LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 mai 2014), que Benjamin X... est né le 16 avril 1983 de Mme X..., qui l'a reconnu ; que, par actes des 17 juin 2010 et 1er juin 2011, il a assigné, respectivement, Mme Y..., mère de Bernard Y..., décédé en 1987, et M. Gil Y..., fils de ce dernier, en leur qualité d'héritiers, pour voir constater l'existence d'une possession d'état d'enfant du défunt et juger qu'il était le fils de ce dernier ;
Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action exercée par M. X... et de dire qu'il est le fils de Bernard Y... alors, selon le moyen,
1°/ que l'action en recherche de paternité doit, à peine d'irrecevabilité, être intentée à l'encontre du père prétendu ou, s'il est décédé, de ses héritiers ; que, selon les dispositions des articles 731 et 745 et suivants du code civil, dans leur version applicable à la succession de Bernard Y..., les ascendants du défunt n'avaient vocation à hériter que si celui-ci était mort sans postérité ; qu'en considérant, pour dire que l'assignation adressée à Mme Andrée Y... prise en sa qualité de mère de Bernard Y... avait valablement interrompu le délai de prescription, que celle-ci avait la qualité d'héritière de son fils après avoir pourtant relevé qu'au jour de son décès, ce dernier avait un fils, M. Gil Y..., encore vivant, ce qui faisait obstacle à ce que la mère du défunt ait la qualité d'héritière, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 731 et 745 et suivants du code civil dans leur version en vigueur avant la loi n° 2001-1135 du 31 décembre 2001, 321, 327, 330 et 2241 du code civil ;
2°/ que, pour avoir un effet interruptif de prescription, la demande en justice doit être adressée à l'encontre de celui qu'on veut empêcher de prescrire et non à un tiers ; qu'en considérant que l'assignation délivrée à Mme Andrée Y..., le 17 juin 2010, avait valablement interrompu le délai de prescription de l'action en recherche de paternité, même à l'égard de M. Gil Y..., seul héritier de Bernard Y..., cependant qu'adressée un tiers qui n'avait pas la qualité pour défendre, l'assignation du 16 avril 2010, qui n'était pas entaché d'un vice de procédure au sens de l'article 2241 du code civil, était dépourvu d'effet interruptif à l'égard de M. Gil Y... qui avait seul qualité pour défendre à l'action en recherche de paternité, la cour d'appel a violé les articles 321, 327, 328, 330 et 2241 du code civil ;
3°/ qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir ; que si cette fin de non-recevoir peut être régularisée avant que le juge ne statue, encore faut-il qu'elle le soit avant toute forclusion ; qu'en considérant encore que M. X... avait valablement assigné M. Gil Y..., en sa qualité d'héritier, le 17 juin 2011 (en réalité 1er juin), et que cette assignation avait été jointe à celle du 17 juin 2010, cependant qu'elle avait constaté que le délai de prescription de l'action en recherche de paternité expirait le 16 avril 2011, de sorte que l'assignation du 1er juin 2011, intervenue après l'expiration du délai de prescription, n'avait pas régularisé l'action avant l'expiration du délai de prescription, la cour d'appel a violé les articles 32, 125 et 126 du code de procédure civile;
Mais attendu qu'il résulte des articles 2222, alinéa 2, et 330 du code civil, ce dernier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005, que, la loi substituant le délai de prescription décennale de l'action en constatation de la possession d'état au délai de prescription trentenaire étant entrée en vigueur le 1er juillet 2006, le nouveau délai court à compter de cette date, sous réserve que la durée totale de prescription n'excède pas la durée prévue par la loi antérieure ; que la cour d'appel ayant constaté que M. X... avait assigné M. Gil Y..., fils de Bernard Y..., en sa qualité d'héritier, le 1er juin 2011, il en résulte que le délai de dix ans prévu par le second des textes susvisés n'était pas expiré à cette date, sans que la durée totale de prescription excède la durée de trente ans prévue par la loi antérieure ; que, par ce motif de pur droit substitué, dans les conditions prévues à l'article 1015 du code de procédure civile, à ceux critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne in solidum à payer à la SCP Waquet, Farge, Hazan la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour les consorts Y....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR déclaré recevable l'action en recherche de paternité intentée par M. X... et D'AVOIR dit que M. X... était le fils de Bernard Y... ;
AUX MOTIFS QUE l'article 327 du code civil réserve l'action en recherche de paternité à l'enfant qui l'exerce contre son père prétendu ou les héritiers de celui-ci ; qu'en vertu de l'article 321 du code civil, sauf lorsqu'elles sont enfermées par la loi dans un autre délai, les actions relatives à la filiation se prescrivent par dix ans à compter du jour où la personne a été privée de l'état qu'elle réclame, ou a commencé à jouir de l'état qui lui est contesté ; qu'à l'égard de l'enfant, ce délai est suspendu pendant sa minorité ; que c'est à tort que les intimés soutiennent que l'action de Benjamin X... est enfermée par l'article 328 du code civil dans sa version à la date de l'assignation, dans un délai de cinq ans ; que ce texte renvoyait, en effet, à l'article 464, aliéna 3, lequel instaure certes une prescription quinquennale, mais ce régime dérogatoire ne concerne que l'action intentée par la parent à l'égard duquel la filiation est déjà établie ; qu'en application de l'article 321, Benjamin X..., né le 16 avril 1983 et devenu majeur le 16 avril 2001, devait donc introduire son action contre les héritiers de Bernard Y..., décédé, avant le 16 avril 2001, ce qu'il a fait le 17 juin 2010 en assignant Mme Andrée Y... ; qu'or, il résulte de l'article 2241 du code civil que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ; qu'il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine est annulé par l'effet d'un vice de forme ; que l'assignation litigieuse a, en conséquence, interrompu le délai de prescription de l'action jusqu'à l'extinction de l'instance, de sorte que l'acte du 17 juin 2011 a pu être valablement délivré pendant le cours de cette procédure ; que l'assignation de Gil Y... en qualité d'héritier de Bernard Y... a été jointe à l'instance le 3 octobre 2011 ; que la prescription n'est en conséquence pas acquise ;
ALORS. 1 °), QUE l'action en recherche de paternité doit, à peine d'irrecevabilité, être intentée à l'encontre du père prétendu ou, s'il est décédé, de ses héritiers ; que, selon les dispositions des articles 731 et 745 et suivants du code civil, dans leur version applicable à la succession de Bernard Y..., les ascendants du défunt n'avaient vocation à hériter que si celui-ci était mort sans postérité ; qu'en considérant, pour dire que l'assignation adressée à Mme Andrée Y... prise en sa qualité de mère de Bernard Y... avait valablement interrompu le délai de prescription, que celle-ci avait la qualité d'héritière de son fils après avoir pourtant relevé qu'au jour de son décès, ce dernier avait un fils, M. Gil Y..., encore vivant, ce qui faisait obstacle à ce que la mère du défunt ait la qualité d'héritière, la cour d'appel. gui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations. a violé les articles 731 et 745 et suivants du code civil dans leur version en vigueur avant la loi no 2001-1135 du 31 décembre 2001, 321, 327, 330 et 2241 du code civil ;
ALORS, 2°), QUE pour avoir un effet interruptif de prescription, la demande en justice doit être adressée à l'encontre de celui qu'on veut empêcher de prescrire et non à un tiers ; qu'en considérant que l'assignation délivrée à Mme Andrée Y..., le 17 juin 2010, avait valablement interrompu le délai de prescription de l'action en recherche de paternité, même à l'égard de M. Gil Y..., seul héritier de Bernard Y..., cependant qu'adressée un tiers qui n'avait pas la qualité pour défendre, l'assignation du 16 avril 2010, qui n'était pas entaché d'un vice de procédure au sens de l'article 2241 du code civil, était dépourvu d'effet interruptif à l'égard de M. Gil Y... qui avait seul qualité pour défendre à l'action en recherche de paternité , la cour d'appel a violé les articles 321 . 327. 328. 330 et 2241 du code civil ;
ALORS, 3°), QU'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir ; que si cette fin de non-recevoir peut être régularisée avant que le juge ne statue, encore faut-il qu'elle le soit avant toute forclusion ; qu'en considérant encore que M. X... avait valablement assigné M. Gil Y..., en sa qualité d'héritier, le 17 juin 2011 (en réalité 1er juin), et que cette assignation avait été jointe à celle du 17 juin 2010, cependant qu'elle avait constaté que le délai de prescription de l'action en recherche de paternité expirait le 16 avril 2011, de sorte que l'assignation du 1er juin 2011, intervenue après l'expiration du délai de prescription, n'avait pas régularisé l'action avant l'expiration du délai de prescription, la cour d'appel a violé les articles 32. 125 et 126 du code de procédure civile.