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03/11/2016 | FRANCE | N°15-25348

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 03 novembre 2016, 15-25348


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 octobre 2014),que Mme X... a été opérée, le 6 octobre 2004, par M. Y..., chirurgien, à la Clinique Saint-Michel pour une hystérectomie totale par laparotomie et, le 10 octobre 2005, par M. Z..., chirurgien digestif, à la Clinique du Coudon, pour une récidive de hernie hiatale par laparotomie ; que, le 4 décembre 2007, lors d'une nouvelle laparotomie, une compresse chirurgicale a été retrouvée dans l'abdomen de Mme X.

.. ; qu'après avoir sollicité une expertise en référé, la patiente a assign...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 octobre 2014),que Mme X... a été opérée, le 6 octobre 2004, par M. Y..., chirurgien, à la Clinique Saint-Michel pour une hystérectomie totale par laparotomie et, le 10 octobre 2005, par M. Z..., chirurgien digestif, à la Clinique du Coudon, pour une récidive de hernie hiatale par laparotomie ; que, le 4 décembre 2007, lors d'une nouvelle laparotomie, une compresse chirurgicale a été retrouvée dans l'abdomen de Mme X... ; qu'après avoir sollicité une expertise en référé, la patiente a assigné en responsabilité et indemnisation M. Z..., M. Y... et la Clinique Saint-Michel, et mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie du Var qui a demandé le remboursement de ses débours ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen, que lorsque la preuve d'une négligence fautive consistant en l'oubli d'un matériel chirurgical dans le corps d'un patient est rapportée, il appartient à chaque professionnel et établissement de santé mis en cause de prouver qu'il n'est pas à l'origine de la faute ; qu'en déboutant la patiente de sa demande d'indemnisation au motif qu'elle n'établissait pas l'acte chirurgical au cours duquel la compresse avait été oubliée dans son abdomen, la cour d'appel a violé l'article 1315, ensemble l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;

Mais attendu qu'en vertu de l'article L. 1142-1, I, alinéa 1er , du code de la santé publique, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins, ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ; que la preuve d'une faute incombe au demandeur ; que s'agissant d'une responsabilité personnelle, elle implique que soit identifié le professionnel de santé ou l'établissement de santé auquel elle est imputable ou qui répond de ses conséquences ;

Et attendu qu'après avoir retenu l'existence d'une négligence fautive liée à l'oubli d'une compresse sur le site opératoire d'une des interventions, l'arrêt relève, en se fondant sur le rapport d'expertise, qu'aucune donnée ne permet de rattacher la présence de la compresse à l'intervention du 6 octobre 2004 ou à celle du 10 octobre 2005, pratiquées par des chirurgiens différents dans des cliniques distinctes et qui ont l'une et l'autre nécessité l'usage de compresses, et qu'aucun comportement fautif de tel ou tel médecin exerçant à titre libéral ou auxiliaire n'est démontré ; que la cour d'appel n'a pu qu'en déduire que leur responsabilité ne pouvait être engagée ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour Mme X...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement attaqué ayant débouté Mme X... des fins de son action tendant à la réparation de son préjudice.

AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur les responsabilités, l'expert indique que Mme X... a été opérée par le docteur Z..., chirurgien digestif, le 25/03/2002 pour un reflux gastro oesophagien dont les suites opératoires ont été simples ; le 10 octobre 2005 une nouvelle intervention de ce même chirurgien a été nécessaire en raison d'une récidive qui a conduit à pratiquer une nouvelle intervention commencée par coelioscopie puis poursuivie en raison des adhérences par laparotomie. Dans l'intervalle Mme X... a subi en octobre 2004 une hystérectomie totale par laparotomie pour fibrome utérin pratiquée par le docteur Y.... Une compresse a été retirée de l'abdomen de Mme A. le 4 décembre 2007 de 54 cm x 54 cm. L'intervention de 2005 a nécessité l'utilisation de compresses disposées dans l'abdomen aux fins d'éponger les épanchements de sang et d'améliorer le contrôle visuel du champ opératoire ; ces compresses ont été comptées au début et en fin de procédure ; le nombre annoncé en fin de procédure a été identique à celui annoncé en début d'intervention, ce qui permettait au docteur Z... de penser qu'aucune compresse ne subsistait dans l'abdomen de sa patiente et que la fermeture de l'abdomen pouvait être réalisée. L'opérateur de l'intervention de 2004 a noté en début d'intervention l'existence d'une adhérence épiplo pariétale sur la cicatrice ombilicale ; on peut donc penser qu'il a dû libérer la région abdominale comportant le colon transverse et le grand épiploon, libération responsable parfois de suffusions hémorragiques nécessitant l'application temporaire de compresse à visée hémostatique. Il n'est donc pas possible d'exclure que la présence de cette compresse soit concomitante à l'acte opératoire du docteur Y... ; de la même manière il n'est pas possible d'exclure que la compresse laissée dans l'abdomen de Mme X... vienne de l'intervention menée par le docteur Z.... L'appartenance et la provenance du corps étranger ne peuvent être formellement attribuées ni à la clinique du Coudon de Toulon ni à la clinique Saint Michel de Toulon" ; qu'en vertu de l'article L 1142-1 I du code de la santé publique le professionnel ou l'établissement de santé n'est responsable des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute de sa part ; qu'une négligence fautive est caractérisée puisque l'oubli d'une compresse sur le site opératoire traduit nécessairement une défaillance dans le comptage du nombre de compresses utilisées et du nombre de compresses récupérées ; mais qu'aucune donnée ne permet de rattacher la présence de ce textilome à une intervention précise, celle de 2004 ou celle de 2005, pratiquées par des chirurgiens différents et dans des cliniques distinctes et qui ont, l'une et l'autre, nécessité l'usage de compresses ; qu'aucune présomption grave, précise ou concordante ne permet de l'attribuer à telle intervention plutôt qu'à telle autre ; que le dossier médical de la clinique du Coudon contient un comptage effectué en début et en fin de procédure qui se révèle exact ; aucune pièce de comptage n'a été communiqué pour l'intervention de 2004 ; mais l'expert souligne "qu'un comptage reste une manipulation qui n'a pas été en l'espèce corroborée par une radiographie de l'abdomen post opératoire montrant l'absence de fil repère radio opaque (l'état de santé de Mme X... ne justifiant pas un tel examen) ; que la radiographie de face et de profil du thorax du 1er juillet 2005 avant la 2ème intervention du docteur Z... ne fait pas apparaître d'image suspecte ; mais l'expert explique qu'une simple radiographie sans préparation ne permet pas d'éliminer la présence de tissu étranger du fait d'un nombre trop réduit d'incidences et du dosage des rayons X utilisés au moment du cliché (rayons mous non utilisés) de sorte que cet examen n'a pas de valeur significative (page 24 du rapport) ; d'ailleurs, la radiographie de même type pratiquée le 28 avril 2006 après cette 2ème intervention ne met pas davantage en évidence d'image suspecte de corps étranger, ni même celle réalisée le juillet 2007 ; que le textilome n'a été détecté que par un scanner pulmonaire du 10 octobre 2007 (dans le cadre de l'évaluation d'une pathologie liée à l'amiante) montrant une volumineuse masse abdominale s'insinuant entre l'estomac, le rein et la rate complété par un scanner thoraco abdominal du 19 octobre 2007 montrant une image d'allure kystique de même aspect et topographie ; que le compte rendu d'hospitalisation pour retrait de la compresse mentionne "une masse abdominale de découverte fortuite, absence de symptomatologie fonctionnelle, masse palpable en hypochondre gauche, compresse mesurant 54 cm x 54 cm pesant 56 gr, dépourvue de repère radio visible, de remaniement fibreux ou de calcification" ; que l'expert note que ce type de compresse est fréquemment utilisé en chirurgie générale (page 22 du rapport) ; qu'il souligne, également, que les mécanismes de variations de pression intra péritonéale et particulièrement celui de la "pompe inter hépato diaphragmatique" sont à l'origine de migrations septiques ou de corps étrangers ; qu'aucun comportement fautif de tel ou tel médecin exerçant à titre libéral ou auxiliaire médical n'étant démontré alors que leur responsabilité ne peut être engagée qu'en raison d'une faute personnelle de leur part, dont la charge de la preuve pèse sur celui qui l'invoque, l'action indemnitaire engagée par Mme X... tant à l'égard de M. Z... ou de M. Y... ou de la clinique Saint Michel exclusivement recherchée du fait des agissements de son préposé, l'infirmière de bloc, doit être rejetée, ce qui ne permet pas de faire droit à la réclamation du tiers payeur, la CPAM ; que toute nouvelle mesure d'expertise doit être écartée ; l'expert A... a procédé à ses investigations après avoir recueilli l'ensemble des pièces médicales disponibles, procédé à une analyse complète du dossier médical, transmis aux parties un pré-rapport en les invitant à formuler leurs dires, déposé un rapport motivé répondant point par point à chacun des chefs de la mission confiée ; et aucun élément nouveau n'est produit par Mme X....

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU' en application de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, les professionnels de santé ainsi que les établissements dans lesquels sont réalisés des actes de soins ne sont responsables des conséquences dommageables de ceux-ci qu'en cas de faute ; qu'il incombe au demandeur d'établir l'existence de cette faute et le lien de causalité avec le dommage qu'il a subi ; qu'au terme de son expertise le professeur A... a été dans l'incapacité de déterminer l'acte chirurgical auquel pouvait être rattachée la présence de la compresse et des clips dans l'organisme de Mme Josiane X... ; qu'une condamnation in solidum de l'ensemble des défendeurs ne saurait être réclamée pour pallier un défaut dans l'administration de la preuve, chacun ne pouvant être tenu responsable que de son propre fait ; en outre qu'il n'apparaît pas qu'une contre-expertise serait de nature à éclairer davantage la juridiction, étant observé que Mme X... suggère de commettre à nouveau le professeur A..., alors que celui-ci est allé au bout de ses investigations ; d'autre part que la responsabilité de la Clinique Saint Michel en raison de la perte de son dossier médical n'est pas recherchée par la demanderesse, ne serait-ce qu'à titre subsidiaire, et que le tribunal n'est pas tenu de répondre sur ce point aux conclusions du docteur Z... alors que ce moyen est inopérant pour sa propre défense.

ALORS QUE lorsque la preuve d'une négligence fautive consistant en l'oubli d'un matériel chirurgical dans le corps d'un patient est rapportée, il appartient à chaque professionnel et établissement de santé mis en cause de prouver qu'il n'est pas à l'origine de la faute ; qu'en déboutant la patiente de sa demande d'indemnisation au motif qu'elle n'établissait pas l'acte chirurgical au cours duquel la compresse avait été oubliée dans son abdomen, la cour d'appel a violé l'article 1315, ensemble l'article L. 1142-1 du code de la santé publique.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 15-25348
Date de la décision : 03/11/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

SANTE PUBLIQUE - Protection des personnes en matière de santé - Réparation des conséquences des risques sanitaires - Risques sanitaires résultant du fonctionnement du système de santé - Indemnisation des victimes - Conditions - Identification du professionnel de santé ou de l'établissement de santé auquel une faute est imputable ou qui répond de ses conséquences

PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Médecin - Responsabilité contractuelle - Faute - Preuve - Etendue - Détermination - Portée SANTE PUBLIQUE - Etablissement de santé - Responsabilité contractuelle - Faute - Preuve - Etendue - Détermination - Portée RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - Dommage - Réparation - Exclusion - Cas - Oubli d'une compresse sur le site opératoire d'une des deux interventions subies par une patiente - Absence de preuve du comportement fautif du médecin exerçant à titre libéral ou auxiliaire

La responsabilité des professionnels de santé et des établissements de santé qui n'est, en principe, engagée, en vertu de l'article L. 1142-1, I, alinéa 1, du code de la santé publique, qu'en cas de faute, dont la preuve incombe au demandeur, constitue une responsabilité personnelle, impliquant que soit identifié le professionnel de santé ou l'établissement de santé auquel la faute est imputable ou qui répond de ses conséquences. Dès lors, une cour d'appel, qui, après avoir retenu l'existence d'une négligence fautive liée à l'oubli d'une compresse sur le site opératoire d'une des deux interventions subies par une patiente, relève qu'aucune donnée ne permet de rattacher la présence de la compresse à l'une ou l'autre de ces interventions, pratiquées par des chirurgiens différents dans des cliniques distinctes et qui ont l'une et l'autre nécessité l'usage de compresses, et qu'aucun comportement fautif de tel ou tel médecin exerçant à titre libéral ou auxiliaire n'est démontré, n'a pu qu'en déduire que leur responsabilité ne pouvait être engagée


Références :

article L. 1142-1, I, alinéa 1, du code de la santé publique

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 16 octobre 2014

Sur la nécessité de rapporter la preuve de la faute du professionnel ou de l'établissement de santé, à rapprocher :1re Civ., 4 janvier 2005, pourvoi n° 03-13579, Bull. 2005, I, n° 5 (cassation) ;1re Civ., 18 septembre 2008, pourvoi n° 07-13080, Bull. 2008, I, n° 206 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 03 nov. 2016, pourvoi n°15-25348, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat général : M. Cailliau
Rapporteur ?: Mme Duval-Arnould
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.25348
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