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07/03/2016 | FRANCE | N°13/10584

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 3, 07 mars 2016, 13/10584


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 3



ARRÊT DU 07 MARS 2016



(n°16/ , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 13/10584



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Juillet 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 10/03568





APPELANTE



SA AUTOMOBILES PEUGEOT, prise en la personne de ses représentants légaux

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[Adresse 1]



Représentée par Me Anne-marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653

Assistée de Me Nicolas BARETY, avocat au barreau de PARIS, toque : C041





INTIMÉES...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 3

ARRÊT DU 07 MARS 2016

(n°16/ , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/10584

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Juillet 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 10/03568

APPELANTE

SA AUTOMOBILES PEUGEOT, prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Anne-marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653

Assistée de Me Nicolas BARETY, avocat au barreau de PARIS, toque : C041

INTIMÉES

Madame [J] [P]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

CPAM DES HAUTS DE SEINE, prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Défaillante

PARTIE INTERVENANTE:

SA MAAF ASSURANCES, prise en la personne de ses représentants légaux

Chauray

[Adresse 4]

(intervenante volontaire)

Représentée par Me Philippe RAVAYROL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0155

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 Novembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Régine BERTRAND-ROYER, Présidente de chambre

Madame Catherine COSSON, Conseillère, entendue en son rapport

Madame Marie-Brigitte FREMONT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Nadia DAHMANI

ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, prévue initialement le 18 janvier 2016 et prorogée au 15 février 2016 et 07 mars 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine COSSON, Conseillère, pour la présidente empêchée et par Mme Nadia DAHMANI, greffier présent lors du prononcé.

****

Le 5 mars 2007, à 18 heures 25, sur l'autoroute A4, dans le sens [Localité 1] /[Localité 2], Madame [J] [P] circulait à bord de son véhicule de fonction, une Peugeot 407, mis à sa disposition par son employeur, la société Pharma qui le louait à la société Arval Service Lease.

Cette voiture, arrêtée sur la voie centrale de l'autoroute, en sommet de côte, a été percutée à l'arrière par la voiture conduite par Monsieur [G] [B]. Suite au choc, les deux véhicules se sont immobilisés sur la bande d'arrêt d'urgence. Tant Madame [P] que Monsieur [B] ont été blessés dans cet accident.

Par acte en date du 3 mars 2010, Madame [P] a fait assigner la société Automobiles Peugeot devant le tribunal de grande instance de Paris. Sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du code civil, elle a demandé que la société Automobiles Peugeot soit dite responsable de son préjudice consécutif à la panne survenue sur le véhicule qu'elle conduisait et qu'une expertise médicale soit ordonnée.

Par jugement du 22 juin 2010, frappé d'appel par Monsieur [G] [B], le tribunal correctionnel de Meaux a notamment relaxé Madame [P] pour l'infraction de blessures involontaires, a fait droit à la demande de Monsieur [G] [B] en application de l'article 470-1 du code de procédure pénale, a rejeté la demande de renvoi devant la juridiction civile, faisant application de la loi du 5 juillet 1985, a déclaré Madame [P] responsable de 50 % des préjudices subis par Monsieur [G] [B], celui-ci conservant 50 % de la charge de ses préjudices, a ordonné l'expertise médicale de Monsieur [G] [B], lui a alloué une provision, a rejeté la demande d'expertise présentée par Madame [P], a constaté l'intervention de la compagnie Allianz Iard et lui a dit le jugement opposable.

Par jugement du 5 juillet 2011, la 5ème chambre du tribunal de grande instance de Paris a :

- déclaré la société Automobiles Peugeot entièrement responsable de l'accident dont Madame [P] a été victime le 5 mars 2007 et l'a condamnée à réparer l'entier préjudice en résultant,

- avant dire droit a ordonné une expertise médicale et commis pour y procéder le docteur [J],

- condamné la société Automobiles Peugeot à payer à Madame [P] la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire hormis en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens,

- condamné la société Automobiles Peugeot aux dépens,

- autorisé Maître Robert, avocat au barreau de Paris, à recouvrer directement contre elle ceux des dépens dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu qu'une panne était survenue sur le véhicule conduit par Madame [P] et qu'elle avait entraîné l'impossibilité pour la conductrice de se déplacer sur la bande d'arrêt d'urgence et de se mettre hors de danger. Il a relevé que l'entretien du véhicule avait été correctement assuré et que la panne n'avait pas été provoquée par la conduite de Madame [P]. Il a conclu que le simple fait qu'une panne, dont la réalité n'était pas contestée, soit survenue dans ces conditions sur un véhicule récent puisque mis en circulation le 17 septembre 2004, suffisait à démontrer qu'il n'offrait pas la sécurité que l'on peut, en toute légitimité, en attendre. Enfin, il a considéré que le défaut d'une sécurité normale se trouvant établi, il importait peu que les causes exactes de la panne n'aient pas été entièrement élucidées, le producteur ayant la charge de la preuve d'une cause exonératoire ou de la faute de la victime, preuve qu'il ne rapportait pas.

La société Automobiles Peugeot a relevé appel de la décision.

Par ordonnance en date du 19 juin 2013, le juge de la mise en état de la 5ème chambre du tribunal de grande instance de Paris a ordonné un sursis à statuer dans l'attente de l'issue de l'appel formé par la société Automobiles Peugeot contre le jugement rendu le 5 juillet 2011, l'appel étant susceptible de mettre directement en cause l'existence même d'une double procédure d'indemnisation.

Par dernières conclusions signifiées le 15 décembre 2014, la société Automobiles Peugeot demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et :

- de constater que Madame [P] a été entièrement indemnisée des conséquences de l'accident du 5 mars 2007 et qu'elle a conventionnellement subrogé la MAAF Assurances dans les droits et actions attachés à sa qualité de victime,

- en conséquence de déclarer Madame [P] irrecevable en ses demandes relatives à l'indemnisation d'un préjudice déjà indemnisé,

- de dire que seule l'action fondée sur la loi du 5 juillet 1985 était ouverte à Madame [P] à l'encontre de Monsieur [B] et de la MAAF Assurances pour obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel, l'action fondée sur les articles 1386-1 et suivants du code civil qui ne peut être que subsidiaire, ne lui étant pas ouverte,

- de dire que la MAAF Assurances subrogée conventionnellement dans les droits de Madame [P], ne dispose pas d'une action fondée sur les articles 1386-1 et suivants du code civil, à l'encontre de la société Automobiles Peugeot,

- de déclarer la MAAF Assurances mal fondée en ses demandes,

- à titre subsidiaire, de dire que la MAAF Assurances ne rapporte pas la preuve du caractère défectueux du produit, de l'existence d'un lien de causalité direct entre le prétendu défaut et le dommage corporel subi par Madame [P] du fait du rôle causal de Monsieur [B] à l'origine de l'accident,

- de dire que le comportement fautif de Monsieur [B] est à l'origine exclusive du dommage,

- très subsidiairement, de dire qu'elle rapporte la preuve de ce que le prétendu défaut du produit n'existait pas au moment de la mise en circulation et qu'il est né postérieurement.

Elle réclame la condamnation solidaire de Madame [P] et de la MAAF Assurances à lui verser la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens dont distraction au profit de Maître Anne-Marie Oudinot, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle soutient que Madame [P] a été indemnisée de son préjudice par la MAAF Assurances selon procès verbal de transaction du 17 avril 2014 lequel comporte une subrogation conventionnelle au bénéfice de cet assureur, qu'elle ne dispose donc plus d'intérêt à agir à son encontre et ne peut demander deux fois l'indemnisation du même préjudice.

Elle prétend que la MAAF Assurances n'exerce pas une action récursoire contre un éventuel co-responsable en sa qualité d'assureur de Monsieur [B] mais exerce les uniques droits et actions de la victime recueillis dans le cadre de la subrogation, que cette dernière avait l'obligation d'exercer une action fondée sur la loi du 5 juillet 1985 à l'encontre de Monsieur [B] et de la MAAF Assurances pour obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel. Elle expose que la MAAF Assurances ayant reconnu avant même l'introduction de la présente procédure le droit intégral à indemnisation de la victime, l'action fondée sur les dispositions des articles 1386-1 et suivants du code civil qui ne peut être que subsidiaire, n'était pas ouverte à celle-ci et n'a donc pas été transmise à la MAAF Assurances, subrogée conventionnelle.

A titre subsidiaire, elle fait valoir qu'il appartient à la MAAF Assurances de rapporter la preuve que le défaut qu'elle invoque, constitue la cause du dommage corporel de Madame [P], ce qu'elle ne fait pas, puisque la panne ne constituait pas le défaut à l'origine du dommage, celui-ci trouvant son origine dans le heurt du véhicule de la victime par celui conduit par Monsieur [B]. Elle ajoute que la MAAF Assurances ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un lien de causalité direct entre le prétendu défaut et le dommage dès lors que ce dernier est directement et exclusivement imputable au comportement de Monsieur [B], que la présence du véhicule de Madame [P] n'est pas une condition suffisante à la survenance de l'accident car les conducteurs des véhicules ayant précédé Monsieur [B] ne l'ont pas percuté et qu'en l'absence de ce dernier et de son comportement gravement dangereux, l'accident ne serait pas survenu. Elle précise que l'accident n'est pas concomitant à l'arrêt du véhicule, Madame [P] ayant eu le temps de passer plusieurs appels téléphoniques avant que son automobile ne soit percutée par le véhicule de Monsieur [B].

Très subsidiairement, elle indique que la survenance de l'avarie sur le circuit de carburant est obligatoirement postérieure à la première mise en circulation du véhicule 2 ans et 5 mois auparavant puisque cette panne ne s'était jamais produite avant le 5 mars 2007 et qu'il est techniquement impossible qu'un circuit de carburant haute pression défectueux puisse fonctionner correctement pendant 2 ans et 5 mois.

Par dernières conclusions signifiées le 3 avril 2012 et resignifiées le 30 avril 2014, Madame [J] [P] sollicite de la cour :

- la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- qu'elle constate que le véhicule Peugeot 407 était défectueux et que ce défaut est la cause directe et certaine de son préjudice,

- qu'elle déclare la société Automobiles Peugeot responsable de son préjudice subi à la suite de la panne survenue sur le véhicule de type Peugeot 407,

- qu'elle ordonne une expertise médicale aux fins de déterminer son préjudice,

- qu'elle déboute la société Automobiles Peugeot de ses demandes et la condamne à lui payer la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens dont distraction au profit de Maître Jeanne Baechlin conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Elle soutient que la panne du véhicule qu'elle conduisait est caractéristique d'un défaut du produit commercialisé par la société Automobiles Peugeot au sens de l'article 1386-4 du code civil, que la caractérisation du défaut n'est pas contestée, que le défaut est la cause directe de l'accident qu'elle a subi, que tout événement qui a été indispensable à la réalisation du dommage en est la cause, que le défaut n'est pas né postérieurement à la mise sur le marché du véhicule.

Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 25 juin 2014, la MAAF Assurances, intervenante volontaire, demande à la cour :

- de confirmer le jugement déféré,

- statuant à nouveau, au visa des articles 1250 du code civil et 1386-1 et suivants du code civil, de dire qu'elle est subrogée dans les droits et actions de Madame [P],

- de dire que le véhicule Peugeot « 207 » fabriqué par la société Automobiles Peugeot est défectueux, le défaut dont il est atteint ayant directement et exclusivement causé le dommage corporel subi par Madame [P],

- de débouter la société Automobiles Peugeot de l'ensemble de ses demandes, en principal, intérêts et frais,

- de la condamner à lui payer la somme de 995.959,96 € au titre de l'indemnisation définitive du préjudice corporel de Madame [P], outre la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle expose qu'elle a versé à Madame [P] plusieurs provisions, qu'aux termes d'un procès verbal de transaction régularisé le 17 avril 2014, elle a indemnisé la victime pour le compte de qui il appartiendra, qu'elle est subrogée dans les droits et actions de Madame [P] au titre de la transaction signée et qu'en vertu de cette subrogation conventionnelle, elle entend rechercher la responsabilité civile de la société Automobiles Peugeot dans l'accident.

Elle prétend que la responsabilité du conducteur du véhicule co-impliqué, Monsieur [B], n'ayant pas été établie, l'indemnisation par la MAAF Assurances sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, ne fait pas obstacle à l'exercice d'un recours contre un tiers afin de rechercher sa responsabilité sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du code civil, qu'en effet, il a été jugé que le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, impliqué dans un accident de la circulation et condamné à réparer les dommages causés à un tiers ne peut exercer un recours contre un coauteur n'ayant pas la qualité de conducteur ou de gardien d'un véhicule terrestre à moteur que dans la limite de la part de responsabilité encourue par ce dernier à l'égard de la victime.

Elle considère qu'en l'espèce, les circonstances de l'accident ne laissent subsister aucun doute sur l'existence d'un défaut affectant le véhicule Peugeot 407, celui-ci, récent et en bon état, tombé subitement en panne sur l'autoroute sans qu'aucun témoin ne s'allume et sans qu'aucun signe avant coureur ne se manifeste, n'offrant pas les garanties de fiabilité et de sécurité que l'on peut légitimement en attendre. Il précise que la panne n'est que la manifestation d'une défectuosité intrinsèque du véhicule au moment de sa mise en circulation et souligne en ce qui concerne le lien de causalité qu'est considéré comme causal tout événement sans lequel le dommage n'aurait pas eu lieu. Elle ajoute que la faute éventuelle de Monsieur [B], non démontrée, ne peut être invoquée par la société Automobiles Peugeot pour écarter sa responsabilité de plein droit sur le fondement de l'article 1386-14. Enfin, elle soutient que la société Automobiles Peugeot sur qui pèse la charge de la preuve, ne démontre pas l'absence de tout lien entre la panne et la mise en circulation du véhicule.

Par lettre du 20 août 2014, la CPAM du Val de Marne a fait connaître ses débours définitifs d'un montant de 1.302.649,62 € constitués par des prestations en nature, des indemnités journalières et une rente accident du travail.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :

Sur la recevabilité des demandes de Madame [P]

Considérant que la MAAF Assurances est l'assureur du véhicule conduit par Monsieur [G] [B] impliqué dans la survenance de l'accident ; qu'elle a mis en oeuvre la procédure d'offre obligatoire prévue par la loi du 5 juillet 1985 ; qu'elle a ainsi versé des provisions à la victime de 50.000 € le 13 avril 2008, de 50.000 € le 21 septembre 2010 et de 50.000 € le 8 juillet 2011 ; que le 17 avril 2014, Madame [P], assistée de ses conseils, a signé un procès verbal de transaction avec l'assureur aux termes duquel son préjudice corporel a été réparé ;

Considérant que Madame [P] ne présente aucune explication quant au maintien de ses demandes ; qu'elle n'apparaît pas avoir informé le tribunal de ce que la MAAF Assurances, conformément à ses obligations légales, avait mis en oeuvre la procédure d'indemnisation, la faisant examiner médicalement dans un cadre amiable contradictoire et lui versant des provisions ; que ne pouvant prétendre à être indemnisée deux fois, elle est irrecevable en sa demande tendant à voir son préjudice corporel réparé par la société Automobiles Peugeot et en sa demande d'expertise ; que le jugement est infirmé et qu'elle est déboutée de sa demande présentée en première instance en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Sur l'action de la MAAF Assurances subrogée

Considérant que la société Automobile Peugeot ne conteste pas la recevabilité de l'action de la MAAF Assurances subrogée conventionnelle dans les droits de la victime qu'elle a indemnisée en payant la dette de son assuré sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 ;

Considérant que le tribunal a exactement considéré que si la loi du 5 juillet 1985 était seule applicable pour statuer sur la responsabilité d'un véhicule impliqué dans un accident de la circulation, elle ne faisait pas obstacle à la recherche de la responsabilité d'un tiers, non conducteur, tel le fabricant du véhicule sur le fondement des dispositions relatives au produit défectueux ; qu'il s'ensuit que la MAAF Assurances, subrogée dans les droits de la victime, dispose d'une action fondée sur les articles 1386 et suivants du code civil ;

Considérant que la société Automobiles Peugeot ne conteste pas être un producteur au sens de l'article 1386-6 du code civil ;

Considérant qu'un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre ; que dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation ;

Considérant qu'en application de l'article 1386-9 du code civil, il appartient au demandeur de prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage ; que la preuve peut être rapportée par tous moyens et notamment par des présomptions graves, précises et concordantes ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'employeur de Madame [P] avait mis à sa disposition une voiture Peugeot 407, mise en circulation le 17 septembre 2004, régulièrement entretenu conformément aux préconisations du constructeur et par des concessionnaires agréés ;

Considérant que le 5 mars 2007, en fin d'après midi, Madame [P] a emprunté l'autoroute A4 en direction de [Localité 2] ; que l'autoroute à cet endroit comporte 3 voies et une bande d'arrêt d'urgence ; que la vitesse y est limitée à 130 km/h ; que Madame [P] qui roulait sur la voie centrale, a expliqué que dans une ligne droite, et en montée, sa voiture s'était arrêtée, sans signe précurseur ; qu'aucun voyant ne s'était allumé ; qu'il n'y avait pas eu de bip sonore ; qu'elle n'avait pu sortir de l'habitacle compte tenu de la circulation, que le véhicule avait été évité par ceux qui le suivaient jusqu'à ce qu'il soit violemment percuté par celui conduit par Monsieur [G] [B] ;

Considérant que la voiture automobile Peugeot 407 a fait l'objet de 3 expertises ;

Considérant que tous les experts ont indiqué que l'outil diagnostic avait relevé un code défaut P 0087 au km 54083, un code défaut P0093 au km 54164 et un code défaut P 1505 au km 54165 ; qu'ils ont précisé que dès le code défaut P 0087, la voiture avait circulé en mode dégradé, c'est à dire avec une limitation du régime à 2900 t/min, soit une vitesse maximale dans le rapport de boîte le plus élevé de 110 km/h ; que le véhicule était alors resté utilisable mais offrait de moindres performances ; qu'à ce dysfonctionnement auraient dû être associés l'allumage d'un voyant orange d'alerte, un message sur l'afficheur central et un bip émis lors de l'allumage du voyant ; que le code panne P 0093 est en principe relatif à une anomalie plus importante, le véhicule ne pouvant plus rouler normalement, ce qui explique qu'un témoin, Monsieur [G], a relaté, que Madame [P] était en difficulté, circulant à basse vitesse avec ses feux de détresse actionnés ; qu'au km 54165, lorsque le choc s'est produit, le régime moteur était de 771 t/min ; qu'il s'agit d'une vitesse de rotation anormale, très basse qui n'est pas celle du ralenti ; que ce régime est compatible avec un scénario de panne moteur qui ralentit fortement le véhicule ; que le dernier expert, Monsieur [Q], a considéré que le moteur était probablement en phase de calage au moment de l'accident ; que la cause du dysfonctionnement n'a pas été identifiée ; qu'il n'a pu être vérifié si des voyants s'étaient ou non allumés ;

Considérant que la société Automobiles Peugeot ne critique pas en tant que telle la motivation du tribunal qui a relevé que le simple fait qu'une panne, dont la réalité n'est pas contestée, soit survenue dans ces conditions, sur un véhicule récent, pour avoir été mis en circulation le 17 septembre 2004, suffit à démontrer qu'il n'offrait pas la sécurité que l'on peut, en toute légitimité, en attendre ; qu'elle argue de ce que le premier juge aurait de façon erronée considéré que le défaut était constitué par la survenance de la panne ayant affecté le véhicule ; que cependant, ainsi que le soutient la MAAF Assurances, le défaut en l'occurrence est la défectuosité intrinsèque du véhicule au moment de sa mise en circulation, la panne n'en étant que la manifestation ;

Considérant que le dommage ne serait pas survenu sans ce dysfonctionnement ayant abouti au quasi arrêt de la voiture de Madame [P] sur la voie centrale de l'autoroute qui a conduit à ce qu'elle soit percutée à l'arrière par l'automobile conduite par Monsieur [G] [B] ;

Considérant qu'il n'est pas contestable que Monsieur [G] [B] qui conduisait sous l'emprise de stupéfiants et n'a pas respecté une distance de sécurité suffisante avec le véhicule le précédant qui, pour sa part, a évité la voiture de Madame [P], a commis des fautes ; que cependant, le dommage n'étant pas dû exclusivement au fait de Monsieur [G] [B], la société Automobiles Peugeot ne peut s'exonérer de sa responsabilité de plein droit ;

Considérant que le fait que la voiture conduite par Madame [P] ait circulé pendant 2 ans et 5 mois avant que le dysfonctionnement ne survienne, ne démontre pas que ce dysfonctionnement n'était pas en germe lors de la mise en circulation de l'automobile ; que l'appelante qui affirme qu'il est techniquement impossible qu'un circuit de carburant haute pression défectueux puisse fonctionner correctement pendant 2 ans et 5 mois, ne l'établit pas ; qu'elle échoue à faire la preuve qui lui incombe ;

Considérant que le jugement qui a dit la société Automobiles Peugeot entièrement responsable de l'accident est confirmé ;

Considérant que la société Automobiles Peugeot ne discute pas à titre subsidiaire le montant de l'indemnisation de Madame [P] ; qu'elle est en conséquence condamnée à payer à la société MAAF Assurances la somme de 995.959,96 € ;

Considérant que la société Automobiles Peugeot versera à la MAAF Assurances la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'elle est déboutée de sa demande présentée du même chef ; que Madame [P] est déboutée de sa réclamation présentée au titre de ses frais irrépétibles en cause d'appel ;

Considérant qu'il est fait masse des dépens d'appel qui seront supportés par moitié par la société Automobiles Peugeot d'une part et par Madame [P] d'autre part ;

PAR CES MOTIFS

Infirme partiellement le jugement rendu le 5 juillet 2011 par le tribunal de grande instance de Paris,

Statuant à nouveau,

Dit Madame [J] [P] irrecevable en sa demande tendant à voir son préjudice corporel réparé par la société Automobiles Peugeot et en sa demande d'expertise,

Rejette la demande de Madame [J] [P] présentée en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Confirme le jugement entrepris pour le surplus,

Y ajoutant,

Reçoit la MAAF Assurances en son intervention volontaire,

Condamne la société Automobiles Peugeot à payer à la société MAAF Assurances la somme de 995.959,96 euros (neuf cent quatre vingt quinze mille neuf cent cinquante neuf euros quatre vingt seize centimes) au titre de l'indemnisation du préjudice corporel de Madame [J] [P],

Condamne la société Automobiles Peugeot à payer à la société MAAF Assurances la somme de 2.000,00 (deux mille) euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes présentées en cause d'appel au titre de leurs frais irrépétibles par la société Automobiles Peugeot et par Madame [J] [P],

Fait masse des dépens d'appel et dit qu'ils seront supportés par moitié par la société Automobiles Peugeot d'une part et par Madame [J] [P] d'autre part,

Dit que les avocats en la cause en ayant fait la demande, pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 13/10584
Date de la décision : 07/03/2016

Références :

Cour d'appel de Paris C3, arrêt n°13/10584 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-03-07;13.10584 ?
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