LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 décembre 2014), que, le 11 avril 2002, en Tunisie, Nizar X... a commis un attentat terroriste, en provoquant l'explosion d'un camion, qui a entraîné la mort ou causé des blessures à de nombreuses personnes ; qu'à la suite de ces faits M. Walid X... et M. Y... ont été condamnés par la cour d'assises spéciale de Paris pour complicité d'assassinats et complicité de tentatives d'assassinats ainsi que pour participation à un groupe terroriste, faits commis en France s'agissant de M. X... ; que M. Thomas Z..., M. Lars Z..., M. Max A..., Mme Claudia B..., M. Rainer B..., M. Fabian B..., Mme Selina B..., M. Michael C..., Mme Andrea C..., M. Adrian C..., représenté par son père M. Michael C..., M. Herbert E..., M. Emil D..., victimes de nationalité allemande (les victimes), ont saisi d'une demande d'indemnisation le fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (le FGTI) ; qu'en raison de son refus, les victimes l'ont assigné devant un tribunal de grande instance ;
Attendu que les victimes font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes d'indemnisation, alors, selon le moyen :
1°/ que les victimes d'actes de terrorisme commis sur le territoire national sont indemnisées dans les conditions définies aux articles L. 422-1 à L. 422-3 du Code des assurances par le FGTI ; qu'en l'espèce, plusieurs actes de terrorisme, qui ont chacun contribué à la réalisation des préjudices des victimes, ont été imputés à MM. Walid X... et Christian Y... condamnés définitivement par la cour d'assises spéciale de Paris par un arrêt du 18 mai 2010 ; que s'agissant des actes de terrorisme commis par M. Walid X...- d'une part, avoir sciemment, par aide ou assistance, facilité la préparation ou la consommation d'assassinats et de tentatives d'assassinats avec cette circonstance que les faits ont été commis intentionnellement en relation avec une entreprise ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intermédiaire de la terreur et, d'autre part, avoir sciemment participé à un groupement formé ou à une entente établie, en vue de la préparation caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'actes de terrorisme-ils ont été commis en France, en l'occurrence à Saint-Priest, à Lyon et à Paris ; qu'en jugeant, pour débouter les exposants de leur action, que l'acte de terrorisme dont ils ont été victimes a été commis à l'étranger, à Tunis, lieu de l'attentat suicide, quand ils ont été victimes en réalité de plusieurs actes de terrorisme dont certains, qui ont contribué à la réalisation de leurs préjudices, ont été commis sur le territoire national, ce qui fondait leurs demandes indemnitaires formulées à l'encontre du FGTI, la cour d'appel a violé les articles L. 126-1 du code des assurances et les articles 421-1 et 421-2-1 du code pénal ;
2°/ que, en retenant, pour débouter les victimes de leur action, que l'acte de terrorisme dont ils ont été victimes a été commis à l'étranger, à Tunis, lieu de l'attentat-suicide, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si, sans tenir compte du lieu de l'attentat, des actes de terrorisme n'avaient pas été commis en France et s'ils ne fondaient pas à eux seuls, au regard des textes applicables, leur action indemnitaire dirigée à l'endroit du FGTI, la cour d'appel a violé les articles L. 126-1 du code des assurances et les articles 421-1 et 421-2-1 du code pénal ;
3°/ que les coauteurs d'un même dommage, ayant concouru à le causer en entier par leurs actes respectifs, doivent être condamnés envers la victime à en assurer l'entière réparation ; qu'en estimant néanmoins, pour débouter les exposants de leur action, que l'acte de terrorisme dont ils ont été victimes ne peut être que l'acte générateur du dommage, lequel a été commis sur le territoire tunisien, quand d'autres actes de terrorisme, commis par M. Walid X... sur le territoire français, ont pourtant également concouru à ce même dommage, ce dont il résultait que les victimes avaient bien souffert d'un préjudice causé notamment par des actes de terrorisme commis en France, la cour d'appel a violé articles L. 126-1 du code des assurances et les articles 421-1 et 421-2-1 du code pénal, ensemble l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu qu'il résulte des articles L. 126-1, L. 422-1 et R. 422-6 du code des assurances que le FGTI assure, hors de toute recherche de responsabilité, la réparation intégrale des dommages résultant d'une atteinte à la personne des victimes d'actes de terrorisme commis sur le territoire national, quelle que soit leur nationalité, et des victimes de ces mêmes actes commis à l'étranger, lorsqu'elles sont de nationalité française ; qu'au sens de ces textes, le lieu de commission de ces actes est celui où survient l'atteinte à la personne de la victime ;
Que, dès lors, c'est à bon droit qu'ayant constaté que les victimes avaient été blessées en Tunisie et étaient de nationalité allemande, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise visée à la deuxième branche, a décidé qu'elles ne pouvaient bénéficier de l'indemnisation prévue aux textes précités ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Z..., les consorts B..., les consorts C...et MM. Reichwald, E... et Matthes.
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les exposants de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires formulées à l'encontre du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions ;
Aux motifs que « la suite de l'attentat kamikaze commis le 11 avril 2002 par Nizar X... devant la synagogue La Ghriba de Djerba en Tunisie ayant, du fait de l'explosion d'un camion-citerne, provoqué la mort de plus de vingt personnes et occasionné des blessures très graves à plusieurs autres victimes, MM. Walid X... et Christian Y... ont été condamnés par la cour d'assises spéciale de Paris, le 5 février 2009, pour complicité d'assassinats et de tentatives d'assassinats et pour participation à des actes de terrorisme ;
Que, par arrêt sur intérêts civils en date du 18 mai 2010, la cour d'assises a déclaré recevables et bien fondées les constitutions de partie civile du Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et d'Autres Infractions, ès qualités de subrogé dans les droits des victimes françaises indemnisées par ses soins, et de vingt-et-une victimes allemandes-parmi lesquelles les demandeurs à la présente instance-et a condamné solidairement MM. Walid X... et Christian Y...à leur payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis ;
Que les douze ressortissants allemands appelants sollicitent ici la condamnation du Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et d'Autres Infractions à les indemniser de leurs préjudices à hauteur des sommes allouées par la cour d'assises, sous déduction des sommes qu'ils reconnaissent avoir reçues dans leur pays ;
Considérant que le tribunal a justement rappelé le mécanisme et les conditions de l'intervention du Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et d'Autres Infractions ; que le fonds se substitue au responsable de l'événement pour indemniser les victimes afin d'assurer la réparation intégrale des dommages corporels résultant d'actes de terrorisme dans le cadre d'un mécanisme fondé sur la solidarité nationale ; que le fonds est débiteur à titre principal de l'indemnisation à l'égard de la victime niais n'est pas garant de la dette du responsable ; que l'indemnisation est détachée de tous problèmes de responsabilité et d'assurance et répond à des conditions propres ; qu'eu égard à ces principes, c'est à bon droit que le tribunal a retenu qu'il ne pouvait être déduit de la seule condamnation de MM. Walid X... et Christian Y... par la cour d'assises l'obligation d'indemnisation du Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et d'Autres Infractions ;
Considérant que les conditions de l'indemnisation sont définies par l'article L 126-1 du code des assurances qui prévoit « Les victimes d'actes de terrorisme commis sur le territoire national, les personnes de nationalité française victimes à l'étranger de ces mêmes actes ainsi que leurs ayants droit, quelle que soit leur nationalité, sont indemnisés dans les conditions définies aux articles L. 422-1 à L. 422-3. » sont recevables à réclamer l'indemnisation du fonds de garantie, les victimes françaises quel que soit le lieu de commission de l'acte de terrorisme et les victimes d'un acte de terrorisme commis sur le territoire national quelle que soit leur nationalité ;
Qu'il doit être retenu, concernant les victimes étrangères d'un acte de terrorisme, que la condition de commission sur le territoire national implique que l'acte dommageable ait été commis sur le territoire national, de sorte que c'est le lieu de la survenance de l'événement à l'origine des préjudices corporels dont il est réclamé l'indemnisation qui doit être pris en compte pour apprécier la recevabilité de la demande ;
Qu'en l'espèce, il apparaît que les demandeurs, étant de nationalité allemande, ne peuvent prospérer en leurs demandes qu'à la condition que l'acte de terrorisme dont ils ont été victimes ai (en) t été commis sur le territoire national ; que force est de constater que, si M. Walid X... a été condamné pour « avoir, à Saint-Priest et à Lyon, du mois d'août 2001 au mois d'avril 2002, sciemment participé à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'actes de terrorisme mentionnés à l'article 421-1 du code pénal », l'événement à l'origine des préjudices subis par les victimes s'est réalisé en Tunisie ;
Que c'est en vain, au regard des dispositions particulières sus-rappelées gouvernant le mécanisme de l'indemnisation par le fonds de garantie au titre de la solidarité nationale, que les appelants invoquent l'autorité de chose jugée de la décision de la cour d'assises sur intérêts civils du 18 mai 2010 ayant condamné MM. Walid X... et Christian Y... à les indemniser et soutiennent que le lien de causalité entre l'acte de terrorisme et les préjudices subis aurait été ainsi reconnu ; qu'au demeurant, il doit être observé que la cour a reçu leur constitution de partie civile au titre des préjudices résultant des assassinats et tentatives d'assassinats commis en Tunisie dont les deux accusés avaient été déclarés complices ;
Qu'il convient en conséquence de débouter M. Thomas Z..., M. Lars Z..., M. Max A..., M. Rainer B..., M. Fabian B..., Mine Claudia B..., Mme Selina B..., M. Michael C..., M. Adrian C..., Mme Andrea C..., M. Herbert Friedrich E... et M. Emil Martin D...de leur appel et de confirmer le jugement déféré » ;
Alors, d'une part, que les victimes d'actes de terrorisme commis sur le territoire national sont indemnisées dans les conditions définies aux articles L. 422-1 à L. 422-3 du Code des assurances par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions ; qu'en l'espèce, plusieurs actes de terrorisme, qui ont chacun contribué à la réalisation des préjudices des victimes, ont été imputés à Messieurs Walid X... et Christian Y... condamnés définitivement par la Cour d'Assises spéciale de Paris par un arrêt du 18 mai 2010 ; que s'agissant des actes de terrorisme commis par Monsieur Walid X...-d'une part, avoir sciemment, par aide ou assistance, facilité la préparation ou la consommation d'assassinats et de tentatives d'assassinats avec cette circonstance que les faits ont été commis intentionnellement en relation avec une entreprise ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intermédiaire de la terreur et, d'autre part, avoir sciemment participé à un groupement formé ou à une entente établie, en vue de la préparation caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'actes de terrorisme-ils ont été commis en France, en l'occurrence à Saint-Priest, à Lyon et à Paris ; qu'en jugeant, pour débouter les exposants de leur action, que l'acte de terrorisme dont ils ont été victimes a été commis à l'étranger, à Tunis, lieu de l'attentat-suicide, quand ils ont été victimes en réalité de plusieurs actes de terrorisme dont certains, qui ont contribué à la réalisation de leurs préjudices, ont été commis sur le territoire national, ce qui fondait leurs demandes indemnitaires formulées à l'encontre du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, la Cour d'appel a violé les articles L. 126-1 du Code des assurances et les articles 421-1 et 421-2-1 du Code pénal ;
Alors, d'autre part, qu'en retenant, pour débouter les exposants de leur action, que l'acte de terrorisme dont ils ont été victimes a été commis à l'étranger, à Tunis, lieu de l'attentat-suicide, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si, sans tenir compte du lieu de l'attentat, des actes de terrorisme n'avaient pas été commis en France et s'ils ne fondaient pas à eux seuls, au regard des textes applicables, leur action indemnitaire dirigée à l'endroit du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, la Cour d'appel a violé les articles L. 126-1 du Code des assurances et les articles 421-1 et 421-2-1 du Code pénal ;
Alors, d'autre part, que les coauteurs d'un même dommage, ayant concouru à le causer en entier par leurs actes respectifs, doivent être condamnés envers la victime à en assurer l'entière réparation ; qu'en estimant néanmoins, pour débouter les exposants de leur action, que l'acte de terrorisme dont ils ont été victimes ne peut être que l'acte générateur du dommage, lequel a été commis sur le territoire tunisien, quand d'autres actes de terrorisme, commis par Monsieur Walid X... sur le territoire français, ont pourtant également concouru à ce même dommage, ce dont il résultait que les victimes avaient bien souffert d'un préjudice causé notamment par des actes de terrorisme commis en France, la Cour d'appel a violé articles L. 126-1 du Code des assurances et les articles 421-1 et 421-2-1 du Code pénal, ensemble l'article 1382 du Code civil.