LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que la clause qui fixe un terme au droit d'agir du créancier institue un délai de forclusion ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte authentique du 2 novembre 2004, la société Banque de l'économie, du commerce et de la monétique devenue la société BQ européenne crédit mutuel (la banque) a consenti deux ouvertures de crédit à la société Innovimmo, remboursables le 30 septembre 2006 ; que M. X... (la caution) s'est rendu caution solidaire à concurrence d'une certaine somme pour la durée des prêts prolongée de deux ans, l'acte précisant que ce délai supplémentaire était prévu pour permettre à la banque d'agir contre la caution au titre de son obligation de règlement ; que le 27 mai 2011, la banque a demandé la saisie des rémunérations de la caution en exécution de son engagement ; que la caution a opposé l'extinction de son obligation de règlement, acquise au 30 septembre 2008 ;
Attendu que pour autoriser la saisie des rémunérations, l'arrêt retient que la clause selon laquelle la caution s'est engagée pour la durée du prêt, prolongée de deux ans pour permettre à la banque d'engager une action en paiement, est un aménagement du délai de prescription et que ce délai a été interrompu par l'effet de la déclaration de créance de la banque au passif de la procédure du redressement judiciaire ouverte contre la société Innovimmo le 26 juin 2007 convertie en liquidation judiciaire le 16 décembre 2008, et non clôturée à ce jour, de sorte que l'action contre la caution, engagée le 27 mai 2011 cependant que le délai conventionnel de prescription de deux ans était interrompu, n'est affectée d'aucune déchéance ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la clause par laquelle la caution était engagée pour la durée du prêt, prolongée de deux années pour permettre à la banque d'agir contre elle au titre de son obligation de règlement, avait pour objet de fixer un terme à cette action, ce dont il résulte que le délai imposé à la banque était un délai de forclusion et non de prescription, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu entre les parties le 19 juin 2014 par la cour d'appel de Lyon ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare la société Banque européenne crédit mutuel forclose en sa demande de saisie des rémunérations de M. X... ;
Condamne la société Banque européenne crédit mutuel aux dépens qui comprendront ceux exposés devant les juges du fond ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir ordonné la saisie des rémunérations de M. X..., en vertu de l'acte notarié du 2 novembre 2004, pour la créance de la SAS Banque de l'économie, du commerce et la monétique d'un montant de 236.743, €, outre intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2012 ;
Aux motifs que sur la demande de constat de la déchéance de l'engagement de caution et le défaut de titre exécutoire, l'acte authentique de prêt du 2 novembre 2004 porte sur le prêt consenti à la SARL Innovation immobilière - Innovimmo, soit une ouverture de crédit de 226 000 euros d'une durée de 24 mois au maximum, soit jusqu'au 30 septembre 2006, et en tout état de cause au plus tard dans les douze mois qui suivent l'achèvement des travaux, par débit du compte ouvert par la société dans les livres de la banque ; que la débitrice a la faculté de rembourser la dette à tout moment, en tout ou en partie, sans préavis et sans indemnité, notamment lors de l'octroi d'un éventuel crédit d'accompagnement ultérieurement ; qu'il était prévu que « si la débitrice ne respecte pas l'échéance finale, elle devra payer à la banque une amende conventionnelle de 2% (deux pour cent) du montant de l'utilisation à cette date », il en résultait que la dernière échéance de remboursement était fixée au 30 septembre 2006 ; que Messieurs X... et Y... se sont portés cautions « personnelles et solidaires et indivises... » ; qu'il est prévu que « la caution est engagée pour la durée du prêt majorée de 2 ans. Ce délai supplémentaire étant prévu pour permettre à la banque d'actionner, s'il y a lieu, la caution au titre de son obligation de règlement » ; qu'il résulte de ces éléments que le prêt est à durée déterminée au 30 septembre 2006 et que le cautionnement qui ne peut être plus onéreux que le prêt est consenti pour une même durée ; que la clause selon laquelle la caution est engagée pour la durée de 24 mois majorée de 2 ans pour permettre à la banque d'engager une action en paiement, est un aménagement consistant à prévoir un terme à l'action en recouvrement contre la caution, soit à convenir d'une prescription abrégée, plus brève que la prescription alors applicable ; qu'en principe, l'action en paiement devait en conséquence être prescrite au 30 septembre 2008 ; que cependant, le redressement judiciaire de la société Innovation Immobilière - Innovimmo est intervenu le 26 juin 2007, et la créance a été admise le 6 juin 2008, soit antérieurement au terme de la prescription ; qu'en application de l'article 2246 du code civil textuellement repris de l'ancien article 2250, « l'interpellation faite au débiteur principal ou sa reconnaissance interrompt la prescription contre la caution » ; que la déclaration de créance au redressement judiciaire vaut demande en justice, et interrompt la prescription contre la caution solidaire ; que la déclaration de créance, valant demande en justice, provoque une interruption continue jusqu'à la clôture de la procédure collective ; qu'en l'espèce, le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire le 16 décembre 2008 ; que Monsieur X... ne conteste pas la déclaration de la banque selon laquelle le jugement du tribunal de commerce de Lyon, qui a prononcé la conversion en liquidation judiciaire, a fixé le délai au terme duquel la procédure devait être examiné au 16 décembre 2010, ni l'affirmation que la clôture de la liquidation judiciaire n'a pas été prononcée ; qu'il s'en suit qu'à défaut de clôture de la procédure collective, la prescription se trouve toujours interrompue ; qu'il n'y a pas lieu de statuer sur l'interversion de la prescription, supprimée par la loi du 17 décembre 2008 ; que l'action contre la caution a été engagée le 27 mai 2011, alors que le délai conventionnel de prescription de deux ans était interrompu ; que l'action en paiement engagée par la banque n'est affectée d'aucune déchéance et la banque détient un titre exécutoire ; que le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions ;
Alors 1°) que le contrat forme la loi des parties et s'impose aux juges ; qu'aux termes de l'acte authentique de vente du 2 novembre 2004, la Banque de l'économie du commerce et la monétique a consenti à la société Innovation immobilière Innovimo deux ouvertures de crédit d'une durée limitée au 30 septembre 2006, étant précisé que « la caution soit M. X... est engagée pour la durée du prêt majorée de 2 ans, ce délai supplémentaire étant prévu pour permettre à la banque d'actionner, s'il y a lieu, la caution au titre de son obligation de règlement » ; qu'en déclarant recevable et bien fondée l'action de la banque engagée à l'encontre de M. X... le 27 mai 2011, soit passé le délai contractuel de deux ans échu au 30 septembre 2008, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
Alors 2°) que le contrat forme la loi des parties et s'impose aux juges ; qu'en relevant, pour déclarer recevable et bien fondée l'action de la Banque de l'économie du commerce et la monétique à l'encontre de M. X..., que l'établissement bancaire a, dans le délai contractuel, déclaré sa créance au passif de la société Innovation immobilière Innovimo et obtenu son admission, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que la banque avait agi dans le délai contractuel contre la caution, a derechef violé l'article 1134 du code civil ;
Alors 3°) que le contrat forme la loi des parties et s'impose aux juges ; qu'en considérant que le délai imparti à la Banque de l'économie du commerce et la monétique pour agir à l'encontre de M. X... avait été interrompu par la déclaration de créance de l'établissement bancaire au passif de la société Innovation immobilière Innovimo intervenue le 24 août 2007, et que ce délai restait interrompu en l'absence de la clôture de la liquidation judiciaire, cependant que les parties à l'acte authentique du 2 novembre 2004 n'avaient pas prévu que le délai imparti à la banque pour agir puisse faire l'objet d'une quelconque interruption, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi des parties une stipulation qu'elle ne comportait pas, a violé l'article 1134 du code civil ;
Alors 4°) que la clause qui limite le droit d'agir du créancier à une durée déterminée institue un délai de forclusion ; que la cour d'appel a expressément relevé que la clause par laquelle « la caution est engagée pour la durée du prêt majorée de ans, ce délai supplémentaire étant prévu pour permettre à la banque d'actionner, s'il y a lieu, la caution au titre de son obligation de règlement » est un aménagement consistant à prévoir un terme à l'action en recouvrement de la Banque de l'économie du commerce et la monétique contre M. X..., en l'espèce le 30 septembre 2008, au-delà duquel elle ne peut plus agir ; qu'en regardant le délai prévu par les parties comme une simple prescription, quand il s'agissait plus exactement d'une forclusion que les parties avaient pu fixer librement, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 2246 du code civil, et refus d'application, l'article 1134 du code civil.