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14/04/2016 | FRANCE | N°15-16831

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 14 avril 2016, 15-16831


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 706-11 du code de procédure pénale ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été victime d'une agression dont M. Y..., mineur au moment des faits, a été reconnu coupable par un tribunal pour enfants ; qu'une commission d'indemnisation des victimes d'infraction (la CIVI) a indemnisé Mme X... de son préjudice ; que le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (le FGTI) a assigné la Mut

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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 706-11 du code de procédure pénale ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été victime d'une agression dont M. Y..., mineur au moment des faits, a été reconnu coupable par un tribunal pour enfants ; qu'une commission d'indemnisation des victimes d'infraction (la CIVI) a indemnisé Mme X... de son préjudice ; que le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (le FGTI) a assigné la Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France (l'assureur), assureur de M. et Mme Y..., en remboursement des indemnités versées à la victime ; que l'assureur a contesté l'évaluation des préjudices retenue par la CIVI ;
Attendu que, pour condamner l'assureur à payer au FGTI une certaine somme correspondant à celle allouée à la victime par la CIVI, l'arrêt, après avoir relevé que l'assureur contestait l'évaluation du préjudice de celle-ci, retient que le jugement par lequel la CIVI a liquidé le préjudice de Mme X... est définitif et que le FGTI est donc subrogé pour l'intégralité des sommes versées à la victime ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la décision de la CIVI ne s'impose pas à l'auteur de l'infraction ou à son assureur qui peuvent, dans l'instance sur recours subrogatoire, discuter l'existence et le montant des indemnités allouées en réparation des préjudices de la victime, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 septembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions ; le condamne à payer à la société Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France la somme de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze avril deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la société Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Macif à payer au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorismes et d'autres infractions, la somme de 166.262,52 euros, outre la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « il est constant que Mme X... a régulièrement saisi la CIVI, le 3 octobre 2003, aux fins de désignation d'expert et d'allocation d'une provision ; qu'il a été fait droit à ses demandes sur ces deux points par ordonnance de la présidente de la CIVI du 2 février 2004 ; que le 15 juin 2004, le professeur Z... retenait dans son rapport une IPP de 48%, appréciation beaucoup plus favorable à la victime que celle retenue par le premier expert, M. A....
Le 11 mai 2005, à la demande de la Macif, qui mettait l'accent sur la divergence des appréciations des experts appelés à examiner Mme X..., le Tribunal pour enfants désignait un collège d'experts et dès le lendemain, Mme X... sollicitait auprès de la CIVI, ainsi qu'elle en avait la faculté, la liquidation de son préjudice sur le fondement du rapport Z..., désigné par le président de la CIVI ; elle se désistait parallèlement de ses demandes devant le Tribunal pour enfants.
Cette liquidation est intervenue par jugement du 16 janvier 2006. La CIVI lui a, en effet, alloué la somme de 153.112 euros en réparation de son préjudice corporel, déduction faite de la créance de la CPAM et celle de 12.700 euros au titre de son préjudice personnel, outre la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civil.
Ce jugement ainsi que le relève le Tribunal de Nanterre, est définitif ; le préjudice de Mme X... a été régulièrement liquidé. Le rapport Hamard et Dubec n'a par lui-même aucune autorité susceptible d'être opposée au jugement de liquidation.
Le fait que la Macif ne soit partie ni à l'expertise diligentée par le président de la CIVI ni à la liquidation du préjudice de la victime par la commission, n'entame en rien le recours subrogatoire que le Fonds de garantie tire de l'article 706-11 du Code de procédure pénale, dès lors qu'il a versé les fonds à la victime conformément à la décision de la CIVI et qu'il est habilité à obtenir des personnes responsables du dommage causé par l'infraction, le remboursement de l'indemnité ou de la provision qu'il a versée, dans la limite du montant des réparations mises à la charge desdites personnes.
La Macif ne peut affirmer ainsi qu'elle le fait que le montant de la dette de responsabilité des consorts Y... à l'égard de la victime ne pouvait qu'être fixé en ouverture du rapport Hamard Dubec. L'entière responsabilité de Bouziane Y... a été retenue par le Tribunal pour enfants et le préjudice résultant de l'infraction a été liquidé par la CIVI.
Le Fonds de garantie est donc subrogé pour l'intégralité des sommes versées à la victime, à l'encontre de la Macif » ;
AUX MOTIFS ADOPTES QU' « il est constant et établi par les éléments du dossier que le Fonds de garantie a payé à Mme X..., victime de l'infraction pénale commise par le mineur Bouziane Y..., la somme totale de 166.562,52 euros se décomposant comme suit :
- Au titre du préjudice corporel : 153.112,52 euros - Au titre du préjudice personne : 12.700 euros - Au titre de l'article 700 du Code de procédure civile : 750 euros.
Cela en exécution du jugement rendu le 16 janvier 2006 par la CIVI sur la base du rapport d'expertise du docteur Z... désigné par ordonnance du président de la commission en date du 2 février 2004.
Ce jugement régulièrement obtenu par Mme X... est définitif faute d'avoir été frappé d'appel, s'impose aux civilement responsables et à leur assureur la MACIF.
La victime était en droit de faire réparer son préjudice par la CIVI et de se désister de sa constitution de partie civile devant la juridiction répressive, en l'occurrence le Tribunal pour enfants.
Si ce Tribunal avait statué sur l'action civile jusqu'à son terme et sur la base du collège d'experts qu'il avait désigné, en allouant à la victime une indemnité moins importante que celle allouée par le CIVI puisque les conclusions du collège d'experts sont beaucoup moins favorables à la victime que celles du docteur Z..., Mme X... aurait néanmoins en le droit de se prévaloir du jugement de la CIVI et de le faire exécuter.
Il se déduit, en effet, de l'article 706-8 du Code de procédure pénale, lequel dispose « lorsque la juridiction statuant sur les intérêts civils a alloué des dommages et intérêts d'un montant supérieur à l'indemnité allouée par la commission, la victime peut demander un complément d'indemnité. Elle doit présenter sa demande dans un délai d'un an après que la décision statuant sur les intérêts civils est devenue définitive », que la décision de la CIVI prévaut sur celle de la juridiction répressive ».
La Macif est dont mal fondée à remettre en cause le droit à indemnisation tel qu'obtenu par la victime par jugement de la CIVI en date du 16 janvier 2006.
Le Fonds de garantie est quant à lui bien-fondé, par application de l'article 706-11 du Code de procédure pénale précité, à demander aux civilement responsables des conséquences de l'infraction (en l'espèce les parents de l'auteur de l'infraction) le remboursement de l'indemnité ou de la provision versée par lui, dans la limite du montant des réparations à la charge desdites personnes.
Le montant de l'indemnité qu'elle a versée à la victime s'élève à 166.562,52 euros, somme qui constitue la limite du montant de la réparation mise à la charge des civilement responsables dès lors que la juridiction répressive ne statuera pas sur la constitution de partie civile de Mme X... dont celle-ci s'est désistée » (jugement p. 3 et 4).
1°) ALORS QUE dans l'instance sur recours subrogatoire du Fonds de garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et d'Autres Infractions, l'auteur d'une infraction, ou son assureur, est en droit d'opposer à ce dernier les exceptions qu'il aurait été en mesure d'opposer à la victime subrogeante et notamment de discuter l'existence et le montant des indemnités allouées en réparation des préjudices subis ; qu'en jugeant que la Macif devait rembourser au Fonds de garantie des Victimes le montant de l'indemnisation allouée par lui à la victime et que l'assureur n'était pas fondé à faire procéder à une évaluation différente du préjudice de la victime dès lors que la décision de la CIVI serait définitive, la Cour d'appel a violé l'article 706-11 du Code de procédure pénale ;
2°) ALORS QUE dans l'instance sur recours subrogatoire du Fonds de garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et d'Autres Infractions, l'auteur d'une infraction, ou son assureur, est en droit d'opposer à ce dernier les exceptions qu'il aurait été en mesure d'opposer à la victime subrogeante et notamment de discuter l'existence et le montant des indemnités allouées en réparation des préjudices subis ; qu'en estimant qu'il résulterait des termes de l'article 706-8 du Code de procédure pénale, qui permet à la victime, qui a obtenu de la juridiction de droit commun une indemnisation supérieure à celle que lui avait accordée le Fonds, d'obtenir le paiement de cette somme par le Fonds, que la décision de la CIVI s'impose à l'assureur du responsable relativement au montant de l'indemnisation allouée à la victime, la Cour d'appel l'a violé, par fausse application, ainsi que l'article 706-11 du Code de procédure pénale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 15-16831
Date de la décision : 14/04/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

FONDS DE GARANTIE - Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions - Recours subrogatoire - Défendeur - Droit d'opposer les moyens de défense qu'il aurait été en mesure d'opposer à la victime subrogeante - Portée

INDEMNISATION DES VICTIMES D'INFRACTION - Indemnité - Indemnité fixée par la commission d'indemnisation des victimes d'infractions - Remboursement - Recours subrogatoire - Défendeur - Droit d'opposer les moyens de défense qu'il aurait été en mesure d'opposer à la victime subrogeante - Portée

La décision de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) ne s'impose pas à l'auteur de l'infraction ou à son assureur qui peuvent, dans l'instance sur recours subrogatoire prévue à l'article 706-11 du code de procédure pénale, discuter l'existence et le montant des indemnités allouées en réparation des préjudices de la victime. Par conséquent, méconnaît cette disposition la cour d'appel qui retient que le jugement par lequel la CIVI a liquidé le préjudice est définitif et que le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) est donc subrogé pour l'intégralité des sommes versées à la victime


Références :

article 706-11 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 25 septembre 2014

Sur la possibilité pour le défendeur à l'instance introduite par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, de soulever les exceptions et moyens de défense qu'il aurait été en mesure d'opposer à la victime subrogeante, à rapprocher :2e Civ., 14 janvier 2016, pourvoi n° 15-13040, Bull. 2016, II, n° ??? (cassation)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 14 avr. 2016, pourvoi n°15-16831, Bull. civ. d'information 2016 n° 849, II, n° 1209
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles d'information 2016 n° 849, II, n° 1209

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Avocat général : M. Lavigne
Rapporteur ?: Mme Bohnert
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Delaporte et Briard

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.16831
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