LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 septembre 2020
Cassation sans renvoi
Mme BATUT, président
Arrêt n° 518 FS-P+B
Pourvoi n° M 18-20.023
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 SEPTEMBRE 2020
M. E... N..., domicilié [...], agissant en qualité de liquidateur de la société Oakland Finance Ltd, a formé le pourvoi n° M 18-20.023 contre l'arrêt rendu le 20 mars 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (1re chambre A), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. J... T..., domicilié [...],
2°/ à la société de la Villa Gal, société anonyme, dont le siège est [...] ,
3°/ à Mme O... R..., veuve V..., domiciliée [...],
défendeurs à la cassation.
M. W... B... est venu aux droits de M. N... en qualité de liquidateur de la société Oakland Finance Ltd.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Vigneau, conseiller, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de M. B..., ès qualités de liquidateur de la société Oakland Finance Ltd, venant aux droits de M. N..., ès qualités, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société de la Villa Gal, et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 23 juin 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Vigneau, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, M. Hascher, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mme Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, Azar, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Reprise d'instance
1. Donne acte à M. B... de ce qu'il reprend l'instance en qualité de liquidateur de la société Oakland Finance.
Désistement partiel
2. Donne acte au liquidateur de la société Oakland Finance de son désistement en ce qu'il est dirigé contre Mme R....
Interruption d'instance
3. L'interruption d'instance, instituée à l'article 370 du code de procédure civile, n'est prévue qu'au bénéfice des héritiers de la partie décédée qui entendent reprendre l'instance. Dès lors que le décès allégué de J... T... n'a pas été notifié par ses héritiers, il n'y a pas lieu d'interrompre l'instance.
Faits et procédure
4. Selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 22 juin 2016, pourvoi n° 15-13.837), et les productions, le 28 avril 1998, M. T... a acquis les actions de la société anonyme Villa Gal (la SAVG) pour un prix de 80 millions de francs. Les 8 juin et 3 juillet 1998, la SAVG a reconnu avoir emprunté à la société Oakland Finance une somme de 50 millions de francs. Par acte du 23 août 2000, cette somme a été portée à 60 millions. Deux hypothèques conventionnelles ont été prises en garantie les 22 juillet 1998 et 8 septembre 2000 par la société Oakland Finance sur l'immeuble de la SAVG. Le 17 avril 2002, la société Oakland Finance a été placée en liquidation.
5. Mise en demeure de payer par le liquidateur, la SAVG l'a assigné, ès qualités, devant le tribunal de grande instance de Nice pour obtenir la nullité de ces contrats et la mainlevée des hypothèques en soutenant que les prêts étaient dépourvus de cause, subsidiairement que leur cause était illicite. K... V... , trustee et représentant légal de la société EGA, est intervenu volontairement à l'instance.
6. Par jugement du 10 décembre 2007, le tribunal a rejeté ces prétentions et dit que les actes sous seing privé des 8 juin 1998 et 23 août 2000 reposaient sur une cause réelle et licite.
7. Entre-temps, soutenant que si les prêts litigieux étaient supposés rembourser une dette contractée par la société SAVG envers la société EGA, dette ensuite cédée à la société Oakland Finance, aucune somme n'était due par la SAVG à la société EGA, la SAVG et M. T... ont saisi la High Court of Justice of London (la High Court) qui, par une décision du 19 novembre 2010, a dit qu'aucune somme n'était due par la SAVG à la société Oakland Finance.
8. Le greffier en chef d'un tribunal de grande instance ayant déclaré exécutoire en France cette décision, Mme R..., héritière de K... V... , a demandé la révocation de cette déclaration.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé
9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur les deuxième et troisième branches du moyen, réunies
Enoncé du moyen
10. M. B..., ès qualités, fait grief à l'arrêt de rejeter la contestation formée à l'encontre du certificat de reconnaissance en France de la décision de la High Court of Justice du 19 novembre 2010,de confirmer la reconnaissance en France de cette décision et de dire qu'en conséquence ce jugement produira en France tous ses effets, alors :
« 1°/ que deux décisions sont inconciliables lorsqu'elles entraînent des conséquences juridiques qui s'excluent mutuellement ; que deux jugements peuvent être inconciliables sans que les demandes sur lesquelles ils ont statué aient eu le même objet ; que tel est le cas du jugement qui statue sur la validité d'un contrat tandis que l'autre, statuant sur la demande d'exécution de ce contrat, considère qu'aucune créance n'a pu valablement naître de l'engagement litigieux ; que pour débouter M. N... de son recours contre la décision de reconnaissance de la décision britannique, la cour d'appel a considéré que le procès français portait sur la validité de l'acte d'affectation hypothécaire et a consacré le principe de l'existence des contrats de prêts en cause, tandis que le procès anglais portait sur le principe de l'exigibilité de la créance et que le juge anglais s'est prononcé sur une demande de condamnation en paiement ; que la cour d'appel en a déduit que les demandes n'avaient pas le même objet et ne pouvaient donc entraîner des conséquences s'excluant mutuellement puisque les deux juridictions ne s'étaient pas prononcées sur les mêmes questions ; qu'en statuant ainsi, tandis que le jugement de la High Court de Londres du 19 novembre 2010, qui a considéré que la société SAVG n'était tenue d'aucune dette à l'égard de la société Oakland en liquidation, au titre des prêts litigieux, au motif que ces prêts n'étaient pas valables, était inconciliable avec le jugement du tribunal de grande instance de Nice du 10 décembre 2007, qui a débouté la SAVG de sa demande d'annulation des prêts pour absence de cause ou cause illicite, peu important que les juges français et britannique n'aient pas été saisi des mêmes demandes, la cour d'appel a violé l'article 34 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 ;
2°/ qu'en toute hypothèse, deux décisions, dont l'une admet la validité d'un contrat de prêt, dont il résulte une créance pour le prêteur, tandis que l'autre décide qu'aucune somme ne peut être due au prêteur en vertu du même prêt, en conséquence de la nullité de ce contrat, ne peuvent faire l'objet d'une exécution simultanée ; qu'en jugeant qu'était possible l'exécution simultanée du jugement de la High Court de Londres du 19 novembre 2010, qui a considéré que la société SAVG n'était tenue d'aucune dette à l'égard de la société Oakland en liquidation, au titre des prêts litigieux, au motif que ces prêts n'étaient pas valables, et du jugement du tribunal de grande instance de Nice du 10 décembre 2007, qui a dit valables les prêts litigieux, ce dont il résultait une créance de la société Oakland contre la SAVG, la cour d'appel a violé l'article 34 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 34, 3), du règlement CE nº 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit Bruxelles I :
11. Selon l'article 33 point 1) de ce règlement, les décisions rendues dans un Etat membre sont reconnues dans les autres Etats membres, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure. L'article 34 de ce règlement prévoit toutefois à son 3) qu'une décision n'est pas reconnue si elle est inconciliable avec une décision rendue entre les mêmes parties dans l'État membre requis. Statuant sur l'article 27.3° de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dont les termes sont identiques à ceux de l'article 34, 3), la Cour de justice des Communautés européennes a précisé qu'afin d'établir s'il y a inconciliabilité au sens de ce texte, il convenait de rechercher si les décisions en cause entraînaient des conséquences juridiques qui s'excluaient mutuellement (CJCE Hoffmann c. Krieg 4 février 1988 C 145/86, point 22).
12. Pour rejeter la contestation du certificat de reconnaissance en France de la décision de la High Court du 19 novembre 2010, confirmer la reconnaissance en France de cette décision et dire qu'en conséquence ce jugement produira en France tous ses effets, après avoir énoncé que deux décisions sont inconciliables si elles sont incompatibles dans leur exécution, l'arrêt retient que le procès français portait sur la validité de l'acte d'affectation hypothécaire, engagement réel soumis aux juridictions françaises, et a consacré le principe de l'existence des contrats de prêts en cause tandis que le procès anglais portait sur le principe de l'exigibilité de la créance et que le juge anglais s'est prononcé sur une demande de condamnation en paiement, de sorte que les demandes n'avaient pas le même objet et ne pouvaient donc entraîner des conséquences s'excluant mutuellement puisque les deux juridictions ne se sont pas prononcées sur les mêmes questions et leur exécution simultanée est possible.
13. En statuant ainsi, alors que le jugement de la High Court du 19 novembre 2010, qui, après avoir retenu qu'aucune somme n'était due par la SAVG à la société EGA, a considéré qu'aucune créance n'avait pu valablement naître de l'engagement litigieux, entraînait des conséquences juridiques qui s'excluaient mutuellement avec celles du jugement du tribunal de grande instance de Nice du 10 décembre 2007 rejetant la demande en nullité de ce même engagement formée par la SAVG, laquelle soutenait que celui-ci était dépourvu de cause dès lors que la dette de la société EGA, supposée le fonder, avait été intégralement réglée avant la cession des actions, de sorte que ces décisions étaient inconciliables, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquence de la cassation
14. Il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile, comme il est suggéré en demande.
15. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que la décision rendue par la High Court of London le 19 novembre 2010 ne peut être reconnue en France ;
Annule la décision du greffier en chef du tribunal de grande instance de Nice du 2 février 2011 reconnaissant cette décision en France ;
Condamne la société Villa Gal et M. T... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Villa Gal et condamne M. T... et la société Villa Gal, in solidum, à payer à M. B..., ès qualités, la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour M. B..., ès qualités de liquidateur de la société Oakland Finance Ltd, venant aux droits de M. N..., ès qualités.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. N..., en sa qualité de liquidateur de la société Oakland Finance Limited, de sa contestation formée à l'encontre du certificat de reconnaissance en France de la décision de la Haute Cour de Justice de Londres du 19 novembre 2010, établi par le greffier en chef du tribunal de grande instance de Nice le 2 février 2011, d'avoir confirmé la déclaration de reconnaissance en France de la décision judiciaire rendue le 19 novembre 2010 par la Haute Cour de Justice, Juridiction des sociétés, Division Chancellerie, dans l'affaire nº4920 de 2002 Oakland Finance Limited entre M. J... T..., 1er demandeur, la SA de la Villa Gal (2ème demandeur), et M. E... N..., en sa qualité de liquidateur de la société Oakland Finance Limited (1er défendeur), la succession de M. K... V... , décédé (2ème défendeur), Mme X... G... (3ème défendeur) et F... U..., (4ème défendeur), et d'avoir dit qu'en conséquence cette décision judiciaire rendue le 19 novembre 2010 par la Haute Cour de Justice produirait en France tous ses effets ;
AUX MOTIFS QUE, saisi par voie de requête par M. J... T... et la SAVG, sur le fondement des articles 38 et suivants du règlement CE nº44/2001 du 22 décembre 2000, le greffier en chef du tribunal de grande instance de Nice a, par déclaration du 2 février 2011, reconnu en France la décision rendue le 19 novembre 2010 par la High Court of Justice of London, Juridiction des sociétés, Division Chancellerie, dans l'instance les opposant à M. E... N... en sa qualité de liquidateur de la société Oakland Finance Ltd, à la succession de feu K... V... , à Mme X... G... et à M. F... U... ; que par acte du 2 mars 2011, M. E... N..., ès qualités, et Mme O... V... ont fait assigner M. J... T... et la SAVG devant le tribunal de grande instance de Nice, aux fins de voir prononcer l'annulation de la déclaration de reconnaissance en France établie le 2 février 2011 par le greffier en chef du tribunal de grande instance de Nice ; que par jugement du 18 avril 2013, le tribunal de grande instance de Nice s'est déclaré incompétent au profit de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; qu'à la suite de la décision de la Cour de cassation du 22 juin 2016 cassant et annulant dans toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du novembre 2014, la cour d'appel de renvoi est à nouveau saisie de la contestation formée par M. E... N... de la reconnaissance en France de la décision anglaise du 19 novembre 2010, la SAVG et M. J... T..., pour leur part, soutenant que cette décision remplit tous les critères pour être pleinement reconnue en France ; que dans le cadre de l'Union européenne, la reconnaissance et l'exécution des décisions rendues en matière civile et commerciale par les Etats membres ne sont pas régies par le droit commun de l'exequatur mais par un Règlement communautaire ; qu'en l'occurrence le Règlement applicable était le règlement CE nº44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, dit Bruxelles I, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ; que l'article 33 de ce Règlement pose en son principe que « les décisions rendues dans un Etat membre sont reconnues dans les autres Etats membres, sans qu'il soit nécessaire de recourir à une autre procédure » ; que toute partie intéressée peut, par voie de requête présentée, conformément à l'article 39 point 1 du Règlement, à l'autorité compétente de l'Etat membre d'exécution, faire reconnaître la décision rendue dans un autre Etat membre en vue de permettre son exécution sur le territoire de l'Etat requis, l'autorité compétente étant, en France, le greffier en chef du tribunal de grande instance, qui ne peut cependant examiner si les conditions de la reconnaissance de la décision dans l'Etat membre requis sont réunies, un tel pouvoir lui étant refusé ; qu'un tel examen ne peut intervenir que dans le cadre du recours formé contre la délivrance du certificat devant la juridiction compétente de l'Etat requis, les motifs de non reconnaissance étant en revanche réduits et limitativement énumérés par l'article 34 du Règlement qui énonce que :
« Une décision n'est pas reconnue si :
1) la reconnaissance est manifestement contraire à l'ordre public de l'Etat membre requis,
2) l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent n'a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant en temps utile de telle manière qu'il puisse se défendre, à moins qu'il n'ait exercé de recours à l'encontre de la décision alors qu'il était en mesure de le faire,
3) elle est inconciliable avec une décision rendue entre les mêmes parties dans l'Etat membre requis,
4) elle est inconciliable avec une décision rendue antérieurement dans un autre Etat membre ou dans un Etat tiers entre les mêmes parties dans un litige ayant le même objet et la même cause, lorsque la décision rendue antérieurement réunit les conditions nécessaires à sa reconnaissance dans l'Etat membre requis » ;
qu'en l'espèce, M. E... N..., ès qualités, fonde sa demande d'annulation du certificat de reconnaissance en France établie le 2 février 2011 par le greffier en chef du tribunal de grande instance de Nice, exclusivement sur le fondement de l'article 34 3) du Règlement susvisé, soutenant que la décision du 19 novembre 2010 par la Haute Cour de Londres est inconciliable avec la décision définitive rendue le 10 décembre 2007 par le tribunal de grande instance de Nice ; que la Cour de justice des communautés européennes, optant pour une conception autonome de la notion d'inconciliabilité des décisions, a jugé que des décisions étaient inconciliables lorsqu'elles entraînaient des conséquences juridiques qui s'excluent mutuellement ; que deux décisions sont inconciliables si elles sont incompatibles dans leur exécution, plus particulièrement si l'exécution de l'une exclut nécessairement celle de l'autre ; qu'en d'autres termes, deux décisions sont inconciliables quand elles ne sont pas susceptibles d'une exécution simultanée, une telle impossibilité procédant de leur dispositif ; qu'il ressort des pièces produites que le tribunal de grande instance de Nice a été saisi par assignation délivrée à l'initiative de la SAVG à l'encontre de la société Oakland Finance Ltd, M. E... N..., ès qualités et Mme I... P..., aux fins de voir déclarer nuls et de nul effet les contrats des 8 juin 1998 et 23 août 2000 et l'avenant du 14 décembre 2001 et 11 janvier 2002 et de voir ordonner la mainlevée de l'hypothèque inscrite à la requête de M. D... le 8 septembre 2000 ; que la SAVG faisait en effet grief aux actes notariés d'être dépourvus de cause réelle et sérieuse ou d'être fondés sur une cause illicite ; que le tribunal de grande instance de Nice, dans son jugement du 10 décembre 2007, a :
- dit que les actes de prêts sous seing privé du 8 juin 1998 et 23 août 2000 reposent sur une cause réelle et licite,
- déclaré nul et de nul effet l'avenant des 11 décembre 2001 et 14 janvier 2006 relatif à ces prêts ;
que le tribunal a estimé que la démonstration de l'inexistence d'une cause ou de la cause illicite n'était pas rapportée et n'a statué qu'au regard de la notion de cause ; que de même il a annulé un avenant en vertu duquel la déchéance du terme était intervenue, toujours pour absence de cause ; qu'à aucun moment, dans sa décision, le tribunal de grande instance de Nice n'a reconnu que la SAVG était débitrice à l'égard de la société Oakland, ces points n'ayant pas été soumis à son appréciation, comme le reconnaît d'ailleurs M. E... N..., qui admet ne pas avoir sollicité la condamnation de la SAVG au paiement des sommes litigieuses qui auraient été contractées par le biais des prêts, au motif qu'il considérait à l'époque être détenteur d'un titre exécutoire, constitué par la copie exécutoire de l'acte notarié du 28 août 2000 ; que la décision britannique du 19 novembre 2010 a, quant à elle, déclaré que :
- aucune somme n'est due par la SAVG à Oakland ou à la succession de K... V... au titre des mêmes contrats de prêts,
- Oakland ou tout successeur de cette société y compris la succession de K... V... est irrecevable à prétendre que des sommes leur seraient dues par SAVG ;
que la juridiction anglaise, dont il ressort des éléments produits au dossier qu'elle avait été saisie avant l'introduction de la procédure par la SAVG devant la juridiction niçoise, puisque le litige avait été initié dès 2002 par la société Oakland et que son liquidateur avait, par acte déposé le 10 juin 2004, saisi cette juridiction aux fins notamment de statuer sur « le droit ultime de propriété des sommes dues ou pouvant l'être par la SAVG à la société Oakland Ltd mais ne s'étendant pas à la détermination de la validité du contrat de prêt et à l'hypothèque sous-jacente », a statué sur la question de l'exigibilité de la créance et donc de l'exécution du contrat, d'autant qu'elle était parfaitement compétente pour ce faire conformément à la clause attributive de compétence prévue dans les contrats de prêt ; que la décision rendue par le juge anglais le 6 juillet 2005 et dont fait état M. N... a ordonné la suspension de la procédure anglaise, initiée en premier, dans l'attente de la décision de la juridiction française ayant une compétence exclusive sur la validité des affectations hypothécaires portant sur un immeuble situé en France, conformément à l'article 22 du Règlement 44/2001 et ce afin d'éviter toute éventuelle contradiction de jugement ; que c'est ainsi que la SAVG a engagé son action devant le tribunal de grande Nice aux fins de contester la validité des affectations hypothécaires à la suite de la signification d'un commandement de payer et au regard de la menace de réalisation des garanties en France ; que le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nice a, par décision du 3 novembre 2005, rejeté les exceptions de litispendance et de connexité soulevées par M. E... N... qui prétendait que seule la juridiction anglaise était compétente pour trancher le litige dans son intégralité et a considéré les parties et objet du litige devant le juge anglais et le juge français n'étaient pas les mêmes, retenant donc la compétence de la juridiction française sur l'action en contestation de l'acte pour s'opposer à la réalisation de l'hypothèque conventionnelle inscrite sur la propriété de Villefranche-sur-Mer, sans remettre en cause la compétence de la juridiction britannique saisie la question de la créance contractuelle mais aussi de la propriété des actions transférées en fraude des droits de M. J... T... ; qu'au regard de ces éléments, il apparaît que :
- le procès français portait sur la validité de l'acte d'affectation hypothécaire, engagement réel soumis aux juridictions françaises, et a consacré le principe de l'existence des contrats de prêts en cause,
- le procès anglais portait sur le principe de l'exigibilité de la créance et le juge anglais s'est prononcé sur une demande de condamnation en paiement ;
que les demandes n'avaient pas le même objet et ne peuvent donc entraîner des conséquences s'excluant mutuellement puisque les deux juridictions ne se sont pas prononcées sur les mêmes questions ; qu'au regard de ces éléments, la décision de la Haute Cour de Londres du 19 novembre 2000 n'est pas inconciliable avec le jugement du tribunal de grande instance de Nice du 10 décembre 2007, leur exécution simultanée étant possible ; que M. E... N... soutient, par ailleurs, que l'argumentation présentée par la SAVG au titre des prêts et de l'hypothèque du 23 août 2000 est contradictoire avec l'argumentation déjà développée devant les juridictions françaises et qui a donné lieu au jugement du tribunal de grande instance de Nice du 10 décembre 2007 ; qu'il en tire pour conséquence que cette argumentation est irrecevable et demande à la cour de déclarer inopposable en France la décision rendue par la Haute Cour de Londres le 19 novembre 2010 ; que l'article 34 du règlement nº44/2001 ne donne au juge un quelconque pouvoir pour déclarer inopposable en France un jugement rendu par un autre Etat membre de l'Union européenne et encore moins ne prévoit une cause de non-reconnaissance de la décision étrangère tirée d'une prétendue contradiction dans l'argumentation développée par la partie demanderesse à la reconnaissance ; qu'en conséquence, M. E... N..., ès qualités, sera débouté de sa contestation formée à l'encontre de la reconnaissance de la décision de la Haute Cour de Londres du 19 novembre 2010 établie par le greffier du tribunal de grande instance de Nice ; qu'il convient donc de confirmer cette déclaration de reconnaissance et de dire que la décision de la Haute Cour de Londres du 19 novembre 2010 produira, en France, tous ses effets ;
1°) ALORS QUE deux décisions sont inconciliables, au sens de l'article 34 du règlement CE n°44/2001 du 22 décembre 2000, lorsqu'elles entraînent des conséquences juridiques qui s'excluent mutuellement ; qu'ainsi sont inconciliables les décisions dont l'une admet la validité d'un contrat et déboute une partie de son action en nullité, tandis que l'autre, rendue dans un autre Etat membre, décide qu'aucune obligation ne peut résulter du même contrat en conséquence de la fraude imputée à une partie lors de la formation du contrat ; que M. N... faisait valoir que la décision de la High Court de Londres du 19 novembre 2010, qui a considéré que la société SAVG n'était tenue d'aucune dette à l'égard de la société Oakland en liquidation, au titre des prêts litigieux, au motif que ces prêts n'étaient pas valables, était inconciliable avec le jugement du tribunal de grande instance de Nice du 10 décembre 2007, qui a débouté la SAVG de sa demande d'annulation des prêts pour absence de cause ou cause illicite ; que pour débouter M. N... de son recours contre la décision de reconnaissance de la décision britannique, la cour d'appel a considéré que l'exécution simultanée des décisions était possible ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si les conséquences juridiques des deux décisions s'excluaient mutuellement, peu important que leur exécution simultanée fût éventuellement possible, la cour d'appel a violé l'article 34 du règlement précité ;
2°) ALORS QUE deux décisions sont inconciliables lorsqu'elles entraînent des conséquences juridiques qui s'excluent mutuellement ; que deux jugements peuvent être inconciliables sans que les demandes sur lesquelles ils ont statué aient eu le même objet ; que tel est le cas du jugement qui statue sur la validité d'un contrat tandis que l'autre, statuant sur la demande d'exécution de ce contrat, considère qu'aucune créance n'a pu valablement naître de l'engagement litigieux ; que pour débouter M. N... de son recours contre la décision de reconnaissance de la décision britannique, la cour d'appel a considéré que le procès français portait sur la validité de l'acte d'affectation hypothécaire et a consacré le principe de l'existence des contrats de prêts en cause, tandis que le procès anglais portait sur le principe de l'exigibilité de la créance et que le juge anglais s'est prononcé sur une demande de condamnation en paiement ; que la cour d'appel en a déduit que les demandes n'avaient pas le même objet et ne pouvaient donc entraîner des conséquences s'excluant mutuellement puisque les deux juridictions ne s'étaient pas prononcées sur les mêmes questions ; qu'en statuant ainsi, tandis que le jugement de la High Court de Londres du 19 novembre 2010, qui a considéré que la société SAVG n'était tenue d'aucune dette à l'égard de la société Oakland en liquidation, au titre des prêts litigieux, au motif que ces prêts n'étaient pas valables, était inconciliable avec le jugement du tribunal de grande instance de Nice du 10 décembre 2007, qui a débouté la SAVG de sa demande d'annulation des prêts pour absence de cause ou cause illicite, peu important que les juges français et britannique n'aient pas été saisi des mêmes demandes, la cour d'appel a violé l'article 34 du règlement CE n°44/2001 du 22 décembre 2000 ;
3°) ALORS QU' en toute hypothèse, deux décisions, dont l'une admet la validité d'un contrat de prêt, dont il résulte une créance pour le prêteur, tandis que l'autre décide qu'aucune somme ne peut être due au prêteur en vertu du même prêt, en conséquence de la nullité de ce contrat, ne peuvent faire l'objet d'une exécution simultanée ; qu'en jugeant qu'était possible l'exécution simultanée du jugement de la High Court de Londres du 19 novembre 2010, qui a considéré que la société SAVG n'était tenue d'aucune dette à l'égard de la société Oakland en liquidation, au titre des prêts litigieux, au motif que ces prêts n'étaient pas valables, et du jugement du tribunal de grande instance de Nice du décembre 2007, qui a dit valables les prêts litigieux, ce dont il résultait une créance de la société Oakland contre la SAVG, la cour d'appel a violé l'article 34 du règlement CE n°44/2001 du 22 décembre 2000.