LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que Mme X...a été condamnée par un arrêt réputé contradictoire du 24 mai 1994 à payer certaines sommes avec intérêts à M. Y... ; que sur la requête présentée par ce dernier, le juge d'un tribunal d'instance a autorisé la saisi des rémunérations de Mme X... à hauteur d'une certaine somme ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à voir déclarer l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 24 mai 1994 non avenu et d'ordonner la saisie de ses rémunérations, alors, selon le moyen, qu'une décision de justice réputée contradictoire au seul motif qu'elle est susceptible d'un recours est non avenue si elle n'a pas été notifiée dans les six mois de sa date ; qu'en énonçant, pour décider que l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 24 mai 1994 constituait un titre exécutoire permettant à M. Y... de poursuivre le recouvrement de sa créance à l'encontre de Mme X..., que l'acte de signification de cet arrêt, délivré à M. Y... à la requête de la caisse mutuelle d'assurance et de prévoyance, mentionnait que la signification de cet arrêt avait été faite à Mme X... par exploit séparé et que cette mention établissait que la signification de cet arrêt avait valablement été faite auprès de Mme X... dans le délai requis, au motif inopérant que les mentions portées sur cet acte n'étaient pas arguées de faux, bien que la mention, sur un acte de signification d'une décision de justice à une partie, que cette décision a été signifiée à une autre partie par exploit séparé ne permet pas d'établir que l'acte lui a été valablement signifié, la cour d'appel a violé les articles 478 et 677 du Code de procédure civile ;
Mais attendu que les dispositions de l'article 478 du code de procédure civile ne peuvent s'appliquer à un arrêt d'une cour d'appel réputé contradictoire ; que par ces seuls motifs, suggérés par la défense et substitués à ceux critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles 2224 et 2277 du code civil, ce dernier dans sa rédaction applicable antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, et l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution ;
Attendu que pour confirmer le jugement entrepris, sauf à déduire de la créance de M. Y... les intérêts dus à compter du 4 avril 2007, l'arrêt retient que les articles L. 111-3 et L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution prévoient que l'exécution des décisions judiciaires ne peut être poursuivie que pendant dix ans sauf si les actions en recouvrement de créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long, que ce délai de dix ans a bien été interrompu par le commandement aux fins de saisie vente du 27 août 1996, puis par le procès-verbal de carence du 3 avril 1997 et que la prescription a joué à compter du 4 avril 2007 ;
Qu'en statuant ainsi alors, d'une part, que si le créancier pouvait, avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, poursuivre pendant trente ans l'exécution d'un jugement, il ne pouvait, en vertu de l'article 2277 du code civil, applicable en raison de la nature de la créance, obtenir le recouvrement des intérêts échus postérieurement à ce jugement plus de cinq ans avant la date de sa demande et, d'autre part, que si, depuis l'entrée en vigueur de cette même loi, le créancier peut poursuivre pendant dix ans l'exécution du jugement portant condamnation au paiement d'une somme payable à termes périodiques, il ne peut, en vertu de l'article 2224 du code civil, applicable en raison de la nature de la créance, obtenir le recouvrement des arriérés échus plus de cinq ans avant la date de sa demande et non encore exigibles à la date à laquelle le jugement avait été obtenu, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 septembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame Danielle X... de sa demande tendant à voir déclarer l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 24 mai 1994 non avenu et d'avoir ordonné la saisie de ses rémunérations ;
AUX MOTIFS QUE l'acte de signification du 9 juin 1994 effectué par Me Z..., huissier de justice, à la requête de la CAISSE MUTUELLE D'ASSURANCE ET DE PREVOYANCE précise que l'huissier a bien signifié et laissé copie, par le biais de deux exploits différents, aux deux parties concernées, M Y... et Mme X..., de la grosse en forme exécutoire de l'arrêt rendu le 24 mai 1994 par la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE ; que M. Y... ne peut produire aux débats que la signification qui le concerne et non celle faite à Mme X... par exploit séparé, selon mention portée à cet acte ; qu'ainsi que l'a relevé le premier juge, ces mentions portées à cet acte de signification par l'huissier Me Z...n'étant pas arguées de faux, elles établissent bien la signification de cet arrêt auprès de Mme X... dans un délai inférieur à 6 mois, tel que fixé par l'article 478 du Code de procédure civile ; qu'il convient donc de débouter Mme X... de sa demande relative à la caducité du titre servant de fondement à la procédure de saisie des rémunérations ;
ALORS QU'une décision de justice réputée contradictoire au seul motif qu'elle est susceptible d'un recours est non avenue si elle n'a pas été notifiée dans les six mois de sa date ; qu'en énonçant, pour décider que l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 24 mai 1994 constituait un titre exécutoire permettant à Monsieur Y... de poursuivre le recouvrement de sa créance à l'encontre de Madame X..., que l'acte de signification de cet arrêt, délivré à Monsieur Y... à la requête de la Caisse mutuelle d'assurance et de prévoyance, mentionnait que la signification de cet arrêt avait été faite à Madame X... par exploit séparé et que cette mention établissait que la signification de cet arrêt avait valablement été faite auprès de Madame X... dans le délai requis, au motif inopérant que les mentions portées sur cet acte n'étaient pas arguées de faux, bien que la mention, sur un acte de signification d'une décision de justice à une partie, que cette décision a été signifiée à une autre partie par exploit séparé ne permet pas d'établir que l'acte lui a été valablement signifié, la Cour d'appel a violé les articles 478 et 677 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné la saisie des rémunérations de Madame X... en déduisant de la créance les seuls intérêts dus à compter du 4 avril 2007 ;
AUX MOTIFS QUE les articles L 111-3 et L 11l-4 du Code des procédures civiles d'exécution prévoient que l'exécution des décisions judiciaires ne peut être poursuivie que pendant dix ans sauf si les actions en recouvrement de créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long ; que ce délai de 10 ans a bien été interrompu par le commandement aux fins de saisie-vente du 27 août 1996, puis par le procès-verbal de carence du 3 avril 1997 et la prescription a joué à compter du 4 avril 2007 ; qu'il conviendra donc de soustraire les intérêts comptabilisés à compter de cette date de la dette due par Mme X... ; que les autres intérêts contestés sont bien dus comme intégrés à la décision du 24 mai 1994 ou visés dans les actes d'exécution ;
1°) ALORS QUE si un créancier peut poursuivre pendant dix ans l'exécution d'une décision de justice, il ne peut, en vertu de la nature de la créance, obtenir le recouvrement des intérêts échus postérieurement à cette décision plus de cinq ans avant la date de sa demande ; qu'en énonçant que Monsieur Y... pouvait poursuivre le recouvrement des intérêts dans la limite de la prescription de dix ans applicable en matière d'exécution des décisions de justice, la Cour d'appel a violé les articles L. 111-3 et L. 111-4 du Code des procédures civiles d'exécution et 2224 du Code civil ;
2°) ALORS QUE le jeu de la prescription applicable en matière de créance payable à terme périodique fait obstacle au recouvrement des sommes échues antérieurement au point de départ du délai de la prescription s'étant écoulé jusqu'au jour de la demande ; qu'en énonçant que devaient être soustraits de la somme dont le recouvrement était poursuivi par Monsieur Y... les intérêts dus et comptabilisés à compter du 4 avril 2007, bien que Monsieur Y... n'ait pu prétendre qu'au recouvrement des intérêts échus entre la date de la décision et celle constituée par les cinq années précédant cette date, la Cour d'appel a violé les articles L. 111-3 et L. 111-4 du Code des procédures civiles d'exécution et 2224 du Code civil.