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02/06/2016 | FRANCE | N°15-16981

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 02 juin 2016, 15-16981


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 janvier 2015), que la Société d'exploitation du parc des expositions de la ville de Marseille (la société SAFIM), qui a entrepris la construction d'un nouveau hall d'exposition, a confié une mission de maîtrise d'oeuvre concernant notamment la conception architecturale à M. X..., architecte, assuré auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), et une mission d'études techniques et de direction des travaux, au bureau d'études EPHTA, au

x droits duquel se trouve la société SLH Ingénierie, assuré auprès de...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 janvier 2015), que la Société d'exploitation du parc des expositions de la ville de Marseille (la société SAFIM), qui a entrepris la construction d'un nouveau hall d'exposition, a confié une mission de maîtrise d'oeuvre concernant notamment la conception architecturale à M. X..., architecte, assuré auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), et une mission d'études techniques et de direction des travaux, au bureau d'études EPHTA, aux droits duquel se trouve la société SLH Ingénierie, assuré auprès de la SMABTP ; que la société SAFIM a souscrit un contrat d'assurance dommages ouvrage auprès de la société SAGENA, devenue la société SMA ; que les travaux ont été réceptionnés avec réserves les 3 et 4 novembre 2003 ; qu'en 2005, la société SAFIM a déclaré deux sinistres, le premier concernant la couverture des caniveaux techniques du hall, en raison de l'insuffisance de résistance des dalles en bois recouvrant ces caniveaux à l'occasion du passage d'engins notamment de levage, le second relatif à la résistance de la dalle bétonnée de ce hall ; que l'assureur dommages ouvrage a dénié sa garantie au motif que l'utilisation qui avait été faite de ce hall d'exposition n'était pas conforme aux pièces écrites des marchés ; que la société SAFIM a assigné la SAGENA, M. X... et la société SLH ingénierie ainsi que leurs assureurs en indemnisation de ses préjudices ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident, réunis :
Attendu que M. X..., la MAF, la société SLH ingénierie et la SMABTP font grief à l'arrêt de les condamner, in solidum, à payer à la société SAFIM la somme de 1 100 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que l'obligation de conseil du maître d'oeuvre ne porte pas sur des faits connus ou devant l'être par son cocontractant ; qu'il en va ainsi spécialement si le maître d'ouvrage est un professionnel et si le conseil est fondé sur des éléments qui n'ont pas été portés à la connaissance de l'architecte ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations mêmes de l'arrêt attaqué que la société SAFIM, professionnelle de locaux destinés à divers événements, a demandé au maître d'oeuvre de réaliser un ouvrage permettant une surcharge au sol supérieure à 500 kg/m², correspondant à la seule norme applicable, que le maître d'ouvrage n'a pas défini un ouvrage à construire devant permettre de faire circuler des charges roulantes lourdes à l'intérieur du hall, qu'il n'a pas informé les concepteurs de son souhait de faire circuler de telles charges et que les désordres sont dus à l'utilisation inadaptée de l'ouvrage par le maître d'ouvrage qui a fait circuler des engins dont le poids excédait ce que l'ouvrage pouvait supporter ; qu'en reprochant néanmoins à l'architecte de n'avoir pas donné au maître d'ouvrage des conseils adaptés portant notamment sur la circulation d'engins à l'intérieur du hall et le déplacement de charges lourdes, bien qu'il n'ait pas été informé que de tels engins devaient circuler, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu que, si le maître de l'ouvrage ne justifiait pas avoir informé les concepteurs de son souhait de faire circuler des charges lourdes à l'intérieur du hall, l'architecte et le bureau d'études auraient dû se préoccuper du mode d'exploitation de l'ouvrage situé dans un parc des expositions, et de la question des charges roulantes, compte tenu notamment de la surface importante de ce hall d'exposition, de la taille et du nombre des portes permettant à des poids lourds d'y accéder, des systèmes d'accrochage en plafond prévus pour supporter une charge d'une tonne avec chariots élévateurs et de l'exposition d'objets lourds à envisager, et qu'il n'était pas établi que les charges dynamiques résultant de la circulation d'engins à l'intérieur du hall pour permettre son exploitation, avaient fait l'objet de préconisations, observations, remarques ou conseils de la part de l'architecte ou du bureau d'études, en dépit des missions qui leur étaient confiées, la cour d'appel a pu décider que l'architecte et le bureau d'études avaient manqué à leur obligation de conseil ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi principal :
Attendu que M. X... et la MAF font grief à l'arrêt de juger que, dans leurs rapports entre eux, M. X... et la MAF d'une part, et la société SLH ingénierie, d'autre part, supporteront chacun la moitié des condamnations, alors, selon le moyen, que, dans leurs conclusions d'appel, M. X... et la Mutuelle des architectes français ont fait valoir que seul le BET, maître d'oeuvre d'exécution, avait la charge de la conception des sols, au stade de laquelle l'épaisseur des dalles avait été modifiée ; qu'en décidant que l'architecte devait, au niveau de la contribution à la dette, supporter une part de responsabilité, sans répondre au moyen invoquant la faute du bureau d'études tenant à la modification de l'épaisseur des dalles, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant retenu, répondant aux conclusions, que l'architecte avait commis une faute en n'informant pas le bureau d'études sur l'utilisation concrète du bâtiment à édifier notamment lors des opérations de montage et de démontage des expositions ou autres manifestations, précisions qui lui auraient permis de rédiger un CCTP mieux adapté et de procéder aux calculs appropriés, et que, de même, le bureau d'études était fautif pour ne pas avoir attiré l'attention de l'architecte sur le problème des charges roulantes, alors même que les conventions signées par ces deux professionnels leur imposaient un devoir de collaboration dans l'intérêt même de l'opération à réaliser pour le maître de l'ouvrage, la cour d'appel a pu décider que, compte tenu de leurs fautes respectives, dans leurs rapports, chaque constructeur supportera la moitié des condamnations ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne M. X..., la MAF, la société SMA, la société SLH ingénierie et la SMABTP aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de M. X..., la MAF, la société SMA, la société SLH ingénierie et la SMABTP et les condamne à payer à la société SAFIM la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux juin deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.
Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour M. X... et la société Mutuelle des architectes français.
Le premier moyen de cassation fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné in solidum M. X... et la Mutuelle des Architectes Français, ainsi que la société SLH Ingénierie et la SMABTP, à payer à la SAFIM la somme de 1 100 000 € à titre de dommages-intérêts,
Aux motifs que « pour le technicien, « les causes du désordre résultent d'une utilisation non conforme à la conception du dallage par l'exploitant… (Car) il apparaît clairement que le dallage n'a pas été calculé pour les charges roulantes pénalisantes… Seule une surcharge de 1T/m² uniformément répartie est prévue ». Or il ajoute qu'« une surcharge répartie de 1T/m² ne correspond absolument pas à des surcharges roulantes beaucoup plus pénalisantes… Notamment au niveau d'une roue ». Pour lui, les désordres qu'il a constatés se sont produits vraisemblablement lors de l'utilisation du dallage par l'exploitant et notamment lors de la foire de Marseille à l'automne 2003 ou lors de la manifestation de décembre 2005 : le salon du football (Pages 19 et 20). Sur la responsabilité légale des constructeurs Alors qu'il est un professionnel de l'exploitation de locaux destinés à toutes sortes d'événements : foires, expositions, salons, congrès ou autres manifestations, il appartenait au maître de l'ouvrage de définir le programme qu'il entendait faire réaliser pour édifier un hall d'exposition d'une surface totale brute de plus de 8000 m², d'établir donc un cahier des charges destiné aux concepteurs de l'ouvrage permettant de déterminer avec précision la destination et l'usage de ce bâtiment. Il résulte des différentes pièces produites par les parties et du rapport de l'expert judiciaire : que le maître de l'ouvrage a demandé au maître d'oeuvre de réaliser un ouvrage permettant une surcharge au sol supérieure à 500 kg par m², ce qui correspondait pour des charges fixes, à la seule norme applicable aux établissements de ce type recevant du public, que le maître d'oeuvre d'exécution a établi des documents techniques prévoyant une surcharge maximale d'une tonne par m², que les travaux réalisés par les entreprises l'ont été conformément aux prestations qui leur avaient été commandées, Que malgré la demande de l'expert judiciaire, le maître de l'ouvrage ne lui a jamais produit de cahier des charges, de notice du programme, ou de documents descriptifs des charges roulantes prévues (type de camion, types de nacelles, essieu de 13 t ? Nacelles de 8 à 9 t ? (Pages 14 et 22).
Alors que le maître de l'ouvrage ne justifie pas avoir défini, dans un cahier des charges ou dans une notice descriptive, un ouvrage à construire devant permettre de faire circuler à l'intérieur du Hall n° 1 des charges roulantes lourdes, que ce soit sur le dallage en béton ou sur les dalles recouvrant les caniveaux, il ne démontre pas l'existence d'une impropriété de l‘ouvrage construit à sa destination. Au surplus, alors que les désordres sont dus à l'utilisation inadaptée de l'ouvrage par le maître de l'ouvrage, qui a fait notamment circuler sur le sol du hall des engins dont le poids excédait ce que l'ouvrage pouvait supporter, faute de pouvoir imputer ces désordres aux constructeurs, il ne peut invoquer utilement les dispositions de l'article 1792 du code civil » (arrêt p. 8) ; « Si le maître de l'ouvrage ne justifie pas avoir informé les concepteurs de son souhait de faire circuler des charges lourdes à l'intérieur du hall, il n'en demeure pas moins que les professionnels de la construction que sont l'architecte et le bureau d'études auraient dû se préoccuper du mode d'exploitation de cet ouvrage situé dans un parc des expositions, et donc de la question des charges roulantes, compte tenu notamment : -de la surface importante de ce hall d'exposition, -de la taille et du nombre des portes d'accès livraisons permettant à des poids lourds d'y accéder, -des systèmes d'accrochage en plafond prévus pour aller jusqu'à 1000 kg avec chariots élévateurs -de l'exposition d'objets lourds à envisager, tels que piscines, etc (pages 21 et 23 du rapport Y...). Le technicien commis estime d'ailleurs que « si on peut supposer qu'il est possible de manutentionner des charges avec un petit véhicule, une petite nacelle ou un palan, la question de savoir comment approvisionner ces charges (à poser au sol ou à installer en noeud de charpente) méritait d'être posée au maître d'ouvrage » (page 21). Si la notion de charges fixes fut bien prise en compte, il n'est pas établi par les différentes pièces produites et par les recherches de l'expert Y..., dont le sérieux, la compétence et l'impartialité ne font l'objet d'aucune contestation, que les « charges dynamiques » résultant de la circulation d'engins à l'intérieur du hall pour permettre son exploitation, ont fait l'objet de préconisations, observations, remarques ou conseil de la part de l'architecte ou du bureau d'études, en dépit des missions qui leur étaient confiées. En effet, il appartient à l'architecte, lors de la phase des études préliminaires, d'analyser le programme proposé par le maître de l'ouvrage et les informations qu'il a pu personnellement recueillir pour concevoir un projet réalisable, tenant notamment compte des contraintes du sol. Professionnel de la construction, l'architecte est responsable de la qualité de son projet. Il doit tenir compte des souhaits de son client et notamment du type d'occupation des locaux qu'il réalise. Soumis à un devoir de conseil à l'égard du maître de l'ouvrage, l'architecte doit guider les choix de son client et attirer son attention sur les conséquences techniques de ces choix et sur la nécessité de faire réaliser certains ouvrages non prévus mais indispensables. En l'espèce, l'architecte de conception, ayant l'obligation de travailler ici en étroite collaboration avec le bureau d'études techniques, devait nécessairement prendre en compte l'affectation spécifique du hall d'exposition, en raison notamment de sa taille et de sa polyvalence, puisqu'il était destiné aussi bien à des expositions qu'à diverses autres manifestations avec possibilité d'aménager des espaces modulables, ce qui nécessitait donc des manutentions et le transport de charges lourdes à déplacer à l'intérieur de ce hall. En ne donnant pas au maître de l'ouvrage, dans le cadre des différentes missions qui lui avaient été confiées, l'ensemble des conseils adaptés portant notamment sur la circulation des engins à l'intérieur de ce hall et le déplacement de charges lourdes, l'architecte a manqué à son obligation de conseiller utilement le maître de l'ouvrage. Il en est de même pour le bureau d'études techniques chargé d'établir les éléments techniques de la construction sous forme d'un cahier des clauses techniques particulières et dont le rôle était particulièrement large puisque sa mission se poursuivait avec la direction des travaux et l'assistance à la réception. Pourtant aucune préconisation concernant les charges roulantes ne figure dans le cahier des charges techniques particulières. Et l'expert judiciaire s'est étonné que le bureau d'études techniques ait attendu de formaliser auprès du maître de l'ouvrage, après réception et levée des réserves, par un courriel du 25 février 2004, une demande concernant ses souhaits relatifs aux charges sur caniveaux. Ainsi, alors que pèse sur ces deux professionnels de la construction un devoir de conseiller envers le maître de l'ouvrage, qu'il lui appartient de rapporter la preuve de l'exécution de ce devoir, ils sont tous deux défaillants à rapporter cette preuve. Et ils ne démontrent pas que le maître de l'ouvrage était un professionnel de la construction, ou qu'il a entendu, en toute connaissance des contraintes concernant la circulation de charges lourdes dans le hall, s'affranchir de ces contraintes techniques concernant la circulation d'engins lourds, pour réaliser un ouvrage à moindre coût. Ils sont donc tous deux fautifs pour n'avoir pas utilement conseillé le maître de l'ouvrage sur la façon de réaliser un hall d'exposition d'une telle surface, muni de telles ouvertures et équipements permettant une exploitation adaptée, notamment pour décharger les poids lourds y accédant et faire ainsi circuler sur le dallage intérieur et les dalles de couverture des caniveaux, des engins permettant de déplacer puis d'installer des charges lourdes. Les fautes commises, tant par l'architecte, que par le bureau d'études techniques, en raison d'un manquement à leur devoir de conseil au maître de l'ouvrage, ayant chacune été à l'origine de la totalité du préjudice en résultant pour lui, ils doivent être condamnés in solidum à l'indemniser » (arrêt p. 9 et 10) » ;
Alors que l'obligation de conseil du maître d'oeuvre ne porte pas sur des faits connus ou devant l'être par son cocontractant ; qu'il en va ainsi spécialement si le maître d'ouvrage est un professionnel et si le conseil est fondé sur des éléments qui n'ont pas été portés à la connaissance de l'architecte ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations mêmes de l'arrêt attaqué que la SA SAFIM, professionnelle de locaux destinés à divers événements, a demandé au maître d'oeuvre de réaliser un ouvrage permettant une surcharge au sol supérieure à 500 kg/m², correspondant à la seule norme applicable, que le maître d'ouvrage n'a pas défini un ouvrage à construire devant permettre de faire circuler des charges roulantes lourdes à l'intérieur du hall, qu'il n'a pas informé les concepteurs de son souhait de faire circuler de telles charges et que les désordres sont dus à l'utilisation inadaptée de l'ouvrage par le maître d'ouvrage qui a fait circuler des engins dont le poids excédait ce que l'ouvrage pouvait supporter ; qu'en reprochant néanmoins à l'architecte de n'avoir pas donné au maître d'ouvrage des conseils adaptés portant notamment sur la circulation d'engins à l'intérieur du hall et le déplacement de charges lourdes, bien qu'il n'ait pas été informé que de tels engins devaient circuler, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil.
Le second moyen de cassation fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé que dans leurs rapports entre eux, M. X... et la MAF d'une part, et la société SLH Ingéniérie, d'autre part, supporteront chacun la moitié des condamnations,
Aux motifs qu'« il est clairement établi que l'architecte vis-à-vis du bureau d'études a commis une faute en ne l'informant pas suffisamment sur l'utilisation concrète du bâtiment à édifier notamment lors des opérations de montage et de démontage des expositions ou autres manifestations, précisions qui lui auraient permis de rédiger un CCTP mieux adapté et de procéder aux calculs appropriés. De même, le bureau d'études techniques est fautif à l'égard de l'architecte pour ne pas avoir attiré son attention sur le problème des charges roulantes, alors même que les conventions signées par ces deux professionnels leur imposaient un devoir de collaboration dans l'intérêt même de l'opération à réaliser pour le maître de l'ouvrage. En conséquence, compte tenu des fautes respectives que ces deux constructeurs sont fondés à se reprocher mutuellement, si à l'égard du maître de l'ouvrage, ils doivent être condamnés in solidum à l'indemniser, dans leurs rapports, chacun d'eux supportera la moitié des condamnations prononcées… » (arrêt p. 10, alinéas 7 à 9) ;

Alors que, dans leurs conclusions d'appel, M. X... et la Mutuelle des Architectes Français ont fait valoir que seul le BET, maître d'oeuvre d'exécution, avait la charge de la conception des sols, au stade de laquelle l'épaisseur des dalles avait été modifiée ; qu'en décidant que l'architecte devait, au niveau de la contribution à la dette, supporter une part de responsabilité, sans répondre au moyen invoquant la faute du bureau d'études tenant à la modification de l'épaisseur des dalles, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour les sociétés SMA, SLH ingénierie et la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics.
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné in solidum M. X..., la MAP, la société SLH Ingénierie et la SMABTP à payer à la SAFIM la somme de 1 100 000 € à titre de dommages-intérêts
AUX MOTIFS QUE «pour le technicien, « les causes du désordre résultent d'une utilisation non conforme à la conception du dallage par l'exploitant... (Car) il apparaît clairement que le dallage n'a pas été calculé pour les charges roulantes pénalisantes... Seule une surcharge de IT/m2 uniformément répartie est prévue ». Or il ajoute qu'« une surcharge répartie de IT/m2 ne correspond absolument pas à des surcharges roulantes beaucoup plus pénalisantes... Notamment au niveau d'une roue ». Pour lui, les désordres qu'il a constatés se sont produits vraisemblablement lors de l'utilisation du dallage par l'exploitant et notamment lors de la foire de Marseille à l'automne 2003 ou lors de la manifestation de décembre 2005 : le salon du football (Pages 19 et 20). Sur la responsabilité légale des constructeurs Alors qu'il est un professionnel de l'exploitation de locaux destinés à toutes sortes d'événements : foires, expositions, salons, congrès ou autres manifestations, il appartenait au maître de l'ouvrage de définir le programme qu'il entendait faire réaliser pour édifier un hall d'exposition d'une surface totale brute de plus de 8000 m2, d'établir donc un cahier des charges destiné aux concepteurs de l'ouvrage permettant de déterminer avec précision la destination et l'usage de ce bâtiment. Il résulte des différentes pièces produites par les parties et du rapport de l'expert judiciaire : que le maître de l'ouvrage a demandé au maître d'oeuvre de réaliser un ouvrage permettant une surcharge au sol supérieure à 500 kg par m2, ce qui correspondait pour des charges fixes, à la seule norme applicable aux établissements de ce type recevant du public, que le maître d'oeuvre d'exécution a établi des documents techniques prévoyant une surcharge maximale d'une tonne par m2, que les travaux réalisés par les entreprises l'ont été conformément aux prestations qui leur avaient été commandées, Que malgré la demande de l'expert judiciaire, le maître de l'ouvrage ne lui a jamais produit de cahier des charges, de notice du programme, ou de documents descriptifs des charges roulantes prévues (type de camion, types de nacelles, essieu de 13 t ? Nacelles de 8 à 91 ? (Pages 14 et 22). Alors que le maître de l'ouvrage ne justifie pas avoir défini, dans un cahier des charges ou dans une notice descriptive, un ouvrage à construire devant permettre de faire circuler à l'intérieur du Hall n° 1 des 5 charges roulantes lourdes, que ce soit sur le dallage en béton ou sur les dalles recouvrant les caniveaux, il ne démontre pas l'existence d'une impropriété de l'ouvrage construit à sa destination.
Au surplus, alors que les désordres sont dus à l'utilisation inadaptée de l'ouvrage par le maître de l'ouvrage, qui a fait notamment circuler sur le sol du hall des engins dont le poids excédait ce que l'ouvrage pouvait supporter, faute de pouvoir imputer ces désordres aux constructeurs, il ne peut invoquer utilement les dispositions de l'article 1792 du code civil » (arrêt p. 8) ; « Si le maître de l'ouvrage ne justifie pas avoir informé les concepteurs de son souhait de faire circuler des charges lourdes à l'intérieur du hall, il n'en demeure pas moins que les professionnels de la construction que sont l'architecte et le bureau d'études auraient dû se préoccuper du mode d'exploitation de cet ouvrage situé dans un parc des expositions, et donc de la question des charges roulantes, compte tenu notamment : - de la surface importante de ce hall d'exposition, - de la taille et du nombre des portes d'accès livraisons permettant à des poids lourds d'y accéder, - des systèmes d'accrochage en plafond prévus pour aller jusqu'à 1000 kg avec chariots élévateurs - de l'exposition d'objets lourds à envisager, tels que piscines, etc (pages 21 et 23 du rapport Y...). Le technicien commis estime d'ailleurs que « si on peut supposer qu'il est possible de manutentionner des charges avec un petit véhicule, une petite nacelle ou un palan, la question de savoir comment approvisionner ces charges (à poser au sol ou à installer en noeud de charpente) méritait d'être posée au maître d'ouvrage » (page 21). Si la notion de charges fixes fut bien prise en compte, il n 'est pas établi par les différentes pièces produites et par les recherches de l'expert Y..., dont le sérieux, la compétence et l'impartialité ne font l'objet d'aucune contestation, que les « charges dynamiques » résultant de la circulation d'engins à l'intérieur du hall pour permettre son exploitation, ont fait l'objet de préconisations, observations, remarques ou conseil de la part de l'architecte ou du bureau d'études, en dépit des missions qui leur étaient confiées. En effet, il appartient à l'architecte, lors de la phase des études préliminaires, d'analyser le programme proposé par le maître de l'ouvrage et les informations qu'il a pu personnellement recueillir pour concevoir un projet réalisable, tenant notamment compte des contraintes du sol. Professionnel de la construction, l'architecte est responsable de la qualité de son projet. Il doit tenir compte des souhaits de son client et notamment du type d'occupation des locaux qu'il réalise. Soumis à un devoir de conseil à l'égard du maître de l'ouvrage, l'architecte doit guider les choix de son client et attirer son attention sur les conséquences techniques de ces choix et sur la nécessité de faire réaliser certains ouvrages non prévus mais indispensables. En l'espèce, l'architecte de conception, ayant l'obligation de travailler ici en étroite collaboration avec le bureau d'études techniques, devait nécessairement prendre en compte l'affectation spécifique du hall d'exposition, en raison notamment de sa taille et de sa polyvalence, puisqu'il était destiné aussi bien à des expositions qu'à diverses autres manifestations avec possibilité d'aménager des espaces modulables, ce qui nécessitait donc des manutentions et le transport de charges lourdes à déplacer à l'intérieur de ce hall. En ne donnant pas au maître de l'ouvrage, dans le cadre des différentes missions qui lui avaient été confiées, l'ensemble des conseils adaptés portant notamment sur la circulation des engins à l'intérieur de ce hall et le déplacement de charges lourdes, l'architecte a manqué à son obligation de conseiller utilement le maître de l'ouvrage. Il en est de même pour le bureau d'études techniques chargé d'établir les éléments techniques de la construction sous forme d'un cahier des clauses techniques particulières et dont le rôle était particulièrement large puisque sa mission se poursuivait avec la direction des travaux et l'assistance à la réception. Pourtant aucune préconisation concernant les charges roulantes ne figure dans le cahier des charges techniques particulières. Et l'expert judiciaire s'est étonné que le bureau d'études techniques ait attendu de formaliser auprès du maître de l'ouvrage, après réception et levée des réserves, par un courriel du 25 février 2004, une demande concernant ses souhaits relatifs aux charges sur caniveaux. Ainsi, alors que pèse sur ces deux professionnels de la construction un devoir de conseiller envers le maître de l'ouvrage, qu'il lui appartient de rapporter la preuve de l'exécution de ce devoir, ils sont tous deux défaillants à rapporter cette preuve. Et ils ne démontrent pas que le maître de l'ouvrage était un professionnel de la construction, ou qu'il a entendu, en toute connaissance des contraintes concernant la circulation de charges lourdes dans le hall, s'affranchir de ces contraintes techniques concernant la circulation d'engins lourds, pour réaliser un ouvrage à moindre coût. Ils sont donc tous deux fautifs pour n'avoir pas utilement conseillé le maître de l'ouvrage sur la façon de réaliser un hall d'exposition d'une telle surface, muni de telles ouvertures et équipements permettant une exploitation adaptée, notamment pour décharger les poids lourds y accédant et faire ainsi circuler sur le dallage intérieur et les dalles de couverture des caniveaux, des engins permettant de déplacer puis d'installer des charges lourdes. Les fautes commises, tant par l'architecte, que par le bureau d'études techniques, en raison d'un manquement à leur devoir de conseil au maître de l'ouvrage, ayant chacune été à l'origine de la totalité du préjudice en résultant pour lui, ils doivent être condamnés in solidum à l'indemniser » ;
ALORS QU'en constatant que le maître de l'ouvrage avait omis d'informer les constructeurs de la nécessité de la circulation d'engins à l'intérieur du hall et du déplacement de charges lourdes, tout en énonçant que le bureau d'études était fautif parce qu'il n'avait pas donné au maître d'ouvrage des conseils adaptés portant notamment sur la circulation d'engins à l'intérieur du hall et le déplacement de charges lourdes, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, en violation de l'article 1147 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 15-16981
Date de la décision : 02/06/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

ARCHITECTE ENTREPRENEUR - Responsabilité - Responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage - Obligation de conseil - Etendue - Détermination - Portée

ARCHITECTE ENTREPRENEUR - Responsabilité - Responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage - Obligation de conseil - Applications diverses - Préconisations sur la question des charges lourdes à l'intérieur de l'ouvrage

Manquent à leur devoir de conseil un architecte et un bureau d'étude qui, même si le maître de l'ouvrage ne justifie pas avoir informé les concepteurs de son souhait de faire circuler des charges lourdes à l'intérieur de l'ouvrage, auraient dû, compte tenu des missions qui leur étaient confiées et au vu des caractéristiques et du mode d'exploitation de cet ouvrage, émettre des préconisations sur la question des charges roulantes


Références :

article 1147 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 15 janvier 2015

Sur l'étendue du devoir de conseil du maître d'oeuvre, à rapprocher :3e Civ., 14 janvier 2009, pourvoi n° 07-20245, Bull. 2009, III, n° 8 (rejet) ;3e Civ., 10 février 2010, pourvoi n° 09-11562, Bull. 2010, III, n° 35 (rejet) ;3e Civ., 10 décembre 2014, pourvoi n° 13-24892, Bull. 2014, III, n° 162 (rejet) ;

3e Civ., 15 octobre 2015, pourvoi n° 14-24553, Bull. 2015, III, n° 96 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 02 jui. 2016, pourvoi n°15-16981, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin
Avocat général : M. Kapella
Rapporteur ?: M. Pronier
Avocat(s) : SCP Boulloche, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Odent et Poulet

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.16981
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