LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 mars 2018), que M. W..., propriétaire d'un appartement donné à bail à Mme S... depuis le 1er octobre 1976, lui a délivré un congé pour reprise à effet du 30 septembre 2015 ; que, la locataire s'étant maintenue dans les lieux au-delà de cette date, il l'a assignée, par acte du 13 janvier 2016, afin de faire déclarer le congé valable ; que, les effets du congé ayant été reportés au 23 juin 2016, Mme S... a soulevé le défaut d'intérêt à agir de M. W... ;
Attendu que Mme S... fait grief à l'arrêt rejeter la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de M. W... alors, selon le moyen, que n'a pas intérêt à agir le bailleur qui assigne en validation d'un congé avant la date d'effet de celui-ci ; qu'il résulte des constatations des juges du fond que la date d'échéance du bail liant Mme S... à M. W... était le 23 juin 2016, que l'assignation en validation du congé avait été délivrée le 13 janvier 2016 et que l'affaire a été plaidée en première instance le 23 juin 2016, soit avant l'expiration du bail ; qu'en estimant que M. W... avait un intérêt à agir car le congé qu'il avait délivré mentionnait une date d'effet erronée au 30 septembre 2015, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article 31 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action ; qu'ayant constaté que l'assignation du 13 janvier 2016 avait été délivrée postérieurement au 30 septembre 2015, date d'effet du congé dont M. W... se prévalait lors de l'introduction de l'instance, la cour d'appel en a exactement déduit que la fin de non-recevoir soulevée par Mme S... et tirée du défaut d'intérêt à agir de M. W... en raison de ce que le congé, délivré pour une date prématurée, n'avait produit effet qu'après l'introduction de l'instance, devait être rejetée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme S... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme S... et la condamne à payer une somme de 3 000 euros à M. W... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Occhipinti, avocat aux Conseils, pour Mme S...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré M. W... recevable en ses demandes, déclaré valide le congé délivré à Mme S... le 17 mars 2015, constaté que le bail liant les parties avait pris fin le 23 juin 2016 à minuit et dit qu'à défaut de libération des lieux, M. W... pourrait procéder à l'expulsion de Mme S... ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article 31 du code de procédure civile "L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un intérêt légitime" ; l'intérêt à agir n'est pas subordonné la démonstration préalable du bien-fondé de l'action ; Qu'en conséquence dès lors que l'assignation est délivrée postérieurement à la date d'effet du congé mentionnée dans l'acte de délivrance du congé, et dont le bailleur se prévalait alors, la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir, soulevée contre le bailleur, doit être rejetée (Cass 3ème civ 29 septembre 2010) ; M. Q... W... a délivré congé à Mme C... S... le 17 mars 2015 pour le 30 septembre 2015, étant observé que le contrat de bail a pris effet un 1er octobre ; Qu'en première instance les parties se sont accordées à dire qu'en réalité par application de l'article 51 de la loi du 23 décembre 1986 le bail s'est renouvelé à compter du 24 juin 1983 par période de trois ans, ce qui a conduit à un dernier terme au 23 juin 2016 ; Qu'il résulte des énonciations du jugement déféré que s'agissant d'un contrat conclu en 1976 une discussion est intervenue entre les parties relativement aux modifications législatives qui, intervenues depuis la date d'effet du bail ont eu une influence sur la date d'effet du congé ; l'intérêt à agir de M Q... W... n'était pas quant à lui subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de son action en validation de congé et en particulier à la preuve de l'exactitude de la date d'effet du congé mentionnée dans celui-ci ; l'assignation du 13 janvier 2016 a été délivrée postérieurement au 30 septembre 2015, date d'effet du congé mentionnée dans l'acte de congé, et dont M Q... W... se prévalait initialement ; le fait que le congé ait été délivré prématurément entraîne le report des effets du congé à la date effective de congé; cette circonstance est sans incidence sur l'intérêt à agir du bailleur dèss lors que l'assignation a été délivrée après le 30 septembre 2015 date d'effet du congé dont il se prévalait initialement ;
il s'en déduit que M Q... W... disposait à la date de l'assignation d'un intérêt né et actuel à agir en validation de congé ; que la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir doit être rejetée ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'action a été engagée par M. Q... W... le 13 janvier 2016 en se fondant sur un congé dont il estime alors les effets au 30 septembre 2015. L'assignation est donc bien délivrée postérieurement au congé, et postérieurement aux effets de ce congé. Le fait que l'action soit bien ou mal fondée, notamment en raison de la date réelle des effets d'une date du congé et le recours à une date erronée des effets de celui-ci par le bailleur, ne suffit pas à considérer qu'il n'avait pas un intérêt né et actuel à agir, au moment où il a délivré l'assignation puis saisi le tribunal ; M. W... sera donc déclaré recevable ;
ALORS QUE n'a pas intérêt à agir le bailleur qui assigne en validation d'un congé avant la date d'effet de celui-ci ; qu'il résulte des constatations des juges du fond que la date d'échéance du bail liant Mme S... à M. W... était le 23 juin 2016, que l'assignation en validation du congé avait été délivrée le 13 janvier 2016 et que l'affaire a été plaidée en première instance le 23 juin 2016, soit avant l'expiration du bail ; qu'en estimant que M. W... avait un intérêt à agir car le congé qu'il avait délivré mentionnait une date d'effet erronée au 30 septembre 2015, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article 31 du code de procédure civile.