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11/07/2017 | FRANCE | N°17-80313

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 juillet 2017, 17-80313


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Karim X...,
- M. Karim Y...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 16 décembre 2016, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs d'association de malfaiteurs et complicité de tentative de chantage, a prononcé sur leurs requêtes en annulation d'actes de la procédure ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 20 juin 2017 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Barb

ier, conseiller rapporteur, M. Straehli, Mme Durin-Karsenty, MM. Larmanjat, Ricard,...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Karim X...,
- M. Karim Y...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de VERSAILLES, en date du 16 décembre 2016, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs d'association de malfaiteurs et complicité de tentative de chantage, a prononcé sur leurs requêtes en annulation d'actes de la procédure ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 20 juin 2017 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Barbier, conseiller rapporteur, M. Straehli, Mme Durin-Karsenty, MM. Larmanjat, Ricard, Parlos, Bonnal, conseillers de la chambre, MM. Talabardon, Ascensi, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Bonnet ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire BARBIER, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, de la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BONNET, les avocats des parties ayant eu la parole en dernier ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 6 mars 2017, prescrivant l'examen immédiat des pourvois ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. Mathieu Z..., s'estimant victime d'une tentative de chantage après avoir été contacté le 3 juin 2015 par une personne prétendant détenir un enregistrement audiovisuel à caractère sexuel dans lequel l'intéressé apparaît, a déposé plainte ; que le plaignant ayant indiqué qu'il ne souhaitait ni ne pouvait entrer lui-même en relation avec les détenteurs de l'enregistrement, le procureur de la République a autorisé la police judiciaire à se substituer à M. Z... dans la négociation ; qu'un officier de police judiciaire, se présentant sous un pseudonyme en qualité de représentant de M. Z..., a eu du 20 juin au 12 octobre 2015 plusieurs conversations téléphoniques avec une personne se présentant comme l'intermédiaire des malfaiteurs ; qu'une information a été ouverte le 31 juillet 2015 ; que les principaux protagonistes de l'affaire ont été interpellés le 13 octobre 2015 ;
Attendu que, par requêtes en date du 4 mai 2016, les avocats de MM. Y...et X..., mis en examen le 5 novembre 2015 des chefs d'association de malfaiteurs et complicité de tentative de chantage, ont sollicité l'annulation de pièces de la procédure, motif pris de la déloyauté de celle-ci, l'enquêteur qui s'est substitué à M. Z... ayant, sous couvert d'un pseudonyme, provoqué les malfaiteurs à commettre l'infraction de tentative de chantage ; que l'avocat de M. X...a soutenu également que la violation du secret de l'instruction concomitante aux actes qui le concernent avaient nécessairement fait grief à son client et qu'en tout état de cause, la notification des faits lors de sa mise en examen étant trop imprécise, celle-ci devait être annulée ;
En cet état :
Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour M. X..., pris de la violation des articles 6, § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 11, 63, 116, 171, 802, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a rejeté le moyen de nullité tiré de l'existence d'une violation du secret de l'instruction ;
" aux motifs que l'avocat de M. X...fait valoir que de nombreux organes de presse, de radio ou de télévision : Closer, le Parisien, l'Equipe, le Monde, l'AFP, Europe 1... ont non seulement commenté l'évolution de la procédure mais ont publié des passages de procès-verbaux d'interrogatoires de son client ou des autres protagonistes, des retranscriptions des écoutes téléphoniques, faits constituant manifestement une violation du secret de l'instruction ; qu'en l'état de la législation, la violation du secret de l'instruction ne peut être sanctionnée par aucune nullité (Cass. Crim. 24 avril 1984) ; qu'il est par ailleurs précisé que la violation du secret de l'instruction ne peut entraîner l'annulation de la procédure dès lors que ce manquement est extérieur à celle-ci, mais peut seulement ouvrir droit, pour celui qui s'en prétend victime, au recours prévu par l'article 9-1 du code civil (Cass. Crim. 30 avril 1996) ; que l'avocat de M. X...se prévaut d'un arrêt de la Cour de cassation du 25 janvier 1996 qui dispose que la violation du secret de l'instruction, non pas postérieure mais concomitante à l'accomplissement d'un acte de la procédure, ne peut conduire à son annulation que s'il en est résulté une atteinte aux intérêts d'une partie ; que, toutefois il n'est pas démontré par le requérant qu'il ait été porté atteinte à ses intérêts dans la présente procédure ; qu'il est seulement indiqué que l'audition de la partie civile aura été dénaturée par ces fuites et violations délibérées du secret de l'instruction ; qu'à ce sujet le conseil de la partie civile M. Z... remarque que son client en a été également victime mais qu'il ne voit pas, lui non plus, en quoi ces violations pour regrettables qu'elles soient, ont pu avoir une influence sur l'enquête et l'instruction ; qu'en conséquence ce dernier moyen de nullité présenté par l'avocat de M. X...est mal fondé et sera rejeté ;
" alors qu'une violation du secret de l'instruction concomitante à l'accomplissement d'un acte de procédure porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne qu'elle concerne ; qu'en l'espèce, il est acquis que les éléments de la garde à vue et de l'interrogatoire de première comparution de M. X..., respectivement intervenus les 4 et 5 novembre 2015, ont été aussitôt repris par de nombreux organes de presse ; qu'en considérant qu'« il n'est pas démontré par le requérant qu'il ait été porté atteinte à ses intérêts dans la présente procédure », la chambre de l'instruction a fait une mauvaise application de la règle précitée " ;
Attendu que, pour écarter l'argumentation du requérant qui faisait valoir qu'il avait subi un grief du fait de la violation du secret de l'instruction, amplement caractérisée par la publication par la presse de passages de procès-verbaux d'interrogatoires, qu'il s'agisse des siens ou de ceux d'autres protagonistes, et de retranscriptions d'écoutes téléphoniques, l'arrêt relève que le grief invoqué n'est pas établi et qu'au demeurant, sauf à être concomitante à des actes de la procédure, la violation du secret de l'instruction ne peut entraîner son annulation ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, dès lors que peut seule entraîner l'annulation de la procédure la violation du secret de l'instruction concomitante à des actes et dont il est résulté un grief, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé pour M. X..., pris de la violation des articles 6, § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 116, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a rejeté le moyen de nullité de la mise en examen du demandeur ;
" aux motifs que dans sa requête en nullité Maître Sylvain Cormier, avocat de M. X...argue tout d'abord de l'exigence prévue par le § 3 de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme qui impose aux autorités, en matière pénale, de procéder de façon extrêmement rigoureuse à la notification des charges pesant sur l'accusé ; que selon ce texte tout accusé a droit à être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ;
qu'il convient de souligner que cette exigence vise l'acte d'accusation, c'est à dire l'acte qui définit les éléments à charge constituant les qualifications juridiques et par lequel un individu sera jugé ; que cette exigence concerne donc l'ordonnance de renvoi et non le procès-verbal de première comparution à l'occasion duquel un juge d'instruction décide, s'il existe des indices graves et concordants pour un individu d'avoir commis les faits qui lui sont reprochés ; que, le 5 novembre 2015 (D 1734), le juge d'instruction a procédé à l'interrogatoire de première comparution de M. X...; qu'après avoir constaté l'identité de la personne, il lui a fait connaître expressément chacun des faits dont il est saisi en vertu d'un réquisitoire introductif en date du 31 juillet 2015, ainsi qu'un réquisitoire supplétif en date du 5 novembre 2015, faits pour lesquels il comparaît devant le juge d'instruction, ainsi que leur qualification juridique soit :
- de s'être rendu complice à Clairefontaine-en-Yvelines, courant octobre 2015, et en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, d'une tentative d'obtention d'un engagement, d'une signature ou d'un bien quelconque en menaçant de révéler des faits de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération, et ce au préjudice de M. Z..., ladite tentative manifestée par un commencement d'exécution n'ayant été interrompue ou n'ayant manqué son objet que par une circonstance indépendante de la volonté de son auteur, en l'espèce la résistance de la victime et l'intervention de la police. Faits prévus par : art. 312-10 du code pénal et réprimés par art. 312-10, art. 312-13 du code pénal et vu les articles 121-4 2 " à 121-7 du code pénal ;
- d'avoir à Clairefontaine-en-Yvelines et Lyon, courant octobre 2015, et en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, participé à un groupement formé ou une entente établie en vue de la préparation d'un ou plusieurs délits punis de cinq ans d'emprisonnement caractérisé par un plusieurs faits matériels. Faits prévus par art. 450-1 AL 1 AL 3 du code pénal et réprimés par art. 450-1 AL 3, art. 450-3 du code pénal ; que le juge d'instruction a ensuite informé la personne qu'il envisageait de le mettre en examen pour les faits dont il venait de lui donner connaissance, M. X...ayant fait choix de son avocat Maître Sylvain Cormier, présent lors de cet interrogatoire ; que M. X...a accepté de répondre longuement aux questions posées, démontrant ainsi qu'il avait parfaitement compris les faits reprochés et leur qualification ; que son avocat a fait des observations concernant le statut de témoin assisté, le contrôle judiciaire requis et la médiatisation de cette affaire ; qu'à l'issue, le juge notifié à la personne qu'elle était mise en examen pour chacun des faits suivants dont il lui avait précisé la qualification juridique au début du présent interrogatoire ; que concernant le réquisitoire du 5 novembre 2015 argué d'inexistant en procédure par l'avocat de M. X..., lequel a eu connaissance de la procédure, il convient de se reporter à la cote D 1733 où figure un réquisitoire en vue de la mise en examen de M. X...et de son placement sous contrôle judiciaire, ce réquisitoire comporte les qualifications pour lesquelles il résulte des indices graves et concordants d'avoir commis les faits ainsi qualifiés ; que, concernant l'absence de précision factuelle claire quant aux faits objet de l'information et des textes applicables pour la tentative de chantage, il convient de se reporter à l'interrogatoire de première comparution, les conditions légales de la mise en examen ayant été respectées ; qu'en effet, les circonstances de temps et de lieu, la victime des faits de tentative de chantage ont été précisées dans cet interrogatoire ; qu'il convient également de rappeler que seule la mention des textes prévoyant les peines est exigée à peine de nullité ; qu'en l'espèce, les textes concernant la définition de l'infraction, de la complicité, de la tentative, les peines principales et secondaires sont bien visés par le juge ; qu'il est de jurisprudence constante que les prescriptions de l'article 116 du code de procédure pénale ont été respectées, dès lors qu'il résulte des pièces de la procédure que, lors de la première comparution de l'intéressé, le juge d'instruction lui a fait connaître chacun des faits dont il était saisi et pour lesquels il était mis en examen (Crim. 27 février 2002) ; qu'enfin, qu'il convient de souligner que contrairement aux écritures de l'avocat de M. X..., ce dernier n'a pas été mis en examen de complicité d'association de malfaiteur mais d'association de malfaiteur, la lecture du procès-verbal de première comparution suffisant à corriger cette erreur ; que la nullité de la mise en examen de M. X...porte sur le seul moyen de l'imprécision manifeste des faits reprochés à celui-ci et non sur l'absence d'indices graves et concordants ;

" 1°) alors que les exigences de l'article 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, et notamment la notification précise des faits et des qualifications juridiques retenus contre l'« accusé », s'applique dès le stade de la mise en examen ; qu'en jugeant que cette exigence « vise l'acte d'accusation, c'est-à-dire l'acte qui définit les éléments à charge constituant les qualifications juridiques et par lequel un individu sera jugé » et que « cette exigence concerne donc l'ordonnance de renvoi et non le procès-verbal de première comparution à l'occasion duquel un juge d'instruction décide s'il existe des indices graves ou concordants pour un individu d'avoir commis les faits qui lui sont reprochés », la chambre de l'instruction a méconnu le champ d'application du texte précité ;
" 2°) alors qu'il résulte de la simple lecture de l'interrogatoire de première comparution que M. X...s'est seulement vu notifier des qualifications juridiques, le lieu présumé des faits ainsi qu'une période de prévention très large (courant octobre 2015), le magistrat instructeur ayant début son interrogatoire par les questions suivantes : « reconnaissez-vous les faits pour lesquels nous envisageons de vous mettre en examen et si oui dans quelle mesure ? » ; « comment percevez-vous les faits que l'on vous reproche ? » ; que la chambre de l'instruction ne pouvait dès lors écarter le moyen tiré de la nullité de cette mise en examen, faute de précisions factuelles suffisantes, en se réfugiant derrière le respect des règles légales et la notification des qualifications et des textes applicables " ;
Attendu que, pour rejeter le moyen proposé par M. X...pris de l'irrégularité de sa mise en examen, faute de précision suffisante des faits qui lui sont reprochés, l'arrêt relève que le juge d'instruction a donné connaissance à l'intéressé des faits dont il était saisi en vertu de réquisitoires introductif et supplétif, et qu'il en a précisé la date, le lieu et la qualification juridique ; que les juges ajoutent qu'il se déduit des réponses de l'intéressé au cours de son interrogatoire de première comparution, en présence de son avocate, qu'il a parfaitement compris les faits en cause et leur qualification ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le moyen unique de cassation proposé pour M. Y...et sur le premier moyen de cassation proposé par M. X..., pris de la violation du principe de loyauté des preuves, des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que la chambre de l'instruction a rejeté le moyen de nullité tiré de l'existence d'une provocation à la commission de l'infraction ;
" aux motifs que l'ensemble des mis en examen dans leurs requêtes en nullité ou dans les mémoires déposés arguent de l'existence d'une provocation à la commission de l'infraction effectuée par un agent public ou avec son concours, en l'espèce le commissaire de police M. Yann A...dénommé " B..." ; que l'étude du dossier montre qu'après plusieurs semaine de silence des maîtres chanteur, c'est le dénommé B...qui a pris l'initiative de les rappeler, de diriger la conversation, d'aborder la question financière ; que dans la mise en place de ce stratagème cet agent public a eu une participation active ; que par ailleurs les écoutes téléphoniques démontrent cette provocation ; qu'en conséquence il a été porté atteinte au principe de la loyauté dans la recherche et l'établissement de la preuve ; que la procédure doit être annulée ; que l'article 427 du code de procédure pénale dispose dans son 1er alinéa que hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tous modes de preuve et le juge décide d'après son intime conviction, ce principe de la liberté de la preuve se heurte toutefois comme le rappelle justement le conseil de M. X...au principe de la loyauté de la preuve, principe qui associé à celui du procès équitable est également reconnu par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'ainsi la jurisprudence de la Cour de cassation sanctionne l'utilisation de stratagèmes ou de machination de nature à déterminer les agissement délictueux, portant atteinte au principe de la loyauté des preuves ; qu'il en est de même de l'utilisation de procédés frauduleux comme l'usage de documents frauduleux par l'administration des douanes (Cass. Crim, 28 octobre 1991) ; que sont également prohibées les provocations policières dans la mesure où celles-ci sont de nature à inciter une personne à commettre une infraction qu'autrement elle n'aurait pas commise ; que toutefois la Cour de cassation a considéré que justifie sa décision refusant d'accueillir une prétendue provocation policière la cour qui, après avoir relevé qu'un fonctionnaire de police s'est fait passer pour un acheteur éventuel d'opium, constate que l'intervention de cet agent n'a en rien déterminé les agissement délictueux du prévenu et a eu seulement pour effet de permettre la constatation d'infractions déjà commises et d'en arrêter la continuation (Cass. Crim. 2 mars 1971) ; qu'à l'appui de leurs requêtes les conseils des mis en examen établissent une chronologie des interventions du dénommé B...et de ses conversations téléphoniques, éléments apparaissant, selon leurs écrits, particulièrement révélateurs de la provocation à laquelle se livre ce policier ; qu'ils arguent de ce que les policiers ne se sont pas contentés de se substituer à la victime en adoptant une attitude passive mais au contraire ont activement " démarché " les individus soupçonnés dans l'espoir évident de provoquer un chantage ; qu'il en est ainsi lorsque " B..." sans nouvelles des personnes soupçonnées prend l'initiative de contacts téléphoniques soit pour des rendez-vous soit pour connaître le montant de la somme exigée ; qu'il convient en premier lieu de relever, en réponse aux arguments des conseils des mis en examen que les actes préparatoires de l'infraction de chantage commencent dès l'acquisition frauduleuse de la " sextape " qui a été obtenue, bien entendu, sans l'accord de la partie civile M. Mathieu Z... ni par d'éventuels agissements frauduleux des policiers, la plainte n'ayant pas encore été déposée (elle a été le 8 juin 2015) ; que par la suite, c'est le trois juin 2015 que M. Z... reçoit un appel téléphonique dans lequel il est question d'une vidéo compromettante et qu'il est clairement exprimé par l'interlocuteur une volonté de " s'arranger " ; que l'élément matériel support de l'infraction est clairement désigné : une vidéo à caractère sexuel mettant en cause la partie civile et donc particulièrement compromettante pour celle-ci, l'élément intentionnel résidant dans la demande formulée téléphoniquement de " s'arranger " qui laisse supposer la volonté de tirer un profit financier de l'opération de chantage ; qu'il y a lieu de constater que les infractions préexistent à l'intervention de l'officier de police judiciaire, le commissaire M. Bessede ; qu'ainsi les agissements de ce policier sont postérieurs au commencement de l'infraction et ne peuvent donc s'apparenter à une opération de provocation policière ; que, comme le relève le ministère public dans ses réquisitions, la chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass. Crim. 30 octobre 2006) constate qu'est légale l'intervention d'un policier dès lors que les infractions préexistaient : " attendu que, pour refuser de faire droit à cette demande (de nullité), l'arrêt énonce notamment par des motifs partiellement repris au moyen, que le trafic de stupéfiants avait été révélé par les écoutes téléphoniques opérées de décembre 2005 à mars 2006 et préexistait à la mise en place de la procédure d'infiltration qui n'a pour effet que d'en révéler l'existence et d'en arrêter la continuation " ; que l'infraction de tentative de chantage a débuté dès le 3 juin 2015 mais a perduré durant les mois de juin, juillet, août, septembre et jusqu'au 13 octobre 2015, date des premières interpellations ; qu'il s'agit donc d'une infraction continue, les maîtres chanteur disposant toujours de la vidéo compromettante, élément matériel indispensable à la tentative de chantage ; que, par ailleurs que les conseils des mis en examen font valoir le comportement particulièrement actif de B...qui aurait déterminé les agissements de la personne soupçonnée, n'ayant de cesse de vouloir pousser " Karim " et indirectement l'ensemble des protagonistes à réclamer une contrepartie c'est à dire commettre des faits susceptibles de tomber sous le coup de la qualification de chantage ; que l'officier de police judiciaire M. A...n'a nullement provoqué l'infraction qui préexistait avant même son intervention le 20 juin 2015, mais s'est borné à être un interlocuteur au lieu et place de M. Z..., ceci afin de recueillir la preuve de l'infraction de tentative de chantage, de faciliter la poursuite de l'enquête afin d'identifier le, ou les détenteurs de la vidéo et ainsi de mettre fin à l'infraction ; que son action s'apparente d'ailleurs à celle des agents négociateurs, policiers ou gendarmes, dans des faits d'enlèvement ou de séquestration d'otages et ne peut donc être considérée comme constitutive d'une provocation ; que, contrairement aux prétentions des avocats, il n'a pas été constaté de désistement volontaire mettant fin à la tentative de chantage ; que les interruptions de communications téléphoniques à certaines périodes des faits ne sauraient suffire à constituer un désistement volontaire dans la mesure où l'unique objet du chantage, la " sextape " restait en possession des maîtres chanteur qui à tous moments avaient l'opportunité de l'utiliser ; que par exemple, les propos tenus à " Karim " (M. Younès C...) par le négociateur le 1er octobre, consistant à exiger avec une certaine fermeté la preuve de cette vidéo, tout en indiquant qu'avec le temps la victime risquait de perdre patience, ne sauraient constituer un procédé déloyal, mais une technique de négociation en vue d'obtenir la preuve de l'élément matériel du délit de chantage, dont la tentative était à ce stade largement consommée ; qu'en conséquence que la procédure ne relève l'existence d'aucune provocation à la commission de l'infraction ; que les requêtes en nullité fondées sur ce moyen sont mal fondées et ne pourront qu'être rejetées ;
" 1°) alors qu'en vertu du principe de loyauté de la preuve, toute provocation à la commission d'une infraction est prohibée, l'intervention de l'agent ne pouvant avoir pour effet que de révéler des infractions déjà commises ou en train de se commettre et d'en arrêter la continuation ; qu'en l'espèce, à supposer qu'une tentative de chantage ait déjà été commise le 3 juin 2015, la chambre de l'instruction a constaté qu'un commissaire de police s'était, à partir du 20 juin 2015 et jusqu'au mois d'octobre de la même année, fait passer pour « B...», représentant de la partie civile, et avait pris contact avec différentes personnes en vue de les inciter à et a manifestement provoqué la commission de nouvelles infractions du même type ; que, c'est par des motifs erronés que la chambre de l'instruction a considéré, pour écarter le moyen de nullité, que le délit de tentative de chantage est une infraction continue et avait en l'espèce commencé le 3 juin 2015 pour continuer dans le temps jusqu'à l'interpellation du demandeur, lorsque cette infraction est instantanée, et se répète autant de fois que la personne tente d'obtenir un bien en menaçant de révéler ou d'imputer des faits de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération ;
" 2°) alors qu'en tout état de cause, la chambre de l'instruction, qui constatait que le commissaire de police avait, sous un faux nom, joué le rôle d'un interlocuteur au lieu et place de la partie civile, afin de recueillir la preuve de l'infraction de chantage, ne pouvait écarter l'existence d'une provocation à la commission de l'infraction sans mieux rechercher le rôle actif joué par ce représentant de l'autorité publique " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale ;

Attendu que porte atteinte au droit à un procès équitable et au principe de loyauté des preuves le stratagème qui en vicie la recherche par un agent de la force publique ;

Attendu que, pour rejeter les griefs pris de la déloyauté de la procédure, l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris aux moyens ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi alors qu'elle a relevé, que, d'une part, le procureur de la République avait donné instruction à un officier de police judiciaire de se substituer à M. Z... dans les négociations avec les auteurs de l'infraction supposée, que cet enquêteur avait entretenu plusieurs conversations téléphoniques, tant à son initiative qu'à celle de ces interlocuteurs, notamment avec l'un d'entre eux des mois de juin à octobre 2015, qu'enfin cet officier de police judiciaire ne s'était identifié au cours de ces communications qu'en qualité de représentant de M. Z... et sous le pseudonyme de " B...", d'autre part, ces conversations, dont certaines ont fait l'objet d'interceptions, ont conduit à l'interpellation des mis en cause, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 16 décembre 2016, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze juillet deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-80313
Date de la décision : 11/07/2017
Sens de l'arrêt : Cassation et désignation de juridiction
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PREUVE - Libre administration - Etendue - Limites - Atteinte au principe de la loyauté des preuves - Cas - Tentative de chantage - Communications téléphoniques - Agent de l'autorité publique se substituant au plaignant dans les négociations avec les mis en cause

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6, § 1 - Equité - Officier de police judiciaire - Constatation des infractions - Provocation à la commission d'une infraction - Cas - Tentative de chantage - Communications téléphoniques - Agent de l'autorité publique se substituant au plaignant dans les négociations avec les mis en cause - Compatibilité (non) OFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE - Pouvoirs - Infractions - Constatation - Tentative de chantage - Provocation à la commission d'une infraction - Atteinte au principe de loyauté des preuves - Cas - Communications téléphoniques - Agent de l'autorité publique se substituant au plaignant dans les négociations avec les mis en cause

Porte atteinte au droit à un procès équitable et au principe de loyauté des preuves le stratagème qui en vicie la recherche par un agent de l'autorité publique. Dès lors, encourt la cassation l'arrêt qui déclare régulier le fait, pour un officier de police judiciaire, dans le but de rechercher les preuves d'une tentative de chantage dont une personne dit faire l'objet et d'en identifier les auteurs, de se substituer à celle-ci durant plusieurs mois dans des négociations avec les suspects, auprès desquels cet enquêteur s'identifiait en la seule qualité de représentant de la victime et sous un pseudonyme, au moyen de communications téléphoniques, dont certaines ont fait l'objet d'interceptions, qui ont conduit à l'interpellation des mis en cause


Références :

article préliminaire du code de procédure pénale

article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme

principe de loyauté des preuves

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, 16 décembre 2016

Sur l'application du principe de loyauté des preuves aux agents de l'autorité publique, à rapprocher :Crim., 20 septembre 2016, pourvoi n° 16-80820, Bull. crim. 2016, n° 244 (cassation), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 jui. 2017, pourvoi n°17-80313, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Bonnet
Rapporteur ?: M. Barbier
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:17.80313
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