LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Thierry X..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de LYON, en date du 5 juillet 2016, qui, dans l'information suivie sur sa plainte contre personne non dénommée du chef d'escroquerie, a confirmé l'ordonnance de refus d'informer du juge d'instruction ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 25 avril 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Barbier, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire BARBIER, les observations de la société civile professionnelle BÉNABENT et JÉHANNIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DESPORTES ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 6, 8, 591, 593 et 706-113 du code de procédure pénale, ensemble la maxime contra non valentem agere non currit praescriptio, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance du 2 mars 2016 par laquelle le juge d'instruction près la cour d'appel de Lyon a dit n'y avoir lieu à informer ;
" aux motifs propres qu'il résulte de l'article 8 du code de procédure pénale qu'en matière de délit, la prescription de l'action publique est de trois années révolues ; qu'en vertu de l'article 6 du même code, l'action publique pour l'application de la peine s'éteint par la prescription ; qu'il est de jurisprudence constante que l'escroquerie est un délit instantané ; qu'en matière d'escroquerie au jugement, le point de départ du délai de prescription triennale est le moment où la décision est devenue exécutoire ; que la mesure de curatelle dont bénéficiait M. X... jusqu'au 29 novembre 2011 ne constitue pas un obstacle de droit le mettant dans l'impossibilité d'agir, de nature à suspendre le délai de prescription de trois ans ; qu'en effet, le point de départ du délai de prescription des délits instantanés n'est pas lié au régime de protection mis en place ; que si en application des articles 467 et 475 du code civil, la personne protégée ne peut, sans l'assistance de son curateur, agir en justice pour faire valoir ses droits extra patrimoniaux sans une autorisation préalable du juge ou du conseil de famille, rien n'empêchait sa curatrice, en l'occurrence son épouse parfaitement au courant des procédures en cours, de solliciter une telle autorisation ; que s'il est indéniable que les dispositions de la loi du 5 mars 2007 ont été méconnues dans les décisions et arrêts rendus entre 2006 et 2009, ce qui a justement été sanctionné par la Cour de cassation dans son arrêt du 24 juin 2014, il n'en demeure pas moins que cela n'est pas d'avantage de nature à suspendre la prescription de l'action publique dans le cadre des délits d'escroquerie aux jugements reprochés ; qu'en conséquence, en l'espèce, le point de départ de la prescription de l'action publique court à compter du 15 décembre 2009, jour de la décision d'irrecevabilité du pourvoi de M. X... prononcé par la Cour de cassation, les décisions postérieures rendues étant sans incidence sur un éventuel caractère suspensif ou interruptif de prescription ; que la prescription était acquise le 15 décembre 2012 [lire 2009] ; qu'en ne déposant plainte devant le procureur de la République que le 8 juillet 2014 puis devant le doyen des juges d'instruction le 13 octobre 2014, la prescription était acquise ;
" et aux motifs, éventuellement adoptés, qu'il est constant qu'en matière d'escroquerie au jugement, le point de départ du délai de prescription triennale de l'action publique est celui où la décision critiquée (car considérée comme obtenue frauduleusement), est devenu exécutoire ; qu'en l'espèce, l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, en date du 16 décembre 2008, est devenu exécutoire le 15 décembre 2009, jour de la décision d'irrecevabilité du pourvoi de M. X..., prononcée par la Cour de cassation ; que son pourvoi du 16 septembre 2011, relatif à la même décision de seconde instance (également déclaré irrecevable le 15 mai 2012) n'a eu aucun effet suspensif ou interruptif de prescription, pas plus que l'arrêt du 24 juin 2014, relatif au relèvement de l'astreinte dans le cadre d'une procédure postérieure ; que, par ailleurs, la prescription de l'action publique est suspendue lorsque la partie poursuivante se heurte à un obstacle de droit la mettant dans l'impossibilité d'agir, ce qui n'est pas le cas d'une mesure de curatelle, qui ne prive pas le majeur protégé de son droit de porter plainte ; que, dès lors, en l'absence de toute cause de suspension ou d'interruption de la prescription de l'action publique, entre le 15 décembre 2009 et le 8 juillet 2014, date de sa plainte auprès du procureur de la République de Lyon, force est de constater que la prescription était acquise au jour de la constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction ; qu'il n'y a, par conséquent, pas lieu à informer du chef d'escroquerie au jugement visé dans la plainte avec constitution de partie civile de M. X..., enregistrée au greffe le 13 octobre 2014 ;
" 1°) alors que la prescription ne court pas contre celui qui ne peut valablement agir ; que tel est le cas du majeur placé sous curatelle à l'égard duquel la prescription de l'action publique ne peut courir tant que dure la mesure de curatelle l'empêchant d'agir seul ; qu'en l'espèce, pour juger qu'au jour où M. X... a déposé plainte avec constitution de partie civile, la prescription de l'action publique des faits d'escroquerie au jugement était acquise, la chambre de l'instruction a retenu que le délai de prescription avait commencé à courir le 15 décembre 2009, date à laquelle la Cour de cassation avait rejeté le pourvoi qu'il avait formé contre l'arrêt du 16 décembre 2008 argué de fraude ; qu'en statuant ainsi, cependant que la mesure de curatelle dont faisait l'objet M. X... n'a été levée que le 29 novembre 2011, de sorte qu'étant jusqu'alors dans l'impossibilité d'agir seul, la prescription n'avait pu commencer à courir contre lui avant cette date, la chambre de l'instruction a méconnu les textes et principes susvisés ;
" 2°) alors, subsidiairement, que la prescription ne court pas contre celui qui ne peut valablement agir ; que tel est le cas du majeur placé sous curatelle à l'égard duquel la prescription de l'action publique ne peut courir tant que son curateur, ayant vocation à l'assister dans l'exercice d'une action en justice, n'a pas été informé des poursuites et des décisions de condamnation dont cette personne a fait l'objet ; qu'en l'espèce, pour juger qu'au jour où M. X... a déposé plainte avec constitution de partie civile, la prescription de l'action publique des faits d'escroquerie au jugement était acquise, la chambre de l'instruction a affirmé que sa curatrice, « en l'occurrence son épouse », était en mesure d'assister son époux en justice dès lors qu'elle était « parfaitement au courant des procédure en cours » ; qu'en statuant ainsi, sans préciser les raisons ni les pièces sur lesquelles elle s'est fondée pour déduire la prétendue connaissance, par la curatrice, des procédures pénales diligentées à l'encontre de M. X..., la chambre de l'instruction a insuffisamment motivé sa décision " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, de l'ordonnance du juge d'instruction qu'il confirme et des pièces de la procédure qu'après le classement sans suite de sa plainte du 8 juillet 2014 par le procureur de la République, M. X... a porté plainte et s'est constitué partie civile le 13 octobre 2014 auprès du juge d'instruction du chef d'escroquerie au jugement en raison du fait que dans la procédure ayant donné lieu à l'arrêt de rejet de la Cour de cassation du 15 décembre 2009 (pourvoi n° 09-80. 709), relatif à une condamnation de l'intéressé pour infraction au code de l'urbanisme, les dispositions des articles 706-113 et suivants du code de procédure pénale n'ont pas été respectées ; que le juge d'instruction a rendu une ordonnance de refus d'informer, les faits étant prescrits ; que la partie civile a relevé appel de cette décision ;
Attendu que M. X... ne saurait se faire un grief de ce que pour confirmer l'ordonnance et écarter son argumentation, par laquelle il faisait valoir qu'aucune des décisions rendues dans l'affaire ayant donné lieu à l'escroquerie au jugement dont il se plaint n'a été notifiée à sa curatrice, en sorte que celle-ci n'a pu agir utilement pour sa défense, et qu'en conséquence le point de départ de la prescription doit être fixé au 29 novembre 2011, date à laquelle la mesure de curatelle dont il bénéficiait a été levée, l'arrêt relève, notamment, que la mesure de curatelle dont il faisait l'objet ne l'avait pas mis dans l'incapacité d'agir ;
Qu'en effet, la mesure de curatelle dont fait l'objet une personne ne constitue pas, à la différence de la situation de la personne sous tutelle, un obstacle de droit à sa capacité d'agir en justice de nature à suspendre la prescription de l'action publique ou à reporter le point de départ du délai de celle-ci, seule étant requise l'assistance du curateur qu'il lui appartient de solliciter ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept juin deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.