Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Claude X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6e chambre, en date du 5 novembre 2015, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs d'abus de faiblesse et escroquerie, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 26 octobre 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, Mme de la Lance, conseiller rapporteur, MM. Soulard, Steinmann, Mme Chaubon, M. Germain, Mme Planchon, M. d'Huy, conseillers de la chambre, Mmes Chauchis, Pichon, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Bonnet ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de Mme le conseiller DE LA LANCE, les observations de la société civile professionnelle GARREAU, BAUER-VIOLAS et FESCHOTTE-DESBOIS, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BONNET ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1382 du code civil, 111-4, 223-15-2, 313-1 du code pénal, 2, 3, 497, 591 et 593 du code de procédure pénale, violation de la loi, insuffisance de motifs ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a constaté que M. Claude X... avait commis une faute civile, à partir, et dans les limites des faits objet de la poursuite, cause du dommage subi par sa mère, et l'a condamné à payer à la société des intérêts populaires agissant en qualité de tutrice de Mme Paulette Y..., la somme de 46 007, 11 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt et la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
" aux motifs que, sur cet attendu, selon l'acte d'appel du 17 janvier 2014, que la Société des intérêts populaires représentant Mme Y..., en sa qualité de tutrice, a interjeté appel des seules dispositions civiles du jugement déféré et qu'en tout cas, ses conclusions tendant à l'infirmation des dispositions pénales sont irrecevables en application de l'article 497 al 3 du code de procédure pénale, qui dispose que la faculté d'appeler, appartient à la partie civile, quant à ses intérêts civils seulement ; que l'autorité de la chose jugée ne s'attachant à aucune des dispositions du jugement déféré, l'appel de la partie civile a, pour effet de déférer à la juridiction du second degré, l'action en réparation des conséquences dommageables qui peuvent résulter de la faute civile du prévenu définitivement relaxé, cette faute devant être démontrée à partir, et dans la limite des faits objet de la poursuite (cass. crim. 5 février 2014 n° 2014-001555) ; que, selon les pièces de la procédure, que M. Claude X... a été tuteur de sa mère de novembre 2009 au 21 avril 2011, date de son remplacement du fait de sa mauvaise gestion, que l'absence des comptes de tutelle ne constitue pas un obstacle à l'évaluation de la situation patrimoniale de la personne protégée à la date de son remplacement, ses relevés bancaires figurant dans l'enquête de police ; qu'entendu à plusieurs reprises, M. X... a admis avoir utilisé à son profit durant l'exercice de la tutelle de sa mère, les sommes résultant des relevés de comptes du Crédit Agricole, à hauteur de 36 170 euros et de la Caisse d'Epargne, à hauteur de 5 670 euros, précisant avoir ainsi récupéré la part de ce qu'il a personnellement investi depuis 2004, et avoir eu besoin d'argent, car il percevait une faible retraite, ayant exercé les fonctions d'aide familial dans l'exploitation agricole ; qu'ainsi est démontrée à sa charge, l'existence d'une faute civile, à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite, cause du dommage subi par sa mère, à qui il doit réparation ; que la société des intérêts populaires, agissant en qualité de tutrice de Mme Y...est fondée à demander paiement d'une somme totale de 41 840 euros, outre les frais et intérêts débiteurs, justifiés par production de l'historique des comptes, de novembre 2009 à mai 2011 pour un total de 4 167, 11 euros, M. X... ayant aussi effectué des retraits en espèces postérieurement à son remplacement ; qu'il doit être condamné à payer à la Société des intérêts populaires, ès qualités la somme totale de 46 007, 11 euros ; que la société des intérêts populaires, agissant en qualité de tutrice de Mme Y...est fondée à solliciter l'indemnisation du préjudice moral de sa protégée, qui du fait de son fils, s'est trouvée dans l'impossibilité d'assumer le paiement des frais de sa maison de retraite et qui peut être évalué à 1 000 euros ;
" 1°) alors que le dommage dont la partie civile, seule appelante d'un jugement de relaxe, peut obtenir réparation de la personne relaxée résulte de la faute civile démontrée à partir et dans les limites de la poursuite ; qu'aux termes de l'article 111-4 du code pénal, la loi pénale est d'interprétation stricte ; que le délit d'abus frauduleux de l'état d'ignorance et de faiblesse suppose de la part de la victime, la réalisation d'un acte ou d'une abstention gravement préjudiciable à laquelle, elle a été conduite par l'abus ; que le délit d'escroquerie suppose la remise, par la victime, de fonds, de valeurs ou d'un bien quelconque consécutive à une tromperie ; qu'en retenant qu'était démontrée à l'encontre du demandeur l'existence d'une faute civile, à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite, lorsque la relaxe définitive du demandeur, a été fondée sur l'absence d'accomplissement par Mme X..., qui n'administrait plus ses biens à la période de la prévention du fait de son placement sous la tutelle de son fils, d'un acte positif de remise de ses moyens de paiement ou fonds à ce dernier, laquelle faisait nécessairement obstacle à l'existence d'une faute civile en lien strict avec la matérialité des infractions d'abus de faiblesse et d'escroquerie, définie dans les textes d'incrimination ayant servi de fondement aux poursuites, la cour d'appel a violé les principes de la présomption d'innocence et d'interprétation stricte de la loi pénale, ensemble les articles susvisés ;
" 2°) alors que l'insuffisance de motifs équivaut à l'absence de motifs ; que pour retenir qu'était démontrée à la charge du demandeur l'existence d'une faute civile, à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite, la cour d'appel a relevé que le demandeur, durant l'exercice de la tutelle de sa mère, avait admis avoir utilisé à son profit les sommes résultant des relevés de comptes du Crédit Agricole à hauteur de 36 170 euros et de la Caisse d'Epargne à hauteur de 5 670 euros, précisant avoir récupéré la part de ce qu'il a personnellement investi depuis 2004 et avoir eu besoin d'argent car il percevait une faible retraite, ayant exercé les fonctions d'aide familiale dans l'exploitation agricole ; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas pu caractériser une faute civile à partir et dans la limite des faits qualifiés d'abus de faiblesse et d'escroquerie par les poursuites faute d'accomplissement par Mme X..., qui n'administrait plus ses biens à la période de la prévention du fait de son placement sous la tutelle de son fils, d'un acte positif de remise de ses moyens de paiement ou de ses fonds au demandeur, s'est prononcée par des motifs ne permettant pas à la Cour de cassation de déterminer dans quelle mesure la faute civile retenue était démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite et n'a pas justifié légalement sa décision ;
" 3°) alors que l'insuffisance de motifs équivaut à l'absence de motifs ; qu'en retenant une faute civile à l'encontre du demandeur, au motif qu'il aurait admis avoir retiré des sommes d'argent sur deux comptes bancaires de sa mère, en remboursement de frais avancés par lui dans l'intérêt de sa mère, sans mieux s'expliquer dans ses motifs sur le caractère injustifié de ce remboursement, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision " ;
Vu les articles 2 et 497 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Attendu qu'il se déduit de ces textes que le dommage dont la partie civile, seule appelante d'un jugement de relaxe, peut obtenir réparation, doit résulter d'une faute démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite ; que si les juges répressifs, saisis des seuls intérêts civils, peuvent, après avoir mis l'auteur présumé de la faute en mesure de s'expliquer sur le nouveau fondement envisagé, donner à la faute civile le fondement adéquat, différent de celui sur lequel reposait la qualification des infractions initialement poursuivies, c'est à la condition de ne pas prendre en considération des faits qui n'étaient pas compris dans les poursuites ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X..., poursuivi des chefs d'abus de faiblesse et escroquerie pour avoir, entre le 10 novembre 2009 et le 17 mai 2011, fait usage à des fins personnelles des ressources de sa mère, Mme Paulette X..., par des prélèvements sur les comptes bancaires de celle-ci, a été relaxé par le tribunal correctionnel, aux motifs que la partie civile, alors sous la tutelle de son fils, n'ayant plus la disposition de ses moyens de paiement, ne pouvait être amenée par celui-ci à s'abstenir ou à commettre un acte qui lui soit préjudiciable ou à remettre des fonds ; que la société chargée de la tutelle de Mme X... a seule fait appel au nom de la majeure protégée ;
Attendu que, pour condamner M. X... à indemniser le préjudice subi par sa mère, la cour d'appel retient qu'il a été désigné tuteur de cette dernière de novembre 2009 au 21 avril 2011, date de son remplacement du fait de sa mauvaise gestion, qu'il a admis avoir utilisé à son profit, durant l'exercice de cette tutelle, diverses sommes déposées sur les comptes bancaires de sa mère, précisant avoir ainsi récupéré la part de ce qu'il a personnellement investi depuis 2004, et avoir eu besoin d'argent, car il percevait une faible retraite, après avoir exercé les fonctions d'aide familiale non déclarées dans l'exploitation agricole de ses parents ;
Mais attendu qu'en prenant ainsi en considération la qualité de tuteur de M. X... pour retenir une opération de détournement de fonds et non de remise, alors que cette qualité n'était pas visée dans l'acte de poursuite, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 5 novembre 2015, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Amiens, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept décembre deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.