AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué (Montpellier, 25 février 2002), que, par jugement du 19 mars 1991, le tribunal correctionnel a sanctionné M. Ben X... pour avoir involontairement provoqué la mort de Mme Y... et a alloué aux ayants droit de la victime, M. René Z..., Mme Françoise Z..., Mme Jacqueline Z... et M. Jean-Pierre Z..., la somme de 30 000 francs chacun en réparation de leur préjudice moral et celle de 15 000 francs au titre des frais funéraires ; que l'appel formé par le prévenu a été déclaré irrecevable par arrêt du 30 octobre 1991 ; que, postérieurement saisie par MM. René et Jean-Pierre Z... aux fins de voir indemniser leur préjudice, une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI), par décision du 18 juin 1992, leur a alloué la somme de 37 500 francs chacun ; que le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (le Fonds de garantie), ayant réglé ces sommes à René et Jean-Pierre Z..., a déposé requête devant le tribunal d'instance aux fins de saisie des rémunérations de M. Ben X... pour obtenir paiement de la somme de 140 885,57 francs en exécution de l'arrêt de la cour d'appel du 30 octobre 1991 ; que le tribunal d'instance a ordonné la saisie de ces rémunérations ;
Attendu que le Fonds de garantie fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande et d'avoir ordonné la restitution des sommes par lui perçues, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 706-11 du Code de procédure pénale, le Fonds de garantie est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage causé par l'infraction le remboursement de l'indemnité versée par lui, dans la limite du montant des réparations à la charge desdites personnes ; que la subrogation a pour effet d'investir le subrogé de la créance primitive avec tous les avantages ou accessoires, présents ou à venir ; qu'en énonçant, pour le débouter de sa demande tendant à la saisie des rémunérations de M. Ben X... , que le Fonds ne disposait d'aucun titre exécutoire condamnant ce dernier à lui payer la somme qu'il sollicite, alors qu'il résultait de ses propres constatations que les ayants droit de la victime, auxquels le Fonds était subrogé, avaient obtenu contre M. Ben X... une décision judiciaire ayant force exécutoire, la cour d'appel a violé par refus d'application le texte précité, ensemble les articles 1252 du Code civil, R. 145-1 du Code du travail et 3-1 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 ;
Mais attendu que l'article 706-3 du Code de procédure pénale institue en faveur des victimes d'infractions un mode de réparation autonome répondant à des règles qui lui sont propres ; que le caractère autonome de la détermination de l'indemnité fait obstacle à l'exercice du recours subrogatoire prévu par l'article 706-11 du même Code sur le fondement du jugement rendu par la juridiction répressive ; qu'il en résulte que c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que le Fonds de garantie n'a exercé aucune action récursoire à l'encontre de M. Ben X... et ne dispose donc d'aucun titre exécutoire ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille quatre.