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23/11/2016 | FRANCE | N°15-27497

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 23 novembre 2016, 15-27497


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 9 septembre 2015), que M. X... et Mme Y... se sont mariés sous le régime de la séparation de biens ; qu'un jugement du 5 mars 2002 a prononcé leur divorce, ordonné la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux et désigné un notaire ; que, le 20 décembre 2012, ce dernier a dressé un procès-verbal de difficultés faisant état d'une créance revendiquée par Mme Y... à l'égard de M. X..., au titre d'une reconnaissance de dette signée le 3 janvier 2000 ; q

ue, par acte du 27 août 2013, Mme Y... a assigné M. X... en liquidation et p...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 9 septembre 2015), que M. X... et Mme Y... se sont mariés sous le régime de la séparation de biens ; qu'un jugement du 5 mars 2002 a prononcé leur divorce, ordonné la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux et désigné un notaire ; que, le 20 décembre 2012, ce dernier a dressé un procès-verbal de difficultés faisant état d'une créance revendiquée par Mme Y... à l'égard de M. X..., au titre d'une reconnaissance de dette signée le 3 janvier 2000 ; que, par acte du 27 août 2013, Mme Y... a assigné M. X... en liquidation et partage de leur régime matrimonial ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action de Mme Y... et de le condamner à lui payer la somme de 56 101,24 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 6 % l'an à compter du 1er janvier 2004 alors, selon le moyen :

1°/ que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait, la demande en justice, même en référé, une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée peuvent seuls interrompre le délai de prescription ; qu'en retenant que le procès-verbal de difficultés établi par le notaire le 20 décembre 2012 avait valablement interrompu le délai de prescription de l'action de Mme Y..., dont elle constatait pourtant qu'elle était étrangère à toute opération de partage d'une indivision post-communautaire, et tendait seulement au règlement d'une créance dont Mme Y... avait connaissance depuis plus de cinq ans, et quand un tel procès-verbal de difficultés ne constituait pas une cause légale d'interruption du délai de prescription de son action, la cour d'appel a violé les articles 2224, 2240, 2241 et 2244 du code civil ;

2°/ que, pour retenir que le procès-verbal de difficultés établi par le notaire avait valablement interrompu le délai de prescription de l'action de Mme Y..., la cour d'appel constate que ce procès-verbal constituait une formalité préalable et indispensable à la saisine du juge ; qu'en statuant ainsi, quand elle affirmait par ailleurs que le litige portait sur le règlement d'une créance entre époux, et ne concernait pas une opération de partage au sens de la loi, de sorte que ce procès-verbal de difficultés, spécifique aux opérations de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux des époux, ne pouvait avoir aucune incidence sur le cours de la prescription de la présente procédure, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et elle a violé les articles 2224, 2240, 2241 et 2244 du code civil ;

Mais attendu que le délai de cinq ans prévu par l'article 2224 du code civil est interrompu, notamment, par un procès-verbal de difficultés, dès lors que celui-ci fait état de réclamations concernant une créance entre époux ;

Et attendu que l'arrêt retient à bon droit que, le jugement prononçant le divorce ayant acquis force de chose jugée, Mme Y... n'était recevable à agir en paiement de sa créance à l'encontre de M. X... qu'à l'occasion des opérations de liquidation de leur régime matrimonial ; qu'après avoir rappelé qu'en application de l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, le délai quinquennal de prescription de l'action expirait cinq ans après l'entrée en vigueur de cette loi, la cour d'appel a exactement retenu que ce délai avait été interrompu par le procès-verbal de difficultés dressé le 20 décembre 2012 par le notaire liquidateur, dans lequel était consignée la revendication de la créance de Mme Y..., de sorte qu'au jour de l'assignation, le 27 août 2013, la prescription de l'action n'était pas acquise ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré recevable l'action de Madame Y... comme non prescrite, et D'AVOIR condamné Monsieur X... à payer à Madame Y... la somme de 56.101,24 € (368.000 F) augmentée des intérêts au taux contractuel de 6% l'an à compter du 1er janvier 2004 ;

AUX MOTIFS QUE « Monsieur X... soutient que la demande de Madame Y... correspond au recouvrement d'une créance et non à une action en partage ; il conclut à l'irrecevabilité de l'action en paiement engagée postérieurement au 18 juin20 13, date d'acquisition de la prescription résultant de la loi de 2008 ; à titre subsidiaire, il fait valoir que l'assignation délivrée par Madame Y... ne contient aucune précision sur les intentions de celle-ci quant à la répartition des biens ainsi que sur les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable ; le litige entre les parties porte sur le règlement d'une créance entre époux et ne concerne donc pas une opération de partage au sens de la loi ; le jugement de divorce ordonnant le règlement des intérêts patrimoniaux des époux ayant acquis force de chose jugée, Madame Y... n'est recevable à agir en recouvrement d'une créance à l'encontre de Monsieur X... que dans le cadre des opérations de liquidation de leur régime matrimonial ; la prescription qui ne court pas entre époux, reprend son cours lorsque le mariage est dissous et le règlement des créances que ceux-ci peuvent avoir l'un envers l'autre peut alors être poursuivi ; en vertu des dispositions des articles 2224, 2241 et 2243 issues de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, le délai de prescription de l'action de Madame Y... qui expirait le 18 juin 2013, n'a pas été interrompu par la demande en justice rejetée le 3 décembre 2009 par le juge des référés, mais par le procès-verbal de difficultés dressé le 20 décembre 2012 dans lequel est consigné la déclaration de créance faite à l'encontre de Monsieur X..., cet acte constituant une formalité préalable et indispensable à la saisine du juge ; ainsi, au jour de l'assignation signifiée le 27 août 2013 à Monsieur X..., la prescription quinquennale de l'action en recouvrement de créance engagée à son encontre par Madame Y... n'était pas acquise ; l'action entreprise par Madame Y..., qui n'est pas soumise aux dispositions de l'article 1360 du code de procédure civile relatives au partage judiciaire, est donc recevable ; […] bien qu'intégrée aux opérations de liquidation ouvertes par acte notarié du 26 juillet 2012, la créance litigieuse ne concerne que les patrimoines propres des époux et ne rentre pas dans une masse partageable » (arrêt pp. 4 et 5) ;

ALORS QUE 1°) les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait, la demande en justice, même en référé, une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée peuvent seuls interrompre le délai de prescription ; qu'en retenant que le procèsverbal de difficultés établi par le notaire le 20 décembre 2012 avait valablement interrompu le délai de prescription de l'action de Madame Y..., dont elle constatait pourtant qu'elle était étrangère à toute opération de partage d'une indivision post-communautaire, et tendait seulement au règlement d'une créance dont Madame Y... avait connaissance depuis plus de cinq ans, et quand un tel procès-verbal de difficultés ne constituait pas une cause légale d'interruption du délai de prescription de son action, la cour d'appel a violé les articles 2224, 2240, 2241 et 2244 du code civil ;

ALORS QUE 2°), pour retenir que le procès-verbal de difficultés établi par le notaire avait valablement interrompu le délai de prescription de l'action de Madame Y..., la cour d'appel constate que ce procès-verbal constituait une formalité préalable et indispensable à la saisine du juge ; qu'en statuant ainsi, quand elle affirmait par ailleurs que le litige portait sur le règlement d'une créance entre époux, et ne concernait pas une opération de partage au sens de la loi, de sorte que ce procèsverbal de difficultés, spécifique aux opérations de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux des époux, ne pouvait avoir aucune incidence sur le cours de la prescription de la présente procédure, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et elle a violé les articles 2224, 2240, 2241 et 2244 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné Monsieur X... à payer à Madame Y... la somme de 56.101,24 € (368.000 F) augmentée des intérêts au taux contractuel de 6% l'an à compter du 1er janvier 2004 ;

AUX MOTIFS QUE « Madame Y... expose que par acte sous seing privé du 3 janvier 2000 valant reconnaissance de dette, Monsieur Laurent X... a reconnu « avoir reçu de son épouse un prêt de 368.000 francs » qu'il s'est engagé à rembourser en 72 mensualités d'un montant de 6.098,82 francs, la première mensualité devant être réglée à compter du mois de janvier 2004 et le taux du prêt étant fixé à 6% ; Monsieur X... conteste devoir la somme réclamée et fait valoir qu'un des deux chèques émis par Madame Y... le 23 septembre 1999 a été encaissé par une SCI ; il ne conteste cependant pas avoir signé la reconnaissance de dette produite par Madame Y... et ne fait valoir aucun vice susceptible d'avoir affecté son consentement, l'encaissement des fonds par un tiers étant sans conséquence sur la validité de son engagement de remboursement ; bien qu'intégrée aux opérations de liquidation ouvertes par acte notarié du 26 juillet 2012, la créance litigieuse ne concerne que les patrimoines propres des époux et ne rentre pas dans une masse partageable ; la décision du premier juge sera donc infirmée en ce qu'elle a fixé la créance de Madame Y... à l'encontre de Monsieur X... à la somme de 56.615. 38 € augmentée des intérêts au taux conventionnel à compter de janvier 2004 et renvoyé les parties devant le notaire aux fins de procéder aux opérations de compte, liquidation et partage de leur régime matrimonial ; la créance retenue étant celle mentionnée dans la reconnaissance de dette, Monsieur X... sera condamné au paiement de la somme de 56.101,24 € (368.000 F) augmentée des intérêts au taux contractuel de 6% l'an à compter du 10 janvier 2004 » (arrêt p. 5) ;

ALORS QUE, l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet ; que, pour contester l'existence de la cause de la reconnaissance de dette invoquée par le prêteur, l'emprunteur est fondé à se prévaloir de ce que les sommes qu'elle mentionnait ne lui avaient pas été remises ; que la cour d'appel constate que Monsieur X... contestait devoir la somme réclamée en faisant valoir qu'un des deux chèques émis par Madame Y... le 23 septembre 1999 avait été encaissé, non pas par lui, mais par une SCI ; qu'en affirmant néanmoins que l'encaissement des fonds par un tiers était sans conséquence sur la validité de son engagement de remboursement, quand il était au contraire fondé à se prévaloir de l'absence de remise des fonds pour contester la validité de la reconnaissance de dette, dès lors privée de cause, la cour d'appel a violé l'article 1131 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 15-27497
Date de la décision : 23/11/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

REGIMES MATRIMONIAUX - Régimes conventionnels - Séparation de biens - Liquidation - Créance d'un époux contre l'autre - Prescription - Interruption - Cas - Procès-verbal de difficultés

PRESCRIPTION CIVILE - Interruption - Acte interruptif - Procès-verbal de difficultés - Condition - Applications diverses

Le délai de cinq ans prévu à l'article 2224 du code civil est interrompu par un procès-verbal de difficultés, dès lors que celui-ci fait état de réclamations concernant une créance entre époux dans un régime de séparation de biens


Références :

articles 2224, 2240, 2241 et 2244 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 09 septembre 2015

Sur l'interruption du délai de prescription par un procès-verbal de difficultés, mais en matière de partage des fruits et revenus issus de biens indivis, à rapprocher :1re Civ., 10 mai 2007, pourvoi n° 05-19789, Bull. 2007, I, n° 176 (cassation partielle)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 23 nov. 2016, pourvoi n°15-27497, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Rapporteur ?: Mme Le Cotty
Avocat(s) : SCP Marlange et de La Burgade

Origine de la décision
Date de l'import : 29/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.27497
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