AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les deux moyens, pris en toutes leurs branches :
Attendu que, par décision du 11 mars 1988, le conseil municipal de la commune de Macot La Plagne a autorisé son maire à garantir, au profit de la société suisse IDIS finance qui s'est substitué la société CREDEM international, la société Den Danske Bank international et la société Seblux (les banques), un prêt consenti à la société Les Créolies de Macot pour financer la construction d'un complexe hôtelier ;
que les actes de garantie ont été signés le même jour ; que, sur demande du sous-préfet, le conseil municipal a pris, le 1er avril 1988, une délibération annulant celle du 11 mars 1988 ; que la société les Créolies de Macot ayant été placée en liquidation judiciaire après délivrance des fonds, les banques se sont adressées à la commune qui leur a opposé la délibération du 1er avril 1988 ; que, sur demande des banques, le tribunal administratif de Grenoble a, par jugement du 13 avril 1995, annulé la délibération du 1er avril 1988 ; que ce jugement a lui même été annulé par un arrêt du Conseil d'Etat du 5 janvier 2000, le recours des banques ayant été formé hors délai ; que, par jugement du 22 mars 2001, confirmé par arrêt du 22 mars 2002 de la Cour de justice du Canton et République de Genève, le tribunal de première instance de Genève, compétent en l'état de la clause attributive de juridiction contenue au contrat, a condamné la commune à payer la somme de 4 500 000 deutsche marks, outre intérêts, à chacune des banques ; que les banques ont demandé l'exequatur des décisions suisses ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Chambéry, 8 juillet 2004) d'avoir confirmé l'ordonnance ayant déclaré exécutoire en France l'arrêt de la cour de justice de la République et Canton de Genève du 22 mars 2002, ensemble le jugement du 22 mars 2001 du tribunal de première instance de Genève, en violation de l'article 27-1 et 3 de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988, alors d'une part que la décision serait contraire à l'ordre public, la règle selon laquelle l'absence de transmission préalable au représentant de l'Etat de la délibération autorisant un maire à signer un contrat entraîne l'illégalité, insusceptible d'être régularisée, de la décision de signer le contrat étant d'ordre public et d'origine constitutionnelle et d'autre part que cet arrêt donnerait effet à deux décisions inconciliables, l'arrêt du Conseil d'Etat du 5 janvier 2000 ayant eu pour conséquence la disparition rétroactive des deux délibérations du 11 mars 1988, le maire n'ayant dès lors jamais eu le pouvoir d'engager la commune aux fins de garantie, et l'arrêt du 22 mars 2002 de la Cour de justice de Genève ayant considéré que la garantie avait été valablement signée, le maire ayant le pouvoir apparent de le faire, et par suite condamné la commune à paiement ;
Mais attendu que l'arrêt retient d'abord que l'arrêt du Conseil d'Etat du 5 janvier 2000 n'annule le jugement du tribunal administratif de Grenoble ayant déclaré nulle la délibération du conseil municipal du 1er avril 1988 qu'en l'état de l'irrecevabilité de la demande des banques ; ensuite que l'arrêt de la Cour de justice de la République et Canton de Genève déclare valable, sur le fondement du mandat apparent du maire, la garantie donnée par la commune et la condamne à paiement ; que la cour d'appel a pu en déduire que les deux décisions n'avaient pas de conséquences juridiques s'excluant mutuellement, dès lors que l'illégalité de l'acte détachable de passation du contrat n'impose pas au juge du contrat d'en prononcer la nullité de sorte qu'elles n'étaient donc pas inconciliables ;
Et attendu que la cour d'appel a décidé à bon droit que le fait d'exécuter une condamnation prononcée contre une commune dont le maire, en apparence mandaté pour le faire, a accordé à des organismes financiers une garantie de droit privé, donnée puis retirée à tort selon le juge d'origine, ne heurtait pas l'ordre public international français ;
D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la commune de Macot La Plagne aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille six.