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07/09/2016 | FRANCE | N°15-81679

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 septembre 2016, 15-81679


Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Georges X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de PARIS, en date du 26 février 2015, qui a prononcé sur sa demande de libération conditionnelle ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 8 juin 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Laurent, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le con

seiller référendaire LAURENT, les observations de la société civile professionnelle GAD...

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Georges X...,

contre l'arrêt de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de PARIS, en date du 26 février 2015, qui a prononcé sur sa demande de libération conditionnelle ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 8 juin 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Laurent, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire LAURENT, les observations de la société civile professionnelle GADIOU et CHEVALLIER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BONNET ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 729-2 et D. 535 du code de procédure pénale, 591 et 593 du même code, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir ;
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement du tribunal de l'application des peines ayant déclaré irrecevable la demande de libération conditionnelle de M. X... sur le fondement des articles 729-2 et D. 535 du code de procédure pénale et ayant rejeté la demande de libération conditionnelle formée à titre subsidiaire sur le fondement de l'article 729 du code de procédure pénale ;
" aux motifs propres, que sur le fondement des articles 729-2 et D. 535 du code de procédure pénale, l'article 729-2 du code de procédure pénale prévoit que lorsqu'un étranger condamné à une peine privative de liberté est l'objet d'une mesure d'interdiction du territoire français, d'interdiction administrative du territoire français, d'obligation de quitter le territoire français, d'interdiction de retour sur le territoire français, de reconduite à la frontière, d'expulsion, d'extradition ou de remise sur le fondement d'un mandat d'arrêt européen, sa libération conditionnelle est subordonnée à la condition que cette mesure soit exécutée ; que M. X... ne fait l'objet d'aucune des mesures prévues à l'article 729-2 du code de procédure pénale et, notamment, d'aucune mesure d'éloignement du territoire français ; qu'en conséquence, aucune libération conditionnelle sur le fondement de l'article 729-2 du code de procédure pénale ne peut être octroyée au condamné ; qu'aux termes de l'article D. 535, 4°, du code de procédure pénale, la décision accordant à un condamné le bénéfice de la libération conditionnelle peut subordonner l'octroi de cette mesure à la condition, s'il s'agit d'un étranger, être expulsé du territoire national, reconduit à la frontière ou extradé, ou quitter le territoire national et n'y plus paraître ; qu'aucune mesure de ce type n'a davantage été prise à l'encontre de M. X... ; que l'article D. 535, 4°, du code de procédure pénale ne crée pas d'autre cas de libération conditionnelle ; qu'ainsi, aucune libération conditionnelle ne peut être octroyée au condamné sur ce fondement ; qu'il n'appartient pas à la chambre de l'application des peines, ainsi que la défense le sollicite, de constater une atteinte au principe de séparation des pouvoirs ; que, sur le fondement de l'article 729 du code de procédure pénale, la cour rappelle que la libération conditionnelle tend à la réinsertion des condamnés et à la prévention de la récidive ; que les condamnés ayant à subir une peine privative de liberté peuvent bénéficier d'une libération conditionnelle s'ils manifestent des efforts sérieux de réadaptation sociale et lorsqu'ils justifient :-1°) soit de l'exercice d'une activité professionnelle, d'un stage ou d'un emploi temporaire ou de leur assiduité à un enseignement ou à une formation professionnelle ;-2°) soit de leur participation essentielle à la vie de leur famille ;-3°) soit de la nécessité de suivre un traitement médical ;-4°) soit de leurs efforts en vue d'indemniser leurs victimes ;-5°) soit de leur implication dans tout autre projet sérieux d'insertion ou de réinsertion ; qu'il ressort de l'article 730-2 du code de procédure pénale qu'en cas de condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité, comme c'est le cas en l'espèce, les juridictions de l'application des peines ne peuvent accorder de libération conditionnelle tant que le condamné n'a pas été placé sous un régime de semi-liberté ou de surveillance électronique pendant une période d'au moins un an ou encore de placement extérieur depuis la loi du 15 août 2014 ; que la chambre de l'application des peines ne peut que rappeler que M. X..., condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, ne peut se voir accorder une libération conditionnelle sans avoir été obligatoirement préalablement soumis, à titre probatoire, à une mesure de semi-liberté, de placement sous surveillance électronique ou de placement extérieur pendant une période d'un an au moins, ainsi que l'exige l'article 730-2 du code de procédure pénale ; que lors du débat contradictoire, M. X... a dit ne pas vouloir de projet d'aménagement de peine sur le territoire français même à titre probatoire, sauf à ce que cet aménagement de peine se déroule dans une enceinte pénitentiaire étant donné qu'il craint les « criminels israéliens et américains » ; que sur interpellation, il a ajouté être d'accord avec une mesure de placement extérieur qui se déroulerait dans des conditions garantissant sa sécurité ; que cependant, à l'audience de la cour, une mesure de placement extérieur probatoire n'a plus été évoquée par Me Chalanset, avocat de M. X... ; qu'il ne sera donc pas statué à ce stade de la procédure sur cette forme d'aménagement de peine, d'autant que les modalités pratiques de cette mesure n'ont aucunement été définies ; qu'en conséquence, la demande de libération conditionnelle sur le fondement de l'article 729 du code de procédure pénale est irrecevable ; que, de surcroît, il résulte des éléments du dossier que le positionnement de M. X... par rapport aux faits pour lesquels il a été condamné reste inchangé ; que la cour constate qu'il n'exprime toujours aucun regret ; qu'il a rappelé avoir dû faire face à l'occupation de son pays, insistant sur le fait que cette résistance était légitime et reconnue par les instances internationales ; qu'il se considère comme un militant ayant donné sa vie pour son pays, expliquant que le Liban est désormais libre et que toutes les forces politiques du pays ont compris son combat ; que la précision apportée par le condamné indiquant qu'une récidive de sa part n'était envisageable qu'en cas d'agression ou d'occupation nouvelle de son pays interroge ; qu'il a, d'ailleurs, précisé qu'il était une des personnes les plus connues du Liban et faisait tout pour que le lien entre le militant politique qu'il est et son pays ne se distende pas ; qu'il développe toujours le projet de donner des cours dans un institut d'enseignement au Liban dont un de ses frères, qui est apparu dans la procédure correctionnelle a la charge ; que le jugement dont appel fait état du rapport du directeur du CNE, à l'issue des avis de l'équipe pluridisciplinaire, qui indique que M. X... « reconnaît ses responsabilités politiques et morales, que les faits sont revendiqués comme des actes de guerre, des opérations militaires, visant des ennemis », que s'agissant des parties civiles, le condamné s'est toujours refusé à effectuer des versements volontaires car les « victimes sont considérées comme des ennemis, tombés à l'occasion d'actes de guerre » ; que concernant son projet de sortie, il expose que M. X... travaillerait comme enseignant, son poste étant axé sur la découverte et le partage de son engagement, relevant, par ailleurs, que M. X... souhaite « poursuivre son combat pacifiquement, défendre ses valeurs et accéder peut-être à un poste de député » ; que la cour retient aussi que M. X... n'a procédé à aucun versement volontaire, indiquant s'en remettre aux autorités libanaises et être disposé à régler les dommages-intérêts dus aux victimes dès lors que le gouvernement libanais le lui imposera, son pays restant pour lui la seule entité qui pourra l'y forcer ; que l'exigence d'effort d'indemnisation posée dans tout parcours d'exécution de peine qui participe d'une même démarche de prise de conscience de la gravité des faits qui ont été commis et du tort causé aux victimes et leurs familles fait donc défaut ; que la cour ne peut que constater l'absence de projet de sortie élaboré et construit dans les limites possibles de la loi, d'autant que M. X... refuse depuis 2007 toute rencontre avec le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP), arguant que l'indemnisation des victimes est un sujet dont le SPIP n'est pas censé débattre ; qu'enfin, aucun effort sérieux de réadaptation sociale, au sens de l'article 729 du code de procédure pénale, que pourrait manifester M. X... ne peut être relevé par la chambre de l'application des peines ; qu'ainsi, le tribunal de l'application des peines a fait une lecture très exacte des éléments du dossier et la décision entreprise, parfaitement motivée, doit en conséquence être confirmée dans son ensemble ;

" et aux motifs adoptés que, sur la demande de libération conditionnelle formée à titre subsidiaire sur le fondement de l'article 729 du code de procédure pénale, cette demande ne peut qu'être rejetée ;
" 1°) alors qu'aux termes de l'article 729-2 du code de procédure pénale « lorsqu'un étranger condamné à une peine privative de liberté est l'objet d'une mesure d'interdiction du territoire français, d'interdiction administrative du territoire français, d'obligation de quitter le territoire français, d'interdiction de retour sur le territoire français, de reconduite à la frontière, d'expulsion, d'extradition ou de remise sur le fondement d'un mandat d'arrêt européen, sa libération conditionnelle est subordonnée à la condition que cette mesure soit exécutée. Elle peut être décidée sans son consentement » et qu'aux termes de l'article D. 535 du même code « la décision accordant à un condamné le bénéfice de la libération conditionnelle peut subordonner l'octroi de cette mesure à l'une des conditions suivantes : (…) ; 4°, s'il s'agit d'un étranger, être expulsé du territoire national, reconduit à la frontière ou être extradé, ou quitter le territoire national et n'y plus paraître » de sorte que l'étranger peut obtenir le bénéfice de la libération conditionnelle s'il quitte le territoire national et n'y parait plus ; qu'au cas présent, M. X... avait fait valoir dans ses conclusions d'appel qu'il s'engageait à quitter le territoire français pour ne plus y revenir et avait justifié que les autorités consulaires du Liban, par lettre du 14 mars 2014, s'étaient engagées à « le prendre en charge immédiatement dès sa sortie du centre de détention jusqu'à son arrivé au Liban et à lui délivrer un laisser-passer permettant son retour au Liban » ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans considérer l'engagement de M. X... de quitter le territoire français pour ne plus y paraître et sans déterminer les conséquences sur la demande de libération conditionnelle, la chambre de l'application des peines a refusé d'exercer ses pouvoirs et a violé les textes précités ;
" 2°) alors que la chambre de l'application des peines qui a déclaré la demande de libération conditionnelle, sur le fondement de l'article 729 du code de procédure pénale, irrecevable et a confirmé le jugement ayant rejeté la demande de libération conditionnelle formée à titre subsidiaire sur le fondement de ce texte s'est dès lors contredite puisque cette demande rejetée par les premiers juges a été déclarée irrecevable par les juges d'appel de sorte que ces derniers ne pouvaient confirmer le jugement sur ce chef de dispositif " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X..., de nationalité libanaise, a été condamné, d'une part, le 10 juillet 1986, par le tribunal correctionnel de Lyon, à quatre ans d'emprisonnement et à cinq ans d'interdiction de séjour pour association de malfaiteurs, usage de documents administratifs falsifiés, infractions à la législation sur les armes, d'autre part, le 28 février 1987, par la cour d'assises de Paris, spécialement composée, à la réclusion criminelle à perpétuité pour complicité d'assassinats et de tentative d'assassinat ; que le 21 mars 2014, il a sollicité sa libération conditionnelle, dans le but affirmé de quitter définitivement le territoire français et regagner le Liban ;
Attendu que, par jugement du 5 novembre 2014, le tribunal de l'application de peines de Paris, compétent en matière de terrorisme, a déclaré irrecevable la demande présentée, à titre principal, sur le fondement des articles 729-2 et D. 535 du code de procédure pénale, et a rejeté celle présentée, à titre subsidiaire, sur le fondement de l'article 729 du même code ; que M. X... a interjeté appel de cette décision ;
Attendu que, pour confirmer le jugement, tout en déclarant, dans ses motifs, la demande subsidiaire du condamné irrecevable, l'arrêt prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Attendu qu'abstraction faite d'une terminologie impropre mais exempte de contradiction, dès lors que le dispositif d'un arrêt doit être interprété par les motifs auxquels il s'unit et dont il est la conséquence, la chambre de l'application des peines, en déclarant irrecevables les demandes de libération conditionnelle, tant principale que subsidiaire, dont elle était saisie, a fait l'exacte application de la loi ;
Qu'en effet, d'une part, selon l'article 729-2 du code de procédure pénale, qui institue un régime de libération conditionnelle dérogatoire au droit commun, auquel ne s'appliquent pas les dispositions réglementaires de l'article D. 535 du même code, lorsqu'un étranger condamné à une peine privative de liberté est l'objet d'une mesure d'interdiction du territoire français, d'interdiction administrative du territoire français, d'obligation de quitter le territoire français, d'interdiction de retour sur le territoire français, de reconduite à la frontière, d'expulsion, d'extradition ou de remise sur le fondement d'un mandat d'arrêt européen, sa libération conditionnelle est subordonnée à la condition que cette mesure soit exécutée ; qu'il en résulte que la libération conditionnelle d'un étranger condamné, qui n'est pas l'objet d'une telle mesure d'éloignement du territoire, doit répondre aux conditions de forme et de fond de droit commun, applicables à tout condamné, quelle que soit sa nationalité ;
Que, d'autre part, il se déduit de l'article 730-2 du code de procédure pénale qu'en cas de condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité, les juridictions de l'application des peines ne peuvent accorder la libération conditionnelle tant que le condamné n'a pas été placé sous le régime de la semi-liberté, du placement à l'extérieur ou du placement sous surveillance électronique pendant une période d'au moins un an ; que cette disposition est applicable à un étranger condamné qui n'est pas l'objet de l'une des mesures d'éloignement du territoire français prévues à l'article 729-2 du même code ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept septembre deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 15-81679
Date de la décision : 07/09/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

LIBERATION CONDITIONNELLE - Mesure - Bénéfice - Condition - Article 730-2 du code de procédure pénale - Condamné à une peine de réclusion criminelle à perpétuité - Domaine d'application - Etranger condamné n'ayant pas fait l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire

Il se déduit de l'article 730-2 du code de procédure pénale qu'en cas de condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité, la libération conditionnelle ne peut être accordée tant que le condamné n'a pas été placé sous le régime de la semi-liberté, du placement à l'extérieur ou du placement sous surveillance électronique pendant une période d'au moins un an. Cette disposition est applicable à tout condamné étranger qui n'a pas fait l'objet de l'une des mesures d'éloignement du territoire français prévues à l'article 729-2 du même code


Références :

Sur le numéro 1 : articles 729-2 et D. 535 du code de procédure pénale
Sur le numéro 2 : articles 729-2 et 730-2 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 26 février 2015

n° 2 :Sur les cas dans lesquels la libération conditionnelle ne peut être accordée qu'après un placement en semi-liberté, à l'extérieur ou sous surveillance électronique, à rapprocher :Crim., 4 avril 2013, pourvoi n° 13-80447, Bull. crim. 2013, n° 80 (cassation sans renvoi)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 sep. 2016, pourvoi n°15-81679, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Bonnet
Rapporteur ?: M. Laurent
Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.81679
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