LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 632-1, 6° du code de commerce ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 12 novembre 2008, la société Couach, ayant pour activité la construction et la location de bateaux de plaisance, a consenti à la société Natixis, en garantie du paiement du solde débiteur de son compte courant, un gage sans dépossession portant sur six moteurs de bateau identifiés ; que par un acte du 19 février 2009, la société Couach a procédé à la modification du gage en substituant à deux moteurs initialement gagés deux autres moteurs ; qu'elle a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 1er avril et 17 juin 2009, la date de cessation des paiements étant fixée au 23 janvier 2009 ; que soutenant que la modification intervenue le 19 février 2009 constituait un nouveau contrat de gage consenti en période suspecte, le liquidateur a assigné la société Natixis en nullité de cette sûreté sur le fondement de l'article L. 632-1, 6° du code de commerce ;
Attendu que pour accueillir la demande, l'arrêt retient que la modification par avenant vaut constitution d'un nouveau gage et qu'elle est intervenue en période suspecte, pour garantir le paiement d'une dette née antérieurement au jugement d'ouverture ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la substitution opérée le 19 février 2009 avait conféré à la société Natixis un gage supérieur, dans sa nature et dans son assiette, à celui initialement consenti, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;
Condamne la société Christophe Mandon, en qualité de liquidateur de la société Couach, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Natixis
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité de l'acte de gage du 19 février 2009 donné par la SA COUACH sur les moteurs de référence 526 103 077 et 526 103 078 ;
Aux motifs propres que « Sur l'article L. 632-1 alinéa 6 du code de commerce et l'annulation de la convention de gage : en application de l'alinéa 6 de l'article L.631-2 du code de commerce: « Toute hypothèque conventionnelle, toute hypothèque judiciaire ainsi que l'hypothèque légale des époux et tout droit de nantissement ou de gage constitués sur les biens du débiteur pour dettes antérieurement contractées » ; que les premiers juges ont fait une juste analyse des faits de la cause, appliqué à l'espèce les règles de droit qui s'imposaient et pertinemment répondu aux moyens des parties pour la plupart repris en appel ; qu'à ces justes motifs que la cour adopte, il convient seulement d'ajouter : que la nullité de droit du gage sur les moteurs 526103077 et 526103078 est encourue et que toutes les conditions en sont réunies ; que l'avenant constitue bien un gage ; que ce gage a bien été constitué sur les biens du débiteur, puisque le contrat stipule précisément, dans son article 3, que les biens meubles corporels, objet du gage sont sa propriété exclusive libre de toute clause de réserve de propriété ; que ce gage a bien été constitué pour une dette antérieurement contractée, puisqu'il vient en garantie d'un découvert en compte courant, ce qui est du reste clairement affirmé par NATIXIS aux termes du dire adressé par ses soins le 2 septembre 2011 à Monsieur X..., expert désigné dans le cadre de la procédure collective ; que ce gage a été constitué durant la période suspecte puisque la modification par avenant vaut constitution et que cette modification, en ce qu'elle date du 19 février 2009 est intervenue entre la date provisoire de cessation des paiements, le 23 janvier 2009, et le jugement d'ouverture, le 1er avril 2009 ; qu'en conséquence, la nullité du gage donné par la société COUACH sur les moteurs 526103077 et 526103078 étant fondée, la Cour confirmera le jugement déféré » (arrêt attaqué, p. 4) ;
Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que « le présent Tribunal a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la SA COUACH par jugement du 01 avril 2009 et cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 17 juin 2009 ; l'acte initial de gage sans dépossession, établi en date du 12 novembre 2008, satisfait en tous points aux dispositions de l'article 2336 du code civil, la SA COUACH déclarant affecter en gage sans dépossession six moteurs diesel de bateaux qui sont sa propriété exclusive et dont les numéros de série sont marque MTU, modèle 12 V 4000 M90 et inverseurs n° 500 246 50 et 600 246 51, modèle 16 V2000 n° 536 107756 et 536 107757 et marque Man Marine, modèle V 12-1360 n° 69019148051919 et 69019148061919 pour une valeur totale HT de 2.029.847,00 € ; que la substitution de deux moteurs par deux autres références de moteurs en date du 19 février 2009 a fait l'objet d'une modification déposée le 02 mars 2009, soit après la réunion de toutes les banques concernant la situation de la SA COUACH qui s'est tenue à Paris le 23 février 2009 et enregistrée au Greffe du présent Tribunal en Mai 2009 soit en période de redressement judiciaire ; que la substitution des biens mobiliers gagés par d'autres biens en fonction de deux factures différentes car émises dans le temps soit en 2007 soit en 2008, confère à l'acte de gage initial de nouvelles conditions contractuelle et à ce titre emporte novation ; que la signature d'un avenant modificatif en février 2009 alors que la SA COUACH connaissait des difficultés apparaissant sur l'état relatif aux inscriptions des privilèges de la société et à moins d'une semaine d'une réunion de toutes les banques de la société lui confère le caractère nul et de nul effet ; qu'au surplus, la SA COUACH s'est dite propriétaire de moteurs en produisant une facture, et la rectification manuscrite des numéros de moteurs n'est pas une « correction d'erreur matérielle » puisque les factures qui sont jointes au contrat et à son avenant sont différentes tant par leur numéros que par leur date d'édition ; qu'enfin, la SA NATIXIS convoquée à une réunion de l'ensemble des banques de la SA COUACH ne pouvait ignorer la situation de la SA COUACH outre la consultation possible des états relatifs à la société auprès du greffe du Tribunal de Commerce de Bordeaux ; qu'en conséquence et en application des dispositions de l'article L. 632-1 du code de commerce, le Tribunal prononcera la nullité de l'acte de gage du 19 février 2009 donné par la SA COUACH sur les moteurs de références 526 103077 et 526 103 078 » (jugement entrepris, p. 4 et 5) ;
Alors que la substitution de gage, même réalisée pendant la période suspecte, ne tombe pas sous le coup de la nullité édictée par l'article L. 632-1 du code de commerce dès lors que la sûreté modifiée ou substituée n'est pas supérieure, ni dans sa nature, ni dans son étendue, à la sûreté initiale, constituée avant la période suspecte ; qu'au cas présent, pour annuler l'avenant du 19 février 2009 , la cour d'appel s'est bornée à observer, par motifs propres, que « l'avenant constitue bien un gage » (arrêt attaqué, p. 4, § 6), et, par motifs adoptés, que l'avenant portait sur de nouveaux biens et, par conséquent, conférait à l'acte de gage initial des nouvelles conditions contractuelles et à ce titre emporterait novation (jugement entrepris, p. 5, in limine) ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'il le lui était demandé (conclusions, p. et s.), si le gage substitué résultant de l'avenant du 19 février 2009 n'était pas, dans sa nature et dans son étendue, équivalent à la sûreté initiale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 632-1 du code de commerce.