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29/08/2019 | FRANCE | N°17-31014

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 29 août 2019, 17-31014


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 août 2019

Cassation partielle

Mme FLISE, président,

Arrêt n° 1106 FS-P+B+I sur le moyen unique, pris en sa première branche

Pourvoi n° N 17-31.014

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
r> Statuant sur le pourvoi formé par M. Patrick Q..., domicilié [...], contre l'arrêt rendu le 12 octobre 2017 par la cour d'appel de Paris (pôl...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 août 2019

Cassation partielle

Mme FLISE, président,

Arrêt n° 1106 FS-P+B+I sur le moyen unique, pris en sa première branche

Pourvoi n° N 17-31.014

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. Patrick Q..., domicilié [...], contre l'arrêt rendu le 12 octobre 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l'opposant au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [...], défendeur à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 26 juin 2019, où étaient présents : Mme Flise, président, M. K..., conseiller référendaire rapporteur, M. Savatier, conseiller doyen, M. G..., Mme L... Dauphin, M. Boiffin, conseillers, Mmes Touati, Isola, Guého, Bohnert, conseillers référendaires, M. Grignon S..., avocat général, Mme Rosette, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. K..., conseiller référendaire, les observations de la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat de M. Q..., de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, l'avis de M. Grignon S..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, statuant sur les intérêts civils, une cour d'assises a condamné M. Q... par un arrêt du 12 juin 1998 à payer, solidairement avec d'autres, diverses sommes avec intérêts au taux légal à compter de la décision ; qu'après avoir versé aux parties civiles, en exécution de la décision d'une commission d'indemnisation des victimes d'infractions, une certaine somme les 23 et 27 mars 2001, le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (le FGTI) a fait pratiquer le 10 novembre 2015, sur le fondement de ces deux décisions, une saisie-attribution au préjudice de M. Q... qui a saisi un juge de l'exécution ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que M. Q... fait grief à l'arrêt de dire que les intérêts courent à compter du 10 novembre 2005, de dire que la majoration de l'intérêt légal court à compter du 17 janvier 2016, de cantonner à due concurrence les causes de la saisie-attribution et de rejeter toute autre demande alors, selon le moyen, que la créance du FGTI, dont le recouvrement est poursuivi par subrogation dans les droits de la victime, n'est pas indemnitaire mais porte sur le paiement d'une somme d'argent et ne produit intérêts que du jour de la demande ; qu'en faisant courir les intérêts à compter du 10 novembre 2005, alors que les sommes dues par M. Q... au FGTI, subrogé dans les droits des victimes, en remboursement de l'indemnité versée, ne pouvaient produire d'intérêts qu'à compter de la demande du FGTI à son encontre, la cour d'appel a violé les articles 1153, par refus d'application, et 1153-1, par fausse application, du code civil, devenus les articles 1231-6 et 1231-7 du même code et l'article 706-11 du code de procédure pénale ;

Mais attendu que le FGTI qui, subrogé dans les droits de la victime, peut se prévaloir de l'arrêt rendu, sur intérêts civils, au profit de cette dernière et prononçant des condamnations assorties des intérêts au taux légal, est fondé à recouvrer sur le fondement de ce titre exécutoire les intérêts courus de plein droit, à compter du paiement subrogatoire, sur les indemnités qu'il a versées ;

Que la cour d'appel ayant exactement retenu que le FGTI avait agi en sa qualité de subrogé dans les droits des parties civiles tels qu'ils résultent de l'arrêt de la cour d'assises du 12 juin 1998, de sorte qu'il bénéficiait de ce titre exécutoire depuis le versement effectué au profit des victimes, sa décision n'encourt pas les critiques du moyen ;

Mais sur le moyen unique, pris en ses troisième et cinquième branches :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu que pour retenir que, le FGTI ayant poursuivi l'exécution du titre exécutoire le 10 novembre 2015, les intérêts couraient à compter du 10 novembre 2005, l'arrêt énonce que la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil n'est pas applicable aux intérêts dus sur la somme objet de la condamnation dès lors, d'une part, que le créancier qui agit en recouvrement de cette somme ne met pas en œuvre une action en paiement des intérêts mais agit en vertu d'un titre exécutoire en usant d'une mesure d'exécution, laquelle action, en application de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution peut être poursuivie pendant dix ans, d'autre part, qu'en vertu de la nature de la créance, les intérêts dus sur celle-ci, en application de l'article 2226 du code civil, se prescrivent par dix ans ;

Qu'en statuant ainsi, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations sur les moyens, qu'elle relevait d'office, tirés de l'application des articles L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution et 2226 du code civil, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que les intérêts courent à compter du 10 novembre 2005, dit que la majoration de l'intérêt légal court à compter du 17 janvier 2016, cantonné à due concurrence les causes de la saisie-attribution du 10 novembre 2015 et en a ordonné mainlevée pour le surplus, l'arrêt rendu le 12 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

Condamne le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf août deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour M. Q...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les intérêts courent à compter du 10 novembre 2005, d'avoir dit que la majoration de l'intérêt légal court à compter du 17 janvier 2016, d'avoir cantonné à due concurrence les causes de la saisie-attribution pratiquée par le FGTI et d'avoir rejeté toute autre demande ;

AUX MOTIFS QUE, sur le point de départ des intérêts, M. Q... soutient, en premier lieu, que l'article 1153-1 du code civil, dans sa rédaction alors en vigueur, ne lui est pas applicable puisqu'il n'a pas été défaillant dans l'exécution de son obligation contractuelle à l'égard du fonds de garantie ; que cependant, ainsi que le relève, à bon droit, le fonds de garantie, d'une part, cet article n'est pas applicable à l'inexécution d'une obligation contractuelle, au demeurant inexistante en l'espèce, d'autre part, il prévoit que la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement à moins que le jugement n'en dispose autrement, ce qui n'a pas été le cas ; que M. Q... soutient, en deuxième lieu, que la décision de la CIVI ne lui pas été notifiée de sorte qu'elle n'était pas exécutoire à son égard et que les intérêts ne peuvent courir qu'à compter de la signification en date du 17 novembre 2015 tandis que le fonds de garantie expose que cette signification a été effectuée au visa de l'article 503 du code de procédure civile et a eu pour seul effet de permettre l'exécution de la décision à l'encontre de l'appelant ; que cependant, le fonds de garantie a agi en sa qualité de subrogé dans les droits des parties civiles tels qu'il résultent de l'arrêt de la cour d'assises du 12 juin 1998 de sorte qu'il bénéficiait de ce titre exécutoire depuis le versement effectué au profit des victimes et que la signification du 17 novembre 2015 a eu pour effet, en application de l'article 503 du code de procédure civile, d'en permettre l'exécution à l'encontre de M. Q... ; que M. Q... soutient, en troisième lieu, qu'en application de l'article 2224 du code civil, le fonds de garantie ne peut obtenir le recouvrement des intérêts échus plus de cinq ans avant la signification du 17 novembre 2015 ; que cependant, la prescription quinquennale prévue à cet article n'est pas applicable aux intérêts dus sur la somme objet de la condamnation dès lors, d'une part, que le créancier qui agit en recouvrement de cette somme ne met pas en oeuvre une action en paiement des intérêts mais agit en vertu d'un titre exécutoire en usant d'une mesure d'exécution, laquelle action, en application de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution peut être poursuivie pendant dix ans, d'autre part, qu'en vertu de la nature de la créance, les intérêts dus sur celle-ci, en application de l'article 2226 du code civil, se prescrivent par dix ans ; qu'il en résulte que, le fonds de garantie ayant poursuivi l'exécution du titre exécutoire le 10 novembre 2015, les intérêts dus sur la créance en principal du fonds de garantie ne peuvent remonter au-delà du 10 novembre 2005 ; qu'il convient donc d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté M. Q... de sa demande tendant à voir courir les intérêts à une autre date que celle du 24 mars 2001 et, statuant à nouveau, de dire que ceux-ci courent à compter de 10 novembre 2005 ;

1°) ALORS QUE la créance du FGTI, dont le recouvrement est poursuivi par subrogation dans les droits de la victime, n'est pas indemnitaire mais porte sur le paiement d'une somme d'argent et ne produit intérêts que du jour de la demande ; qu'en faisant courir les intérêts à compter du 10 novembre 2005, alors que les sommes dues par M. Q... au FGTI, subrogé dans les droits des victimes, en remboursement de l'indemnité versée, ne pouvaient produire d'intérêts qu'à compter de la demande du FGTI à son encontre, la cour d'appel a violé les articles 1153, par refus d'application, et 1153-1, par fausse application, du code civil, devenus les articles 1231-6 et 1231-7 du même code et l'article 706-11 du code de procédure pénale ;

2°) ALORS QUE, en tout état de cause, le créancier qui poursuit l'exécution d'un jugement ne peut obtenir le règlement des intérêts échus sur les sommes dues en vertu du jugement depuis plus de cinq ans à la date de sa demande ; que le délai d'exécution d'un titre exécutoire n'est ainsi pas applicable aux créances périodiques nées en application de ce titre ; qu'en jugeant le contraire, pour retenir que le FGTI pouvait poursuivre pendant dix ans, en application de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, le recouvrement des intérêts assortissant la condamnation prononcée par l'arrêt de la cour d'assises du Val-d'Oise du 12 juin 1998, la cour d'appel a violé le texte susvisé par fausse application, et les articles 2224 et 2277, ancien, du code civil, par refus d'application ;

3°) ALORS QU'en n'invitant pas les parties à présenter leurs observations sur ce moyen tiré de ce que le FGTI pouvait poursuivre pendant dix ans, en application de l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, le recouvrement des intérêts assortissant la condamnation prononcée par l'arrêt de la cour d'assises du Val-d'Oise du 12 juin 1998, qu'elle relevait d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE le créancier qui poursuit l'exécution d'un jugement ne peut obtenir le règlement des intérêts échus sur les sommes dues en vertu du jugement depuis plus de cinq ans à la date de sa demande ; qu'ainsi, la créance d'intérêts produits par les sommes faisant l'objet d'un jugement ne peut se voir appliquer la prescription décennale de l'article 2226 du code civil ; qu'en retenant cependant qu'en vertu de la nature de la créance faisant l'objet de l'arrêt de cour d'assises du 12 juin 1998, les intérêts dus sur celle-ci se prescrivaient par dix ans, la cour d'appel a violé les articles 2224 et 2277, ancien, du code civil, par refus d'application, et l'article 2226 du code civil, par fausse application ;

5°) ALORS QU'en n'invitant pas les parties à présenter leurs observations sur ce moyen tiré de la prescription décennale de la créance d'intérêts échus sur les sommes dues en vertu de l'arrêt de cour d'assises du 12 juin 1998, qu'elle relevait d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 17-31014
Date de la décision : 29/08/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

FONDS DE GARANTIE - Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions - Recours subrogatoire - Recours contre l'auteur de l'infraction - Fondement - Décision rendue par une juridiction répressive statuant sur intérêts civils - Recouvrement des intérêts ayant couru sur les indemnités versées par le Fonds - Point de départ - Détermination

FONDS DE GARANTIE - Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions - Recours subrogatoire - Recours contre l'auteur de l'infraction - Fondement - Décision rendue par une juridiction répressive statuant sur intérêts civils - Portée PROCEDURES CIVILES D'EXECUTION - Mesures d'exécution forcée - Titre - Titre exécutoire - Bénéfice - Personne subrogée dans les droits du bénéficiaire initial - Portée

Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) qui, subrogé dans les droits de la victime, peut se prévaloir de l'arrêt rendu, sur intérêts civils, au profit de cette dernière et prononçant des condamnations assorties des intérêts au taux légal, est fondé à recouvrer sur le fondement de ce titre exécutoire les intérêts courus de plein droit, à compter du paiement subrogatoire, sur les indemnités qu'il a versées


Références :

articles 706-3 et 706-11 du code de procédure pénale

articles 1231-6, 1231-7 et 1346-4 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12 octobre 2017

Sur la possibilité pour le FGTI qui a versé l'aide au recouvrement prévue par l'article 706-15-1 du code de procédure pénale de se prévaloir, comme subrogé dans les droits de la victime, de l'arrêt définitif émanant de la juridiction répressive, à rapprocher :2e Civ., 6 février 2014, pourvoi n° 13-10298, Bull. 2014, II, n° 37 (cassation). Sur la possibilité pour le FGTI de se prévaloir, comme subrogé dans les droits de la victime, de la décision rendue par la juridiction répressive, statuant sur intérêts civils, afin d'obtenir le recouvrement des indemnités versées en exécution de la décision de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions, à rapprocher : 2e Civ., 8 septembre 2016, pourvoi n° 14-24392, Bull. 2016, II, n° 201 (cassation) ;2e Civ., 1 mars 2018, pourvoi n° 16-20603, Bull. 2018, II, n° 36 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 29 aoû. 2019, pourvoi n°17-31014, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Avocat(s) : SCP Monod, Colin et Stoclet, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.31014
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