Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Nasser X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBÉRY, chambre correctionnelle, en date du 24 juin 2015, qui, pour outrage à personne dépositaire de l'autorité publique en récidive, l'a, notamment, condamné à cinq mois d'emprisonnement, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 29 novembre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Buisson, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller BUISSON, les observations de Me RÉMY-CORLAY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DESPORTES ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 132-8 et suivants du code pénal, 433-5 al 2, 433-22 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 4 du Protocole n° 7 à la Convention des droits de l'homme et le principe non bis in idem, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt, a déclaré M. X... coupable des faits reprochés, l'a condamné à un emprisonnement délictuel de cinq mois, dit n'y avoir lieu à aménagement de la peine et, sur l'action civile, l'a condamné solidairement avec M. Y..., co-prévenu, à payer la somme de 300 euros à M. Z...et de 300 euros à M. A...;
" aux motifs que : « (…) sur la culpabilité, M. X... faisait l'objet de poursuites pour des faits d'outrages è personnes dépositaires de l'autorité publique, MM. A...et Z..., surveillants pénitentiaires, commis les premiers, le 21 mars 2014, et pour les seconds, entre le 4 avril et le 9 avril 2014, à Aiton, en récidive légale ; que la défense du prévenu soutient que la règle non bis in idem posée par l'article 4 du Protocole N° 7 è la Convention européenne des droits de l'homme doit entraîner l'impossibilité de pouvoir procéder à des doubles poursuites à l'encontre de son client et soutient que les trois critères édictés par l'arrêt Zolothoukine de la Cour européenne des droits de l'homme en date du 10 février 2009, qualification juridique de la procédure, nature de l'infraction et sévérité de la sanction, pour l'application du principe sont caractérisés en l'espèce ; que l'examen du compte-rendu de la commission de discipline, en date du 16 avril 2014, fait apparaître qu'ont été examinés devant elle deux fautes disciplinaires du second degré résultant d'un côté, de faits d'insultes, menaces ou outrages à l'encontre d'un membre du personnel de l'établissement, prévus par l'article R. 57-7-2, 1°) du code de procédure pénale, commis les 21 mars et 4 avril 2014, et de l'autre côté, de faits d'imposition à la vue d'autrui d'actes obscènes ou susceptibles d'offenser la pudeur prévus par l'article R. 57-7-2, 30) du code de procédure pénale ; que la commission a décidé alors de prononcer à l'encontre de l'intéressé une condamnation disciplinaire de quatorze jours d'emprisonnement cellulaire dont quatre jours avec sursis ; qu'il s'en déduit que le prévenu était poursuivi sous deux chefs de fautes totalement différentes, qui ont donné lieu à application d'une seule sanction, alors même que cette sanction englobait à la fois une faute disciplinaire totalement différente et à la fois celle d'outrages, seule cette dernière faute intéressant le présent développement sur l'application ou non du principe non bis in idem au cas présent ; que devant le tribunal correctionnel et en appel devant la cour d'appel, le prévenu fait l'objet de poursuites pour des faits d'outrages à personne dépositaire de l'autorité publique dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ; que la défense soutient que les poursuites engagées au disciplinaire sont constitutives d'accusation en matière pénale au même titre que les poursuites engagées devant le tribunal correctionnel en considérant que les trois critères dits " ENGEL ", à savoir la qualification juridique, la nature même de l'infraction et le degré de sévérité de la sanction sont réunis et compte tenu des similitudes dans les incriminations, doivent aboutir à qualifier la sanction disciplinaire de sanction " à caractère pénal " devant dès lors donner lieu à application du principe non bis in idem ; que l'analyse ainsi soulevée sera cependant rejetée comme étant inexacte, s'agissant de valeurs défendues totalement distinctes et les critères n'étant pas du tout réunis en l'espèce ; que sur le critère de la qualification juridique, il apparaît, en effet, que les fautes reprochées devant la commission de discipline dans le code de procédure pénale sont de type " faute disciplinaire ", tandis que les infractions reprochées devant les juridictions, tribunal correctionnel et cour d'appel de Chambéry sont de nature pénales, recouvrant ainsi deux domaines totalement distincts, le disciplinaire dans le cadre de la détention dans un établissement pénitentiaire et d'une exécution de peine décidée antérieurement par une juridiction pénale, le pénal dans le cadre de violations de normes définies légalement par la société et du prononcé de sanctions définies par la loi ; que sur le critère de la nature même de l''infraction, il apparaît que les fautes disciplinaires sont prévues dans le code de procédure pénale, dans le chapitre réglementaire consacré à la détention et à l'exécution des peines, tandis que les infractions pénales, sont prévues dans le code pénal, répondant, notamment, au grand principe général de la légalité des délits et des peines, compte tenu des sanctions privatives de liberté susceptibles d'être prononcées, induisant en conséquence des incriminations de comportements répréhensibles dans le cadre de finalités de répression totalement différentes, le bon comportement en détention pour le disciplinaire et le respect de normes jugées importantes par la société pour le pénal, es recours possibles devant intervenir devant des juridictions complètement différentes, juridictions administratives pour le disciplinaire et juridictions judiciaires pour le pénal ; que sur le critère du degré de sévérité de la sanction susceptible d'être subie par l'intéressé, il n'y a aucune similitude entre les deux types de comportements définis, d'un côté, une exécution d'une peine de privation de liberté dans des conditions plus dures, mais dans le cadre d'une privation de liberté déjà décidée antérieurement par des juges, ainsi que l'a fort justement retenu la chambre criminelle de la Cour de cassation dans son arrêt du 27 mars 1997, et de l'autre côté, une décision prise de privation de liberté, à la suite d'un comportement jugé répréhensible par la société, induisant donc des sanctions de sévérités fondamentalement différentes ; que les éléments fournis ci-dessus recoupent tout à fait les quatre critères dégagés par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 18 mars 2015, concernant l'application du principe non bis in idem pour les sanctions administratives prononcées par I'AMF et les sanctions pénales, pour déterminer ou non la possibilité d'un cumul de poursuites, d'une part, les textes d'incrimination, d'autre part, la finalité de la répression, par ailleurs, la nature des sanctions encourues et enfin les juridictions compétentes, lesquels en l'espèce, étant en l'espèce totalement différents, aboutissent à la définition de corps de règles parfaitement distincts rendant possible alors un cumul des poursuites ; que suite au rejet de l'argumentation développée, sur le fond, les faits d'outrages reprochés au prévenu apparaissent comme étant parfaitement établis comme résultant, d'une part, de la déclaration du premier plaignant faite sur procès-verbal des services de gendarmerie, confirmée par l'audition d'un témoin, collègue de travail de la victime, pour les faits du 21 mars 2014, et, d'autre part, de la déclaration du second plaignant devant les services de gendarmerie, confirmée par deux témoins, collègues de travail de la victime, ayant déposé également devant les services de gendarmerie ; que dès lors, les faits reprochés à l'encontre du prévenu étant parfaitement établis, ils seront retenus à son encontre et la peine initialement prononcée de cinq mois d'emprisonnement fermes, sera confirmée pour tenir compte de la gravité des faits en raison de faits graves commis à l'encontre de membres du personnel pénitentiaire dans l'intention de les salir et de leur mettre la pression, de leur répétition dans le temps, et en raison de la personnalité du prévenu possédant un casier judiciaire chargé, pas moins de cinq mentions, outre, l'état de récidive légale ; qu'aucune autre peine alternative ne peut être envisagée devant la nécessité de faire assurer le respect des surveillants et de prévenir tous renouvellements des faits ; qu'aucun aménagement ne pourra être prononcé du fait de la gravité des faits reprochés qui ne sont nullement assumés ; que, sur l'action civile, les parties civiles, appelantes, sollicitent une augmentation des dommages-intérêts en les portant à 500 euros ; qu'en raison de la répétition et de la nature même des termes employés à l'encontre de surveillants pénitentiaires dans le cadre de l'exercice de leur profession dans un dessein de nuisance et de volonté de faire pression sur les parties civiles, il convient d'indemniser le préjudice subi et d'allouer aux parties civiles une somme de 300 euros à titre de dommages-intérêts ;
" 1°) alors qu'une personne ne peut être poursuivie et punie deux fois pour le même fait ; qu'un placement en cellule disciplinaire accompagné d'une perte de crédit de réduction de peine doit être qualifié d'« accusation en matière pénale » au sens de l'article 6 de la Convention européenne ; qu'en retenant de façon erronée que la sanction disciplinaire ne constituerait pas une telle accusation dès lors que « il n'y a aucune similitude entre les deux types de comportements définis, d'un côté, une exécution d'une peine de privation de liberté dans des conditions plus dures, mais dans le cadre d'une privation de liberté déjà décidée antérieurement par des juges, (...), et de l'autre côté, une décision prise de privation de liberté, à la suite d'un comportement jugé répréhensible par la société, induisant donc des sanctions de sévérités fondamentalement différentes » la cour d'appel a violé les articles susvisés ;
" 2°) alors qu'une personne ne peut être poursuivie et punie deux fois pour le même fait ; que la notion de « même fait » se comprend matériellement et non juridiquement ; qu'en considérant que la règle n'avait en l'espèce pas lieu de s'appliquer car les faits incriminés seraient juridiquement différents, quand bien même ils seraient matériellement identiques, la cour d'appel a violé les articles susvisés " ;
Attendu que, pour déclarer M. X... coupable d'outrages à personne dépositaire de l'autorité publique, le condamner à cinq mois d'emprisonnement et rejeter sa demande tendant à dire irrégulière la poursuite de ce chef, motif pris de ce que le prévenu a antérieurement subi une sanction disciplinaire pour les mêmes faits, l'arrêt attaqué énonce, notamment, que les sanctions pénales et disciplinaires sont de finalité, de nature et de sévérité différentes ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet, d'une part, la sanction de placement en cellule disciplinaire prévue à l'article R. 57-7-43 du code de procédure pénale ne saurait s'analyser en une condamnation supplémentaire pour la même infraction, mais seulement en une modalité d'exécution d'un emprisonnement antérieurement prononcé pour d'autres faits ; que, d'autre part, le prononcé d'une telle sanction et le retrait d'un crédit de réduction de peine, qui n'ont pas la même nature juridique, ne tendent pas au même but, le premier assurant la tranquillité et la sécurité de l'établissement pénitentiaire et le second participant de l'application individualisée de la peine ;
Que ces sanctions se cumulent donc, sans qu'il soit porté atteinte aux dispositions conventionnelles des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 4 du Protocole n° 7 additionnel à ladite convention, consacrant la règle « non bis in idem » qui n'interdit pas le prononcé de sanctions disciplinaires parallèlement aux sanctions infligées par le juge répressif ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix janvier deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.