LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 100 du code de procédure civile, ensemble les principes régissant la litispendance internationale ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... et Mme Y..., tous deux de nationalité libanaise et de confession chiite, se sont mariés au Liban le 8 décembre 1988 ; que l'épouse a déposé, le 23 mars 2011, une requête en divorce devant le juge aux affaires familiales ; que M. X... a soulevé, devant le magistrat conciliateur, une exception de litispendance internationale au profit de la juridiction libanaise religieuse saisie le 30 juin 2010 par Mme Y... ;
Attendu que, pour rejeter l'exception, l'arrêt retient qu'il n'existe pas au Liban de juridiction civile statuant en matière de divorce, et que la décision du conseil islamique chiite ne peut être reconnue en France ;
Qu'en statuant ainsi, tout en constatant que les époux étaient de statut personnel musulman chiite et que leur divorce relevait de la juridiction de l'autorité religieuse, et alors que le litige se rattachait au juge libanais premier saisi, la cour d'appel qui s'est prononcée par un motif impropre à établir que la décision à intervenir n'était pas susceptible d'être reconnue en France, a violé les texte et principes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'exception d'irrecevabilité soulevée par M. Berhane X... au titre de l'incompétence des juridictions françaises pour litispendance,
AUX MOTIFS PROPRES QUE
« Sur l'exception de litispendance :
(…) c'est par des motifs pertinents que le premier juge a écarté l'exception de litispendance soulevée par l'appelant au motif qu'il n'existe pas, au Liban, de juridiction civile statuant en matière de divorce, la compétence des juridictions dépendant de l'appartenance du justiciable à une communauté confessionnelle ; que les époux étant de religion chiite, ils dépendent, au Liban, du juge Charite Jaafarite du conseil islamique chiite de Baada, instance religieuse dont les décisions ne peuvent être reconnues en France ; que l'irrecevabilité de l'exception de litispendance sera dès lors confirmée »
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE
« Sur l'exception de litispendance internationale
Selon les dispositions de l'article 100 du code de procédure civile, si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l'autre si l'une des paries le demande. À défaut, elle peut le faire d'office.
L'exception de litispendance peut être reçue devant un juge français en raison de l'instance engagée devant un tribunal étranger également compétent.
Mais l'exception sera irrecevable si la juridiction à intervenir à l'étranger n'est pas susceptible d'être reconnue en France.
En l'espèce, il ressort des débats et des pièces versées au dossier de la procédure que plusieurs instances ont été engagées au Liban. Une attestation délivrée par le Conseil Islamique Chiite Suprême de Beyrouth du 5 août 2010 rapporte qu'une instance de divorce a été introduite le 30 juin 2010 et qu'elle est toujours en cours, mais cette pièce date de presque une année. Un jugement du tribunal de Baabda du 20 janvier 2011, relatif aux modalités de garde de l'enfant Jafar Dylan a considéré l'action irrecevable en la forme, la défenderesse n'ayant pas établi qu'elle était domiciliée dans le ressort de la juridiction.
En l'état, quel que soit le degré d'avancement des diverses procédures engagées au Liban, il semble qu'il n'existe pas de juridiction civile statuant en matière de divorce et que la compétence des juridictions dépende de l'appartenance du justiciable à telle communauté confessionnelle.
En l'espèce, les époux sont de religion chiite et dépendent du juge Charite Jaafarite du Conseil Islamique Chiite de Baabda.
Au regard des pièces produites, aucune décision de divorce n'a été rendue à ce jour par le juge Jaafarite et dans tous les cas, s'agissant d'une juridiction religieuse, celle-ci ne serait pas susceptible d'être reconnue en France.
En conséquence, il y a lieu de considérer irrecevable l'exception de litispendance soulevée par le défendeur »,
ALORS QUE l'exception de litispendance peut être reçue devant le juge français, en vertu du droit commun français, en raison d'une instance engagée devant un tribunal étranger également compétent, sauf à ce qu'il soit établi que la décision à intervenir à l'étranger n'est pas susceptible d'être reconnue en France ; qu'en déclarant irrecevable l'exception de litispendance internationale soulevée par M. Berhane X..., après avoir constaté qu'une instance en divorce avait été introduite le 30 juin 2010 par Mme Y... devant le juge Charite Jaafarite du Conseil islamique Chiite de Baabda au Liban et qu'elle était toujours en cours, au motif qu'il n'existe pas, dans ce pays, de juridiction civile statuant en matière de divorce et que s'agissant d'une juridiction religieuse, la décision du juge Charite Jaafarite du Conseil islamique Chiite de Baabda à intervenir n'était pas susceptible d'être reconnue en France, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif impropre à justifier le refus de reconnaissance, en France, de la décision libanaise à intervenir et, partant, l'irrecevabilité de l'exception de litispendance internationale, a violé l'article 100 du code de procédure civile, ensemble les principes qui régissent la litispendance internationale.