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14/10/2020 | FRANCE | N°19-11585

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 14 octobre 2020, 19-11585


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 octobre 2020

Rejet et
Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 594 FS-P+B

Pourvoi n° K 19-11.585

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 OCTOBRE 2020

M. O... M..., domicilié chez Mme L... X..., [...] ,

a formé le pourvoi n° K 19-11.585 contre deux arrêts rendus les 19 octobre 2016 et 21 novembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (6e cha...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 octobre 2020

Rejet et
Cassation

Mme BATUT, président

Arrêt n° 594 FS-P+B

Pourvoi n° K 19-11.585

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 OCTOBRE 2020

M. O... M..., domicilié chez Mme L... X..., [...] , a formé le pourvoi n° K 19-11.585 contre deux arrêts rendus les 19 octobre 2016 et 21 novembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (6e chambre D), dans le litige l'opposant à Mme V... A... , domiciliée [...] ), défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. M..., de la SCP Didier et Pinet, avocat de Mme A... , et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er septembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Le Cotty, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseille doyen, MM. Hascher, Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mmes Poinseaux, Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Marilly, avocat général référendaire, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 19 octobre 2016 et 21 novembre 2018), M. M... et Mme A... se sont mariés religieusement en Irlande en 1997. Le couple a procédé à l'acquisition de plusieurs biens situés en France et s'est séparé en 2008. Le 23 juillet 2009, M. M... a assigné Mme A... devant le tribunal de grande instance de Nice en paiement d'une certaine somme, sur le fondement de l'indivision ayant existé entre eux du fait de leur vie commune, du printemps 1998 au mois d'avril 2008. Une ordonnance du juge de la mise en état a ordonné une expertise.

2. Parallèlement, en 2013, Mme A... a engagé une procédure de divorce en Irlande. Par jugement du 8 mars 2016, le tribunal de grande instance de Nice a constaté que M. M... et Mme A... étaient mariés au regard du droit irlandais et qu'une procédure de divorce était pendante devant la High Court Family Law d'Irlande du Nord. Il s'est déclaré incompétent pour connaître du litige et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir. Le 5 février 2018, la juridiction irlandaise s'est déclarée compétente pour connaître du divorce des parties.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le second moyen, pris en ses trois premières branches, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

4. M. M... fait grief à l'arrêt du 21 novembre 2018 de rejeter le contredit et de confirmer la décision entreprise en ce que le juge s'est déclaré incompétent pour connaître du litige et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir, alors « qu'il résulte de l'article 1, 1°, a), du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale qu'il ne s'applique, quelle que soit la nature de la juridiction, qu'aux matières civiles relatives au divorce, à la séparation de corps et à l'annulation du mariage des époux, ce qui exclut son application à la liquidation du régime matrimonial ; qu'en se fondant sur ce règlement pour déclarer incompétente la juridiction française pour statuer sur la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux, la cour d'appel a violé l'article 1, 1°, a), du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. Mme A... soutient que M. M... n'est pas recevable à présenter devant la Cour de cassation un moyen contraire à ses propres écritures devant la cour d'appel.

6. Cependant, M. M... a toujours soutenu, devant les juges du fond, que les juridictions françaises étaient compétentes pour connaître du litige et n'a évoqué, qu'à titre subsidiaire, les critères de compétence résultant du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, dit Bruxelles II bis, qui était invoqué par Mme A... . Le moyen n'est donc pas contraire à sa position devant les juges du fond.

7. Il est en conséquence recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu le règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, dit Bruxelles II bis, le règlement (UE) n° 2016/1103 du 24 juin 2016 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l'exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux, ensemble les principes qui régissent la compétence internationale et l'article 42 du code de procédure civile :

8. Il résulte des deux règlements n° 2201/2003 et n° 2016/1103 que le premier ne régit pas la compétence en matière de liquidation des intérêts patrimoniaux des époux et que le second n'est applicable qu'aux instances engagées après le 29 janvier 2019.

9. Il s'en déduit qu'en l'absence de convention internationale ou de règlement européen régissant la compétence internationale en matière de liquidation des intérêts patrimoniaux des époux, l'article 42 du code de procédure civile est applicable, par extension à l'ordre international des règles internes de compétence, à une telle action engagée devant le tribunal de grande instance avant le 1er janvier 2010.

10. Pour accueillir l'exception d'incompétence au profit des juridictions irlandaises, l'arrêt fait application du règlement n° 2201/2003.

11. En statuant ainsi, alors que ce règlement n'était pas applicable à l'action engagée par M. M..., la cour d'appel a violé les textes et principes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du second moyen, la Cour :

REJETTE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 19 octobre 2016 entre les parties par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne Mme A... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour M. M....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

M. O... M... fait grief à l'arrêt attaqué du 19 octobre 2016, D'AVOIR rejeté les exceptions d'irrecevabilité soulevées par M. O... M..., et, en conséquence, déclaré l'exception d'incompétence soulevée par Mme V... A... recevable et confirmé le jugement de ce chef,

AUX MOTIFS QU' « aux termes de l'article 74 du code de procédure civile les exceptions doivent être soulevées à peine d'irrecevabilité, simultanément et avant toute défenses au fond ou fin de non-recevoir ; qu'à la date de l'introduction de la présente instance par M. M... le 23 juillet 2009, Mme A... ne pouvait introduire une action en divorce devant la juridiction irlandaise qui exige une séparation des époux de cinq ans et alors qu'à la date de l'introduction de son instance en divorce en Irlande, le 10 septembre 2013, il existait un doute sur la validité de l'enregistrement de leur mariage et donc sur la compétence de la juridiction irlandaise ; que, cependant, il ressort des écritures de Mme A... dans la procédure de première instance, qu'elle a toujours soutenu une argumentation qui excluait la compétence de la juridiction française ayant d'ailleurs adressé à l'expert judiciaire, pour refuser de poursuivre la mesure d'expertise, une lettre en date du 12 septembre 2013, lui indiquant qu'elle avait introduit en Irlande, devant la juridiction compétente, une action en divorce et a soulevé l'exception d'incompétence dès que le doute sur la validité du mariage civil a été levé ; que cet élément nouveau et déterminant quant à la compétence est exclusif de l'application de l'article 74 du code de procédure civile alors que le juge a compétence pour relever d'office en application des dispositions de l'article 92 du code de procédure civile l'incompétence d'une juridiction française au profit d'une juridiction étrangère après avoir recueilli, comme en l'espèce, les observations des parties, et c'est donc à bon droit que le tribunal a rejeté cette exception d'irrecevabilité ; que, concernant le principe de l'estoppel opposé par M. M..., il convient de relever que Mme A... a toujours soutenu être mariée à M. M... et que les dispositions temporaires pour régler l'indivision existant entre les parties suite à leur séparation, ne peuvent contredire son argumentation ultérieure résultant de la reconnaissance officiel de leur mariage suivie de son action en divorce, alors qu'elle n'a fait que se positionner sur la demande du tribunal après réouverture des débats ; qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à cette exception d'irrecevabilité » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « M. O... M... fonde sa demande sur l'indivision existant entre les parties du fait de leur vie maritale du printemps 1998 au mois d'avril 2008 en invoquant diverses opérations immobilières et mobilières qu'ils ont effectuées ensemble et les conditions difficiles de leur séparation ; qu'il ajoute s'être marié religieusement en Irlande en 1998 sans que ce mariage ait fait l'objet d'une régularisation officielle auprès des services de l'état de civil irlandais, ce qui entraîne une société de fait entre concubins ; qu'en cours de la procédure, Mme V... A... a contesté la position de M. O... M... en faisant valoir que, selon la loi de la République d'Irlande, un mariage religieux, non précédé ou non suivi d'un mariage civil, produisait néanmoins tous les effets du mariage au regard de la loi civile, d'où son opposition à aller plus en avant dans les opérations d'expertise ; que cette dernière, considérant être mariée, a ainsi engagé une procédure de divorce devant la juridiction irlandaise ; que cette dernière juridiction a fait procéder à une enquête sur le point de savoir si le mariage pouvait être régulièrement enregistré ; qu'après enquête, cette formalité a finalement été effectuée le 23 mars 2015 en sorte que la juridiction irlandaise est valablement saisie de la procédure en divorce engagée par Mme V... A... tenant la validité de son mariage ; que les biens détenus en commun par les époux sont par conséquent des biens constituant leur communauté matrimoniale dont la liquidation relève de la compétence d'attribution du juge du divorce, celui-ci étant, en l'espèce, le juge irlandais, déjà régulièrement saisi par Mme V... A... , au divers autres constats que le mariage a été célébré en Irlande, entre ressortissants irlandais, Mme V... A... justifiant être domiciliée dans ce pays, tous éléments qui commandent de se déclarer incompétent au profit de la juridiction étrangère déjà saisie A... ; que les moyens d'irrecevabilité de l'exception d'incompétence opposés par M. O... M... seront rejetés du fait que le mariage entre les époux a été confirmé en cours de procédure ; qu'ainsi, l'irrecevabilité de l'exception d'incompétence du fait qu'elle n'aurait pas été présentée in limine litis sera rejetée puisque cette exception ne pouvait être soulevée avant cet événement alors que la procédure de divorce devant la juridiction irlandaise constitue une réalité impliquant la compétence d'attribution de la juridiction du divorce, réalité dont il appartient de tenir compte quelles que soient par ailleurs les divergences exprimées dans les écritures de Mme V... A... et dont elle s'est expliquée dans ses conclusions » ;

1°) ALORS QUE seules la cour d'appel ou la Cour de cassation peuvent relever d'office leur incompétence si l'affaire échappe à la connaissance de la juridiction française ; qu'en énonçant, pour rejeter la fin de non-recevoir soulevée par M. M..., tirée de ce que Mme A... n'avait pas invoqué l'incompétence de la juridiction française in limine litis, que son introduction d'une action en divorce en Irlande constituait un élément nouveau et déterminant quant à la compétence, exclusif de l'application de l'article 74 du code de procédure civile, le juge ayant compétence pour relever d'office en application de l'article 92 du même code l'incompétence d'une juridiction française au profit d'une juridiction étrangère, de sorte que c'est à bon droit que le tribunal a rejeté l'exception d'irrecevabilité ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'elle seule, et non la juridiction de premier degré, avait le pouvoir de relever d'office son incompétence, la cour d'appel a violé l'article 92, alinéa 2 du code de procédure civile, devenu l'article 76 du même code ;

2°) ALORS QU'à peine d'irrecevabilité, les exceptions, dont l'exception d'incompétence, doivent être soulevées in limine litis ; qu'aucun texte ni aucun principe ne fait exception à cette règle en cas d'élément nouveau intervenu en cours d'instance ; qu'en se fondant sur l'existence d'un tel évènement nouveau pour considérer que l'article 74 du code de procédure civile n'était pas applicable, la cour d'appel a violé cette disposition ;

3°) ALORS QUE, subsidiairement, à peine d'irrecevabilité, les exceptions, dont l'exception d'incompétence, doivent être soulevées in limine litis ; que la cour d'appel a relevé, par motifs adoptés, que Mme A... avait soutenu en cours de procédure être mariée à son ex concubin ; qu'en considérant que l'introduction d'une action en divorce en Irlande et l'enregistrement du mariage religieux par les services d'état civil irlandais constituaient un élément nouveau et déterminant quant à la compétence, constituant un élément nouveau propre à exclure l'application de l'article 74 du code de procédure civile, sans expliquer en quoi l'ex concubine ne pouvait pas, dès le début de la procédure de première instance, soutenir qu'elle serait mariée avec M. M... et partant, invoquer l'exception d'incompétence des juridictions françaises, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 74 du code de procédure civile ;

4°) ALORS, en toute hypothèse, QUE la fin de non-recevoir tirée du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui sanctionne l'attitude procédurale consistant pour une partie, au cours d'une même instance, à adopter des positions contraires ou incompatibles entre elles dans des conditions qui induisent en erreur son adversaire sur ses intentions ; que, dans ses conclusions du 26 septembre 2016 (p. 5), M. M... a fait valoir que, dans ses écritures versées aux débats devant le juge de la mise en état en vue de l'audience d'incident du 18 mars 2011, Mme A... indiquait qu'elle était « tout à fait d'accord avec M. O... M... sur l'urgence qu'il y a à procéder à la liquidation de la société de fait ayant existé entre les ex-concubins », admettant en conséquence la compétence du juge français, dont elle avait admis par ailleurs le principe en acceptant qu'un expert soit désigné en France, pour donner tous éléments pour la liquidation de cette société de fait ; qu'en énonçant cependant, pour écarter le principe de l'estoppel opposé par M. M..., que Mme A... a toujours soutenu être mariée à M. M... et que les dispositions temporaires pour régler l'indivision existant entre les parties suite à leur séparation, ne peuvent contredire son argumentation ultérieure, sans rechercher, comme elle y était invitée, si Mme Guckian ne s'était pas contredite à son détriment, en admettant dans un premier temps que la liquidation des leurs intérêts patrimoniaux, dont elle admettait la qualification de liquidation d'une société de fait, relevait de la juridiction française, pour ensuite le contester, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

M. O... M... fait grief à l'arrêt attaqué du 21 novembre 2018, D'AVOIR rejeté le contredit et confirmé la décision entreprise en ce que le juge s'est déclaré incompétent pour connaître du litige et renvoyé les parties à mieux se pourvoir,

AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur la compétence, il résulte de ce qui précède que le différend qui oppose les parties concerne la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux mais qu'étant mariés elle s'inscrit nécessairement dans le cadre d'une dissolution du lien matrimonial et donc d'un divorce ; que le le règlement européen CE 2201/2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale prévoit en son article 3 que :
1. Sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce, à la séparation de corps et à l'annulation du mariage des époux, les juridictions de l'État membre :
a) sur le territoire duquel se trouve :
- la résidence habituelle des époux, ou
- la dernière résidence habituelle des époux dans la mesure où l'un d'eux y réside encore, ou
- la résidence habituelle du défendeur, ou
- en cas de demande conjointe, la résidence habituelle de l'un ou l'autre époux, ou
- la résidence habituelle du demandeur s'il y a résidé depuis au moins une année immédiatement avant l'introduction de la demande, ou
- la résidence habituelle du demandeur s'il y a résidé depuis au moins six mois immédiatement avant l'introduction de la demande et s'il est soit ressortissant de l'État membre en question, soit, dans le cas du Royaume-Uni et de l'Irlande, s'il y a son "domicile" ;
b) de la nationalité des deux époux ou, dans le cas du Royaume-Uni et de l'Irlande, du "domicile" commun ;
qu'il existe en conséquence une compétence concurrente des juridictions irlandaises et françaises pour statuer ; que cependant le règlement précité prévoit en son article 19.3 « lorsque la compétence de la juridiction première saisie est établie, la juridiction saisie en second lieu se dessaisit en faveur de celle-ci » ; que l'action engagée par M. M... n'étant pas une action en divorce c'est Mme A... qui a la première saisi une juridiction d'une telle action ; que c'est justement que le juge du tribunal de grande instance de Nice s'est déclaré incompétent pour statuer au profit des tribunaux irlandais ; qu'au surplus depuis cette décision la High Court Family Law d'Irlande du Nord a, dans une décision du 5 février 2018 expressément reconnu sa compétence pour traiter du divorce des parties indiquant « Il s'ensuit donc que, nonobstant le fait que le défendeur avait sa résidence habituelle en France, la requérante avait le droit d'introduire une procédure dans cette juridiction en vertu de l'article 3.1 a), cinquième tiret, du Règlement, puisqu'elle y avait sa résidence habituelle au moment de l'introduction de cette procédure ; que la la compétence de la juridiction première saisie est donc établie, et que c'est de plus fort que l'incompétence du juge du tribunal de grande instance de Nice doit être constatée » ;

ET MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « M. O... M... fonde sa demande sur l'indivision existant entre les parties du fait de leur vie maritale du printemps 1998 au mois d'avril 2008 en invoquant diverses opérations immobilières et mobilières qu'ils ont effectuées ensemble et les conditions difficiles de leur séparation ; qu'il ajoute s'être marié religieusement en Irlande en 1998 sans que ce mariage ait fait l'objet d'une régularisation officielle auprès des services de l'état de civil irlandais, ce qui entraîne une société de fait entre concubins ; qu'en cours de la procédure, Mme V... A... a contesté la position de M. O... M... en faisant valoir que, selon la loi de la République d'Irlande, un mariage religieux, non précédé ou non suivi d'un mariage civil, produisait néanmoins tous les effets du mariage au regard de la loi civile, d'où son opposition à aller plus en avant dans les opérations d'expertise ; que cette dernière, considérant être mariée, a ainsi engagé une procédure de divorce devant la juridiction irlandaise ; que cette dernière juridiction a fait procéder à une enquête sur le point de savoir si le mariage pouvait être régulièrement enregistré ; qu'après enquête, cette formalité a finalement été effectuée le 23 mars 2015 en sorte que la juridiction irlandaise est valablement saisie de la procédure en divorce engagée par Mme V... A... tenant la validité de son mariage ; que les biens détenus en commun par les époux sont par conséquent des biens constituant leur communauté matrimoniale dont la liquidation relève de la compétence d'attribution du juge du divorce, celui-ci étant, en l'espèce, le juge irlandais, déjà régulièrement saisi par Mme V... A... , au divers autres constats que le mariage a été célébré en Irlande, entre ressortissants irlandais, Mme V... A... justifiant être domiciliée dans ce pays, tous éléments qui commandent de se déclarer incompétent au profit de la juridiction étrangère déjà saisie A... ; que les moyens d'irrecevabilité de l'exception d'incompétence opposés par M. O... M... seront rejetés du fait que le mariage entre les époux a été confirmé en cours de procédure ; qu'ainsi, l'irrecevabilité de l'exception d'incompétence du fait qu'elle n'aurait pas été présentée in limine litis sera rejetée puisque cette exception ne pouvait être soulevée avant cet événement alors que la procédure de divorce devant la juridiction irlandaise constitue une réalité impliquant la compétence d'attribution de la juridiction du divorce, réalité dont il appartient de tenir compte quelles que soient par ailleurs les divergences exprimées dans les écritures de Mme V... A... et dont elle s'est expliquée dans ses conclusions » ;

1°) ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation entraînera par voie de conséquence celle de l'arrêt rendu le 21 novembre 2018, en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE, subsidiairement, dans ses conclusions, M. M... faisait valoir qu'il n'existait pas de mariage entre Mme A... et lui-même, le mariage religieux, publié auprès des services d'état civil, ayant été annulé par décret du 9 juillet 2012 ; qu'en considérant, pour appliquer le règlement CE 2201/2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, que M. M... et Mme A... étaient mariés, sans rechercher si leur mariage religieux, enregistré auprès des services de l'état civil, n'avait pas été annulé par un décret du 9 juillet 2012 , la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 du règlement CE 2201/2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale

3°) ALORS QUE, tout aussi subsidiairement, à supposer qu'il soit considéré que la cour d'appel se soit fondée sur les motifs de l'arrêt avant dire droit, pour statuer sur la compétence, les juges ne sauraient méconnaître les termes du litige ; que dans ses conclusions, M. M... ne reconnaissait pas la validité d'un prétendu mariage civil ; qu'au contraire, il faisait valoir qu'il n'était pas marié avec son ex compagne, formait une demande au titre d'une dissolution d'une société de fait, et soutenait que l'acte enregistré auprès des services de l'état civil n'était qu'une publication du mariage religieux ; que dès lors, en considérant que la validité d'un mariage civil était reconnue entre M. M... et Mme A... , la cour d'appel a méconnu les termes du litige et ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE, encore plus subsidiairement, il résulte de l'article 1, 1°, a) du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale qu'il ne s'applique, quelle que soit la nature de la juridiction, qu'aux matières civiles relatives au divorce, à la séparation de corps et à l'annulation du mariage des époux, ce qui exclut son application aux conséquences patrimoniales du divorce ; qu'en se fondant sur ce règlement pour déclarer incompétente la juridiction française pour statuer sur les conséquences patrimoniales du divorce, la cour d'appel a violé l'article 1, 1°, a) du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale ;

5°) ALORS QUE, tout aussi subsidiairement, il résulte de l'article 1, 1°, a) du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale qu'il ne s'applique, quelle que soit la nature de la juridiction, qu'aux matières civiles relatives au divorce, à la séparation de corps et à l'annulation du mariage des époux, ce qui exclut son application à la liquidation du régime matrimonial ; qu'en se fondant sur ce règlement pour déclarer incompétente la juridiction française pour statuer sur la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux, la cour d'appel a violé l'article 1, 1°, a) du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale ;

6°) ALORS QUE, les juges ne sauraient statuer par voie d'affirmation ; qu'en affirmant de manière péremptoire, après avoir rappelé les critères posés par l'article 3 du règlement européen CE 2201/2003 relative à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrioniale et en matière de responsabilité parentale, qu' « il existe en conséquence une compétence concurrente des juridictions irlandaises et françaises pour statuer », sans aucunement motiver sa décision, par une application concrète à l'espèce des critères qu'elle a rappelés, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

7°) ALORS QUE, tout aussi subsidiairement, selon l'article 6 du règlement n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003, un époux qui a sa résidence habituelle sur le territoire d'un Etat membre ou est ressortissant d'un Etat membre ne peut être attrait devant les juridictions d'un autre Etat membre qu'en vertu des articles 3 à 5 de ce règlement ; que, pour déclarer incompétente la juridiction française, la cour d'appel a visé l'article 3 du règlement du 27 novembre 2003 et a relevé que Mme A... avait saisi la juridiction irlandaise d'une demande de divorce, pour en déduire l'existence d'une compétence concurrente des juridictions irlandaises et françaises ; qu'en statuant ainsi, sans relever qu'étaient remplies les conditions du critère de compétence énoncé à l'article 3, 1°, a) in fine dudit règlement, à savoir que Mme A... ait eu sa résidence habituelle sur le territoire irlandais depuis au moins six mois immédiatement avant l'introduction de sa demande de divorce et y ait eu son "domicile", ou qu'étaient remplies les conditions du critère de compétence énoncé à l'article 3, 1°, b) du même règlement, à savoir que M. M... et Mme A... aient leur domicile commun sur le territoire irlandais, la cour d'appel a violé les articles 6 et 3, 1° du règlement n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 ;

8°) ALORS, en toute hypothèse, s'il était considéré que les motifs des premiers juges avaient été adoptés, QUE les juges doivent viser et analyser les éléments de preuve sur lesquels ils fondent leur décision ; qu'en énonçant, par motifs adoptés des premiers juges, que Mme V... A... justifie être domiciliée en Irlande, sans préciser sur quels éléments de preuve elle fondait une telle affirmation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

9°) ALORS QUE lorsque la compétence de la juridiction première saisie d'une demande en justice est établie, la juridiction saisie en second lieu se dessaisit en faveur de celle-ci ; que pour que cette règle s'applique, encore faut-il que la demande en justice ait le même objet ; que la cour d'appel a relevé que l'action en justice intentée par M. M... n'était pas une action en divorce et qu'elle n'a pas par ailleurs relevé qu'elle le serait devenue ; qu'en considérant toutefois que dès lors que la High court Family Law d'Irlande du Nord avait dans une décision du 5 février 2018 reconnu sa compétence pour traiter du divorce des parties, les juridictions françaises étaient incompétentes, la cour d'appel a violé l'article 19.3 du règlement du 27 novembre 2003 ;

10°) ALORS QUE, en tout état de cause, lorsque la compétence de la juridiction première saisie d'une demande en justice est établie, la juridiction saisie en second lieu se dessaisit en faveur de celle-ci ; que cette règle conduit à ce que le second juge se dessaisisse mais n'induit pas l'incompétence de ce dernier ; qu'en se fondant sur la première saisine d'une juridiction irlandaise, pour en déduire que les juridictions franaçises étaient incompétentes, la cour d'appel a violé l'article 19.3 du règlement du 27 novembre 2003 ;

11°) ALORS, en toute hypothèse, QUE, selon l'article 21, 1° du règlement du 27 novembre 2003, les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure ; que cette règle n'est pas applicable aux décisions statuant sur la compétence en matière de divorce ; que pour déclarer incompétente la juridiction française, la cour d'appel s'est fondée sur une décision de la High Court Family Law d'Irlande du Nord ayant expressément reconnu sa compétence pour traiter du divorce des parties ; qu'en statuant ainsi, sans relever que ce jugement aurait prononcé le divorce des parties, la cour d'appel a violé l'article 21, 1° du règlement du 27 novembre 2003 ;

12°) ALORS, en toute hypothèse, QUE, le juge qui, pour se déclarer incompétent, oppose à une partie un jugement étranger doit vérifier s'il remplit les conditions de régularité internationale pour être reconnu en France ; qu'en se fondant, pour déclarer incompétente la juridiction française, sur une décision de la High Court Family Law d'Irlande du Nord, sans procéder à cette vérification, la cour d'appel a violé les articles 3 du code civil et 509 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-11585
Date de la décision : 14/10/2020
Sens de l'arrêt : Rejet et cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale - Application des règles françaises à l'ordre international - Cas - Liquidation des intérêts patrimoniaux des époux - Action engagée avant le 1er janvier 2010

COMPETENCE - Compétence internationale des juridictions françaises - Appréciation - Moment - Détermination

En l'absence de convention internationale ou de règlement européen régissant la compétence internationale en matière de liquidation des intérêts patrimoniaux des époux, l'article 42 du code de procédure civile est applicable, par extension à l'ordre international des règles internes de compétence, à une telle action engagée devant le tribunal de grande instance avant le 1er janvier 2010


Références :

Article 42 du code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 19 octobre 2016

Sur la date d'appréciation de la compétence internationale, à rapprocher : 1re Civ., 25 janvier 2005, pourvoi n° 02-20717, Bull. 2005, I, n° 37 (rejet)

arrêt cité ;

1re Civ., 13 mai 2020, pourvoi n° 19-10448, Bull. 2020, (cassation sans renvoi).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 14 oct. 2020, pourvoi n°19-11585, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Zribi et Texier, SCP Didier et Pinet

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.11585
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