LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 février 2015), que M. X...et Mme Y..., celle-ci de nationalité marocaine, se sont mariés le 19 août 2005 ; qu'une ordonnance en date du 26 mai 2006 a constaté leur non-conciliation ; que Mme Y... a donné naissance à un enfant le 8 février 2009 ; que le divorce a été prononcé le 8 juillet suivant ;
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de rejeter son action aux fins d'établissement de la paternité de M. X... à l'égard de l'enfant, alors, selon le moyen, que le juge français qui interprète la loi étrangère doit prendre en compte toutes les composantes de celle-ci, y compris jurisprudentielles ; qu'en interprétant l'article 158 du Dahir marocain comme lui permettant de tirer de l'abstention de M. X... à se présenter devant l'expert, l'obligation d'apprécier les autres preuves apportées par les parties, sans déterminer précisément les pouvoirs du juge marocain devant une telle abstention, et sans établir la teneur de la jurisprudence marocaine sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt énonce qu'en application de l'article 158 du Dahir marocain du 3 février 2004, la filiation paternelle est établie par les rapports conjugaux, l'aveu du père, le témoignage de deux adouls, la preuve du ouï-dire et par tout moyen légalement prévu, y compris l'expertise judiciaire ; qu'il relève que Mme Y... et M. X... ne se sont pas rapprochés au cours de la procédure de divorce ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a, sans dénaturation, souverainement estimé que, l'expertise ne constituant qu'un mode de preuve parmi d'autres selon la loi marocaine, M. X... n'était pas le père de l'enfant ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre janvier deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Occhipinti, avocat aux Conseils, pour Mme Y...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme Y... de son action en recherche de paternité à l'encontre de M. X..., dit que celui-ci n'était pas le père de l'enfant, et débouté Mme Y... de ses demandes de contribution à l'entretien de l'enfant et de paiement de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'il sera rappelé qu'aux termes de l'article 311-4 du Code Civil, la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant. Les juges de la Cour d'appel de céans, dans leur arrêt en date du 16 juin 2011, ont ainsi fait application de la loi marocaine, et plus particulièrement des articles 150 à 154 et 159 du Dahir du 3 février 2004. Ils ont rappelé également la possibilité ouverte par l'article 158 du Dahir, de recourir à une expertise judiciaire pour établir la filiation paternelle. Cet article est en effet ainsi rédigé : a la filiation paternelle est établie par les rapports conjugaux, l'aveu du père, le témoignage de deux adouls, la preuve du ouï-dire et par tout moyen légalement prévu, y compris l'expertise judiciaire. Mais cet article, ni aucun autre, n'instaure la possession d'état, notion qui apparaît complètement étrangère à la loi marocaine, comme mode d'établissement de la filiation Dès lors, ce moyen soulevé par l'appelante sera écarté. Comme l'ont pertinemment relevé les premiers juges, l'article 158 du Dahir ne donne pas la priorité à l'expertise biologique : il s'agit d'un moyen de preuve parmi d'autres. La carence d'Alexandre X... aux opérations d'expertise doit donc être interprétée au vu des autres éléments de preuve apportées par les parties, et n'emporte pas nécessairement preuve de la paternité. Il convient d'ailleurs de relativiser la carence d'Alexandre X... aux opérations d'expertise. Deux experts en l'occurrence ont été désignés. Dans leur décision du 4 décembre 2013, les juges du Tribunal de Grande Instance de Nice observent que le premier expert a convoqué Alexandre X... à une ancienne adresse où il n'était plus domicilié depuis au moins 2009. C'est dans ces conditions, qu'ils ont procédé à la désignation d'un second expert. Devant celui-ci, Alexandre X... ne s'est pas présenté non plus, expliquant qu'il venait de faire l'objet d'une condamnation pénale par le tribunal correctionnel de Nice, et que cette juridiction avait délivré un mandat d'arrêt à son encontre. On ne peut tirer de cette explication qu'il refusait expressément de se soumettre à l'expertise, puisque devant les premiers juges, il a demandé à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision que prendrait la cour sur l'appel interjeté contre ce jugement du 8 janvier 2014 assorti de la délivrance d'un mandat d'arrêt. Par cette demande, il s'engageait implicitement à se présenter aux opérations d'expertise dès lors que l'affaire pénale le concernant serait réglée. En ce qui concerne les autres éléments figurant au dossier, il convient de relever que le mariage a été célébré le 19 août 2005 et que l'épouse a abandonné très vite le domicile conjugal puisqu'un huissier de justice a constaté dès le 6 septembre 2005 l'absence de tout effet féminin au domicile d'Alexandre X.... Lui-même prétend qu'elle est partie dès le 24 août. L'ordonnance de non conciliation a été rendue le 26 mai 2006. Le divorce a été prononcé aux torts exclusifs de l'épouse au motif de l'abandon du domicile conjugal. Dans le cadre de la procédure, l'épouse a expliqué ce départ par des violences, mais les juges n'ont pas retenu ce grief, car Alexandre X... avait été relaxé de ce chef par le tribunal correctionnel le 27 octobre 2007. Nadia Y... avait également sollicité des dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil pour comportement fautif du mari, lui reprochant d'avoir informé les services de la préfecture qu'elle avait quitté le domicile conjugal de sorte qu'elle n'avait pu bénéficier d'un titre de séjour à la suite d'une dénonciation calomnieuse. Les magistrats de la cour n'ont pas retenu cette dénonciation comme une faute, relevant qu'aucun des faits portés par Alexandre X... à la connaissance de l'autorité préfectorale n'était contraire à la réalité. Par ailleurs, Nadia Y... a introduit le 5 mars 2007 une requête devant le Conseil des Prud'hommes de Menton aux fins de voir constater qu'elle avait été embauchée par Alexandre X... en août 2004 et qu'il l'avait licenciée de manière abusive, et de le voir condamner à lui payer des arriérés de salaire pour un montant de plus de 30 000E. Or le 14 septembre 2007, le conseil des Prud'hommes l'a déboutée de ses demandes. Les différentes procédures ayant opposé les ex-époux, montrent qu'après leur séparation, ils ont certes entretenu des relations, mais seulement de nature procédurale et en tout cas parfaitement exécrables. 11 est donc loisible de se demander comment un rapprochement, même bref des époux, aurait pu intervenir dans la période légale de conception de l'enfant. Or à ce sujet, non seulement Nadia Y... fournit des explications lapidaires (elle aurait été de nouveau séduite par son mari et se serait retrouvée enceinte), mais la personne qui atteste pour elle, n'est guère plus explicite. Ce témoin, qui se présente comme « une copine », indique que le couple a repris une vie intime « durant la période de 15-04-2008 » et qu'ils vivaient dans la demeure d'Alexandre X... de manière régulière et constante. Mais ce témoin n'indique pas comment elle a pu constater de tels faits et pourquoi il y a eu rapprochement du couple puis nouvelle séparation, ni comment six ans plus tard elle peut être si précise sur les dates. Surtout si le couple a demeuré ensemble pendant un certain temps, il est étonnant qu'aucune autre personne ne soit capable d'en témoigner. Au vu de l'ensemble de ces éléments, c'est à bon droit que les premiers juges ont débouté Nadia Y... de sa demande en recherche de paternité, et de toutes ses demandes subséquentes ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'au terme de son arrêt en date du 16 juin 2011 la Cour d'appel d'Aix en Provence a constaté la nationalité marocaine de la mère et déclaré la loi marocaine applicable à l'établissement de la filiation. Il y a donc lieu de faire application de cette loi, en l'espèce de l'article 158 du Dahir du 3 février 2004, qui prévoit que la filiation peut être établie par tout moyen de preuve légalement prévu lorsque l'enfant est né avant le divorce. L'expertise biologique constitue dans ces conditions un moyen de preuve parmi d'autres dont il appartient au juge d'apprécier la portée au regard de l'ensemble des éléments de preuve qui lui sont soumis. La carence du défendeur aux opérations d'expertise doit donc être interprétée au vu de ces mêmes éléments et n'emporte pas nécessairement preuve de la paternité. En l'espèce, le divorce des époux a été prononcé par jugement du juge aux affaires familiales de Nice en date du 7 juillet 2008, confirmé par arrêt de la Cour d'appel d'Aix en Provence en date du 8 juillet 2009. L'ordonnance de non conciliation autorisant les époux à vivre séparément est intervenue le 26 mai 2006. Le divorce a été prononcé aux torts exclusifs de Madame, en raison de l'abandon du domicile conjugal constaté par procès-verbal d'huissier de justice le 6 septembre 2005. Dans le cadre de cette procédure, Madame imputait à son époux des faits de violence. Il était relevé par le juge du divorce que ces faits avaient fait l'objet de poursuites devant le tribunal correctionnel ayant abouti à une décision de relaxe en date du 27 octobre 2007 ; Il était de même fait état de ce que Monsieur avait dénoncé à l'autorité administrative la situation de séjour irrégulière de son épouse, ce dont celle-ci demandait d'ailleurs réparation sous forme de dommages et intérêts. Un contentieux prud'homal a aussi opposé les époux, Madame se prévalant de la qualité de salariée de Monsieur. Madame a été déboutée de ses prétentions par jugement du 14 septembre 2007. Le rappel de ces éléments permet de constater l'intensité du conflit qui opposait les époux dans de nombreux domaines. Madame ne produit aucun élément accréditant l'hypothèse d'une poursuite de relations, même ponctuelles à la période présumée de conception en mai ou juin 2008. La seule carence du défendeur aux opérations d'expertise suffit pas à renverser la présomption qui se dégage des circonstances ainsi rappelées d'une séparation et d'une cessation des relations de couple entre Mme Y... et M. X... rendant peu vraisemblable la conception de l'enfant des relations de l'une avec l'autre. Il convient par conséquent de débouter Mme Y... de sa demande en recherche de paternité et de tirer toutes conséquences de droit de cette décision en ce qui concerne le nom de l'enfant ;
ALORS QUE le juge français qui interprète la loi étrangère doit prendre en compte toutes les composantes de celle-ci, y compris jurisprudentielles ; qu'en interprétant l'article 158 du Dahir marocain comme lui permettant de tirer de l'abstention de M. X... à se présenter devant l'expert l'obligation d'apprécier les autres preuves apportées par les parties, sans déterminer précisément les pouvoirs du juge marocain devant une telle abstention, et sans établir la teneur de la jurisprudence marocaine sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil.