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08/09/2016 | FRANCE | N°14-24392

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 08 septembre 2016, 14-24392


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 706-11 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que le Fonds d'indemnisation des actes de terrorisme et d'autres infractions est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle le remboursement de l'indemnité ou de la provision versée par lui, dans la limite des

réparations à la charge desdites personnes et qu'il peut exercer ses droits ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 706-11 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que le Fonds d'indemnisation des actes de terrorisme et d'autres infractions est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle le remboursement de l'indemnité ou de la provision versée par lui, dans la limite des réparations à la charge desdites personnes et qu'il peut exercer ses droits par toutes voies utiles ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par jugements des 28 janvier 1993 et 10 septembre 1996, un tribunal correctionnel a déclaré M. X... coupable de faits de violences volontaires aggravées commis sur la personne de Mme Y...et, statuant sur l'action civile, l'a condamné à payer à cette dernière des dommages-intérêts en réparation de son préjudice ; qu'ayant versé à Mme Y...l'indemnité fixée par une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI), le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) a fait pratiquer le 5 octobre 2011 deux saisies attribution sur les comptes bancaires de M. X... pour obtenir le remboursement de cette indemnité ; que ce dernier a assigné le FGTI devant un juge de l'exécution en annulation des saisies ;

Attendu que pour déclarer nulle et de nul effet la saisie attribution pratiquée par le FGTI, l'arrêt retient par motifs propres et adoptés que la subrogation légale du fonds dans les droits de la victime doit nécessairement s'exercer soit par voie de constitution de partie civile, soit par un recours exercé directement devant les juridictions civiles ou administratives compétentes ; que l'indemnisation des victimes par le FGTI en application d'une décision de la CIVI rendue postérieurement à un jugement pénal leur allouant des indemnités fait obstacle, en raison du caractère autonome du mode de réparation institué en leur faveur par l'article 706-3 du code de procédure pénale et du caractère autonome de la détermination de l'indemnité, à l'exercice par le FGTI du recours subrogatoire prévu par l'article 706-11 du même code sur le fondement du jugement rendu par la juridiction répressive ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le FGTI disposait d'un arrêt définitif émanant de la juridiction répressive dont il pouvait se prévaloir, comme subrogé dans les droits de la victime, afin d'obtenir le recouvrement des indemnités versées en exécution de la décision de la CIVI dans la limite des réparations mises à la charge du responsable, ce dont il résultait que sa demande de saisie se fondait sur un titre exécutoire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 juillet 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit septembre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré nul et de nul effet la saisie-attribution pratiquée le 5 octobre 2012 par le Fonds de garantie au préjudice de M. X... et d'en avoir ordonné la mainlevée ;

Aux motifs que « le premier juge a parfaitement rappelé le droit à subrogation légale du fonds dans les droits de la victime indemnisée par son intermédiaire contre l'auteur de l'infraction et les personnes tenues à réparation posé par l'article 706-11 du code de procédure pénale, ainsi que le régime juridique de ce droit qui doit nécessairement s'exercer dans le cadre d'un recours subrogatoire contre le débiteur, soit par voie de constitution de partie civile, soit par un recours exercé directement devant les juridictions civiles ou administratives compétentes ; qu'en effet, c'est uniquement à l'occasion d'un tel recours que le débiteur de la réparation est notamment mis en mesure de faire valoir les moyens qu'il aurait pu opposer à la victime subrogée par le fonds de garantie ; qu'il est indifférent que le débiteur ait amiablement procédé à des versements directement entre les mains du fonds de garantie, dès lors que pour mettre en oeuvre les voies d'exécution forcée sur les biens de son débiteur, tout créancier ne peut que se conformer aux prescriptions du code des procédures d'exécution dont la première tient à la détention d'un titre exécutoire au sens de l'article L 111-3 du code des procédures civiles d'exécution contre le débiteur lui-même ; qu'à défaut de jugement de condamnation mettant en oeuvre le recours subrogatoire de FGTI contre M. X..., le fonds ne dispose pas d'un tel titre lui permettant d'exercer directement contre lui des voies d'exécution, telles les saisies-attribution qui avaient été à bons droits contestées devant le juge de l'exécution ; que la cour, adoptant les motifs du premier juge, confirme le jugement en toutes ses dispositions ».

Aux motifs adoptés que « monsieur X... contestant la validité des titres exécutoires servant de fondement aux poursuites de la saisie-attribution pratiquée le 05 octobre 2011, la réouverture des débats a été ordonnée pour permettre aux parties de s'expliquer sur le moyen, soulevé d'office, tiré de la nullité de la saisie attribution pour défaut de titre exécutoire ; que, à ce titre, en vertu de l'article 706-11 du code de procédure pénale, le Fonds de garantie est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle, le remboursement de l'indemnité ou de la provision versée par lui, dans la limite du montant des réparations à la charge des dites personnes ; que le fonds peut exercer ses droits par toutes voies utiles, y compris par voie de constitution de partie civile devant la juridiction répressive et ce, même pour la première fois, en cause d'appel ; que lorsqu'il se constitue partie civile par lettre recommandée, le fonds peut demander le remboursement des sommes mises à sa charge sans limitation de plafond ; qu'il résulte de ce texte que le Fonds de garantie, et de manière non contestée, bénéficie d'une subrogation dans les droits de la victime d'une infraction à l'encontre, non seulement des personnes responsables du dommage causé par l'infraction, mais également de celles tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle ; que toutefois il s'évince, également, de ces dispositions que cette subrogation légale s'exerce dans le cadre d'un recours subrogatoire, soit par voie de constitution de partie civile devant le juridiction répressive, soit par un recours devant les juridictions civiles ou administratives ; que le Fonds doit ainsi agir effectivement contre l'auteur de l'infraction afin de détenir un titre exécutoire, la condamnation de celui-ci par la juridiction répressive n'étant pas suffisante ; que de même, la décision par laquelle la CIVI a fixé le montant de l'indemnisation revenant à la victime ne peut être opposée à l'auteur de l'infraction puisqu'il n'a pas été partie à cette procédure, dont l'objet est exclusivement de fixer l'indemnité due à la victime par le Fonds de Garantie ; qu'il incombe, au contraire, au Fonds de Garantie, comme précisé précédemment, s'il souhaite obtenir un titre exécutoire contre la personne responsable du dommage, d'agir à cette fin contre cette dernière, étant au surplus observé que c'est précisément au cours de l'action récursoire que le responsable du dommage est notamment mis en mesure de faire valoir tous les arguments qu'il aurait pu faire valoir contre la victime ; que cette exigence d'un recours préalable a été confirmée par la cour de cassation, et il est ainsi constant que l'indemnisation par le Fonds des victimes d'une infraction de leur préjudice en application d'une décision de la CIVI rendue postérieurement à un jugement pénal leur allouant des indemnités fait obstacle, en raison du caractère autonome du mode de réparation institué en leur faveur par l'article 706-3 du code de procédure pénale et du caractère autonome de la détermination de l'indemnité, à l'exercice par le Fonds du recours subrogatoire prévu par l'article 706-11 du même code sur le fondement du jugement rendu par la juridiction répressive ; qu'or, en l'espèce, n'ayant exercé aucune action récursoire contre monsieur X..., le FGTI ne dispose donc d'aucun titre exécutoire à son encontre ; que le fait que monsieur X... ait effectué des versements mensuels au profit du FGTI sur la base d'un simple engagement écrit est inopérant dès lors que la saisie-attribution ne peut être mise en oeuvre qu'en vertu d'un titre exécutoire ; qu'il résulte de ce qui précède que la saisie-attribution querellée doit être annulée, et par voie de conséquence, levée, toute sommes indument perçues sur ce chef devant être restituées » ;

Et que « l'article 503 du code de procédure civile, dispose, que les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire ; qu'en l'espèce monsieur X... invoque la nullité des saisies-attribution en date du 05/ 10/ 2011 au motif que le jugement réputé contradictoire du Tribunal correctionnel de Fort de France en date du 10/ 09/ 1996, servant de fondement aux poursuites, ne lui a pas été signifié ;
qu'or, la FGTI produit aux débats l'acte de signification en date du 29/ 09/ 2011 aux termes duquel l'ensemble des décisions, dont le jugement du 10/ 09/ 1996, ayant servi de fondement aux saisies attribution critiquées, ont été notifiées à Monsieur X... ; que, toutefois, selon l'article 2 de la loi du 9 juillet 1991 relative aux voies d'exécution, seul le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution ; qu'il suit de ces dispositions d'ordre public que la constatation de la créance dans un titre exécutoire constitue une conditions de validité au fond de la mesure d'exécution forcée mis en oeuvre par le créancier ; que l'article 706-11 du code de procédure pénale dispose que le fonds de garantie est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle le remboursement de l'indemnité ou de la provision versée par lui, dans la limite du montant des réparations à la charge desdites personnes ; qu'en l'espèce, le FGTI excipe son droit de poursuite sur les comptes bancaires de monsieur X..., des décisions de tribunal correctionnel et de la commission d'indemnisation des victimes ; qu'or, ces décisions ne constituent pas un titre exécutoire à l'encontre de l'auteur des faits ; que le Fonds doit agir effectivement contre l'auteur de l'infraction afin de détenir un titre exécutoire, la condamnation de celui-ci par la juridiction répressive n'étant pas suffisante ; qu'il est ainsi constant que l'indemnisation par le Fonds des victimes d'une infraction de leur préjudice en application d'une décision d'une Commission d'Indemnisation des victimes d'infractions rendue postérieurement à un jugement pénal leur allouant des indemnités fait obstacle, en raison du caractère autonome du mode de réparation institué en leur faveur par l'article 706-3 du code de procédure pénale et du caractère autonome de la détermination de l'indemnité, à l'exercice par le Fonds du recours subrogatoire prévu par l'article 706-11 du même code sur le fondement du jugement rendu par la juridiction répressive ; que n'ayant exercé aucune action récursoire contre monsieur X..., le FGTI ne dispose donc d'aucun titre exécutoire à son encontre » ;

Alors, d'une part, que le fonds est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle le remboursement de l'indemnité ou de la provision versée par lui, dans la limite du montant des réparations à la charge desdites personnes ; qu'il peut ainsi agir en recouvrement forcé contre le débiteur de la condamnation, sur le fondement de la décision ayant prononcé cette condamnation au profit de la victime dans les droits de laquelle il est légalement subrogé ; qu'en retenant, par motifs propres, qu'à défaut de jugement de condamnation mettant en oeuvre son recours subrogatoire contre M. X..., permettant à celui-ci de discuter les droits de la victime à son égard, le Fonds de garantie ne disposait pas d'un titre exécutoire lui permettant d'exercer directement contre lui des voies d'exécution, quand le Fonds de garantie se prévalait du titre constitué par le jugement du tribunal correctionnel de Fort de France du 10 septembre 1996 ayant condamné M. X... à indemniser la victime subrogeante, la cour d'appel, qui a statué par un motif impropre à justifier sa solution, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 706-11 du code de procédure pénale ;

Alors, d'autre part, que le fonds est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle le remboursement de l'indemnité ou de la provision versée par lui, dans la limite du montant des réparations à la charge desdites personnes ; qu'il peut ainsi agir en recouvrement forcé contre le débiteur de la condamnation sur le fondement de la décision ayant prononcé cette condamnation au profit de la victime dans les droits de laquelle il est légalement subrogé ; qu'en opposant néanmoins au Fonds de garantie, par motifs adoptés du jugement, qu'il ne pouvait se prévaloir du jugement du tribunal de grande instance de Fort de France du 10 septembre 1996 ayant condamné M. X... à indemniser la victime subrogeante comme d'un titre exécutoire lui permettant d'exercer une mesure d'exécution forcée à l'encontre de M. X..., la cour d'appel a violé l'article 706-11 du code de procédure pénale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 14-24392
Date de la décision : 08/09/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

FONDS DE GARANTIE - Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions - Recours subrogatoire - Recours contre l'auteur de l'infraction - Fondement - Décision rendue par une juridiction répressive statuant sur intérêts civils - Portée

INDEMNISATION DES VICTIMES D'INFRACTION - Indemnité - Indemnité fixée par la commission d'indemnisation des victimes d'infractions - Remboursement - Recours subrogatoire - Fondement - Décision rendue par une juridiction répressive statuant sur intérêts civils - Portée PROCEDURES CIVILES D'EXECUTION - Mesures d'exécution forcée - Titre - Titre exécutoire - Bénéfice - Personne subrogée dans les droits du bénéficiaire initial - Portée

Il résulte de l'article 706-11 du code de procédure pénale que le Fonds d'indemnisation des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle le remboursement de l'indemnité ou de la provision versée par lui, dans la limite des réparations à la charge desdites personnes et qu'il peut exercer ses droits par toutes voies utiles. Viole ce texte la cour d'appel qui déclare nulle et de nul effet la saisie pratiquée par le FGTI sur le fondement d'une décision rendue par la juridiction répressive, statuant sur intérêts civils alors que le FGTI disposait d'un arrêt définitif émanant de cette juridiction dont il pouvait se prévaloir, comme subrogé dans les droits de la victime, afin d'obtenir le recouvrement des indemnités versées en exécution de la décision de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions dans la limite des réparations mises à la charge du responsable, ce dont il résultait que sa demande de saisie se fondait sur un titre exécutoire


Références :

article 706-11 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Cour d'appel de Fort-de-France, 04 juillet 2014

En sens contraire :2e Civ., 5 février 2004, pourvoi n° 02-14324, Bull. 2004, II, n° 46 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 08 sep. 2016, pourvoi n°14-24392, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Avocat général : M. Grignon Dumoulin
Rapporteur ?: Mme Touati
Avocat(s) : SCP Delvolvé et Trichet, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.24392
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