AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept septembre deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller LE CORROLLER, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Guy,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 28 novembre 2003, qui a rejeté sa requête en incident contentieux d'exécution de peine ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 4 du Protocole additionnel n° 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 591 et 593 du Code de procédure pénale, violation de la règle "non bis in idem", défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la requête en difficulté d'exécution présentée par Guy X... ;
"aux motifs que, devant la Cour, il renouvelle son argumentation de première instance en soutenant que, comme en matière de suspension du permis de conduire, la suspension administrative doit s'imputer sur la suspension judiciaire ; qu'il produit une ordonnance de référé du tribunal administratif de Bordeaux qui a suspendu l'exécution de la décision du préfet de la Gironde du 8 août 2002 au motif que le moyen tiré de la violation du principe qu'un même manquement ne peut donner lieu qu'à une seule sanction administrative quant la loi n'en a pas disposé autrement était de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision du 8 août 2002 du préfet de la Gironde ; que, cependant, en présentant, sous couvert d'une requête en interprétation, une demande de confusion entre une sanction prononcée par une juridiction et une mesure administrative, Guy X... a présenté une demande tendant à faire déclarer une confusion qui n'est prévue par aucun texte ; que c'est à bon droit que le tribunal l'a rejetée ;
"alors qu'en vertu du principe posé par l'article 4 du Protocole additionnel n° 7 à la Convention européenne des droits de l'homme, un même fait juridique ne saurait, sans violer la règle "non bis in idem", donner lieu au prononcé de deux sanctions de nature identique ; qu'il s'ensuit qu'en l'espèce, où il appert que, pour avoir signé de faux documents officiels et enfreint la réglementation relative à la certification des bovins par tromperie sur l'identité de ceux-ci, les risques inhérents à leur utilisation ainsi que sur les contrôles effectués, Guy X... s'est vu infliger par le préfet un retrait de son mandat sanitaire pour une durée de trois ans venant à expiration le 21 décembre 2001 puis, par jugement du tribunal correctionnel de Bordeaux, prononcé le 3 juin 2002, outre une peine d'emprisonnement de 8 mois assortie du sursis, une interdiction d'exercer la profession de vétérinaire à l'occasion de son mandat sanitaire pendant deux ans, décision devenue définitive, la Cour était appelée à statuer, dans le cadre de l'article 710 du Code de procédure pénale, sur le fait qu'il y avait là une double condamnation identique à raison des mêmes faits juridiques imposant, dans le respect de la règle "non bis in idem", que soit ordonnée la confusion de ces deux peines ; qu'en rejetant la requête présentée à cette fin par Guy X... au motif erroné que la confusion ne serait en la matière prévue par aucun texte, la Cour a entaché sa décision d'un manque de base légale et violé les principes susvisés" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'après l'ouverture d'une information judiciaire, Guy X..., exerçant la profession de vétérinaire libéral et poursuivi pour infraction au Code pénal, au Code rural et au Code de la consommation commises à l'occasion de l'exercice de sa fonction annexe de vétérinaire sanitaire, a fait l'objet, par arrêté préfectoral du 21 novembre 2000, pris sur avis conforme de la commission de discipline prévue à l'article R. 221-13 du Code rural, d'une mesure de retrait temporaire de son mandat sanitaire pendant trois ans à compter de la suspension provisoire intervenue le 21 novembre 1998 ; que ce mandat a été rétabli par arrêté préfectoral du 8 janvier 2002 ; que, par jugement du tribunal correctionnel, en date du 3 juin 2002, devenu définitif le 3 août suivant, l'intéressé a été, notamment, condamné à une interdiction d'exercer la profession de vétérinaire à l'occasion dudit mandat pendant une durée de deux ans ;
que, par arrêté, en date du 8 août 2002, le préfet, après avoir relevé que la juridiction répressive "avait, lors du prononcé de sa décision", toute connaissance de la mesure administrative de suspension de trois ans liée aux mêmes faits et n'avait pas indiqué qu'il convenait de "confondre les deux mesures", a prononcé, en exécution de cette décision et pour une nouvelle durée de deux ans, le retrait du mandat sanitaire attribué à Guy X... ; que le condamné a saisi le tribunal correctionnel, sur le fondement de l'article 710 du Code de procédure pénale, d'une requête en difficulté d'exécution en demandant l'imputation de la sanction judiciaire prononcée par application des articles 441-10 et 131-27 du Code pénal sur la sanction disciplinaire de même nature infligée, à titre de peine principale, pour les mêmes faits, en vertu des articles R. 221-15 et R. 221-16 du Code rural ; que, par jugement, en date du 24 février 2003, le tribunal a rejeté sa demande en estimant que la sanction, qui n'excédait pas, dans sa globalité, la durée maximale de cinq ans prévue par l'article 131-27 du Code pénal, était proportionnée ;
Attendu qu'en cet état, le demandeur ne saurait reprocher à l'arrêt confirmatif d'avoir méconnu les dispositions de l'article 4-1 du protocole n° 7 additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, dès lors que, selon les réserves formulées par la France en marge de ce protocole, l'interdiction d'une double condamnation en raison des mêmes faits ne s'applique qu'aux infractions relevant des tribunaux statuant en matière pénale et ne fait pas obstacle au prononcé de mesures disciplinaires parallèlement aux sanctions pénales ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Le Corroller conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;