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15/05/2019 | FRANCE | N°18-15379

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 15 mai 2019, 18-15379


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 29 juillet 2004, la Banque populaire provençale et corse (la banque) a consenti à la société Atrium réception tourisme (la société) un prêt professionnel d'un montant de 100 000 euros ; que, par des actes séparés du 17 mars 2004, M. F... A..., gérant de la société et les parents de son épouse, M. et Mme K..., se sont portés cautions en garantie de ce prêt ; que la société a cessé de payer les échéances du prêt en juin 2005 et a été placée en liqu

idation judiciaire ; que M. F... A... ainsi que M. et Mme K..., pris en leurs qual...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 29 juillet 2004, la Banque populaire provençale et corse (la banque) a consenti à la société Atrium réception tourisme (la société) un prêt professionnel d'un montant de 100 000 euros ; que, par des actes séparés du 17 mars 2004, M. F... A..., gérant de la société et les parents de son épouse, M. et Mme K..., se sont portés cautions en garantie de ce prêt ; que la société a cessé de payer les échéances du prêt en juin 2005 et a été placée en liquidation judiciaire ; que M. F... A... ainsi que M. et Mme K..., pris en leurs qualités de cautions, ont été condamnés à rembourser la banque ; que soutenant avoir réglé la somme de 50 000 euros en exécution d'un protocole d'accord conclu entre la banque, son fils F..., M. et Mme K... et lui-même, M. D... U... a assigné ces derniers en remboursement, chacun, de la somme de 25 000 euros sur le fondement de la gestion d'affaires ;

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur la première branche du moyen :

Vu l'article 1372 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Attendu que la gestion d'affaires, qui implique l'intention du gérant d'agir pour le compte et dans l'intérêt du maître de l'affaire, est incompatible avec l'exécution d'une obligation contractuelle ;

Attendu que, pour condamner M. et Mme K... à payer, chacun, une certaine somme à M. D... U..., l'arrêt retient que la gestion d'affaires, dont ce dernier revendique le bénéfice, consiste à s'être engagé, sans y être tenu, par le protocole d'accord signé le 22 avril 2011, et non dans le fait d'avoir procédé à des règlements en exécution de ce protocole, que M. D... U... n'était pas tenu de s'immiscer dans le litige opposant la banque, son fils, ainsi que M. et Mme K... ni de s'engager en leurs lieu et place ; qu'il ajoute que l'intervention volontaire de M. D... U... a été utile aux parties en ce qu'elle a permis une diminution importante de leur dette ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que le paiement litigieux était intervenu en exécution d'un protocole signé entre la banque, M. D... U..., M. F... A... ainsi que M. et Mme K..., la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. et Mme K... à payer, chacun, la somme de 16 666 euros à M. D... U..., l'arrêt rendu le 8 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne M. D... U... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à M. et Mme K... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour M. et Mme K....

Les époux K... font grief à l'arrêt attaqué de les avoir condamnés à verser la somme de 16.666 € chacun à M. D... U... ;

AUX MOTIFS QUE selon l'article 1372 devenu 1301 du code civil, que celui qui, sans y être tenu, gère sciemment et utilement l'affaire d'autrui, à l'insu ou sans opposition du maître de cette affaire, est soumis, dans l'accomplissement des actes juridiques et matériels de sa gestion, à toutes les obligations d'un mandataire ; que selon l'article 1375 devenu 1301-2 du même code, celui dont l'affaire a été utilement gérée doit remplir les engagements contractés dans son intérêt par le gérant ; qu'il rembourse au gérant les dépenses faites dans son intérêt et l'indemnise des dommages qu'il a subis en raison de sa gestion ; que contrairement à l'objection formulée par les époux K..., la gestion d'affaire dont M. D... U... revendique le bénéfice consiste à s'être engagé sans y être tenu, dans le cadre du protocole signé le 22 avril 2011, et non dans le fait d'avoir procédé à des règlements en exécution de ce protocole ; que si M. D... U... pouvait y avoir un intérêt moral ou affectif à l'égard de son fils, voir un intérêt économique, au travers de la société Olstya, associée au sein de la société Atrium et dont M. A... ne conteste pas y détenir des parts, il demeure que M. D... U... n'était aucunement tenu de s'immiscer dans le litige opposant son fils et les époux K... à la Banque populaire et s'engager en leurs lieu et place ; qu'il sera rappelé en particulier, que M. D... U... n'était pas caution des engagements souscrits par la Sarl Atrium envers la Banque populaire ; qu'il est par ailleurs établi que l'intervention volontaire de M. D... U... a été utile aux parties, puisqu'elle a permis une diminution importante du montant de la dette des époux K... à l'égard de la Banque populaire et qu'elle a également arrêté le cours des intérêts ; que cette gestion d'affaires est intervenue sans opposition de la Banque populaire, celle-ci consentant du reste expressément à l'intervention de M. A... par le truchement d'un mandataire en la personne de Mme G... A... ; qu'en conséquence les conditions de la gestion d'affaires sont réunies, et les époux devront indemniser le gérant d'affaire, M. D... U..., des dépenses faites dans leur intérêt ; qu'à cet effet, il convient toutefois de se reporter à l'article 4 du protocole, rédigé dans les termes suivants : « 4. Afin d'apporter son aide aux membres de sa famille et de faciliter le règlement transactionnel des deux jugements précités, Monsieur D... U... intervient au présent protocole et offre de régler pour le compte de Monsieur W... K..., de Mme Danièle K... et de Monsieur F... A... la somme de 50.000 euros dès la signature du présent protocole » ; que cet article exprime de façon incontestable que M. D... U... est intervenu pour le compte des trois personnes mentionnées, dont son fils F..., et non des seuls époux K... ; qu'en conséquence, M. D... U... n'est fondé à réclamer aux époux K... que le tiers des sommes qu'il a acquittées à ce titre ; que la demande de M. D... U... sera, dès lors, accueillie à hauteur de 16.666,66 euros à l'égard de chacun des époux K... ;

1°) ALORS QUE celui qui est contractuellement tenu d'accomplir un acte ne peut s'en prévaloir au titre de la gestion d'affaires ; qu'en énonçant, pour condamner les époux K... à verser chacun la somme de 16.666 € à M. D... U..., que la gestion d'affaires dont ce dernier revendiquait le bénéfice consistait à s'être engagé sans y être tenu dans le cadre d'un protocole transactionnel, et non dans le fait d'avoir procédé à des règlements en exécution de ce protocole, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que le paiement dont M. D... U... demandait le remboursement avait été fait en exécution d'une convention, a ainsi violé l'article 1372 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°) ALORS QUE le juge doit, pour ordonner le remboursement de la somme versée par un tiers en vue d'acquitter la dette d'autrui, constater que la cause de ce paiement impliquait, pour le débiteur, l'obligation de lui rembourser cette somme ; qu'en condamnant les époux K... à verser, chacun, la somme de 16.666 € à M. D... U..., sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la lecture du protocole ne révélait pas que ce dernier s'était engagé à verser une somme d'agent à la banque pour le compte de son fils et des époux K... sans aucune obligation de remboursement à la charge de ces derniers, ce dont il aurait résulté qu'il était animé d'une intention libérale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1236 du code civil alors en vigueur.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-15379
Date de la décision : 15/05/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

QUASI-CONTRAT - Gestion d'affaires - Définition - Volonté de représenter - Incompatibilité avec l'exécution d'une obligation légale ou contractuelle

La gestion d'affaires, qui implique l'intention du gérant d'agir pour le compte et dans l'intérêt du maître de l'affaire, est incompatible avec l'exécution d'une obligation contractuelle. Viole l'article 1372 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la cour d'appel qui accorde une indemnité sur le fondement de la gestion d'affaires après avoir constaté que le paiement litigieux était demandé à la suite de l'exécution d'un contrat


Références :

article 1372 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 08 février 2018

Sur l'incompatibilité de la gestion d'affaires avec l'exécution d'une obligation légale ou contractuelle, à rapprocher : 3e Civ., 19 mars 2008, pourvoi n° 07-10704, Bull. 2008, III, n° 55 (1) (rejet), et les arrêts cités ;

Com., 13 janvier 2015, pourvoi n° 13-11550, Bull. 2015, IV, n° 3 (cassation partielle)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 15 mai. 2019, pourvoi n°18-15379, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.15379
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