La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/01/2016 | FRANCE | N°14-28297

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 13 janvier 2016, 14-28297


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 932 du code civil et L. 2242-1 du code général des collectivités territoriales ;
Attendu que l'acceptation d'une donation dans les formes prescrites par la loi n'est exigée que pour la donation passée en la forme authentique ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 18 juillet 2008, M. X...a acquis, de Mme Y...et de M. Z..., un tableau lors d'une vente publique aux enchères organisée par M. A..., commissaire-priseur ; que, soute

nant qu'elle avait acquis la propriété de cette oeuvre en 1986 à la sui...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 932 du code civil et L. 2242-1 du code général des collectivités territoriales ;
Attendu que l'acceptation d'une donation dans les formes prescrites par la loi n'est exigée que pour la donation passée en la forme authentique ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 18 juillet 2008, M. X...a acquis, de Mme Y...et de M. Z..., un tableau lors d'une vente publique aux enchères organisée par M. A..., commissaire-priseur ; que, soutenant qu'elle avait acquis la propriété de cette oeuvre en 1986 à la suite du don manuel que lui en avait fait la fille de l'artiste et qu'elle avait déposé plainte pour vol le 8 septembre 2008, après avoir découvert sa disparition, la commune de Marseille a assigné les vendeurs, l'acquéreur et le commissaire-priseur en revendication ;
Attendu que, pour rejeter la demande, l'arrêt retient que l'acceptation ne peut résulter d'une simple tradition et exige au contraire des conditions de forme précisées à l'article L. 2242-1 du code général des collectivités territoriales, et que, faute de produire une délibération du conseil municipal d'acceptation du don, la commune de Marseille ne justifie pas être propriétaire du tableau qu'elle revendique ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'acceptation du don manuel, qui échappe à tout formalisme et peut être simplement tacite, n'avait pas à faire l'objet d'une délibération expresse du conseil municipal, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 septembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne M. X..., M. A..., Mme Y...et M. Z...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour la commune de Marseille
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré irrecevable l'action en revendication introduite par la ville de Marseille ;
AUX MOTIFS QUE l'article 894 du code civil, applicable à tous, y compris aux collectivités territoriales publiques en 1986, dispose que la donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l'accepte ; qu'il ne s'agit pas donc pas d'un acte unilatéral mais d'un contrat qui n'est parfait qu'à l'acceptation du donataire ; qu'il est constant que la ville de Marseille n'est pas en mesure de démontrer qu'elle a accepté la donation ; qu'il convient de noter que la vente publique organisée par l'Hôtel des ventes Méditerranée le 19 juillet 2008 a été précédée d'une publicité ; qu'en effet, un catalogue sur lequel apparaît le tableau litigieux a été imprimé et diffusé au mois de juin 2008 et une publicité a été faite dans les journaux locaux ainsi que dans la Gazette de l'Hôtel Drouot le 11 juillet 2008 ; qu'il est étonnant que le conservateur des musées de Marseille, chargé de surveiller les ventes, n'ait pas fait opposition à la vente de ce tableau ; qu'il est également curieux que la ville de Marseille a déposé plainte au mois de septembre 2008 alors qu'il est affirmé qu'elle aurait constaté la disparition du tableau au cours d'un recollement de collections des musées en 2006 ; que malgré injonction en première instance, la ville de Marseille ne verse pas aux débats l'acte par lequel elle aurait reçu ce tableau en donation ; qu'en effet, conformément à l'article L. 2242-1 du code général des collectivités territoriales, le transfert de propriété de la chose donnée exige l'acceptation du don par le conseil municipal ; que contrairement aux allégations de la ville de Marseille, son acceptation ne peut résulter d'une simple tradition et exige, bien au contraire, des conditions de formes précisées dans l'article ci-dessus ; que la ville de Marseille n'a pas déféré à cette injonction en ne produisant pas de délibération ; qu'il résulte de ce qui précède que la ville de Marseille ne justifie aucunement être propriétaire du tableau qu'elle revendique ; que la fiche d'identification produite n'a aucune valeur puisqu'elle a été établie postérieurement à la vente ; que la ville de Marseille verse un extrait de l'inventaire du musée des beaux-arts sur lequel il est indiqué qu'elle aurait reçu de Mme B... en janvier 1986 un tableau intitulé « Intérieur à la fenêtre ouverte » inventorié sous le numéro L. 86-4 ; qu'ainsi que le rappelle le commissaire-priseur, tout don d'oeuvre d'art et notamment de tableaux reçu par un musée public comporte un numéro d'inventaire réalisé à l'encre indélébile ; que le tableau acquis par M. X...le 19 juillet 2998, ne comporte aucun numéro d'inventaire ; que de plus, il est à noter que le document versé aux débats par la commune ne comporte ni les dimensions ni les caractéristiques de ce tableau (existence ou non d'une signature, son emplacement, date de réalisation de l'oeuvre, technique utilisée...) ; qu'il est versé aux débats un constat d'huissier du 30 avril 2010 duquel il ressort que le tableau ne comporte par le numéro d'inventaire ; que la ville de Marseille verse aux débats deux lettres des 9 avril et 2 juillet 1985 adressées à la fille de l'artiste faisant référence à l'envoi en PJ de 4 photographies qui ne figurent pas non plus en annexe des pièces communiquées en la cause ; qu'il résulte de ce qui précède que la ville de Marseille se trouve dans l'incapacité d'apporter la preuve absolue et la démonstration de sa qualité de propriétaire du tableau acquis au cours de la vente aux enchères par M. X...; qu'il ne saurait y avoir lieu à désignation d'un expert ; qu'en effet, une telle mesure d'instruction ne saurait être ordonnée pour pallier la carence de la ville de Marseille dans l'administration de la preuve de sa qualité de propriétaire du tableau litigieux ;
ALORS, 1°), QUE le don manuel qui existe et produit effet par la seule tradition que fait le donateur de la chose donnée entre les mains du donataire qui y consent, effectuée dans des conditions telles qu'elle assure la dépossession définitive et irrévocable du donateur, échappe à tout formalisme ; qu'en relevant, pour en déduire que la ville de Marseille n'établissait pas être propriétaire du tableau, qu'elle ne démontrait pas avoir accepté la donation qui lui en avait été faite dans les conditions de formes prescrites par l'article L. 2242-1 du code général des collectivités territoriales selon lequel le conseil municipal statue sur l'acceptation des dons et legs faits à la commune, cependant que l'acceptation du don manuel consenti par Mlle Florence B..., qui échappait à tout formalisme et qui pouvait être simplement tacite, n'avait pas à faire l'objet d'une délibération expresse du conseil municipal, la cour d'appel a violé les articles 894 et 931 du code civil, ensemble l'article L. 2242-1 du code général des collectivités territoriales ;
ALORS, 2°), QUE le don manuel accepté au nom d'une commune par un organe dépourvu du pouvoir de le faire est frappé d'une nullité relative ; qu'il s'ensuit que seule la commune peut s'en prévaloir et que celle-ci peut régulièrement confirmer ou ratifier l'acte ; qu'en opposant à l'action en revendication de la ville de Marseille l'absence de délibération de son conseil municipal statuant sur l'acceptation du don, cependant que non seulement, seule la ville de Marseille pouvait se prévaloir de l'irrégularité tirée de ce que le conseil municipal n'avait pas statué sur l'acceptation du don mais qu'en outre, en donnant mandat à son maire d'exercer une action en revendication du tableau, la commune avait implicitement mais nécessairement confirmé le don manuel, la cour d'appel a violé les articles 32 du code de procédure civile, 894 et 1338 du code civil ;
ALORS, 3°), QU'en statuant comme elle l'a fait cependant que l'acceptation irrégulière du don ne pouvait être invoquée par des tiers pour s'opposer à la ce que la ville de Marseille fasse la preuve de son droit de propriété sur le tableau, la cour d'appel a violé les articles 32 du code de procédure civile, 894 et 1338 du code civil ;
ALORS, 4°), QUE l'acceptation d'un don manuel doit s'apprécier au jour de la tradition de la chose entre les mains du donataire ; qu'en se fondant encore sur l'absence de réaction de la ville de Marseille au moment de la disparition du tableau ou encore sur l'absence d'opposition à la vente de ce dernier cependant que ces circonstances, postérieures de plus de vingt ans à la remise du tableau par Mlle Florence B..., ne pouvaient laisser présumer l'absence d'acceptation du don manuel, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs inopérants, a violé l'article 894 du code civil ;
ALORS, 5°), QU'en relevant encore, pour dire que la ville de Marseille ne rapportait pas la preuve de sa qualité de propriétaire sur le tableau acquis par M. X..., que l'obligation, en cas de don d'oeuvre fait à un musée public, de maquer l'oeuvre d'un numéro d'inventaire réalisé à l'encre indélébile n'avait pas été respectée, sans préciser le fondement juridique de cette obligation et, partant, de sa décision, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;
ALORS, 6°) et subsidiairement, QUE, à supposer même qu'ait pesée sur le musée des beaux-arts de la ville de Marseille l'obligation de procéder au marquage du tableau en y apposant un numéro d'inventaire indélébile, le manquement à cette obligation ne pouvait avoir pour effet de priver la ville de Marseille de son droit de propriété sur le tableau de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs inopérants, a violé les articles 544, 894 et 931 du code civil ;
ALORS, 7°) et en tout état de cause, QU'en relevant que, faute pour le tableau en possession de M. X...de comporter le numéro d'inventaire qu'aurait dû y apposer la ville de Marseille, celle-ci n'établissait pas, en l'état des éléments de preuve produits, être propriétaire du tableau acquis par M. X..., sans examiner la lettre de Mlle Florence B... du 28 janvier 1986, produite par la ville de Marseille, selon laquelle le tableau « Intérieur à la fenêtre ouverte » donné à la ville de Marseille portait le numéro 733 numéro qui, selon les photographies annexées au constat d'huissier du 30 mars 2010, était apposé au dos du tableau acquis par M. X..., ce dont il résultait que le tableau dont la propriété était revendiquée par la ville de Marseille et celui en possession de M. X...étaient identiques, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 14-28297
Date de la décision : 13/01/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

COMMUNE - Biens communaux - Donation - Acceptation - Forme - Exclusion - Cas - Don manuel

DONATION - Acceptation - Forme - Domaine d'application - Etendue - Détermination - Portée

L'acceptation d'une donation dans les formes prescrites par la loi n'est exigée que pour les donations passées en la forme authentique. Il en résulte que l'acceptation d'un don manuel échappe à tout formalisme et peut être simplement tacite. Dès lors, doit être cassé l'arrêt qui retient que l'acceptation, par une commune, d'un don manuel ne peut résulter d'une simple tradition mais doit faire l'objet d'une délibération expresse du conseil municipal


Références :

article 932 du code civil

article L. 2242-1 du code général des collectivités territoriales

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 23 septembre 2014

Sur le formalisme en matière de donations, à rapprocher :Ch. mixte, 21 décembre 2007, pourvoi n° 06-12769, Bull. 2007, Ch. mixte, n° 13 (1) (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 13 jan. 2016, pourvoi n°14-28297, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat général : Mme Valdès-Boulouque
Rapporteur ?: M. Vigneau
Avocat(s) : Me Haas, SCP Bouzidi et Bouhanna

Origine de la décision
Date de l'import : 25/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.28297
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award