LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° S 16-82.051 F-P+B
N° 445
JS3
22 MARS 2017
REJET
M. GUÉRIN président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
REJET du pourvoi formé par M. [D] [D], contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 5-12, en date du 7 mars 2016, qui, pour abus de confiance et escroquerie, l'a condamné à trois ans d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve et a prononcé une mesure de confiscation ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 1er février 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Chauchis, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme [N] ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire CHAUCHIS, les observations de la société civile professionnelle LE BRET-DESACHÉ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LE BAUT ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 7 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, 111-3, 111-4 du code pénal, 131-21 du code pénal, 706-141-1, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a ordonné la confiscation du bien situé [Adresse 1], propriété de M. [D], acquis le 30 mars 2000 par acte de M. [W] [R], notaire à [Localité 1] ;
Aux motifs que, selon l'article 131-21 du code pénal, la confiscation porte sur tous les biens qui sont le produit direct ou indirect de l'infraction ; que si le produit de l'infraction a été mêlé à des fonds d'origine licite, la confiscation peut ne porter sur ces biens qu'à concurrence de la valeur estimée de ce produit ; que la cour confirmera le jugement en ce qu'il a prononcé la confiscation du scellé 1, alors qu'il ressort suffisamment de la procédure que la somme de 4 000 euros découverte au domicile du prévenu provient du produit de l'infraction, en l'espèce les 338 000 euros que le prévenu a sorti en liquidités de ses comptes en banque personnels ; que, concernant l'appartement du [Adresse 1] que M. [D] a acquis le 30 mars 2000 pour la somme de 60 979, 61 euros financée par trois prêts : d'un montant de 27 440 euros auprès de la Banque populaire de Rives de Paris, prélevé sur son compte personnel ouvert dans cet établissement, d'un montant de 14 482,65 euros auprès de Mederic prévoyance, prélevé sur le compte personnel de M. [D] ouvert auprès du Crédit coopératif, d'un montant de 9 915,03 euros ouvert auprès du CIPC-R, prélevé sur le compte personnel de M. [D] ouvert auprès du Crédit coopératif ; que, sur les années 2008 à 2011, ces prêts ont été remboursés à l'aide de fonds provenant eux-mêmes du compte syndicat Force ouvrière c/o [D] ouvert à la Société générale ... nonobstant les dénégations de M. [D] à l'audience, cet appartement a été financé directement ou indirectement pour la somme de 17 303, 57 euros provenant du produit de l'infraction ; que la cour estime qu'il y a lieu d'en prononcer la confiscation, sans la limiter au montant du produit de l'infraction ; qu'à cet égard, la cour tient compte du montant des sommes dissipées, supérieur à 700 000 euros.
"1°) alors qu'aux termes de l'article 131-21, alinéa 3, du code pénal "si le produit de l'infraction a été mêlé à des fonds d'origine licite pour l'acquisition d'un ou plusieurs biens, la confiscation peut ne porter sur ces biens qu'à concurrence de la valeur estimée de ce produit" ; qu'en refusant de limiter le montant de la confiscation selon ces dispositions aux motifs que : "la cour estime qu'il y a lieu d'en prononcer la confiscation, sans la limiter au montant du produit de l'infraction", la cour d'appel a violé le texte précité ;
"2°) alors que l'article 1 du Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme dispose que : "toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international" ; que le droit de propriété est également consacré par l'article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 ; que la privation du droit de propriété du bien immobilier qui constitue le lieu de vie d'une personne porte aussi atteinte au respect de sa vie privée et familiale consacré par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que la privation du droit de propriété, prononcée à titre de peine complémentaire, ne peut intervenir que dans le respect du principe de l'interprétation stricte de la loi pénale et du principe de la légalité des délits et des peines ; que les juges ne peuvent prononcer une peine complémentaire que dans les limites fixées par la loi ; qu'en considérant arbitrairement que : "la cour estime qu'il y a lieu d'en prononcer la confiscation, sans la limiter au montant du produit de l'infraction...", l'arrêt attaqué a porté atteinte aux droits fondamentaux du demandeur, plus particulièrement, son droit de propriété, au respect de sa vie privée et familiale, au principe de la légalité des délits et des peines, à la stricte interprétation de la loi pénale" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, sur plainte du secrétaire général de la fédération des employés et cadres Force ouvrière suspectant le détournement de sommes versées à son profit, une enquête préliminaire a été diligentée puis une information judiciaire ouverte, en date du 30 août 2011, au terme de laquelle M. [D] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel des chefs d'abus de confiance et d'escroquerie ; qu'il a été condamné de ces chefs ; que le ministère public a relevé appel de cette décision, en le limitant à la peine prononcée ;
Attendu que, pour ordonner la confiscation de l'immeuble dont le prévenu est propriétaire, sans la limiter au montant du produit de l'infraction, l'arrêt, après avoir relevé, notamment, que M. [D] est âgé de 64 ans, de double nationalité française et béninoise, qu'il est marié et a trois enfants âgés de 39, 37 et 34 ans et trois petits enfants auxquels il veut se consacrer, qu'il est propriétaire de son logement à [Localité 2] et d'une maison au Bénin qui aurait une valeur de 40 000 euros et que son casier judiciaire ne fait pas ressortir de condamnation, retient que le prévenu a acquis son appartement d'[Localité 2], le 30 mars 2000, pour la somme de 60 979,61 euros, financée par trois prêts remboursés, sur les années 2008 à 2011, à l'aide de fonds provenant du compte syndicat Force ouvrière c/o [D] ouvert à la Société générale ; qu'il a été financé directement ou indirectement, pour la somme de 17 307,57 euros provenant du produit de l'infraction ; que les juges ajoutent qu'il convient de tenir compte du montant des sommes dissipées, supérieur à 700 000 euros ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Que, d'une part, il résulte de l'article 131-21, alinéa 3, du code pénal qu'un bien qui constitue le produit de l'infraction peut faire l'objet d'une mesure de confiscation, totale ou partielle selon le choix opéré par les juges du fond, si ledit produit a été mêlé à des fonds d'origine licite pour l'acquisition du bien en cause ;
Que, d'autre part, les juges ont, en se fondant sur la situation personnelle du prévenu et sur la gravité concrète des faits, apprécié, par des motifs dépourvus d'insuffisance, la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée à son droit de propriété et au droit au respect de sa vie privée et familiale ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en ce qu'il invoque le droit de propriété pour contester la confiscation de la partie du bien acquise avec des fonds d'origine illicite, doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux mars deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.