judiciaire en janvier 2013, elle a repris les actifs de la société AGC David Miroiterie à son profit ou au profit de ses filiales dans des conditions désavantageuses pour cette dernière, la cour d'appel a statué par des motifs ne permettant pas de caractériser une confusion d'intérêts, d'activités et de direction se manifestant par une immixtion de la société AGC France dans la gestion économique et sociale de la société AGC David Miroiterie, violant ainsi l'article L. 1221-1 du code du travail.