Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Thierry X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 15 décembre 2015, qui, pour faux dans un document administratif et usage, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis et à 10 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 23 novembre 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Steinmann, conseiller rapporteur, M. Soulard, Mmes de la Lance, Chaubon, M. Germain, Mmes Planchon, Zerbib, M. d'Huy, conseillers de la chambre, Mmes Chauchis, Pichon, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Valat ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
Sur le rapport de M. le conseiller STEINMANN, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général VALAT ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 441-1 et 441-2 du code pénal, des articles préliminaire et 121-3, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. Thierry X..., coupable de faux dans un document administratif et d'usage de ce faux et l'a, en conséquence, condamné à une peine d'emprisonnement de six mois avec sursis, à une amende de 10 000 euros, et à payer à la partie civile la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
" aux motifs que les faits sont matériellement établis, et M. X... a confirmé le procédé qu'il avait utilisé pour fabriquer le faux matériel ; qu'il importe peu, que le faux n'ait constitué pour M. X..., qu'un stratagème destiné à faire pression sur son ancien associé, avec lequel il était en conflit depuis la fin de leur collaboration, pour obtenir communication de documents concernant la société Dubou que M. Y...avait refusé de lui remettre ; que l'avis de vérification fiscale est le document écrit préalable à toute vérification de comptabilité engagée par l'administration fiscale, et il constitue une pièce de procédure mentionnée par l'article 47 du Livre des procédures fiscales ; que sa forme est codifiée, son contenu est fixé par des dispositions législatives et règlementaires, et il ouvre droit pour le contribuable à des garanties procédurales ; qu'en ce sens, il constitue un document délivré par une administration publique en vue d'établir la preuve de faits ayant des conséquences juridiques ; que l'infraction est constituée et le jugement sera confirmé sur la culpabilité ;
" 1°) alors qu'aux termes des articles 441-1 et 441-2 du code pénal, il n'existe de faux commis dans un document administratif que si la pièce contrefaite ou altérée a pour objet, ou peut avoir pour effet, d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques, et si elle est délivrée par une administration publique aux fins de constater un droit, une identité ou une qualité ou d'accorder une autorisation ; que ne répond nullement à la définition de cet élément matériel, la falsification d'un avis de vérification fiscale, qui a pour seul objet d'informer le contribuable visé de la procédure de vérification de comptabilité envisagée et des droits qui lui sont reconnus, sans obliger l'administration fiscale à poursuivre la procédure annoncée ni conférer aucun droit, qualité, ou autorisation au contribuable ; qu'ainsi, et contrairement aux énonciations de l'arrêt attaqué, l'avis de vérification fiscale, qui a un contenu exclusivement informatif, n'établit la preuve d'aucun fait ayant des conséquences juridiques ; que dès lors, la falsification de ce document ne peut caractériser les infractions de faux dans un document administratif et usage de faux, en sorte que la condamnation prononcée n'est pas légalement justifiée ;
" 2°) alors que le délit de faux n'est constitué que si son auteur a agi dans l'intention de le commettre ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a expressément relevé que M. X... n'avait pas l'intention de causer un préjudice à quiconque, mais seulement de récupérer des documents sociaux, concernant l'entreprise dont il avait en charge la gestion, s'est totalement abstenue de caractériser l'élément intentionnel de l'infraction ; que ce faisant, elle a violé les dispositions de l'article susvisé " ;
Vu l'article 441-2 du code pénal ;
Attendu que ce texte ne s'applique qu'au faux commis dans un document délivré par une administration publique aux fins de constater un droit, une identité ou une qualité ou d'accorder une autorisation ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à l'occasion d'un contrôle fiscal visant la société Dubou, son dirigeant, M. Y..., a produit un précédent avis de vérification fiscale dont il résultait que la société avait déjà fait l'objet d'un contrôle deux ans plus tôt ; que, cependant, il est apparu que ce document avait été falsifié par M. X..., ancien gérant de la société, afin d'inciter le nouveau dirigeant, avec lequel il était en conflit, à lui remettre des documents sociaux ;
Attendu que, poursuivi pour faux commis dans un document administratif et usage, M. X... a été déclaré coupable de ce chef par un jugement dont il a fait appel ;
Attendu que, pour confirmer le jugement, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'un avis de vérification fiscale ne constate pas un droit, une identité ou une qualité et n'accorde pas une autorisation, la cour d'appel, à laquelle il appartenait de rechercher si les faits poursuivis ne constituaient pas les délits de faux et usage prévus à l'article 441-1 du code pénal, a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Montpellier, en date du 15 décembre 2015, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Toulouse, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Montpellier, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq janvier deux mille dix sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.