La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/10/2017 | FRANCE | N°16-85975

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 24 octobre 2017, 16-85975


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
Le Syndicat Mixte Interrégional d'Aménagement des Digues du Delta du Rhône et de la Mer (SYMADREM),

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 12 septembre 2016, qui, pour homicide involontaire, l'a condamné à 60 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 12 septembre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 56

7-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Dreifuss-Netter, conseiller r...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
Le Syndicat Mixte Interrégional d'Aménagement des Digues du Delta du Rhône et de la Mer (SYMADREM),

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 12 septembre 2016, qui, pour homicide involontaire, l'a condamné à 60 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 12 septembre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Dreifuss-Netter, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

Sur le rapport de Mme le conseiller DREIFUSS-NETTER, les observations de la société civile professionnelle GASCHIGNARD, de la société civile professionnelle POTIER DE LA VARDE, BUK-LAMENT etROBILLOT, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAGAUCHE ;

Vu les mémoires en demande et en défense et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, dans la soirée du 19 juillet 2010, Martin X... s'est rendu, en motocyclette de cross, sur la digue du Rhône à Arles, accompagné de deux amis, l'un également en motocyclette, l'autre passager de ce dernier, qu'ayant contourné la barrière d'accès à la digue, les jeunes gens, après avoir fait usage d'un terrain de cross sauvage, ont emprunté le chemin de halage, où Martin X... a heurté , peu après, un câble placé en travers du chemin, lequel, pris dans le garde-boue et mis en tension sous l'effet du choc, est venu le frapper au ventre et au thorax, occasionnant plusieurs hémorragies internes dont il est décédé le soir même ; qu'à l'issue d'une information judiciaire, le Syndicat Mixte Interrégional d'Aménagement des Digues du Delta du Rhône et de la Mer (SYMADREM), groupement de collectivités territoriales propriétaire du terrain, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour homicide involontaire, qui l'a déclaré coupable des faits reprochés, condamné à 60 000 euros d'amende et prononcé sur les intérêts civils ; que l'ensemble des parties a interjeté appel ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-2, 221-6, 221-7 du code pénal, de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a jugé le SYMADREM coupable du délit d'homicide involontaire ;

"aux motifs que le SYMADREM est poursuivi sur le terrain de la faute simple de l'article 221-6 du code pénal qui réprime « le fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l'article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d'autrui » ; qu'effectivement, s'agissant d'une personne morale, la faute simple suffit pour entraîner la culpabilité du SYMADREM ; que le premier argument du SYMADREM à l'appui de la relaxe consiste à dire que la victime avait interdiction de circuler sur les lieux de l'accident ; qu'il est constant que la digue du Petit Rhône, à l'endroit où s'est produit l'accident, appartient au SYMADREM qui en est à la fois le propriétaire et l'exploitant ; que le décret du 6 février 1932 portant règlement général de police des voies de navigation intérieure, aujourd'hui codifié au code des transports, dispose que « sous réserve des règlements particuliers prévus à l'article 9 en ce qui concerne l'exercice de la traction, nul ne peut, si ce n'est à pied, circuler sur les digues et chemins de halage des canaux, dérivations, des rigoles et des réservoirs, non plus que sur les chemins de halage construits par l'Etat le long des rivières navigables, s'il n'est porteur d'une autorisation écrite » délivrée à titre précaire et révocable par les ingénieurs ; que ce texte régit la circulation sur les digues et chemins de halage sur le domaine public fluvial ; que le Rhône, y compris dans son démembrement en le Petit Rhône et Grand Rhône, fait partie du domaine public fluvial ; que ce texte s'appliquait donc bien sur les lieux de l'accident ; qu'il est faux de dire qu'il ne s'applique qu'aux digues appartenant à l'Etat, en faisant un amalgame erroné avec les termes qu'il emploie de « chemins de halage construits par l'Etat » ; que, dès lors, qu'il n'était pas titulaire d'une autorisation écrite délivrée dans les conditions du décret ci-dessus, le jeune Martin X... n'était pas en droit de circuler sur les digues du Petit Rhône avec sa moto ; que le SYMADREM se prévaut ensuite de l'article 2 d'un arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 24 octobre 2002 qui précise que « la circulation est interdite sur les digues du Rhône à tout véhicule à moteur », que « nul ne peut circuler si ce n'est à pied ou au moyen d'un vélo, sur les digues et emprises énumérées à l'article 1° s'il n'est porteur d'une autorisation écrite du préfet d'Arles » et que « la vitesse est limitée à 30 km/h » ; qu'il indique que le jeune Martin X... non seulement ne pouvait circuler sur la digue au vu de ce texte, mais aussi ne respectait pas la vitesse autorisée, puisque, selon ses amis qui se trouvaient avec lui, il circulait à 60 km/h ; que toutefois cet arrêté n'est pas applicable aux faits de la cause ; qu'en effet, en son article 1), il dispose qu'il s'applique aux emprises comprises : Digues Grand Rhône : - -entre le PK 288.500 et le PK 311500 (rive gauche) KE 31, KR 152, KI 79, KL 37, KM 120, KP 91, KR 55, KS 48 pour une superficie de 24 ha, 86 a, 24 ca ;/ -entre le PK 317 et le PK 326 (rive droite) RM 77, RN 23, RP 39, RP 40, RS 10 pour 17 a17ca ; que le lieu de l'accident est le PK 284.2 du Petit Rhône; qu'il n'entre par conséquent pas dans le champ d'application de l'arrêté susvisé ; que la limitation à 30 km/h ne s'appliquait pas en l'espèce et que le jeune Martin X... n'était pas en tort en circulant à 60 km/h à cet endroit ; qu'il est constant que la cause de l'accident est le câble tendu en travers de la digue ; que Martin X... l'a percuté de sorte qu'il est venu le heurter au thorax et a entraîné un phénomène de décélération brutal qui a entraîné une hémorragie interne ; qu'indépendamment du point de savoir si Martin X... avait connaissance ou non de l'interdiction de circuler avec un engin motorisé sur les digues du Rhône, ce qui a donné lieu à des déclarations contradictoires de la part des témoins, il ressort de l'instruction que les membres du SYMADREM savaient que des motos circulaient sur les digues ; que cela ressort clairement des auditions de M. Jean-Pierre Y..., directeur du SYMADREM, qui indique qu'il connaissait l'existence du terrain de moto cross en bordure du Petit Rhône sur le terrain du SYMADREM, et qu'ils observaient de plus en plus de passage de motos et de quads ; que cela ressort également de la dernière audition du président du SYMADREM de l'époque, M. Z... ; que cela ressort enfin de l'audition des parties civiles et de la pétition jointe au dossier, signée par un nombre important de personnes "reconnaissant avoir emprunté les digues du Rhône ou du Petit Rhône que ce soit à vélo, à cheval, moto cross, quad ou autre engin de circulation et ceci sans être inquiété par qui que ce soit, garde ou autre, et prévenu de l'interdiction de circuler ; que tout le monde est au courant qu'une circulation existe sur les digues ; que d'ailleurs, leur accès est très facile" ; qu'il est donc établi qu'une circulation de motos notamment avait cours sur les digues du Rhône, au vu et au su de tout le monde, y compris des autorités du SYMADREM ; que, concernant l'entrée du site, une barrière DFCI pivotante avait été mise en place, mais n'était pas assortie d'un panneau BO d'interdiction ; que le SYMADREM soutient que ce panneau avait été volé 15 jours avant les faits ; que toutefois, aucun rapport d'incident n'avait été établi et qu'aucune trace de vissage de panneau n'était visible sur la barrière ; qu'il était possible de passer de part et d'autre de la barrière, puisque les traces de passage avaient fini par s'inscrire sur le terrain lui-même ; que les trois jeunes gens de la cause ont donc pu pénétrer facilement sur le site, sans qu'une interdiction formelle soit matérialisée, conformément à l'usage qui s'était créé de circulation sur les digues du Rhône, en pleine connaissance du SYMADREM ; que quelques kilomètres plus loin, se trouvait la barrière à câble litigieuse ; qu'il ressort du transport sur les lieux effectué au cours de l'instruction dans les conditions précises du jour de l'accident que Martin X... ne pouvait éviter le câble tendu ; qu'il n'était visible qu'à 33,85 m, et que le motard qui a effectué les essais a précisé qu'il n'était visible que "lorsqu'on était dessus" ; qu'il est vain de dire que la victime connaissait l'existence de ce câble, car une chose est de connaître l'existence de câbles barrant un chemin, une autre chose est de connaître leur emplacement exact avec précision ; que, pour se dédouaner de sa culpabilité, le SYMADREM soutient que ce câble été installé sur les recommandations de la DDE, et était conforme aux normes DFCI ; que les normes DFCI n'ont rien à voir dans l'affaire, puisqu'elles concernent la protection incendie ; que de surcroît, même si un marché d'entretien des digues a été signé le 18 avril 2003 sous la maîtrise d'oeuvre de la DDE, dans le cadre d'une convention avec les services de l'Etat, il n'en demeure pas moins que le décideur des mesures à prendre pour préserver les digues demeure le SYMADREM en sa qualité de maître de l'ouvrage ; que c'est donc bien lui qui a donné son accord à l'installation des câbles litigieux et signé les documents pour ce faire ; qu'il prétend s'être fondé sur le projet établi par la DDE, qu'il ne joint d'ailleurs pas au dossier, de sorte qu'il n'est pas possible de savoir exactement les préconisations qui avaient été faites ; qu'il est résulté des débats que l'installation de câbles était l'un des dispositifs les moins chers, ce qui a nécessairement eu une incidence sur le choix opéré au mépris de la sécurité des personnes circulant à moto sur les digues en toute connaissance des autorités du SYMADREM ; que le coût unitaire d'une barrière à câble était à l'époque de 600 euros alors que celui d'une barrière DFCI, comme celle installée à l'entrée du site, était de 1500 euros ; que cela ressort du bon de commande joint au dossier par le SYMADREM, et signé par son représentant légal ; qu'il en résulte que le SYMADREM a été négligent en ne matérialisant pas plus clairement par un panneau BO l'interdiction de pénétrer sur le site et en installant ensuite des barrières à câble peu visibles en cas de lumière rasante ; qu'il doit assumer ce choix désastreux dont la responsabilité lui incombe ; que, sur ce dernier point, l'enquête et les photos prises tant au moment de l'accident que lors du transport ont révélé que les poteaux sur lesquels était fixé le câble étaient en grande partie cachés par la végétation ce qui est aussi révélateur de la négligence du SYMADREM quant à son obligation d'entretien ; qu'il prétend que le débroussaillage avait été réalisé peu de temps avant l'accident, mais que la réalité des faits matérialisée par les photographies prouve le contraire ; que la circulaire du 6 septembre 2005 sur la circulation des quads et autres véhicules à moteur dans les espaces naturels préconise « de ne jamais tendre de câbles qui constituent des obstacles insidieux, invisibles pour un motard et excessivement dangereux » ; que, bien qu'elle précise également en son article 2.4.1.1 que les digues et chemins de halage ne constituent pas des voies ouvertes à la circulation et, en son article 1, que les itinéraires clandestins qui, à force de passages répétés, créent au sol une piste alors que le propriétaire n'a jamais eu l'intention de créer un chemin à cet emplacement, ne constituent pas des voies privées ouvertes à la circulation publique, il n'en demeure pas moins qu'en installant une barrière à câble à un endroit notoirement connu pour être emprunté par les motos, le SYMADREM a installé « un obstacle insidieux, invisible pour un motard et excessivement dangereux » en toute connaissance de cause ; qu'il a également sur ce point, fait preuve de la plus grande négligence ; que d'ailleurs, juste après l'accident, un panneau BO a été installé et des rochers mis en place de part et d'autre de la barrière pivotante pour empêcher le passage des motos ; que les câbles ont été fixés aux poteaux pour qu'ils ne soient plus au milieu du chemin ; que c'est dire que le SYMADREM a eu conscience de sa défaillance et a voulu faire en sorte, en faisant preuve d'une diligence trop tardive, qu'un tel accident ne se reproduise pas ; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments qu'en installant une barrière à câble en pleine connaissance de ce que les motos circulaient sur les digues du Rhône, en ne matérialisant pas clairement l'interdiction de pénétrer sur les lieux, et en n'assurant pas la parfaite visibilité de ces barrières à câble, le SYMADREM a été la cause de l'accident survenu à Martin X... et de son décès ; qu'il n'établit en aucune manière les "fautes caractérisées" qu'il reproche au jeune homme dont il n'apparaît pas qu'il roulait à une vitesse excessive ou imprudemment puisque la limitation à 30 km/h de l'arrêté préfectoral de 2002 ne s'appliquait pas à lui, et qu'il n'avait fait que pénétrer à moto avec ses amis sur un lieu couramment emprunté à cette fin en toute connaissance du propriétaire et exploitant des lieux, le SYMADREM ;

"alors que les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation de service public ; qu'en déclarant le SYMADREM coupable du délit d'homicide involontaire sans préciser en quoi les missions confiées à celui-ci, consistant dans la gestion et la surveillance des digues fluviales, la protection contre les risques d'inondation et la représentation de ses membres auprès des instances concernées par le gestion du Rhône, étaient susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation de service public, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu que, pour déclarer le SYMADREM coupable d'homicide involontaire, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en statuant ainsi, par de tels motifs d'où il se déduit que l'infraction a été commise par un groupement de collectivités territoriales dans l'exercice, conformément à son objet statutaire, des activités d'entretien et de surveillance des digues fluviales et de leurs dépendances, susceptibles de faire l'objet d'une convention de délégation de service public au sens de l'article 121-2, alinéa 2, du code pénal, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation du principe de la séparation des pouvoirs, de la loi des 16-24 août 1790, du décret du 28 fructidor an III, de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985, de l'article 1382 du Code civil et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, violation de la loi, défaut de motifs et défaut de base légale, contradiction de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné le SYMADREM à verser à M. X... et à Mme A... une somme de 35 000 euros chacun et à M. X... et à Mme B... une somme de 15 000 euros chacun ;

"aux motifs que le SYMADREM est poursuivi sur le terrain de la faute simple de l'article 221-6 du code pénal qui réprime « le fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l'article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d'autrui » ; qu'effectivement, s'agissant d'une personne morale, la faute simple suffit pour entraîner la culpabilité du SYMADREM ; que le premier argument du SYMADREM à l'appui de la relaxe consiste à dire que la victime avait interdiction de circuler sur les lieux de l'accident ; qu'il est constant que la digue du Petit Rhône, à l'endroit où s'est produit l'accident, appartient au SYMADREM qui en est à la fois le propriétaire et l'exploitant ; que le décret du 6 février 1932 portant règlement général de police des voies de navigation intérieure, aujourd'hui codifié au code des transports, dispose que « sous réserve des règlements particuliers prévus à l'article 9 en ce qui concerne l'exercice de la traction, nul ne peut, si ce n'est à pied, circuler sur les digues et chemins de halage des canaux, dérivations, des rigoles et des réservoirs, non plus que sur les chemins de halage construits par l'Etat le long des rivières navigables, s'il n'est porteur d'une autorisation écrite » délivrée à titre précaire et révocable par les ingénieurs ; que ce texte régit la circulation sur les digues et chemins de halage sur le domaine public fluvial ; que le Rhône, y compris dans son démembrement en le Petit Rhône et Grand Rhône, fait partie du domaine public fluvial ; que ce texte s'appliquait donc bien sur les lieux de l'accident ; qu'il est faux de dire qu'il ne s'applique qu'aux digues appartenant à l'Etat, en faisant un amalgame erroné avec les termes qu'il emploie de « chemins de halage construits par l'Etat » ; que, dès lors, qu'il n'était pas titulaire d'une autorisation écrite délivrée dans les conditions du décret ci-dessus, le jeune Martin X... n'était pas en droit de circuler sur les digues du Petit Rhône avec sa moto ; que le SYMADREM se prévaut ensuite de l'article 2 d'un arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 24 octobre 2002 qui précise que « la circulation est interdite sur les digues du Rhône à tout véhicule à moteur », que « nul ne peut circuler si ce n'est à pied ou au moyen d'un vélo, sur les digues et emprises énumérées à l'article 1° s'il n'est porteur d'une autorisation écrite du préfet d'Arles » et que « la vitesse est limitée à 30 km/h » ; qu'il indique que le jeune Martin X... non seulement ne pouvait circuler sur la digue au vu de ce texte, mais aussi ne respectait pas la vitesse autorisée, puisque, selon ses amis qui se trouvaient avec lui, il circulait à 60 km/h ; que toutefois cet arrêté n'est pas applicable aux faits de la cause ; qu'en effet, en son article 1), il dispose qu'il s'applique aux emprises comprises : Digues Grand Rhône : - -entre le PK 288.500 et le PK 311500 (rive gauche) KE 31, KR 152, KI 79, KL 37, KM 120, KP 91, KR 55, KS 48 pour une superficie de 24 ha, 86 a, 24 ca ;/ -entre le PK 317 et le PK 326 (rive droite) RM 77, RN 23, RP 39, RP 40, RS 10 pour 17 a17ca ; que le lieu de l'accident est le PK 284.2 du Petit Rhône; qu'il n'entre par conséquent pas dans le champ d'application de l'arrêté susvisé ; que la limitation à 30 km/h ne s'appliquait pas en l'espèce et que le jeune Martin X... n'était pas en tort en circulant à 60 km/h à cet endroit ; qu'il est constant que la cause de l'accident est le câble tendu en travers de la digue ; que Martin X... l'a percuté de sorte qu'il est venu le heurter au thorax et a entraîné un phénomène de décélération brutal qui a entraîné une hémorragie interne ; qu'indépendamment du point de savoir si Martin X... avait connaissance ou non de l'interdiction de circuler avec un engin motorisé sur les digues du Rhône, ce qui a donné lieu à des déclarations contradictoires de la part des témoins, il ressort de l'instruction que les membres du SYMADREM savaient que des motos circulaient sur les digues ; que cela ressort clairement des auditions de M. Jean-Pierre Y..., directeur du SYMADREM, qui indique qu'il connaissait l'existence du terrain de moto cross en bordure du Petit Rhône sur le terrain du SYMADREM, et qu'ils observaient de plus en plus de passage de motos et de quads ; que cela ressort également de la dernière audition du président du SYMADREM de l'époque, monsieur M. Z... ; que cela ressort enfin de l'audition des parties civiles et de la pétition jointe au dossier, signée par un nombre important de personnes "reconnaissant avoir emprunté les digues du Rhône ou du Petit Rhône que ce soit à vélo, à cheval, moto cross, quad ou autre engin de circulation et ceci sans être inquiété par qui que ce soit, garde ou autre, et prévenu de l'interdiction de circuler. Tout le monde est au courant qu'une circulation existe sur les digues. D'ailleurs, leur accès est très facile" ; qu'il est donc établi qu'une circulation de motos notamment avait cours sur les digues du Rhône, au vu et au su de tout le monde, y compris des autorités du SYMADREM ; que, concernant l'entrée du site, une barrière DFCI pivotante avait été mise en place, mais n'était pas assortie d'un panneau BO d'interdiction ; que le SYMADREM soutient que ce panneau avait été volé 15 jours avant les faits ; que toutefois, aucun rapport d'incident n'avait été établi et qu'aucune trace de vissage de panneau n'était visible sur la barrière ; qu'il était possible de passer de part et d'autre de la barrière, puisque les traces de passage avaient fini par s'inscrire sur le terrain lui-même ; que les trois jeunes gens de la cause ont donc pu pénétrer facilement sur le site, sans qu'une interdiction formelle soit matérialisée, conformément à l'usage qui s'était créé de circulation sur les digues du Rhône, en pleine connaissance du SYMADREM ; que quelques kilomètres plus loin, se trouvait la barrière à câble litigieuse ; qu'il ressort du transport sur les lieux effectué au cours de l'instruction dans les conditions précises du jour de l'accident que M. X... ne pouvait éviter le câble tendu ; qu'il n'était visible qu'à 33,85 m, et que le motard qui a effectué les essais a précisé qu'il n'était visible que "lorsqu'on était dessus" ; qu'il est vain de dire que la victime connaissait l'existence de ce câble, car une chose est de connaître l'existence de câbles barrant un chemin, une autre chose est de connaître leur emplacement exact avec précision ; que, pour se dédouaner de sa culpabilité, le SYMADREM soutient que ce câble était installé sur les recommandations de la DDE, et était conforme aux normes DFCI ; que les normes DFCI n'ont rien à voir dans l'affaire, puisqu'elles concernent la protection incendie ; que de surcroît, même si un marché d'entretien des digues a été signé le 18 avril 2003 sous la maîtrise d'oeuvre de la DDE, dans le cadre d'une convention avec les services de l'Etat, il n'en demeure pas moins que le décideur des mesures à prendre pour préserver les digues demeure le SYMADREM en sa qualité de maître de l'ouvrage ; que c'est donc bien lui qui a donné son accord à l'installation des câbles litigieux et signé les documents pour ce faire ; qu'il prétend s'être fondé sur le projet établi par la DDE, qu'il ne joint d'ailleurs pas au dossier, de sorte qu'il n'est pas possible de savoir exactement les préconisations qui avaient été faites ; qu'il est résulté des débats que l'installation de câbles était l'un des dispositifs les moins chers, ce qui a nécessairement eu une incidence sur le choix opéré au mépris de la sécurité des personnes circulant à moto sur les digues en toute connaissance des autorités du SYMADREM ; que le coût unitaire d'une barrière à câble était à l'époque de 600 euros alors que celui d'une barrière DFCI, comme celle installée à l'entrée du site, était de 1 500 euros ; que cela ressort du bon de commande joint au dossier par le SYMADREM, et signé par son représentant légal ; qu'il en résulte que le SYMADREM a été négligent en ne matérialisant pas plus clairement par un panneau BO l'interdiction de pénétrer sur le site et en installant ensuite des barrières à câble peu visibles en cas de lumière rasante ; qu'il doit assumer ce choix désastreux dont la responsabilité lui incombe ; que, sur ce dernier point, l'enquête et les photos prises tant au moment de l'accident que lors du transport ont révélé que les poteaux sur lesquels était fixé le câble étaient en grande partie cachés par la végétation ce qui est aussi révélateur de la négligence du SYMADREM quant à son obligation d'entretien ; qu'il prétend que le débroussaillage avait été réalisé peu de temps avant l'accident, mais que la réalité des faits matérialisée par les photographies prouve le contraire ; que la circulaire du 6 septembre 2005 sur la circulation des quads et autres véhicules à moteur dans les espaces naturels préconise « de ne jamais tendre de câbles qui constituent des obstacles insidieux, invisibles pour un motard et excessivement dangereux » ; que, bien qu'elle précise également en son article 2.4.1.1 que les digues et chemins de halage ne constituent pas des voies ouvertes à la circulation et, en son article 1, que les itinéraires clandestins qui, à force de passages répétés, créent au sol une piste alors que le propriétaire n'a jamais eu l'intention de créer un chemin à cet emplacement, ne constituent pas des voies privées ouvertes à la circulation publique, il n'en demeure pas moins qu'en installant une barrière à câble à un endroit notoirement connu pour être emprunté par les motos, le SYMADREM a installé « un obstacle insidieux, invisible pour un motard et excessivement dangereux » en toute connaissance de cause ; qu'il a également sur ce point, fait preuve de la plus grande négligence ; que d'ailleurs, juste après l'accident, un panneau BO a été installé et des rochers mis en place de part et d'autre de la barrière pivotante pour empêcher le passage des motos ; que les câbles ont été fixés aux poteaux pour qu'ils ne soient plus au milieu du chemin ; que c'est dire que le SYMADREM a eu conscience de sa défaillance et a voulu faire en sorte, en faisant preuve d'une diligence trop tardive, qu'un tel accident ne se reproduise pas ; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments qu'en installant une barrière à câble en pleine connaissance de ce que les motos circulaient sur les digues du Rhône, en ne matérialisant pas clairement l'interdiction de pénétrer sur les lieux, et en n'assurant pas la parfaite visibilité de ces barrières à câble, le SYMADREM a été la cause de l'accident survenu à Martin X... et de son décès ; qu'il n'établit en aucune manière les "fautes caractérisées" qu'il reproche au jeune homme dont il n'apparaît pas qu'il roulait à une vitesse excessive ou imprudemment puisque la limitation à 30 km/h de l'arrêté préfectoral de 2002 ne s'appliquait pas à lui, et qu'il n'avait fait que pénétrer à moto avec ses amis sur un lieu couramment emprunté à cette fin en toute connaissance du propriétaire et exploitant des lieux, le SYMADREM ; que c'est à bon droit que le tribunal a déclaré les parties civiles, à savoir la mère, le père, le frère et la demi-soeur de Martin X..., recevables en leur constitution de partie civile, et déclaré le SYMADREM entièrement et seul responsable des conséquences dommageable de l'infraction ; que la condamnation du SYMADREM pour homicide involontaire sur Martin X... justifie l'indemnisation pleine et entière des victimes de l'infraction ; que la cour dispose d'éléments suffisants pour confirmer le jugement sur l'action civile concernant les frais d'obsèques et le préjudice moral subi par Mme X..., M. Jean-Michel X... et M. Paul-Simon X..., les premiers juges ayant fait une juste appréciation des conséquences civiles de l'infraction sur ces points ; qu'en revanche le jugement sera infirmé en ce qu'il n'a accordé à Mme B..., demi-soeur de la victime, que la somme de 8 500 euros à titre de dommages-intérêts ; que sa souffrance morale pour le décès de Martin X... avec lequel elle a été élevée dans le cadre d'une famille unie n'est pas moindre que celle de M. Paul-Simon X... ; qu'elle se verra donc accorder la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi ;

"1°) alors que les tribunaux judiciaires ne sont pas compétents pour réparer les conséquences dommageables d'une faute engageant la responsabilité d'une personne morale de droit public à l'occasion de la gestion d'un service public administratif ; qu'en se prononçant sur les demandes indemnitaires des parties civiles fondées sur la faute qui aurait été commise par le SYMADREM dans le cadre de la mission de service public administratif d'entretien, de gestion et de surveillance des digues, ouvrages publics dont il a la charge, demandes relevant de la seule compétence du juge administratif, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"2°) alors, en toute hypothèse, que la faute de la victime, lorsqu'elle a contribué à la réalisation de son dommage, a pour effet de réduire le droit à indemnisation ; que le SYMADREM faisait valoir que la victime savait que la circulation était interdite sur les digues et savait où se trouvaient les câbles, de sorte qu'elle avait commis une imprudence en circulant en ce lieu à une vitesse de 60 km/h sans prendre garde aux câbles dont elle connaissait tant l'existence que la localisation ; que la cour d'appel, qui a elle-même constaté que le jeune Martin X... n'était pas en droit de circuler sur les digues, avait contourné la barrière d'accès à la digue en poussant sa motocyclette à pied et connaissait l'existence de câbles, ne pouvait, sans se contredire ou mieux s'en expliquer, retenir qu'il n'était « pas en tort en circulant à 60 km/h à cet endroit », qu'il importe peu de savoir s'il connaissait ou non l'interdiction de circulation, et qu'il n'a par suite commis aucune faute ayant contribué à la réalisation du dommage" ;

Vu la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que, sauf disposition contraire, les tribunaux judiciaires ne sont pas compétents pour réparer les conséquences dommageables d'une faute engageant la responsabilité d'une personne morale de droit public à l'occasion de la gestion d'un service public administratif ;

Attendu qu'après avoir déclaré le SYMADREM coupable d'homicide involontaire sur la personne de Martin X..., l'arrêt le déclare entièrement et seul responsable des conséquences de l'accident et le condamne à payer diverses sommes à ses ayants-droit, parties civiles, en réparation de leurs préjudices ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ; que n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-provence, en date du 12 septembre 2016, mais en ses seules dispositions déclarant le SYMADREM seul et entièrement responsable du préjudice subi par les parties civiles et le condamnant à indemniser chacune d'entre elles, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-quatre octobre deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Personne morale de droit public - Faute commise à l'occasion de la gestion d'un service public administratif - Action civile - Compétence administrative

Il résulte de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III que, sauf dispositions contraires, les tribunaux judiciaires ne sont pas compétents pour réparer les conséquences dommageables d'une faute engageant la responsabilité d'une personne morale de droit public à l'occasion de la gestion d'un service public administratif


Références :

Sur le numéro 1 : article 121-2 du code pénal
Sur le numéro 2 : loi des 16-24 août 1790 

décret du 16 fructidor de l'an III

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 12 septembre 2016

n° 1 :Sur la condition de l'exercice d'une activité susceptible de faire l'objet de délégation de service public pour engager la responsabilité pénale d'une collectivité territoriale, à rapprocher :Crim., 6 avril 2004, pourvoi n° 03-82394, Bull. crim. 2004, n° 89 (cassation)

arrêt cité ;Crim., 28 juin 2016, pourvoi n° 15-83862, Bull. crim. 2016, n° 201 (rejet)

arrêt citén° 2 :Sur l'incompétence des juridictions judiciaires pour réparer les conséquences dommageables d'une faute engageant la responsabilité d'une personne morale de droit public à l'occasion de la gestion d'un service public administratif, dans le même sens que :Crim., 30 septembre 2008, pourvoi n° 07-87734, Bull. crim. 2008, n° 199 (rejet)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation: Cass. Crim., 24 oct. 2017, pourvoi n°16-85975, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Soulard
Avocat général : M. Lagauche
Rapporteur ?: Mme Dreifuss-Netter
Avocat(s) : SCP Gaschignard, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot

Origine de la décision
Formation : Chambre criminelle
Date de la décision : 24/10/2017
Date de l'import : 28/11/2023

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 16-85975
Numéro NOR : JURITEXT000035923898 ?
Numéro d'affaire : 16-85975
Numéro de décision : C1702327
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2017-10-24;16.85975 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award