Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Jean X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 12 mai 2015, qui, pour recel, dénonciation mensongère à l'autorité judiciaire entraînant des recherches inutiles, escroquerie, faux et complicité de faux, l'a condamné à un an d'emprisonnement et à 20 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 20 septembre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Ricard, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller RICARD, les observations de la société civile professionnelle BOULLEZ, de la société civile professionnelle GADIOU et CHEVALLIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général CORDIER ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 8 de la Déclaration des droits de l'homme, 132-19 du code pénal, 593 du code de procédure pénale ;
" il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné le demandeur à une peine d'un an d'emprisonnement sans sursis ;
" aux motifs que, s'agissant de la peine ferme prononcée par le tribunal, elle est adaptée dans son principe et son quantum au regard de la nature des faits poursuivis, s'agissant d'un contexte de bande organisée et de la personnalité du prévenu dont les activités multiples laissent apparaître de nombreuses zones d'ombre, et toute autre peine serait manifestement inadéquate ; que, néanmoins au regard des éléments d'insertion sociales et professionnelles dont justifie le prévenu, la cour ordonnera l'aménagement de la peine ferme prononcée sous forme de semi-liberté en application des dispositions prévues par l'article 132-24 du code pénal ;
" alors que l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme commande au juge de motiver sa décision de manière à garantir, non des droits théoriques ou illusoires, mais des droits concrets et effectifs ; qu'en matière correctionnelle, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours, si la gravité de l'infraction et la personnalité de l'auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadaptée ; que cette double exigence a pour but de respecter le principe à valeur constitutionnelle de la personnalisation des peines découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme ; qu'en l'espèce, pour condamner le prévenu à la peine d'un an d'emprisonnement ferme, la cour d'appel s'est référée à « la nature des faits poursuivis, s'agissant d'un contexte de bande organisée », alors que le prévenu n'a pas été poursuivi pour infraction commise en bande organisée, ainsi qu'à « la personnalité du prévenu dont les activités multiples laissent apparaître de nombreuses zones d'ombre », zones d'ombre dont elle ne s'est pas expliquée et qui n'apparaissent pas dans l'arrêt attaqué ; que la cour s'est bornée en outre à affirmer que toute autre peine est manifestement inadéquate ; qu'en statuant ainsi, sans mieux s'expliquer sur la nécessité d'une peine d'emprisonnement ferme et sur l'inadéquation des mesures alternatives à la privation de liberté, la cour d'appel a violé les articles visés au moyen " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a prononcé une peine d'emprisonnement sans sursis, assortie du régime de semi-liberté, par des motifs qui satisfont aux exigences de l'article 132-19 du code pénal ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 520 et 593 du code de procédure pénale ;
" il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris sur la responsabilité du demandeur quant au préjudice subi par la partie civile, puis d'avoir évoqué pour fixer le montant de la réparation qu'elle l'a condamné à payer à la partie civile, soit la somme de 29 000 euros, outre celle de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts supplémentaires ;
" aux motifs que les faits dont M. X... a été déclaré coupable ont causé à M. Y...un préjudice dont il doit être déclaré entièrement responsable ; que la cour le condamnera au paiement de la somme de 29 000 euros au bénéfice de la partie civile en réparation de son préjudice matériel, le véhicule étant invendable du fait de la falsification des documents d'identification et de son origine frauduleuse, M. X... devra également régler à la partie civile la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts supplémentaires compte tenu des frais financiers annexes engendrés par l'infraction ;
" alors que la cour d'appel qui confirme le jugement sur intérêts civils ne peut évoquer les points du litige relatifs à l'action civile que les premiers juges n'ont pas tranchés, exception faite de l'hypothèse où le renvoi de la procédure exposerait le tribunal à se contredire sur ce qu'il avait décidé ; qu'en confirmant le jugement entrepris sur la recevabilité de la constitution de partie civile et sur la responsabilité civile du demandeur, tout en évoquant les points du litige relatifs au quantum de la réparation, alors que ces points avaient fait, sur demande de la partie civile, l'objet d'un renvoi à une audience ultérieure par le tribunal correctionnel, la cour d'appel, non saisie en toute logique par la partie civile de l'appel du jugement, a violé les articles visés au moyen " ;
Vu l'article 520 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il se déduit de ce texte que la cour d'appel ne peut évoquer les points du litige relatif à l'action civile, qui n'ont pas été tranchés par les premiers juges, que lorsque le renvoi devant ces derniers les exposerait à se contredire sur ce qu'ils avaient décidé ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que les premiers juges ont déclaré M. X... coupable des faits qui lui étaient reprochés et responsable du préjudice subi par la partie civile ; qu'ils ont renvoyé l'affaire sur les intérêts civils à une audience ultérieure ; que le prévenu et le ministère public ont interjeté appel ;
Attendu qu'après avoir confirmé le jugement en ses dispositions relatives à la culpabilité de M. X..., l'arrêt, évoquant sur l'action civile, condamne le prévenu à payer à la partie civile la somme de 29 000 euros en réparation de son préjudice matériel et la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts supplémentaires ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Montpellier, en date du 12 mai 2015, mais en ses seules dispositions relatives aux intérêts civils, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Montpellier et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le deux novembre deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.