LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 25 novembre 2008), que la société civile immobilière le Chiquito (SCI) a fait édifier un "ensemble immobilier" comprenant un hôtel et des commerces ; que la SCI a confié le lot "charpente couverture" à la société Bimet, laquelle a sous-traité à la société Lauzes et Pierres la fourniture et la pose de lauzes de Luzern en guise de toit apparent ; que la société Bimet a été mise en redressement judiciaire; que la société Lauzes et Pierres a assigné la SCI en paiement du solde restant dû par la société Bimet au titre des travaux réalisés en sous-traitance et que la SCI a appelé en garantie la société ERM, chargée de la direction des travaux ;
Sur le moyen unique :
Attendu que la société ERM fait grief à l'arrêt de la condamner à garantir les sommes mises à la charge de la SCI à concurrence de la moitié, alors, selon le moyen :
1°/ que la société ERM qui n'était pas chargée d'une mission complète mais limitée selon les propres constatations de la cour d'appel, à la direction et à la coordination des travaux, à l'assistance à la négociation des marchés restant à finaliser et au pilotage et au suivi financier des travaux et qui n'est intervenue sur le chantier que postérieurement à la conclusion par le maître de l'ouvrage lui-même des contrats avec les constructeurs ayant fait appel à des sous-traitants, ne pouvait être tenue à l'égard de ce maître de l'ouvrage qui plus est professionnel averti, d'une obligation de conseil en raison de la présence d'un sous-traitant non agréé sur le chantier ; qu'en décidant le contraire, l'arrêt attaqué a violé les articles 1134 et 1147 du code civil ;
2°/ que le maître d'oeuvre a tout au plus l'obligation d'informer le maître de l'ouvrage de la présence sur le chantier de sous-traitants non agréés ; que l'obligation de conseil du maître d'oeuvre ne lui fait pas obligation d'informer le maître de l'ouvrage des conséquences du défaut d'agrément d'un sous-traitant ou des aspects juridiques de la sous-traitance ; qu'en l'espèce il résulte d'une lettre du 12 juin 2003 adressée par le maître d'oeuvre à l'entreprise Bimet et en copie à M. X... gérant de la SCI le Chiquito, régulièrement versée aux débats et expressément invoquée par le maître d'oeuvre dans ses conclusions d'appel, que ce dernier avait expressément alerté tant l'entrepreneur principal que le maître de l'ouvrage de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas été agréé et qu'il avait ainsi satisfait à son obligation de conseil ; qu'en considérant que le maître d'oeuvre devait attirer l'attention du maître de l'ouvrage non seulement sur la présence au chantier d'un sous-traitant non agréé mais aussi sur les conséquences financières dommageables susceptibles de résulter pour lui d'une telle situation et qu'il était ainsi débiteur d'une obligation de conseil s'étendant aux aspects juridiques de la sous-traitance et qu'il aurait commis une faute en visant des situations de travaux présentées au paiement du maître d'ouvrage par l'entrepreneur principal Bimet postérieurement au moment où elle a su la présence au chantier de la sous-traitante de cette entreprise, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
3°/ que la déclaration d'une partie ne peut être retenue contre elle comme constituant un aveu que si elle porte sur des points de fait et non des points de droit ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sur le fondement d'une prétendue reconnaissance par la société ERM de ce qu'elle était débitrice d'une obligation de conseil s'étendant aux aspects juridiques de la sous-traitance, la cour d'appel a violé les articles 1354 et suivants du code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la société ERM était liée à la SCI par un contrat de maîtrise d'oeuvre incluant expressément la direction des travaux et leur coordination, exactement retenu qu'il entrait dans la mission contractuelle du maître d'oeuvre d'alerter le maître de l'ouvrage sur la présence au chantier d'un sous-traitant non agréé et relevé que c'est le1er août 2003 que le maître d'ouvrage avait eu de façon certaine connaissance de la présence sur le chantier du sous-traitant, la cour d'appel a pu en déduire, abstraction faite de motifs erronés mais surabondants, que son manquement ayant concouru à la production du dommage la société ERM devait garantir la SCI des sommes mises à sa charge dans une proportion qu'elle a souverainement appréciée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Economie réalisation et management aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux conseils pour la société Economie réalisation et management
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la SARL ERM à relever et garantir les sommes mises à la charge de la SCI Le Chiquito à concurrence de la moitié en cela y compris les dépens de première instance ;
AUX MOTIFS QUE la SARL ERM est liée à la SCI Le Chiquito par un contrat de maîtrise d'oeuvre incluant expressément la direction des travaux, leur coordination ainsi que l'assistance au maître d'ouvrage à la négociation des marchés restant à finaliser outre le pilotage, le suivi financier des travaux et l'établissement des décomptes ; qu'il entrait ainsi contrairement à l'opinion du premier juge, dans la mission contractuelle du maître d'oeuvre d'alerter le maître d'ouvrage sur la présence au chantier d'un sous-traitant non agréé et sur les conséquences financières dommageables susceptibles de résulter pour lui d'une telle situation ; d'ailleurs la SARL ERM qui ne nie pas être le rédacteur de la lettre du 1er août 2003 signée du gérant de la SCI Le Chiquito par laquelle celui-ci souhaite obtenir de la part du sous-traitant «une lettre de désistement concernant une éventuelle action directe », de sorte qu'elle a ainsi nécessairement admis qu'elle était débitrice d'une obligation de conseil s'étendant aux aspects juridiques de la sous-traitance ;qu'elle ne s'en est pas bien acquittée, n'ayant pas correctement renseigné le maître d'ouvrage sur l'importance de la mise en demeure en bonne et due forme qu'il aurait fallu adresser à l'entrepreneur principal ; qu'il est relevé aussi qu'il ressort des pièces versées que la SARL ERM a visé des situations de travaux présentées au paiement du maître d'ouvrage par l'entrepreneur principal Bimet postérieurement au moment où elle a su la présence au chantier de la sous-traitante de cette entreprise, ce qui constitue une faute, dès lors qu'elle ne pouvait ignorer le risque de double paiement auquel le maître d'ouvrage était exposé ; que la SARL ERM doit dans ces conditions, garantir la SCI Le Chiquito de la moitié des sommes mises à sa charge par le premier juge, ses différents manquements ayant concouru à la production du dommage ;
ALORS D'UNE PART, QUE la SARL ERM qui n'était pas chargée d'une mission complète mais limitée selon les propres constatations de la Cour d'appel, à la direction et à la coordination des travaux, à l'assistance à la négociation des marchés restant à finaliser et au pilotage et au suivi financier des travaux et qui n'est intervenue sur le chantier que postérieurement à la conclusion par le maître de l'ouvrage lui-même des contrats avec les constructeurs ayant fait appel à des sous-traitants, ne pouvait être tenue à l'égard de ce maître de l'ouvrage qui plus est professionnel averti, d'une obligation de conseil en raison de la présence d'un sous-traitant non agréé sur le chantier ; qu'en décidant le contraire, l'arrêt attaqué a violé les articles 1134 et 1147 du Code civil ;
ALORS D'AUTRE PART, et en tout état de cause, que le maître d'oeuvre a tout au plus l'obligation d'informer le maître de l'ouvrage de la présence sur le chantier de sous-traitants non agrées ; que l'obligation de conseil du maître d'oeuvre ne lui fait pas obligation d'informer le maître de l'ouvrage des conséquences du défaut d'agrément d'un sous-traitant ou des aspects juridiques de la sous-traitance ; qu'en l'espèce il résulte d'une lettre du 12 juin 2003 adressée par le maître d'oeuvre à l'entreprise Bimet et en copie à Monsieur X... gérant de la SCI Le Chiquito, régulièrement versée aux débats (pièce numéro 10) et expressément invoquée par le maître d'oeuvre dans ses conclusions d'appel, que ce dernier avait expressément alerté tant l'entrepreneur principal que le maître de l'ouvrage de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas été agréé et qu'il avait ainsi satisfait à son obligation de conseil ; qu'en considérant que le maître d'oeuvre devait attirer l'attention du maître de l'ouvrage non seulement sur la présence au chantier d'un sous-traitant non agréé mais aussi sur les conséquences financières dommageables susceptibles de résulter pour lui d'une telle situation et qu'il était ainsi débiteur d'une obligation de conseil s'étendant aux aspects juridiques de la sous-traitance et qu'il aurait commis une faute en visant des situations de travaux présentées au paiement du maître d'ouvrage par l'entrepreneur principal Bimet postérieurement au moment où elle a su la présence au chantier de la sous-traitante de cette entreprise, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;
ALORS, ENFIN, QUE la déclaration d'une partie ne peut être retenue contre elle comme constituant un aveu que si elle porte sur des points de fait et non des points de droit ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sur le fondement d'une prétendue reconnaissance par la société ERM de ce qu'elle était débitrice d'une obligation de conseil s'étendant aux aspects juridiques de la sous-traitance, la Cour d'appel a violé les articles 1354 et suivants du Code civil.