LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° E 16-82.615
et M 16- 83.955 F-P+B
N° 540
FAR
29 MARS 2017
REJET
M. GUÉRIN président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
REJET des pourvois formés par M. [P] [Z],
- contre l'arrêt de la cour d'assises de la Moselle en date du 31 mars 2016, qui, pour assassinat, l'a condamné à vingt-cinq ans de réclusion criminelle ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur la recevabilité des constitutions de parties civiles ;
- contre l'arrêt, en date du 20 mai 2016, qui, après sa condamnation pour assassinat, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 8 février 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Stephan, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de M. le conseiller STEPHAN, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général VALAT ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
I - Sur le pourvoi formé contre l'arrêt pénal :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 221-1 et 221-3 du code pénal, préliminaire, 350, 378, 380-2, 380-3, 591 et 593 du code de procédure pénale :
"en ce que la cour a rejeté les conclusions de la défense tendant à ce que la question spéciale de préméditation, qui n'avait pas été retenue par la cour d'assises statuant en premier ressort, ne soit pas posée, seul l'accusé ayant formé appel principal et le ministère public n'ayant interjeté qu'appel incident ;
"aux motifs que la cour,vu les conclusions déposées par Me Frédéric Berna tendant à dire et juger que la question spéciale de préméditation de l'article 221-3 du code pénal ne sera pas posée et à rejeter toute demande en ce sens ; que, considérant qu'en application de l'article 380-1 du code de procédure pénale, la cour d'assises d'appel procède à un réexamen en son entier de l'affaire ; que si l'appel incident formé par le procureur général à la suite de l'appel principal de l'accusé ne saisit pas la cour d'assises statuant en appel des infractions dont l'accusé a été déclaré non coupable, il n'en est pas de même s'agissant des éventuelles circonstances aggravantes mises au débat ; que, par ces motifs, la cour rejette les conclusions déposées par Maître Berna, défenseur de l'accusé et dit que les questions seront posées de la façon suivante :
- l'accusé [P] [Z] est-il coupable d'avoir à [Adresse 1], le [Date décès 1] 2011, volontairement donné la mort à [A] [D] ? ;
- le meurtre ci-dessus spécifié a t-il été commis avec préméditation ? ;
"1°) alors que la circonstance aggravante de préméditation ne peut être retenue quand la décision de mise en accusation l'a écartée pour un motif de droit ; qu'en l'espèce, la cour d'assises ne pouvait se borner à indiquer que "si l'appel incident formé par le procureur général à la suite de l'appel principal de l'accusé ne saisit pas la cour d'assises statuant en appel des infractions dont l'accusé a été déclaré non coupable, il n'en est pas de même s'agissant des éventuelles circonstances aggravantes mises au débat" sans s'expliquer sur les raisons pour lesquelles l'ordonnance de mise en accusation, en date du 3 mars 2014, avait expressément exclu cette circonstance aggravante ;
"2°) alors qu'en tout état de cause, la cour d'assises d'appel, statuant sur le seul appel principal de l'accusé et l'appel incident du parquet, qui reconnaissait que "l'appel incident formé par le procureur général à la suite de l'appel principal de l'accusé ne saisit pas la cour d'assises statuant en appel des infractions dont l'accusé a été déclaré non coupable" n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en le condamnant du chef d'assassinat, infraction distincte de celle du meurtre, qui n'avait pas été retenue par la cour d'assises statuant en premier ressort" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. [Z], mis en examen du chef de meurtre, a été mis en accusation sous cette qualification ; que lors des débats devant la cour d'assises de première instance, le président a demandé à la cour et aux jurés de se prononcer sur le point de savoir si le meurtre avait été commis avec préméditation, en répondant à une question spéciale ; que la circonstance aggravante de préméditation a été écartée ; que M. [Z] a interjeté un appel principal de sa condamnation pour meurtre, le ministère public formant un appel incident ; que lors des débats devant la cour d'assises d'appel, le président a informé les parties qu'il envisageait de poser une question spéciale sur la préméditation;
Attendu que l'avocat de l'accusé a soulevé un incident contentieux en faisant valoir que le caractère incident de l'appel du ministère public s'opposait à ce que soit de nouveau posée cette question spéciale, la réponse négative donnée en première instance par la cour et les jurés équivalant à un acquittement partiel qui ne pouvait plus être remis en cause ; que par arrêt incident, la cour a rejeté la demande de la défense et ordonné que soit posée une question spéciale relative à la préméditation ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, dès lors que le président a le pouvoir de soumettre à la cour et au jury la circonstance aggravante de préméditation résultant des débats, quand bien même elle n'aurait pas été examinée au cours de la procédure d'instruction, la cour a justifié sa décision sans encourir les griefs formulés au moyen ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 348, 349, 350, 378, 591 et 593 du code de procédure pénale :
"en ce qu'il résulte du procès-verbal des débats que "le président a donné lecture des questions auxquelles la cour et le jury auraient à répondre ; aucune observation n'a été faite, l'accusé ayant eu la parole en dernier" ;
"alors que lorsqu'il entend poser une question spéciale, le président a l'obligation de la lire ; qu'ainsi, en se contentant de mentionner que le président avait donné lecture des questions auxquelles la cour et le jury auraient à répondre sans précision de ce que ces questions résultaient ou non des débats, la cour d'assises n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de s'assurer du respect des articles 348 et 350 du code de procédure pénale" ;
Attendu que le procès-verbal des débats mentionne que le président, après la clôture des débats, a donné lecture des questions auxquelles la cour et le jury auraient à répondre ;
Attendu que cette mention implique qu'il a été donné connaissance de l'ensemble des questions posées, incluant tant la question principale que la question spéciale ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 310, 316, 378, 591 et 593 du code de procédure pénale :
"en ce qu'il ressort du procès-verbal des débats que le président a rendu publiquement les arrêts suivants :
- arrêt incident n° 1 :
la cour, statuant sans le concours des jurés et considérant que Me Frédéric Berna, défenseur de l'accusé, a demandé à la cour d'ordonner une expertise de l'accusé confiée à un expert en neurologie et dire qu'en cas de besoin cet expert pourra s'adjoindre les services de tout sapiteur qu'il estimera utile (psychiatre, psychologue...) ; que, considérant qu'au vu des résultats de l'instruction à l'audience qui vient de prendre fin, la Cour est en mesure de s'assurer que la mesure sollicitée n'est pas nécessaire à la manifestation de la vérité ; que par ces motifs, la cour rejette la demande ;
- arrêt incident n° 2 :
la cour, vu les conclusions déposées par Maître Frédéric Berna tendant à dire et juger que la question spéciale de préméditation de l'article 221-3 du code pénal ne sera pas posée et à rejeter toute demande en ce sens ; que, considérant qu'en application de l'article 380-1 du code de procédure pénale, la cour d'assises d'appel procède à un réexamen en son entier de l'affaire ; que si l'appel incident formé par le Procureur Général à la suite de l'appel principal de l'accusé ne saisit pas la Cour d'assises statuant en appel des infractions dont l'accusé a été déclaré non coupable, il n'en est pas de même s'agissant des éventuelles circonstances aggravantes mises au débat ; que par ces motifs, la cour rejette les conclusions déposées par Maître Berna, défenseur de l'accusé et dit que les questions seront posées de la façon suivante :
- l'accusé [P] [Z] est-il coupable d'avoir à [Adresse 1], le [Date décès 1] 2011, volontairement donné la mort à [A] [D] ? ;
- le meurtre ci-dessus spécifié a t-il été commis avec préméditation ? ;
"alors que le procès-verbal des débats ne pouvait valablement indiquer, sans se contredire, indiquer que des arrêts incidents ont été "rendu(s)" publiquement par le président, tout en mentionnant dans le corps de ces décisions, que la cour "a statué sans le concours des jurés" ; que ces mentions contradictoires ne permettent pas à la chambre criminelle d'assurer son contrôle sur le respect de la compétence exclusive de la cour en matière d'incidents contentieux" ;
Attendu que les mentions du procès-verbal des débats permettent à la Cour de cassation de s'assurer que les arrêts incidents concernés sont intervenus après que la cour, sans l'assistance des jurés, en a délibéré, puis qu'il en a été donné connaissance publiquement, à l'audience, par le président ;
Que dès lors le moyen n'est pas fondé ;
II - Sur le pourvoi formé contre l'arrêt civil en date du 31 mars 2016 :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
III - Sur le pourvoi formé contre l'arrêt civil en date du 20 mai 2016 :
Sur le moyen unique pris de la violation des articles 1382 du code civil, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'assises d'appel statuant sur l'action civile a condamné M. [P] [Z] à payer diverses sommes aux parties civiles et au Fonds de garantie ;
"alors que la cassation de l'arrêt pénal (pourvoi n° E 16-82615) entraînera, par voie de conséquence, celle de l'arrêt civil qui se trouvera alors dépourvu de toute base légale" ;
Attendu que le moyen est devenu inopérant par suite du rejet des moyens dirigés contre l'arrêt pénal ;
Et attendu que la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la cour et le jury ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf mars deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.