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11/07/2017 | FRANCE | N°16-84828

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 juillet 2017, 16-84828


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme Catherine X..., épouse Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5e chambre, en date du 28 juin 2016, qui, pour escroquerie, l'a condamnée à six mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 31 mai 2017 où étaient présents : M. Guérin, président, M. d'Huy, conseiller rapporteur, MM. Soulard, Steinmann, Mmes de la Lance, Chaubon, Planchon,

Zerbib, M. Wyon, conseillers de la chambre, Mmes Chauchis, Pichon, conseillers référend...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme Catherine X..., épouse Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5e chambre, en date du 28 juin 2016, qui, pour escroquerie, l'a condamnée à six mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 31 mai 2017 où étaient présents : M. Guérin, président, M. d'Huy, conseiller rapporteur, MM. Soulard, Steinmann, Mmes de la Lance, Chaubon, Planchon, Zerbib, M. Wyon, conseillers de la chambre, Mmes Chauchis, Pichon, conseillers référendaires ;

Avocat général : Mme Moracchini ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de M. le conseiller D'HUY, les observations de la société civile professionnelle GADIOU et CHEVALLIER, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général MORACCHINI ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 313-1, 313-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, 6-3 de la Convention européenne des droits de l'homme ; défaut de motif et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme X..., épouse Y..., coupable du délit d'escroquerie et l'a condamné à la peine d'emprisonnement de six mois avec sursis ;

"aux motifs que Mme X..., épouse Y..., est poursuivie pour avoir commis des faits d'escroquerie au préjudice de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Var en l'espèce par l'établissement d'une facturation kilométrique fictive au moyen de la télétransmission des feuilles de soins ; que les moyens développés par Mme X..., épouse Y..., sur l'absence d'éléments constitutifs des infractions visées aux articles L. 114-13 du code de la sécurité sociale et 441-6 du code pénal sont ainsi superfétatoires dans la mesure où ils ne font pas l'objet de la poursuite pénale ; que seuls les éléments constitutifs de l'escroquerie doivent être examinés ; que l'article 313-1 du code pénal dispose : "L'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manoeuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge." ; qu'aux termes du relevé d'honoraires transmis par la CPAM du Var au Ministère Public, Mme X..., épouse Y..., a déclaré à l'organisme social avoir personnellement parcouru 266 059 km ; que la prévenue a ainsi obtenu le remboursement par la CPAM du Var d'une somme de 161 837 euros au titre des indemnités kilométriques, ce qu'elle ne conteste pas ; que sur les 266 059 km déclarés, la CPAM du Var indique que Mme X..., épouse Y..., a facturé au titre du régime général et des sections locales mutualistes 157 843 km pour un montant remboursés de 78 903,90 euros soit un taux d'activité afférents à ces régimes de 62,39% ; qu'aux termes de sa déclaration d'imposition sur les revenus pour l'almée 2010, Mme X..., épouse Y..., a, néanmoins, indiqué à l'administration fiscale qu'elle avait parcouru 35 785 km à titre professionnel ; qu'eu égard ainsi au nombre de kilomètres parcourus personnellement par Mme X..., épouse Y..., tels qu'elle les a mentionnés dans sa déclaration d'imposition, la CPAM du Var a considéré que la part réelle des indemnités afférentes au régime générale et aux sections locales mutualistes sur les 35 785 km était de 62,39 % soit 22 326 km effectivement réalisés personnellement par Mme X..., épouse Y..., à ce titre ; que Mme X..., épouse Y..., ayant facturé au titre du régime général et des sections locales mutualistes 157 843 km soit 135 517 km indus, elle était redevable d'une somme de 67 739 euros selon la CPAM du Var ; que lors de son audition par les services de gendarmerie, Mme X..., épouse Y..., a reconnu que les 266 059 km qu'elle avait déclarés à la CPAM du Var comprenaient les déplacements de toutes les infirmières ayant travaillé pour son compte et que ces kilomètres déclarés n'avaient pas été réalisés avec son véhicule personnel ; que les services de gendarmerie ont en effet constaté que le véhicule personnel de Mme X..., épouse Y... affichait un kilométrage de 138 982 ; que lors de son audition par les services de gendarmerie, Mme X..., épouse Y..., a, par ailleurs, reconnu qu'elle aurait dû barrer son nom sur ses feuilles de soins et mettre celui de ses collègues avec leur numéro professionnel avant de les transmettre à la CPAM ; que le caractère fictif des actes reprochés à Mme X..., épouse Y..., réside ainsi dans le fait que la prévenue n'a pas personnellement parcouru les 157 843 km dont elle a sollicité le remboursement à la CPAM du Var ; que les manoeuvres frauduleuses constitutives de l'escroquerie sont ainsi caractérisées par un mensonge, l'affirmation de Mme X..., épouse Y..., d'avoir effectué personnellement les kilomètres, corroboré par un élément extérieur venu lui donner force et crédit, en l'espèce la télétransmission des feuilles de soins établis à son nom attestant des kilomètres fictifs parcourus ; que le fait de facturer en son nom personnel des kilomètres qu'elle n'avait pas personnellement réalisés en parfaite connaissance de l'irrégularité de la procédure de demande de remboursement de ces frais caractérise ainsi la volonté délictueuse de Mme X... épouse Y..., ; que Mme X..., épouse Y..., ne peut enfin valablement soutenir que l'infraction n'est pas constituée en l'absence de préjudice de la CPAM du Var aux motifs que les frais kilométriques qu'elle a versés correspondent à une prestation effectivement réalisée, certes pas par ses soins mais par les autres infirmières ; qu'en effet, en matière d'escroquerie, le préjudice est établi du seul fait que les remboursements opérés par la CPAM du Var n'ont pas été librement consentis mais obtenus par des manoeuvres frauduleuses ; que l'absence d'enrichissement personnel de Mme X..., épouse Y... ; et la fait qu'elle ait agi pour faciliter la gestion de son cabinet constituent des mobiles sans incidence sur les éléments constitutifs de l'infraction ; qu'il convient en conséquence d'infirmer la jugement entrepris et de déclarer Mme X..., épouse Y..., coupable des faits d'escroquerie ;

"1°) alors que l'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manoeuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge ; qu'un mensonge, même produit par écrit, ne peut constituer une manoeuvre frauduleuse, s'il ne s'y joint aucun fait extérieur ou acte matériel, aucune mise en scène ou intervention d'un tiers destiné à donner force et crédit à l'allégation du prévenu ; que leseul fait d'avoir envoyé à la CPAM des feuilles de soins infirmiers comportant des mentions inexactes ne constitue qu'un simple mensonge écrit non punissable pénalement ; que pour infirmer le jugement de relaxe, la cour d'appel s'est contentée de retenir à l'encontre de Mme X..., épouse Y..., qu'elle avait menti à la CPAM du Var sur le nombre exact de kilomètres qu'elle avait personnellement parcouru et que ce mensonge était « corroboré par un élément extérieur…en l'espèce la télétransmission des feuilles de soins établies à son nom… » ; qu'en affirmant à tort que l'envoi des feuilles de soins qu'elle avait elle-même établies sans intervention d'un tiers constituait un élément extérieur au mensonge, alors qu'il n'était que son expression écrite, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"2°) alors que l'escroquerie est une infraction intentionnelle qui procède de la volonté de l'auteur de tromper la victime et qui ne saurait résulter d'une simple négligence ou d'une inexactitude comptable ; que Mme X..., épouse Y..., avait soutenu sans être démentie que sa pratique qui consistait à inclure sur ses feuilles de soins les kilomètres parcourus par les autres infirmières qui la remplaçaient et auxquelles elle reversait le montant des indemnités kilométriques perçues de la CPAM, était seulement destinée à faciliter la gestion de son cabinet paramédical sans qu'elle en tire le moindre profit ou que cela entraîne le versement d'indemnités qui ne correspondraient pas à des transports réellement effectués dans l'intérêt des patients ; que la cour d'appel a, néanmoins, considéré que « l'absence d'enrichissement personnel de Mme X... épouse Y..., et le fait qu'elle ait agi pour faciliter la gestion de son cabinet constituent des mobiles sans incidence sur les éléments constitutifs de l'infraction » ; qu'en statuant de la sorte sans caractériser la volonté délibérée de tromper la CPAM pour l'amener à verser des indemnités kilométriques qui ne seraient pas dues, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Var a porté plainte à l'encontre de Mme Y..., infirmière libérale, pour escroquerie, aux motifs que celle-ci lui avait facturé des frais kilométriques fictifs au moyen de la télétransmission des feuilles de soins durant l'année 2010 ; qu'entendue sur ces faits, Mme Y... a déclaré qu'à la suite d'un accident de la circulation dont elle avait été victime en 2008, ne lui permettant plus d'exercer seule son activité professionnelle, elle a dû recourir à l'aide de plusieurs infirmières qui l'avaient remplacée auprès des patients ; que, si elle admettait avoir, pour faciliter la gestion de son cabinet, facturé à la CPAM du Var, au moyen de sa carte professionnelle, les soins de santé ainsi que les kilomètres parcourus par ces infirmières, elle a indiqué que les indemnités kilométriques versées leur avaient été entièrement rétrocédées au prorata de leurs déplacements, ce dont elle justifiait par la production de pièces comptables, et qu'elle n'avait détourné aucune somme, ni ne s'était enrichie ;

Que, citée à comparaître devant le tribunal correctionnel pour avoir, en employant des manoeuvres frauduleuses, trompé la CPAM du Var pour la déterminer à remettre des fonds, en l'espèce par l'établissement d'une facturation kilométrique fictive, durant la période du 1er janvier au 31 décembre 2010, au moyen de la télétransmission des feuilles de soins, au préjudice de la CPAM pour un montant de 67739 euros, Mme Y... a été relaxée par jugement du 23 novembre 2015 dont le ministère public a interjeté appel ;

Attendu que, pour déclarer la prévenue coupable d'escroquerie, l'arrêt retient que les manoeuvres frauduleuses sont caractérisées par un mensonge, consistant en l'affirmation en connaissance de cause d'avoir effectué personnellement les kilomètres, corroboré par un élément extérieur lui donnant force et crédit, en l'espèce la télétransmission des feuilles de soins établies à son nom attestant des kilomètres fictifs parcourus ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations et dès lors que la télétransmission des feuilles de soins implique nécessairement le recours à la carte Vitale ou d'assuré social remise par le patient au professionnel de santé, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze juillet deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-84828
Date de la décision : 11/07/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ESCROQUERIE - Manoeuvres frauduleuses - Définition - Mensonges - Acte extérieur donnant force et crédit au mensonge - Cas

Justifie sa décision la cour d'appel qui, pour déclarer la prévenue coupable d'escroquerie, retient que les manoeuvres frauduleuses sont caractérisées par un mensonge, consistant en l'affirmation en connaissance de cause d'avoir effectué personnellement les kilomètres, corroboré par un élément extérieur lui donnant force et crédit, en l'espèce la télétransmission à la CPAM des feuilles de soins établies à son nom, attestant des kilomètres fictifs parcourus, dès lors que ce mode de transmission implique nécessairement le recours à la carte Vitale ou d'assuré social remise par le patient au professionnel de santé


Références :

article 313-1 du code pénal

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 28 juin 2016

Sur le mensonge corroboré par un acte extérieur lui donnant force et crédit, à rapprocher :Crim., 11 octobre 1989, pourvoi n° 87-83664, Bull. crim. 1989, n° 352 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 jui. 2017, pourvoi n°16-84828, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : Mme Moracchini
Rapporteur ?: M. d'Huy
Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.84828
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