LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Marcel X... a souscrit auprès d'une agence de la société caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud Rhône Alpes (la banque) un contrat de coffre-fort ; qu'à la suite de son décès, la clé a été restituée à la banque par son fils, M. Michel X... ; que, lors des opérations de liquidation de la succession, il a été constaté que le coffre-fort était vide ; que, reprochant à la banque un manquement à son obligation de gardiennage, Mme Y..., fille du défunt, l'a assignée en paiement de diverses sommes ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour exclure la responsabilité de la banque, l'arrêt retient que, malgré le défaut de justification d'une procuration de Marcel X... au bénéfice de son fils Michel, il n'est pas contesté que celui-ci était son mandataire ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions, Mme Y...contestait expressément l'existence d'une procuration valable et à durée indéterminée pour l'accès au coffre-fort mis par la banque à la disposition de Marcel X..., la cour d'appel, qui a méconnu l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1984 du code civil ;
Attendu que, pour retenir que Marcel X... avait donné procuration à son fils Michel pour accéder au coffre-fort mis à sa disposition par la banque, l'arrêt retient que c'est ce dernier qui a restitué la clé du coffre-fort au décès de son père ;
Qu'en se déterminant ainsi, par un motif impropre à établir l'existence du mandat contesté par Mme Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et sur le moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1315 du code civil ;
Attendu que pour rejeter les demandes de Mme Y..., l'arrêt, après avoir énoncé que le contrat de mise à disposition d'un coffre-fort par une banque imposant seulement à celle-ci une obligation de surveillance et de garde et non une obligation de garantie, la responsabilité de la banque est fondée sur sa faute, qu'il incombe au client d'établir, retient que Mme Y...ne démontre pas que la banque a autorisé l'accès du coffre-fort à une personne autre que son titulaire et son mandataire, M. Michel X... ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la banque qui met un coffre-fort à la disposition d'un client est tenue d'une obligation de surveillance qui lui impose d'établir qu'elle a accompli toutes les diligences utiles pour en contrôler l'accès par un tiers, fût-il muni d'une clé, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 mai 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société caisse régionale de Crédit agricole mutuel Sud Rhône Alpes aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à Mme Y...la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour Mme Y....
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement entrepris, en ce qu'il avait débouté Mme Y...de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE si aucun contrat de location de coffre-fort n'avait pu être produit, tant par la banque que par la succession X..., son existence était établie par le prélèvement annuel d'un loyer depuis 1997 ; qu'en outre, malgré le défaut de justification d'une procuration de M. Marcel X... au profit de son fils Michel, il n'était pas contesté que celui-ci était son mandataire ; qu'il avait d'ailleurs restitué la clef du coffre-fort au décès de M. Marcel X... ; que le contrat de louage de coffre-fort impose seulement à la banque une obligation de surveillance et de garde et non une obligation de garantie, puisque le client dispose d'un droit d'accès permanent à son coffre et ce, sans contrôle de la bailleresse ; que, dès lors, la responsabilité était fondée sur la faute de la banque ; qu'il incombait au client d'en démontrer les conditions d'existence et d'imputabilité ; que Mme Y...sur laquelle reposait la charge de la preuve d'une faute de la banque ne pouvait exiger de la part de la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Rhône Alpes qu'elle justifie avoir interdit l'accès au coffre-fort d'une personne non autorisée, alors qu'elle-même ne démontrait aucunement que la banque avait autorisé l'accès au coffre-fort à une personne autre que M. Marcel X... ou son mandataire ; que, d'ailleurs, la banque n'était plus obligée à la tenue d'un carnet de visite ; qu'il ne pouvait être tiré argument du défaut de production du contrat de location et de la procuration au bénéfice de M. Michel X... ; que Mme Y...n'administrant la démonstration d'aucune faute de la banque en lien de causalité avec un préjudice pour l'indivision X..., c'était à bon droit que le tribunal l'avait déboutée de l'ensemble de ses prétentions ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE le contrat de louage de coffre-fort par une banque entraîne pour elle une obligation particulière de surveillance ; qu'en l'espèce, il était reproché à la banque d'avoir laissé vider le coffre-fort par une personne non-habilitée à y accéder alors que l'obligation de surveillance à laquelle elle était tenue lui faisait obligation de contrôler cet accès ; que la CRCAM faisait état dès le 5 décembre 2000 de la qualité de mandataire de M. Michel X..., ce qui n'était pas contesté, malgré la perte de la procuration par la banque ; qu'elle expliquait dans ce courrier que le décès de M. Marcel X... avait été connu par elle le 27 août 2000, à réception d'un courrier du notaire, Me Z... ; que la CRCAM précisait que : « Le même jour, notre agence de St Ismier a reçu par courrier PTT expédié par M. X... Michel, la clé du coffre de M. X... Marcel » ; qu'avant la connaissance qu'elle avait pu avoir du décès de M. X..., la banque n'était tenue que d'une vérification de l'habilitation du mandataire pour lui laisser un éventuel accès au coffre-fort ; qu'il ne pouvait donc lui être reproché aucune faute particulière de surveillance dans le cas où elle aurait laissé le mandataire habituel du locataire accéder au coffre-fort jusqu'au 20 août 2000 ; qu'en conséquence, la CRCAM n'avait commis aucun manquement à son obligation de surveillance et Mme Y...devait être déboutée de sa demande ;
1° ALORS QUE les juges du fond ne peuvent modifier les termes du litige ; qu'en énonçant qu'il n'était pas contesté que M. Michel X... avait la qualité de mandataire de son père pour l'accès au coffre-fort loué, quand Mme Y...avait précisément contesté l'existence d'un tel mandat, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2° ALORS QUE l'existence d'un mandat donné à un tiers par le titulaire d'un coffre-fort se trouvant dans les locaux d'une banque, ne s'infère pas de la simple détention d'une clé du coffre par ce tiers ; qu'en retenant la qualité de mandataire de M. Michel X..., en s'appuyant sur le fait qu'il avait renvoyé par la Poste, après la mort de son père, la clé du coffre-fort dont ce dernier était titulaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1984 du code civil ;
3° ALORS QUE la banque mettant à disposition d'un client un coffre-fort est tenue d'une obligation de surveillance qui, s'agissant d'une obligation essentielle du contrat, s'analyse en une obligation de moyens renforcée, faisant peser sur le banquier la preuve des diligences qu'il a accomplies pour s'acquitter de cette obligation ; qu'en exonérant la CRCAM Sud Rhône Alpes de toute responsabilité, en faisant peser sur Mme Y...la charge de prouver qu'un tiers non autorisé avait eu accès au coffre-fort de son père, quand la preuve qu'elle s'était acquittée de son obligation de surveillance pesait sur la banque, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1315 du code civil.