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20/09/2016 | FRANCE | N°16-80820

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 septembre 2016, 16-80820


Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Eric X..., - Mme Catherine Y...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 6e section, en date du 26 janvier 2016, qui, dans l'information suivie contre eux, des chefs de chantage et d'extorsion de fonds, a prononcé sur leur demande d'annulation de pièces de la procédure ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 6 septembre 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Bonnal, conseiller rapporteur, M. Straehli, M. Buisson, Mme Durin-Karsenty, M. Larmanjat, M.

Ricard, conseillers de la chambre, M. Barbier, M. Talabardon, M. Ascensi, con...

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Eric X..., - Mme Catherine Y...,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 6e section, en date du 26 janvier 2016, qui, dans l'information suivie contre eux, des chefs de chantage et d'extorsion de fonds, a prononcé sur leur demande d'annulation de pièces de la procédure ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 6 septembre 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Bonnal, conseiller rapporteur, M. Straehli, M. Buisson, Mme Durin-Karsenty, M. Larmanjat, M. Ricard, conseillers de la chambre, M. Barbier, M. Talabardon, M. Ascensi, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Lagauche ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de M. le conseiller BONNAL, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAGAUCHE, les avocats ayant eu la parole en dernier ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 26 avril 2016, joignant les pourvois et prescrivant leur examen immédiat ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs, et le mémoire en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6, 8 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, préliminaire, 41, 81, 100-5, 170, 171, 174, 591, 593, 706-73, 706-96 et 802 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation du principe de la loyauté des preuves, et des droits de la défense ;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure ;
" aux motifs que, selon la Cour européenne des droits de l'homme, si l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme garantit le droit à un procès équitable, il ne réglemente pas pour autant l'admissibilité des preuves en tant que telles, matière qui relève au premier chef du droit interne ; qu'aux termes de l'article 427 du code de procédure pénale, hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve ; que toutefois, le principe de la liberté des preuves n'autorise pas les agents de l'autorité publique à s'émanciper des principes de légalité, de loyauté et de proportionnalité qui régissent la procédure pénale ; qu'ainsi, selon les articles 170 et 171 du code de procédure pénale, il y a nullité d'un acte ou d'une pièce de la procédure accompli ou dressé par un agent de l'autorité publique lorsque la méconnaissance d'une formalité substantielle prévue par une disposition de procédure pénale a porté atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne, notamment quand l'agent public a incité une personne à commettre l'infraction ; que la provocation policière est cependant admissible lorsqu'elle a pour seul effet de révéler l'existence des agissements délictueux afin d'en permettre la constatation ou d'en arrêter la continuation ; qu'en revanche aucune disposition légale ne permet au juge répressif d'écarter les pièces à conviction produites par les parties au seul motif qu'elles auraient été obtenues de façon illicite ou déloyale ; qu'ainsi des enregistrements réalisés clandestinement par une personne privée ne constituent pas, en eux-mêmes, des actes ou des pièces de l'information au sens de l'article 170 précité et comme tels susceptibles d'être annulés en application de l'article 171, mais sont des moyens de preuve qui peuvent être discutés contradictoirement ; qu'en l'espèce, il est constant que M. X... et Mme Y... ont fait paraître en mars 2012 un ouvrage très critique sur Mohamed VI intitulé « Le Roi prédateur » et qu'ils ont conclu avec les éditions du Seuil un second contrat portant sur la publication d'un livre enquête relatif, lui aussi, à la monarchie chérifienne et plus particulièrement à la famille royale ; que, le 23 juillet 2015, à 14 heures 29, M. X... a contacté le secrétaire particulier du roi du Maroc ; que l'avocat de celui-ci, Maître A...l'a rappelé et que les deux hommes ont fini par convenir d'un rendez-vous à Paris ; que, lors de leur première rencontre le 11 août 2015 à l'hôtel Royal Monceau, Maître A...a enregistré leur conversation à l'aide de son téléphone portable ; que, le 20 août 2015, Maître Boussier, avocat à Paris, dénonçait par écrit au procureur de la République de Paris, les faits qu'il qualifiait de « tentative de chantage et extorsion de fonds » en lui transmettant la retranscription par huissier de justice de la conversation que son confrère Maître A...avait eue avec M. X... et en affirmant que celui-ci avait proposé de renoncer à la parution de son ouvrage moyennant le versement d'une somme de 3 millions d'euros ; que, même si les propos tenus par M. X... ne sont pour l'essentiel pas audibles, cette retranscription – dont il n'est pas demandé l'annulation – démontre incontestablement que la conversation a, notamment, porté sur le versement d'une somme qualifiée, par Maître A..., de « conséquente » en contrepartie de l'abandon de la parution d'un nouvel ouvrage ; que, par soit-transmis du même jour, le procureur de la République a saisi la brigade de répression de la délinquance aux personnes afin qu'elle diligente une enquête « pour des faits de tentative d'extorsion de fonds » ; que deux autres rendez-vous ont eu lieu, le premier entre Maître A...et M. X... et le second, après ouverture d'une information judiciaire entre les deux premiers et Mme Y... ; que ces deux rencontres ont été confirmées par les enquêteurs qui avaient mis en place un dispositif de surveillances physiques puis requis des hôtels concernés la remise des bandes de vidéo-surveillance ; que les propos tenus au cours de ces deux derniers échanges ont été à nouveau enregistrés par Maître A...à l'insu de ses deux interlocuteurs ; qu'il n'est pas sérieusement soutenable, et d'ailleurs pas soutenu, que l'autorité publique a provoqué à la commission des infractions reprochées aux deux mis en examen ; que, de même, il est incontestable que les dispositions de l'article 706-96 du code de procédure pénale, qui permettent la mise en place, sur autorisation du juge d'instruction et sans le consentement des intéressés, d'un dispositif de captation et d'enregistrement de paroles et d'images, ne trouvaient pas à s'appliquer dans le cadre de cette enquête portant sur les délits de chantage et d'extorsion ; que les enregistrements contestés ne procèdent, dans leur confection, d'aucune intervention directe ou indirecte de l'autorité publique ; qu'il n'y a donc pas eu violation des dispositions de l'article 8-2 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'en effet, les éléments objectifs du dossier ne permettent pas de démontrer que les enquêteurs ni le procureur de la République ni le magistrat instructeur ont incité Maître A...à réaliser des enregistrements clandestins des propos échangés au cours des deux derniers rendez-vous avec les mis en examen ; que l'un des requérants reconnaît d'ailleurs que « les services de police, en connaissance de cause, ont laissé Maître A..., avocat inscrit au barreau de Paris, procéder à l'enregistrement clandestin, en dehors de tout cadre légal » (page 15 de la requête X... – soulignage de la cour) ; que le fait que Maître A...soit avocat et qu'il ait tenu régulièrement informé les services de police et l'autorité judiciaire des agissements des deux mis en cause, ne permet pas pour autant de l'assimiler à un agent de l'autorité publique ; qu'en effet, en application des articles 1 et 3 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, « la profession d'avocat est une profession libérale et indépendante » et celui qui l'exerce jure de le faire avec indépendance ; que les magistrats et les enquêteurs, qui savaient effectivement que Maître A...avait enregistré son premier entretien avec M. X..., qui pouvaient se douter qu'il allait à nouveau enregistrer clandestinement son deuxième entretien avec le même interlocuteur puis qui avaient certainement la conviction qu'il procéderait de même lors de l'entretien final avec M. X... et Mme Y..., ne disposaient d'aucun moyen juridique pour interdire à cet avocat de tenter de rapporter la preuve de la commission d'une infraction qui était en train de se commettre au préjudice de son client ; qu'ils se sont donc contentés de mettre en place un dispositif de surveillance et d'interpellation, dont la légalité n'est pas contestable, laissant l'avocat de la victime potentielle libre de se constituer des preuves personnelles ; qu'il ne saurait être déduit du fait que Maître A...a profité d'une suspension de l'entretien du 27 août pour confirmer aux policiers, de sa chambre d'hôtel, « l'intention parfaitement frauduleuse » de M. X... et de Mme Y... puis est retourné auprès d'eux « comme prévu », qu'il était manipulé par les agents de l'autorité publique ; que, d'ailleurs, l'expression litigieuse peut tout aussi bien s'entendre comme signifiant qu'il avait convenu avec ses deux interlocuteurs de revenir auprès d'eux après cette suspension ; que cette position en retrait des enquêteurs ne saurait être assimilée à une provocation à la commission de l'infraction ni à un contournement déloyal des moyens de preuve et se justifie puisqu'elle avait pour seul objectif que soit révélée l'existence des agissements délictueux de M. X... et de Mme Y... afin d'en permettre la constatation et d'en arrêter la continuation ; que les enregistrements litigieux et leurs retranscriptions sur procès-verbal ne constituent donc pas des pièces ou actes de procédure au sens de l'article 170 du code de procédure pénale ; que leur contenu pourra être discuté contradictoirement au cours de la procédure ; que les affirmations des intéressés selon lesquelles leur but « était [...] de donner la parole au Roi du Maroc et de recueillir ses commentaires » (page 2, dernier paragraphe de la requête X...) constituent des moyens de défense dont il appartient au juge d'instruction de vérifier la pertinence dans le cadre d'une instruction qui doit être menée à charge et à décharge ; que la retranscription des conversations ne permet pas d'identifier les sources de M. X... et de Mme Y... ; qu'ils permettent en revanche de suspecter que les deux intéressés ont participé à la commission d'infractions ; qu'ainsi, à supposer établi que les mis en examen avaient la qualité de journaliste, ce qui n'est pas démontré en l'état de la procédure soumise à l'examen de la cour, les dispositions de l'article 100-5 du code de procédure pénale selon lequel, à peine de nullité ne peuvent être transcrites les correspondances avec un journaliste permettant d'identifier une source en violation de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, n'ont pas été violées ; qu'il n'a pas non plus été porté atteinte à l'article 10 de la convention européenne des droits de l'homme relatif à la liberté d'expression ; qu'en toute hypothèse, l'interpellation, la garde à vue et la mise en examen des deux intéressés ne trouvent pas leur fondement nécessaire dans les enregistrements litigieux ni dans leurs retranscriptions ; qu'en effet, les intéressés avaient déjà fait paraître un livre polémique sur le roi du Maroc, qualifié de « Roi prédateur » ; qu'ils travaillaient à la rédaction d'un nouvel essai critique sur la famille royale chérifienne et son entourage ; que l'un d'eux a pris l'initiative de contacter le secrétaire particulier du monarque et qu'il a rencontré à deux reprises l'avocat du roi ; que, lors du dernier rendez-vous, ils se sont fait remettre chacun à titre d'acompte 40 000 euros en liquide contre l'engagement de renoncer à la publication de leur nouvel ouvrage moyennant le versement d'une somme de 2 millions d'euros ; que les enquêteurs avaient donc une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner que M. X... et Mme Y... venaient de commettre ou avaient tenté de commettre les délits de chantage et d'extorsion leur permettant de les placer en garde à vue en application de l'article 63-2 du code de procédure pénale ; qu'au demeurant, ces mêmes éléments constituent, en eux-mêmes, des indices graves ou concordants, au sens de l'article 80 du code de procédure pénale, rendant vraisemblable que M. X... et Mme Y... ont pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont le juge d'instruction est saisi ; que leurs mises en examen des chefs de chantage et d'extorsion sont justifiées ;
" 1°) alors que la recherche de la preuve de la commission d'une infraction doit se faire dans le respect des règles de la procédure et des droits de la défense ; que la mise en place d'un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement de paroles prononcées à titre privé ou confidentiel, dans des lieux privés ou publics, n'est autorisée que lorsque l'information porte sur un crime ou un délit entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 du code de procédure pénale ; qu'ayant constaté que tel n'était pas le cas en l'espèce, ce qui interdisait tout enregistrement des conversations, la chambre de l'instruction ne pouvait pas en déduire que les enregistrements clandestins avaient été cependant régulièrement effectués parce qu'ils avaient été réalisés par Maître A..., avocat, tout en constatant que celui-ci avait agi en concertation avec les enquêteurs dans le cadre d'une mise en place d'un dispositif de surveillance et d'interpellation ; qu'en l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" 2°) alors que le droit au procès équitable et le principe de loyauté des preuves imposent aux autorités publiques de ne pas participer, directement ou indirectement, dans la confection irrégulière de preuves ; que porte atteinte à ce principe, l'enregistrement effectué de manière clandestine par des enquêteurs par le truchement d'un tiers qui n'est pas soumis à la même obligation de loyauté qu'eux, et ayant pour but d'obtenir des indices de commission d'une infraction ; que pour estimer les enregistrements valables, la chambre de l'instruction a énoncé que les enregistrements avaient été effectués par Maître A..., avocat, tandis que cet avocat, auxiliaire de justice, a agi en concertation étroite avec les enquêteurs, les rendez-vous enregistrés étant planifiés avec la mise en place « d'un dispositif de surveillance et d'interpellation » ; que ces énonciations constatant des enregistrements planifiés à l'avance avec les enquêteurs en vue d'une interpellation des journalistes, établissent la participation des enquêteurs dans la confection de ces preuves ; qu'en estimant cependant valide la procédure, la chambre de l'instruction a méconnu les principes susvisés ;
" 3°) alors que les articles 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 100-5, alinéa 4, du code de procédure pénale et 2 de la loi du 29 juillet 1881 prévoient le secret des sources des journalistes ; qu'au regard de ces dispositions, sont constitutifs d'une atteinte au droit à la liberté d'expression les mesures pouvant amener à l'identification des sources d'un journaliste ou de toute personne publiant des informations, quand bien même ces mesures seraient demeurées sans résultat ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que le rendez-vous entre M. A..., M. X... et Mme Y... avait « pour objet de lui communiquer les documents sources des faits allégués » et destinés à être publiés pour informer le public ; que, dès lors, la chambre de l'instruction ne pouvait considérer l'absence d'atteinte aux sources sans méconnaître les dispositions susvisées ;
" 4°) alors que l'irrégularité d'un acte entraîne la nullité des actes subséquents qui en constituent le support nécessaire ; que la chambre de l'instruction a écarté la nullité des interpellations, gardes à vue et mises en examen aux motifs que constituent le support de ces mesures la publication précédente d'un livre par les journalistes et le fait qu'ils se sont fait remettre une somme d'argent ; qu'en se prononçant par ces motifs inopérants à justifier des interpellations, gardes à vue et mises en examen, et tandis qu'il résulte au contraire des énonciations de l'arrêt que ce sont les rendez-vous enregistrés qui ont déterminé ces mesures, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision " ;
Vu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale ;
Attendu que porte atteinte aux principes du procès équitable et de la loyauté des preuves la participation de l'autorité publique à l'administration d'une preuve obtenue de façon illicite ou déloyale par une partie privée ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 20 août 2015, Maître Boussier, avocat, agissant au nom du Royaume du Maroc, a dénoncé au procureur de la République des faits de chantage et d'extorsion de fonds en joignant à sa plainte l'enregistrement d'une conversation qui s'était déroulée le 11 août précédent entre le représentant de cet Etat, Maître A..., et M. X..., auteur, avec Mme Y..., d'un livre paru en 2012 sous le titre " Le Roi prédateur ", conversation au cours de laquelle M. X... aurait sollicité le paiement d'une somme d'argent contre la promesse de ne pas publier un nouvel ouvrage consacré au souverain marocain ; qu'au cours de l'enquête préliminaire ouverte sur ces faits, Maître A...a produit le 21 août l'enregistrement d'une nouvelle conversation qu'il venait d'avoir avec M. X..., en un lieu placé sous la surveillance des enquêteurs, qui en ont par ailleurs retranscrit la teneur sur procès-verbal ; qu'après ouverture, le 26 août, d'une information judiciaire, Maître A...a informé les enquêteurs qu'un nouveau rendez-vous avait été pris avec M. X... et Mme Y... le 27 août, lequel s'est déroulé en un lieu également placé sous surveillance policière ; qu'à l'issue de la conversation entre les trois protagonistes, enregistrée par Maître A..., des sommes d'argent ont été remises par ce dernier aux deux journalistes, qui ont alors été interpellés, les enquêteurs retranscrivant l'enregistrement sur procès-verbal ;
Attendu que, mis en examen des chefs de chantage et d'extorsion de fonds les 28 et 29 août 2015, M. X... et Mme Y... ont saisi, le 7 septembre suivant, la chambre de l'instruction de deux requêtes en nullité des enregistrements des 21 et 27 août 2015, des procès-verbaux de retranscription et des actes subséquents ;
Attendu que, pour rejeter les requêtes, et dire n'y avoir lieu à annulation, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'elle avait relevé la présence constante des enquêteurs sur les lieux des rencontres des 21 et 27 août 2015, la remise aux policiers par le représentant du plaignant des enregistrements litigieux dès la fin de ces rencontres, suivie, le lendemain ou le surlendemain, de leur retranscription par les enquêteurs, et les contacts réguliers entre ces derniers et le représentant du plaignant, d'une part, et l'autorité judiciaire, d'autre part, pendant ces rencontres ayant conduit à l'interpellation des mis en cause à l'issue de la seconde d'entre elles, ce dont il se déduisait que l'autorité publique avait participé indirectement à l'obtention des enregistrements, par un particulier, sans le consentement des intéressés, de propos tenus par eux à titre privé, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 26 janvier 2016, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Reims, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt septembre deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-80820
Date de la décision : 20/09/2016
Sens de l'arrêt : Cassation et désignation de juridiction
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PREUVE - Libre administration - Etendue - Limites - Atteinte au principe de la loyauté des preuves - Cas - Participation de l'autorité publique à l'administration d'une preuve obtenue de façon illicite ou déloyale par une partie privée

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Nullités de l'instruction - Examen de la régularité de la procédure - Annulation d'actes - Procès-verbal - Retranscription d'un enregistrement obtenu de façon illicite par une partie privée - Participation indirecte de l'autorité publique à l'obtention des enregistrements - Atteinte au principe de loyauté des preuves - Portée

Porte atteinte aux principes du procès équitable et de la loyauté des preuves la participation de l'autorité publique à l'administration d'une preuve obtenue de façon illicite ou déloyale par une partie privée. Encourt la cassation l'arrêt qui refuse d'annuler des enregistrements de conversations privées, réalisés par le représentant d'un plaignant sans le consentement de ses interlocuteurs, soupçonnés de tentative de chantage et d'extorsion de fonds, tout en constatant que l'autorité publique avait participé indirectement à l'obtention desdits enregistrements, en ce que les enquêteurs, informés par cette partie privée des lieux et heures des rendez-vous litigieux, avaient mené une surveillance constante pendant toute leur durée, s'étaient, à leur issue, vu remettre les enregistrements par la partie qui y avait procédé, les avaient retranscrits sur procès-verbal et étaient restés, pendant ces conversations, en contact régulier avec cette partie, d'une part, et l'autorité judiciaire, d'autre part, avant de procéder à l'interpellation des mis en cause dès la fin du dernier rendez-vous


Références :

article 170 du code de procédure pénale 

article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 26 janvier 2016

Sur la question de la recevabilité des pièces d'origine illicites produites par l'administration, à rapprocher :Crim., 27 février 1996, pourvoi n° 95-81366, Bull. crim. 1996, n° 93 (rejet) ;Crim., 27 novembre 2013, pourvoi n° 13-85042, Bull. crim. 2013, n° 238 (rejet), et les arrêts cités ;Crim., 30 avril 2014, pourvoi n° 13-88162, Bull. crim. 2014, n° 119 (rejet), et les arrêts cités ;Crim., 14 avril 2015, pourvoi n° 14-87914, Bull. crim. 2015, n° 87 (rejet)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 20 sep. 2016, pourvoi n°16-80820, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Lagauche
Rapporteur ?: M. Bonnal
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:16.80820
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