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22/10/2015 | FRANCE | N°14-20173

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 22 octobre 2015, 14-20173


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 mars 2014), que la société Areva NC, filiale du groupe Areva, exploite l'usine de retraitement de combustibles nucléaires usés de La Hague ; qu'eu égard à un projet de modification technique et d'externalisation de la direction industrielle de production d'énergie (DI/PE), les institutions représentatives du personnel ont été consultées, ainsi que l'Autorité de sûreté nucléaire ; que les syndicats CGT d'Areva NC et CGT FO de l'énergie nucléaire de La Hague ont saisi

le tribunal de grande instance pour obtenir l'annulation et, subsidia...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 mars 2014), que la société Areva NC, filiale du groupe Areva, exploite l'usine de retraitement de combustibles nucléaires usés de La Hague ; qu'eu égard à un projet de modification technique et d'externalisation de la direction industrielle de production d'énergie (DI/PE), les institutions représentatives du personnel ont été consultées, ainsi que l'Autorité de sûreté nucléaire ; que les syndicats CGT d'Areva NC et CGT FO de l'énergie nucléaire de La Hague ont saisi le tribunal de grande instance pour obtenir l'annulation et, subsidiairement, la suspension de la mise en oeuvre du projet d'externalisation du secteur DI/PE ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les syndicats font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à ce que soit annulée la mise en oeuvre de l'externalisation de la DI/PE, alors, selon le moyen :
1°/ que l'employeur est tenu, à l'égard de son personnel, d'une obligation de sécurité de résultat qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer, de manière effective la sécurité des travailleurs et protéger leur droit fondamental à la santé et à la dignité ; qu'il lui est interdit, dans l'exercice de son pouvoir de direction, de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé, la sécurité et la dignité des salariés ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que le projet Energie 2012 avait généré chez les salariés de la DI/PE un hyper stress ayant entraîné des pathologies anxio-dépressives et que ces salariés seraient contraints, une fois le projet mis en oeuvre, de former, en plus de leur travail, leurs successeurs dans des conditions dégradantes et avec la certitude de devoir s'adapter à un nouveau poste de travail, la cour d'appel a considéré que le risque psychosocial n'était pas démontré dans des conditions qui devraient conduire à interdire la mise en oeuvre du projet litigieux ; qu'en subordonnant ainsi l'interdiction d'une mesure attentatoire à la santé et à la dignité des salariés à l'exigence d'un certain degré de gravité, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition contraire à ses objectifs, a violé l'article L. 4121-1 du code du travail ;
2°/ qu'en se déterminant ainsi, sans expliquer en droit comme en fait, les raisons pour lesquelles l'hyper stress des salariés de la DI/PE qui seraient contraints, dans de telles conditions, et en plus de leur tâche habituelle, d'assurer la formation de leurs successeurs dans des conditions dégradantes et avec la certitude de devoir s'adapter à un nouveau poste de travail n'était pas de nature à justifier l'interdiction du projet Energie 2012, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4121-1 du code du travail ;
3°/ que, pour se déterminer comme elle l'a fait et après avoir constaté que le projet d'externalisation de la DI/PE avait été annoncé en juillet 2010, mis en oeuvre en mars 2011 et annulé par le jugement du tribunal de grande instance de Paris le 5 juillet 2011 assorti de l'exécution provisoire, la cour d'appel a retenu qu'il ressortait de diverses mesures d'accompagnement mises en place en 2008, 2009 et 2010, du rapport du service de santé pour l'année 2012, des documents de suivi de janvier à août 2013 et du rapport d'octobre 2013 établi par le LATI à la demande de la société Areva que le risque psychosocial engendré par le projet d'externalisation avait été réduit par les mesures mises en place par la société Areva ; qu'en se fondant ainsi, pour apprécier la gravité du risque psychosocial engendré par le projet d'externalisation, sur des mesures qui avaient été mises en place bien avant l'annonce du projet et sa mise en oeuvre et sur des rapports et expertises relatifs à la santé des salariés établis plus d'une année voire plus de deux années après que le projet ait été totalement annulé, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé l'article L. 4121-1 du code du travail ;
4°/ qu'en se bornant, pour statuer ainsi, à analyser le risque induit par l'annonce du projet sans rechercher, ainsi cependant qu'elle y était invitée, si la société Areva avait pris des mesures de nature à réduire le risque engendré par les modalités de mise en oeuvre du projet et notamment, l'obligation pour les salariés de la DI/PE de devoir former, en sus de leur travail, leurs successeurs, dans des conditions dégradantes et avec la certitude qu'ils devraient s'adapter à un nouveau poste de travail, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 4121-1 du code du travail ;
5°/ qu'en retenant que le risque psychosocial généré par le projet Energie 2012 était caractérisé par l'inquiétude des salariés quand il ressortait du rapport Stimulus déposé en février 2011 et du rapport Technologia déposé en janvier 2011 d'une part, que ledit projet avait généré un hyper stress défini comme un état de stress qui par son intensité et/ou sa fréquence représente un facteur de risque pour la santé de l'individu lequel avait engendré des pathologies anxio-dépressives pouvant aller, pour certains, jusqu'au suicide et d'autre part, que les modalités de mise en oeuvre du projet étaient génératrices d'une souffrance au travail certaine susceptible d'entraîner des pathologies de surcharge liées à un nécessaire sentiment d'insuffisance sociale et de perte de valeur pouvant aller jusqu'à provoquer des troubles musculosquelettiques et des syndromes d'épuisement professionnel, la cour d'appel, qui a dénaturé ces pièces déterminantes du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile, ensemble le principe suivant lequel le juge ne peut pas dénaturer les éléments de la cause ;
6°/ qu'ayant constaté, d'une part, qu'au moment de l'annonce du projet d'externalisation de la DI/PE en juillet 2010 et de sa mise en oeuvre en mars 2011, il était acquis, au vu du rapport Syndex déposé le 4 janvier 2011, du rapport Stimulus, établi à la demande de la société Areva et déposé en février 2011, du rapport Technologia pour les années 2011 et 2012, que les salariés de la DI/PE visés par le projet étaient dans une situation d'hyper stress ayant entraîné le développement de pathologies anxio-dépressives, ce qui était confirmé par les rapports du médecin du travail et du service de santé au travail pour les années 2011 et 2012 et d'autre part, que ces salariés, déjà en situation d'hyper stress, allaient devoir, en plus de leur tâche habituelle et dans des conditions aboutissant à une remise en cause de leurs capacités et de leur professionnalisme, assurer la formation des salariés de la société Hague énergie amenés à les remplacer définitivement, la cour d'appel, qui ne pouvait déduire de ces constatations que le risque psychosocial était caractérisé par une simple inquiétude des salariés, a violé l'article L. 4211-1 du code du travail ;
7°/ qu'en affirmant, pour dire que le plan de reclassement mis en oeuvre par la société Areva était de nature à répondre aux inquiétudes des salariés quant à leur avenir, qu'il ressortait du tableau produit par la société Areva que celle-ci avait fait une ou plusieurs propositions de reclassement aux salariés concernés quand il résultait dudit tableau que chaque salarié n'avait reçu qu'une ou deux propositions de reclassement et que dans les cas où deux postes étaient proposés, le second concernait le poste d'un collègue dont le départ en retraite ne serait pas effectif au moment où la mise à disposition des salariés de la DI/PE auprès du GIE aurait pris fin, la cour d'appel, qui a dénaturé ce document, a violé l'article 4 du code de procédure civile, ensemble le principe selon lequel le juge ne peut pas dénaturer les éléments de la cause ;
8°/ qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui n'a dès lors pas analysé, même sommairement, le dit tableau dont il ressortait que la majorité des salariés n'avaient en réalité reçu qu'une proposition de reclassement sans précision ce qui n'était aucunement de nature à réduire leur inquiétude concernant leur avenir, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, sans les dénaturer ni être tenue de se justifier sur ceux qu'elle écartait, qu'après avoir constaté que si la question des risques psycho-sociaux avait été particulièrement aiguë au sein du DI/PE à la fin de l'année 2010 et au cours de l'année 2011, il résultait des pièces produites que l'employeur avait initié, outre un processus de reclassement des salariés, un plan global de prévention des risques psycho-sociaux comportant notamment un dispositif d'écoute et d'accompagnement ainsi qu'un dispositif d'évolution des conditions de vie au travail et de formation des managers et que cette démarche s'était poursuivie dans la durée, donnant lieu à un suivi mensuel, la cour d'appel a, motivant sa décision, pu décider qu'il n'y avait pas lieu d'interdire la mise en oeuvre du projet d'externalisation de l'activité du service DI/PE ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que les syndicats font le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :
1°/ que l'employeur exploitant une installation nucléaire de base, est soumis au principe de précaution qui lui interdit de prendre toute mesure qui serait susceptible d'entraîner un risque grave et irréversible pour l'environnement, la santé et la sécurité des tiers et de ses salariés, ce risque fût-il incertain ou potentiel ; qu'en l'espèce, pour débouter les syndicats exposants de leur demande tendant à obtenir l'annulation de la mise en oeuvre du projet d'externalisation de la DI/PE et après avoir constaté que la DI/PE constituait une installation nucléaire de base au sens de l'article L. 593-2 du code de l'environnement, la cour d'appel a retenu que les risques industriels et techniques mis en avant par les syndicats intimés pour s'opposer au projet litigieux n'étaient pas objectivement avérés dans des conditions susceptibles de justifier qu'interdiction soit faite à la société Areva NC de poursuivre ; qu'en subordonnant ainsi l'interdiction du projet litigieux à la démonstration d'un risque avéré alors que l'externalisation de la DI/PE devait être exclusive de tout risque même potentiel susceptible d'engendrer des conséquences graves et irréversibles, la cour d'appel a violé le principe de précaution, ensemble l'article L. 4121-1 du code du travail ;
2°) qu'en cas de litige relatif aux risques présentés par la modification d'une installation nucléaire de base susceptible d'entraîner des conséquences graves et irréversibles pour l'environnement, la santé et la sécurité des tiers et des salariés, il appartient aux salariés de présenter des éléments de fait laissant supposer qu'un risque est vraisemblable et au vu de ces éléments, il appartient à l'employeur de démontrer l'absence de tout risque ; qu'en retenant, pour se déterminer comme elle l'a fait, que les risques industriels et techniques mis en avant par les syndicats intimés pour s'opposer au projet litigieux n'étaient pas objectivement avérés dans des conditions susceptibles de justifier qu'interdiction soit faite à la société Areva NC de poursuivre quand il leur incombait seulement de présenter des éléments de nature à démontrer que ce risque était vraisemblable et qu'il appartenait à la société Areva de prouver que le projet d'externalisation de la DI/PE était exempt de tout risque, la cour d'appel a derechef violé le principe de précaution, ensemble l'article L. 4121-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant relevé, d'une part, que l'autorité de sûreté nucléaire, compétente en application des dispositions de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 et informée de manière détaillée, avait donné son accord à la mise en oeuvre des modifications induites par l'ensemble des projets, aux règles générales d'exploitation et au plan d'urgence interne de l'établissement, et, d'autre part, que le prestataire choisi était spécialisé dans la gestion et l'exploitation de l'énergie à partir de biomasse et intervenait déjà sur différents sites nucléaires, que le niveau de recrutement des salariés appelés à intégrer le GIE était élevé, que le processus de leur formation spécifique aux installations n'engendrait pas de risque avéré de déperdition des connaissances et de l'expérience accumulée susceptible de rejaillir sur la sécurité de l'établissement, et qu'il n'était pas démontré que la nouvelle chaîne de responsabilité résultant de l'externalisation serait source de risques en matière de sécurité, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que les syndicats font le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1°/ que le risque industriel ne peut être analysé indépendamment du risque psychosocial qui le nourrit ; qu'en l'espèce, après avoir constaté d'abord, que l'établissement de La Hague constituait une installation nucléaire de base visée par l'article L. 593-2 du code de l'environnement imposant à l'employeur une obligation de sécurité de résultat renforcée, ensuite, qu'il était acquis qu'un fonctionnement dégradé et en particulier une déstabilisation des équipes entraînerait un risque radiologique certain et enfin, que dans un tel contexte, il était imposé aux salariés du DI/PE dont l'hyper stress était reconnu, de former leurs futurs successeurs, en sus de leur tâches quotidiennes, la cour d'appel a retenu que le risque industriel n'était pas avéré ; qu'en statuant ainsi alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'existence d'un risque psychosocial avéré était de nature à engendrer de façon certaine un risque industriel, la cour d'appel a violé l'article L. 4121-1 du code du travail ;
2°/ qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi cependant qu'elle y était invitée, si l'hyper stress des salariés de la DI/PE qui seraient chargés d'assurer, en sus de leurs tâches quotidiennes, la formation des nouveaux salariés qui allaient les remplacer n'était pas de nature à entraîner une déstabilisation des équipes génératrice d'un risque industriel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4121-1 du code du travail ;
3°/ que pour infirmer le jugement entrepris en ce qu'il avait constaté que le processus de formation des nouvelles recrues de la société Dalkia était nettement insuffisant, la cour d'appel a affirmé qu'il ressortait des conclusions du rapport CVA déposé en février 2012 et du rapport du LATI remis en octobre 2013 à la demande de la société Areva que le risque de perte des compétences acquises par les salariés de la DI/PE n'était pas avéré ; qu'en statuant ainsi, sans réfuter les motifs du jugement dont il ressortait, sur la base de l'attestation de M. M..., de l'expertise du cabinet Syndex, du rapport SECAFI, de l'ancienneté des salariés de la DI/PE que la société Areva avait volontairement tronquée, du plan ressources démontrant que la majorité des salariés de la DI/PE aurait quitté ce service à la fin de l'année 2013 et de l'avis de la commission locale d'information, que le dispositif de formation des nouveaux salariés de la DI/PE prévue par la société Areva était nettement insuffisant ce qui était de nature à engendrer un risque industriel certain, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que les juges ne peuvent se fonder exclusivement sur les expertises amiables réalisées à la demande d'une partie ; qu'en se fondant exclusivement, pour statuer comme elle l'a fait, sur les expertises du CVA et du LATI -experts non agréés par le ministère du travail- et réalisées à la demande de la société Areva à la suite de l'annulation du projet sans aucune enquête de terrain et sans être soumises à la consultation du CHSCT, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile et le principe de l'égalité des armes consacré par l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ;
5°/ que les syndicats exposants avaient précisément démontré dans leurs écritures pièces à l'appui, d'abord, que les rapports CVA et LATI avaient été réalisés pour les besoins de la cause, sans respecter le principe du contradictoire et sans être soumis à la consultation du CHSCT, ensuite, qu'il ressortait du rapport SECAFI, de l'attestation de M. M... et des diverses attestations de formations suivies par les salariés de la DI/PE que le niveau du service de la DI/PE n'avait pu être construit qu'avec le temps et avec un brassage diffusé lentement et sûrement, en outre, que l'intensité de la formation rendait impossible une assimilation certaine des connaissances étant par ailleurs précisé que la majorité des salariés recrutés n'avait aucune compétence en matière nucléaire, enfin que la commission locale d'information avait, le 8 juin 2011, émis un avis défavorable à l'unanimité aux motifs que le dispositif de formation des nouveaux agents ne fournissait pas des gages de sécurité suffisants compte tenu des risques liés à l'activité et la complexité technique du site ; qu'en s'abstenant de répondre à ces moyens déterminants démontrant un risque réel de perte de compétences de nature à engendrer un risque industriel certain, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6°/ que la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en retenant, pour dire que le processus de formation des nouveaux agents serait plus rapide que celui des agents de la DI/PE, d'une part, qu'il résultait du rapport du LATI que les nouveaux travailleurs seraient intégrés en surnombre dans les équipes ce qui n'était pas le cas dans le compagnonnage dont se prévalaient les salariés de la DI/PE et d'autre part, qu'il résultait du processus de formation présenté par la société Areva que la période de compagnonnage se ferait sur cinq mois par intégration en surnombre dans les équipes selon le modèle déjà utilisé au sein du DI/PE pour la formation des nouveaux arrivés, la cour d'appel, qui a statué par des motifs contradictoires, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
7°/ que dans leurs écritures les syndicats exposants avaient précisément démontré, pièces à l'appui, qu'indépendamment de la durée de prolongation éventuelle de deux années de la durée de vie du GIE, il était acquis, conformément au plan ressources, que sur les cinquante-six salariés de la DI/PE mis à disposition en février 2011 et chargés d'assurer la formation de leurs successeurs, il n'en resterait que trente-trois en janvier 2012, vingt en janvier 2013 et seize en novembre 2013 ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen des écritures des syndicats exposants dont il résultait que la possibilité de proroger la durée de vie de GIE afin d'asseoir la formation des nouvelles recrues n'était que théorique dès lors qu'au bout de deux années, il était certain que les nouvelles recrues de la société Dalkia ne pourraient plus bénéficier de la formation des salariés de la DI/PE, la cour d'appel a de nouveau violé l'article 455 du code de procédure civile ;
8°/ qu'en retenant, pour considérer que les modalités de contrôle exercées par la société Areva étaient de nature à pallier tout risque lié au transfert de la responsabilité de la DI/PE à la société Hague énergie, d'une part, qu'il incombera à la société Areva de désigner un chef d'installation compétent et d'autre part, qu'il résultait du tableau de suivi du dispositif de reclassement des salariés de la DI/PE que quatre salariés de la DI/PE s'étaient vus proposer un reclassement en qualité de référent de sorte que si ces propositions étaient acceptées, quatre des cinq référents prévus pourraient nourrir leur mission de contrôle de l'expérience directement opérationnelle acquise, la cour d'appel, qui a statué par des motifs hypothétiques, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
9°/ qu'en s'abstenant de répondre au moyen circonstancié des écritures des syndicats exposants dont il résultait qu'à la fin de l'année 2013, il n'y aurait plus suffisamment de salariés de la société Areva afin d'assurer le contrôle effectif des installations externalisées auprès de Dalkia ce qui empêcherait nécessairement, en cas de changement de prestataire pour cause de défaillance de la société Dalkia ou de réintégration du personnel au sein de la société Areva, le maintien des compétences indispensables à la sécurité de la DI/PE, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile ;
10°/ qu'en application de l'article 26 du décret n° 2007-1557 du 2 novembre 2007, lorsque l'exploitant d'une installation nucléaire de base envisage une modification des règles générales d'exploitation ou du plan d'urgence interne, il en fait la simple déclaration à l'Autorité de sûreté nucléaire en lui transmettant un dossier comportant toutes les justifications utiles ; qu'en affirmant néanmoins que l'accord de l'ASN était requis pour la modification des règles générales d'exploitation et du plan d'urgence interne induit par le projet litigieux, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
11°/ qu'en application de l'article 26 du décret n° 2007-1557 du 2 novembre 2007, lorsque l'exploitant d'une installation nucléaire de base envisage une modification des règles générales d'exploitation ou du plan d'urgence interne, il en fait la simple déclaration à l'Autorité de sûreté nucléaire en lui transmettant un dossier comportant toutes les justifications utiles ; qu'en se fondant, pour dire que le projet litigieux ne présentait pas de risque industriel et technique, sur l'aval donné par l'ASN dans son courrier du 3 mars 2011 sur le fondement de l'article 26 du décret n° 2007-1557 du 2 novembre 2007 alors que ledit projet n'était pas soumis à une autorisation de l'ASN mais à une simple déclaration dépourvue de toute autorité de chose décidée, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
12°/ qu'en se déterminant ainsi sans rechercher, ainsi cependant qu'elle y était invitée, si l'ASN avait eu accès à l'ensemble des modalités de l'opération et si elle disposait du pouvoir et des moyens d'apprécier effectivement l'incidence du risque psychosocial qui était établi, sur le risque industriel et nucléaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4121-1 du code du travail ;
Mais attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de vices de la motivation, de manque de base légale et de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à revenir sur l'appréciation souveraine par les juges du fond des éléments de fait et de preuve, dont ils ont pu déduire que les risques industriels et techniques n'étaient pas objectivement avérés dans des conditions justifiant une interdiction de la mesure d'externalisation ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen, ci après annexé :
Attendu que sous le couvert de griefs non fondés de cassation par voie de conséquence, de violation de la loi, de manque de base légale, de vices de la motivation, de dénaturation des éléments de la cause, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation par la cour d'appel de l'absence de risques techniques avérés et de la réalité tant de la prise en compte par l'employeur des risques psycho-sociaux, que des résultats positifs des mesures effectivement prises par ses soins ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les syndicats des travailleurs CGT de Areva NC La Hague et CGT FO de l'énergie nucléaire de La Hague aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour les syndicats des travailleurs CGT de Areva NC La Hague et CGT FO de l'énergie nucléaire de La Hague
PREMIER MOYEN CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR rejeté les demandes formées par le syndicat des travailleurs CGT AREVA NC LA HAGUE et le syndicat CGT FO de l'ENERGIE NUCLEAIRE de LA HAGUE tendant à ce que la mise en oeuvre du projet d'externalisation de la DI/PE soit annulée ;
AUX MOTIFS QUE : « Sur les risques psychosociaux. Les risques psychosociaux encourus du fait du projet litigieux, étant rappelé que cette notion n'a pas reçu de définition légale, seront analysés au regard de la définition qu'en propose le LATI (page 13 de son rapport) -'qui n'est pas contredite par les parties et rend compte de leur argumentation'-, à savoir les risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrés par les conditions d'emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d'interagir avec le fonctionnement mental.- l'analyse du rapport SYNDEX. Les syndicats intimés fondent leur analyse sur le rapport déposé par l'expert désigné par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, qui consacre son chapitre 5 (pages 58 à 66) aux impacts du projet sur la santé des salariés concernés. Y sont notamment décrits le choc ressenti par les intéressés à l'annonce du projet, l'incompréhension que celui ci suscite, le fait qu'il est reçu comme un message de mépris envers leur professionnalisme et leur engagement, et le scepticisme sur les capacités de la nouvelle organisation projetée à garantir un niveau de sécurité équivalent à celui offert par le DI/PE. Sont aussi soulignées la crainte d'une séparation programmée d'avec les collègues, les inquiétudes spécifiques des chefs de quart et adjoints sur la compétence de leurs futurs opérateurs et l'inquiétude de chacun sur ses perspectives professionnelles, étant observé que les salariés rencontrés par les auteurs du rapport semblent, pour la «'grande majorité d'entre eux'», subir la réorientation professionnelle qui suivra la fin de leur mise à disposition du GIE et s'inquiètent des offres qui pourront leur être faites. Plus précisément, outre une «'perte de motivation'», le rapport note que «'plusieurs salariés ont évoqué des troubles du sommeil et de l'humeur et un état dépressif'», fait l'hypothèse que si le projet est mis en ouvre, une partie, voire une grande partie, des salariés va « pouvoir s adapter », mais qu'il «'n'est pas sûr que tout le monde le puisse'» ni que «'l'engagement dans le travail ne soit pas émoussé dans la durée'», et relève que «'l'issue pathologique et un passage à l'acte ne peuvent être exclus'». Il conclut que la résistance des salariés face au projet «'est un moyen de lutte contre la souffrance'», et «'doit être prise en compte à ce titre par le management plutôt que dans l'engagement d'un rapport de force qui exacerberait les tensions et les risques». Il déduit notamment de cette analyse, dans ses préconisations (pages 81 et suivantes), la nécessité de prendre en compte et de suivre ces risques psychosociaux, qui engage la responsabilité de l'entreprise, et de mieux accompagner l'élaboration du projet professionnel des salariés intéressés. Comme le précise le rapport lui même (méthodologie, notamment pages 6 et 7), le chapitre 5, tel qu'il vient d'être résumé, est pour l'essentiel le fruit des entretiens individuels conduits, aux mois de novembre et décembre 2010, avec 19 des salariés du DI/PE choisis sur la base du volontariat, des propos tenus lors de ces entretiens, reproduits entre guillemets, venant illustrer les observations présentées.Ainsi que l'a relevé le LATI (page 30) et que cela résulte du rappel chronologique fait ci dessus, ces entretiens se sont donc déroulés alors que le projet d'externalisation avait été annoncé et présenté aux institutions représentatives du personnel, mais restait encore dénué de toute concrétisation, notamment s'agissant de la situation personnelle de chacun des intéressés, laquelle n'a été abordée avec chacun d'entre eux qu'à partir de la fin du mois de janvier 2011. Il en résulte que le rapport SYNDEX rend compte de la grande inquiétude dans laquelle se trouvaient les salariés concernés à la fin de l'année 2010. Il convient, à ce stade, de replacer la situation particulière du DI/PE dans le contexte général de l'établissement de LA HAGUE en la matière. Il doit être rappelé, préalablement, que l'ensemble des salariés postés du DI/PE et une grande partie des salariés de l'établissement ont exprimé, presqu'à la même période (le 21 janvier 2011), leur opposition au projet.- la situation générale de l'établissement au regard des risques psychosociaux La société AREVA NC produit une étude globale qu'elle a commandée, indépendamment du projet litigieux, au cabinet STIMULUS, qui n'était pas agréé au sens de l'article L.4614-12 du code du travail au moment où elle l'a saisi, mais l'est devenu par arrêté du 23 décembre 2011. Cette étude (pièces n° 83 de la société AREVA NC et 54 du syndicat des travailleurs CGT de AREVA NC LA HAGUE) a procédé par recours à un questionnaire qui a été utilement renseigné du 18 octobre au 5 novembre 2010 par 2107 personnes sur 3070 sollicitées. Il en résulte que 15,90 % des salariés du site de LA HAGUE sont en situation d'hyper stress (défini comme «'un état de stress qui, par son intensité et/ou sa fréquence, représente un facteur de risque pour la santé de l'individu'», contre 24 % sur un « panel STIMULUS repondéré (France, 39 057 salariés) ». Le secteur DI/PE atteint le niveau le plus élevé, soit 38,78 % d hyper stress et de démotivation élevée, trois facteurs spécifiques étant identifiés chez ces salariés, à savoir «'la justice organisationnelle'», «'l'incertitude par rapport à l'avenir'» et «'les relations avec les supérieurs».Il sera observé à cet égard que la période de recueil est elle aussi située entre l'annonce du projet d'externalisation et le début du processus de reclassement individuel. Plusieurs documents émis par le service de santé au travail de l'établissement sont également produits aux débats, étant d'abord observé que ce service avait été associé à la mise en place de l'étude conduite par le cabinet STIMULUS (lettre du 15 février 2011 du chef de service, pièce n° 30 des syndicats intimés) et en a estimé les résultats pertinents, le chef du service ajoutant que ces résultants «confirmaient les observations qui ont été faites par les médecins du travail et la psychologue de l'établissement, tant sur les aspects quantitatifs (nombre de salariés en état de stress et d'hyper stress), que sur les causes». Le rapport annuel d'activité du service, pour l'année 2010 (pièces n° 28 des syndicats intimés et 101 de la société appelante) relève, sous la plume d'un des médecins du travail, le Dr M., que les sollicitations «dans le domaine de la santé mentale'» se sont accrues «'de façon très nette en 2010 avec les répercussions liées à la démarche d'externalisation du DI/PE'» et que «'de nombreux salariés ont exprimé de l'anxiété, du stress, des troubles du sommeil, des troubles psychologiques allant jusqu'à la dépression pour quelques salariés'». Ce même médecin précise encore que « toute nouvelle organisation demande un effort d'adaptation'», que l'annonce de l'externalisation complète «a entraîné beaucoup de déception et de découragement chez les salariés et particulièrement chez les plus anciens pour qui ce service a été le sens de leur vie professionnelle», relevant aussi «'l'incertitude prolongée concernant l'avenir professionnel des salariés» qui les a «maintenus dans leur souffrance'», à raison de «'l'impossibilité de se projeter dans l'avenir'» et de «'l'appréhension de redémarrer une carrière à zéro dans un autre service». Un autre praticien relève également une «'augmentation des consultations en relation avec les risques psychosociaux pour des questions de modifications d'équipes, d'évolution dans les organisations du travail, de charge de travail mais aussi de contexte socio économique difficile», avant de conclure que «'l'analyse de l'étude STIMULUS permettra probablement de mettre en pratique des propositions collectivement acceptées». La psychologue du travail évoque, pour sa part, un malaise grandissant, et la nécessité d'«une démarche d'évaluation collective des risques psychosociaux'», allant au delà des interventions de cabinets externes sollicités par la direction ou le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, sur la base de «'demandes multiples mais à chaque fois parcellaires», qu'elle oppose à la «grande étude d'évaluation des risques psychosociaux ' lancée par la direction en partenariat avec le cabinet STIMULUS», démarche «fort intéressante» quoiqu'«initiée tardivement» et qui «devra permettre de proposer et de mettre en place des actions concrètes visant à protéger les salariés face aux risques psychosociaux».Dans le rapport pour l'année 2011 (pièce n° 108 du syndicat des travailleurs CGT de AREVA NC LA HAGUE), le Dr M. relève encore qu'il a été amené à recevoir «'un certain nombre de salariés de DEMC/PE en souffrance du fait de l'incertitude qui se prolonge concernant leur avenir professionnel dans le contexte d'externalisation de ce service'», la psychologue du travail faisant état, pour sa part, de «'la mise en place de groupes de travail faisant suite à l'enquête STIMULUS'». Le rapport TECHNOLOGIA déposé en janvier 2011 à la demande du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail sur l'autre projet de réorganisation, concernant la direction DI/DM (pièce n°13 des syndicats intimés), décrit les risques psychosociaux que comporte ce projet, évoquant perte de confiance et incertitude sur l'avenir, à l'origine de pathologies anxio dépressives dont les symptômes atteignent déjà quelques salariés et mentionne, à cet égard, les obligations pesant sur l'employeur en application des articles L'4121-1 et suivants du code du travail. Le second rapport déposé par le cabinet TECHNOLOGIA, au mois de mars 2012, mais à la suite de la décision prise par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail en avril 2010 en raison du suicide d'un responsable de production d'un atelier de la direction industrielle (pièce n° 52 du syndicat CGT FO de l'énergie nucléaire de LA HAGUE), dont la mission a été réduite par la cour d'appel de CAEN aux seuls «'cadres au forfait'», exploite un questionnaire, qui n'a pu être soumis aux intéressés avant le second semestre de l'année 2011, ainsi que des entretiens individuels et évoque notamment «'une succession de réorganisations insuffisamment accompagnées'», l'isolement des cadres, le manque de reconnaissance et les insuffisances de l'accompagnement par les équipes chargées des ressources humaines. Le dépôt puis l'analyse de ce rapport ont donné lieu à une mise en demeure du 18 septembre 2012 adressée par la DIRECCTE à la société AREVA NC, portant sur «'la mise en place d'un plan d'action permettant l'évaluation et la maîtrise de la charge mentale et physique de travail'» et ce pour tout le personnel de l'établissement quel que soit son niveau de qualification, sur le respect des repos légaux et des limites maximales légales de la durée du travail, et la mise en place d'«'un système d'enregistrement automatique, fiable, infalsifiable du début et de la fin de chaque période de travail pour tout le personnel'». La DIRECCTE a pris bonne note, le 29 novembre 2012 (pièce n° 197 de la société AREVA NC), du dépôt du plan d'action, des mesures prises et des réponses apportées, dont elle a estimé qu'il répondait à sa mise en demeure. Des suicides de salariés en activité au sein de l'établissement, que les parties estiment à environ cinq sur la période considérée, entre les mois de février 2010 et février 2011, doivent également être pris en compte. Les rapports susvisés du service de santé au travail font état de l'augmentation du nombre des suicides'; ils en recensent un en 2008, aucun en 2009, mais trois en 2010 et cinq en 2011 (et encore deux dans les deux premiers mois de 2012) et notent que ces chiffres correspondent à un taux au sein de l'établissement nettement plus important que le taux moyen pour le département de la Manche. Les parties divergent sur le lien entre chacun de ces suicides et le contexte professionnel. Il n'appartient pas à la cour de trancher ici au cas par cas cette question délicate, ce qu'elle ne saurait en tout état de cause faire sur la base des seules pièces produites de part et d'autre. Il sera seulement et de façon générale observé, avec le rapport TECHNOLOGIA rendu à la suite du suicide de mars 2010, que «'les situations préoccupantes sont actuellement minoritaires sur le site'» mais qu'«'il n'en demeure pas moins que de nombreuses caractéristiques ancrées dans le quotidien du travail représentent des facteurs de risque pour la santé mentale des salariés'» et, qu'en tout état de cause, ainsi que le relève le chef du service de santé au travail, «'il s'agit, à l'évidence, d'un indicateur d'alerte qu'il convient de prendre en compte de façon prioritaire'», ce praticien ajoutant, après avoir rappelé que «'le travail est un facteur de protection important contre le suicide'», qu'«'il semble qu'il joue de moins en moins son rôle pour les travailleurs de l'établissement'» et que «'les problèmes de vie privée ne sont plus compensés par un investissement dans leur travail'», ce dont témoigne «'le taux élevé de démotivation'». Il sera encore observé que la DIRECCTE, dans une lettre du 19 septembre 2012, a estimé, sur la base du rapport TECHNOLOGIA, que «'la situation qu'a subie M. L. n'est pas un cas isolé et que la situation, pour les cadres au forfait jours, deux ans après le suicide de M. L. n'a pas évolué malgré les anomalies'» relevées en terme de durée du travail, et fait part à la société AREVA NC de sa décision d'informer «'le procureur de la République de son inaction depuis 2010 sur les moyens de mesurer la charge mentale des cadres au forfait jours et de soulager cette charge physique et mentale'». Enfin, il n'est pas contesté qu'aucun des suicides survenus dans l'établissement n'a concerné un des salariés du DI/PE intéressés par le projet litigieux. Aucune des pièces produites aux débats ne permet, contrairement à ce que suggère le syndicat CGT FO de l'énergie nucléaire de LA HAGUE, de relier au projet d'externalisation de ce service et à la procédure en train d'être initiée la tentative de suicide survenue dans la première quinzaine du mois d'avril 2011, qui a donné lieu à une réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail en date du 15 avril 2011, puis à une enquête arrêtée à la demande du salarié concerné. Il résulte de l'ensemble de ces documents que la question des risques psychosociaux concerne l'établissement dans son ensemble, mais qu'elle est apparue particulièrement aiguë au sein du DI/PE à la fin de l'année 2010 et encore pendant l'année 2011.- la situation d'incertitude des salariés concernés par le projet. Ainsi qu'il a été relevé par le LATI, «'d'une manière générale, le changement est considéré comme une source de stress pour les membres de l'organisation touchés par le changement'», et la rupture que celui ci consacre s'accompagne nécessairement d'une situation d'incertitude, d'un sentiment de perte de contrôle et d'une augmentation des contraintes du travail perçues (pages 17 à 19). Ainsi que l'ont relevé tous les rapports et avis analysés plus haut, et comme le résume le LATI, «'à l'époque du lancement de l'externalisation, les salariés étaient certainement dans un état de stress important, voire en situation de mal être'», le LATI notant encore que «'l'externalisation est un changement qui sollicite beaucoup les capacités d'adaptation des salariés'».Il résulte des pièces produites que, depuis la fin de l'année 2010, la situation des salariés concernés a évolué à cet égard dans les premiers mois de l'année 2011. Il y a lieu d'examiner, à ce stade, le début du processus de préparation du reclassement des salariés du DI/PE à l'issue de leur mise à disposition du GIE, étant observé qu'il n'est pas contesté qu'ainsi que l'a observé le rapport SECAFI (page 39), il existe sur le site de LA HAGUE un nombre de postes suffisants pour accueillir l'ensemble des salariés concernés. Il sera observé que ce dispositif a fait l'objet, selon un processus annoncé lors de la réunion du comité d'établissement du 25 janvier 2011 (page 23) et initié dès le 4 avril 2011 (pièces n° 148 et 149 de la société AREVA NC), soit avant la délivrance de l'acte introductif de la présente instance, d'un accord d'entreprise en date du 22 avril 2012, signé par les syndicats UNSA SPAEN, CFDT et CFE CGC, dont les syndicats intimés ne sauraient nier l'existence au seul motif qu'ils ont choisi de ne pas le signer. Ces syndicats font cependant à juste titre observer que la signature donnée par les autres organisations représentatives au sein de l'établissement ne doit pas être interprétée comme une approbation donnée au projet d'externalisation lui même. Il doit en effet être rappelé que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et le comité d'établissement se sont prononcés à l'unanimité contre ce projet lors des réunions des 21 et 25 janvier 2011. Par ailleurs, il résulte des pièces produites (n° 150 du syndicat des travailleurs CGT de AREVA NC LA HAGUE, 53, 54 et 55 du syndicat CGT FO de l'énergie nucléaire de LA HAGUE et 137 et 150 de la société AREVA NC) que deux des syndicats signataires, les syndicats CFDT et UNSA SPAEN, ont, avant et après le 22 avril 2011, réaffirmé clairement leur opposition au projet. Le texte même de l'accord rappelle d'ailleurs expressément l'opposition des partenaires sociaux au projet d'externalisation. La société AREVA NC s'engage, par cet accord, à repositionner la totalité des salariés en contrat de travail à durée indéterminée du secteur DEMPC/PE mis à la disposition du GIE, et organise un processus destiné à permettre à ces salariés de mieux connaître les besoins en postes à pourvoir ainsi que la nature de ces postes (y compris par «'le dispositif «'Vis ma vie'»'»), processus ponctué de rendez vous avec une structure dédiée du service des ressources humaines, un accompagnement et un suivi personnalisés, chaque salarié se voyant proposer «'jusqu'à 3 opportunités de mobilité, au plus près de ses souhaits exprimés'», mais devant accepter la troisième proposition au cas où il aurait refusé les deux premières, l'objectif étant de permettre au salarié de retrouver «'un niveau de responsabilité équivalent à celui qu'il occupe au sein du secteur DEMC/PE'». Il est encore, plus spécifiquement, proposé aux salariés partant à la retraite ou en préretraite au plus tard deux années après la dissolution du GIE une mise à disposition auprès de la société HAGUE ÉNERGIE, afin de leur éviter un changement de métier pour une courte durée, et de façon générale, l'engagement est pris de faciliter la réalisation de transferts vers la société HAGUE ÉNERGIE pour ceux qui le souhaiteraient. Le dispositif est complété par une garantie financière dégressive en cas de perte de rémunération liée au repositionnement, et l'engagement de versement d'une prime de 300 euros par trimestre pour prendre en compte les sujétions liées à l'accompagnement des équipes de la société HAGUE ÉNERGIE, versée aux salariés pendant leur mise à disposition du GIE. Ce dispositif a été mis en ouvre, ainsi qu' il a été relevé plus haut, des mois de février à juin 2011, par le recueil des souhaits des salariés, les entretiens d'accompagnement et l'émission par l'employeur de propositions de reclassement (les fiches concernant chacun des salariés, émargées par eux, sont produites en pièce n° 185 de la société AREVA NC). Il résulte du tableau versé aux débats (pièce n°186 de la société AREVA NC) qu'au mois de juin 2011, les cinquante six salariés concernés s'étaient vus proposer un ou plusieurs postes, à l'exception d'un seul pour lequel il est mentionné «en cours'-' plusieurs options à confirmer'», que dix sept salariés avaient accepté un poste de reclassement, et que onze autres bénéficiaient du dispositif «'vis ma vie'». Le déroulement de ce processus annoncé n'a cependant pas fait diminuer l'inquiétude des salariés concernés, qui s'est manifestée par une lettre pétition adressée aux premiers juges le 16 mai 2011 (pièce n° 42 du syndicat CGT FO de l'énergie nucléaire de LA HAGUE), dans laquelle était affirmée notamment la volonté des vingt sept signataires, «'en l'état actuel de la cellule d'accompagnement mise en place par la direction à propos de notre suivi psychologique et des moyens associés'», d'«'avoir recours à des soutiens extérieurs et en dehors du périmètre AREVA'». Il sera cependant observé qu'il résulte de la comparaison de cette lettre avec le tableau évoqué ci dessus que sept des signataires du courrier avaient, avant la fin du mois de juin, accepté une proposition de reclassement ou leur participation au dispositif «'vis ma vie'».Ce plan de reclassement n'est pas utilement critiqué par les syndicats intimés. Sa mise en ouvre a, cependant, été interrompue par l'interdiction édictée par la décision déférée. Il est de nature à répondre aux inquiétudes légitimement exprimées par les salariés concernés relativement à leur avenir professionnel à la fin de leur mise à disposition du GIE. Il répond également aux préconisations exprimées par le rapport SYNDEX.- les mesures mises en place par la société AREVA NC. Indépendamment de cette question spécifique, le projet litigieux peut légitimement continuer à susciter les autres inquiétudes des salariés concernés, telles qu'elles ont déjà été relevées, touchant à l'intégration, qu'ils n'ont pas choisie, au sein du GIE avec des salariés d'une autre société, dont ils doivent assurer la formation tout en continuant à effectuer leur propre travail, avec la certitude, pour la plupart d'entre eux et sous la réserve des possibilités d'intégration au sein de la société prestataire offertes par l'accord du 22 avril 2011, de devoir s'adapter à un nouveau poste de travail, le tout dans des conditions qui sont vécues comme une remise en question de leurs capacités et de leur professionnalisme. S'il ne peut être exigé, dans le cadre de l'application des dispositions des articles L'4121-1 et suivants du code du travail, de la société AREVA NC qu'elle renonce à son projet au seul motif de ces inquiétudes que suscite le changement qu'il entraîne, cette société ne peut, en revanche, prétendre en poursuivre la mise en ouvre que si elle justifie qu'elle a mis en place un dispositif efficace propre à accompagner les salariés pendant cette période et donc à éviter les risques psychosociaux, comme l'a préconisé le rapport SYNDEX. Ce dispositif est décrit par le LATI (chapitre 4, «'le plan et actions de prévention'», pages 51 à 64), et par une note du directeur d'exploitation moyens communs (DEMC) de la société AREVA NC produite devant la cour (pièce n° 201 de cette société), et documenté par l'annexe J à cette pièce («'indicateurs à la fin août 2013 »), le rapport annuel du service de santé 2012 (pièce n° 198 de la société AREVA NC), ainsi que les pièces déjà produites devant les premiers juges sur la politique mise en place à partir de 2007 en la matière (pièces 77 à 103 de la société AREVA NC), incluant les précédents rapports du service de santé au travail, et les documents relatifs à l'étude du cabinet STIMULUS. S'il est significatif, mais insuffisant en soi, que les plans d'action de la société AREVA NC pour les périodes 2008/2011 et 2011/2013 (pièces n° 77 et 78) aient pris en compte l'objectif de prévention des risques pour la santé psychologique au travail, il convient de s'attacher aux dispositifs effectivement mis en place et à leur évaluation. À cet égard, doivent être relevés les éléments suivants': - relativement aux modalités d'application de la démarche de la société en matière de risques psychosociaux, la psychologue du travail (pièce n° 79) fait le point, le 7 octobre 2008, sur les projets déployés sur le site (identification, orientation et aide des salariés concernés) et sur ceux encore en devenir (soutien aux managers, évolution de la culture interne et implication de l'ensemble des secteurs de l'entreprise), - un «'dispositif d'écoute et d'accompagnement'» a été mis en place à partir de l'année 2009 (pièces n° 80 et 90, puis 96 et 97) par le service de santé au travail, sur lequel a été diffusée une large information (pièces n° 84 et 89), dispositif qui fait l'objet d'une évaluation régulière (voir pièce n° 93, mars 2010), - un «'dispositif d'évolution des conditions de vie au travail'» est venu compléter ce dispositif d'écoute et d'accompagnement, sur le site de LA HAGUE à partir du mois de septembre 2010, confié au cabinet STIMULUS (pièces n° 94 et 95), lequel a donné lieu au dépôt du rapport déjà évoqué,- ces deux dispositifs ont été intégrés dans un projet global de prévention des risques psychosociaux,- le rapport du service de santé pour l'année 2012, qui relève que le nombre de suicides sur cette année est descendu à deux (secteur médecine, page 24), fait mention à plusieurs reprises et de façon positive (secteur du Dr D., page 13, du Dr M., page 12, du psychologue du travail, pages 6, 8 et 10) des résultats obtenus par la mise en uvre de ce projet global, notamment dans le domaine de la formation de managers, domaine dont il est utile de rappeler qu'il restait inexploité en octobre 2008, et spécialement de l'établissement et de l'utilisation concertés d'une grille d'impact humain des réorganisations et d'un suivi mensuel des indicateurs en matière de risques psychosociaux,- des documents issus de ce suivi mensuel, de janvier à août 2013 (annexe J à la pièce n° 201 susvisée) montrent que cette démarche s'est poursuivie dans la durée, et qu'elle donne lieu à une réunion mensuelle d'analyse rassemblant des représentants de toutes les directions, - le LATI précise (page 59 et 60) également que la société AREVA NC s'est enfin dotée, sur le site, d'un dispositif d'évaluation de l'impact humain des changements et d'évolution des organisations, qui permet d'évaluer les facteurs de risque. La note du directeur de la DEMC décline pour ce qui concerne sa direction, et spécialement pour ce qui intéresse le service DEMC/PE, touché par le projet d'externalisation, ces dispositifs, en synthétisant d'une façon non contestée les éléments repris ci dessus, tant relativement à l'organisation de la phase transitoire de transfert de compétences et l'organisation du reclassement ultérieur, que sur la prévention des risques psychosociaux. Il en résulte que la société AREVA NC s'est donnée les moyens de réduire les risques psychosociaux que caractérisent les inquiétudes des salariés concernés par le projet litigieux, dans des conditions qui sont compatibles avec les exigences qui pèsent sur elle en application des articles L 4121-1 et suivants du code du travail. Sur les demandes. Les risques industriels et techniques et les risques psychosociaux allégués ne sont donc pas démontrés dans des conditions qui devraient conduire la cour à interdire à la société AREVA NC de mettre en ouvre son projet d externalisation de l activité du service DI/PE, devenu DEMC/PE, d'exploitation et de conduite des installations nécessaires à la transformation, la production et la distribution des utilités du site de LA HAGUE. Il n'y a pas davantage, dans ces conditions, lieu de suspendre les effets de cette décision d'externalisation, étant observé que le syndicat des travailleurs CGT de AREVA NC LA HAGUE, au soutien de cette demande subsidiaire, ne précise à aucun moment à la survenance de quel événement ou à la satisfaction de quelles exigences la levée d'une telle suspension pourrait être conditionnée. La décision déférée sera donc intégralement infirmée ».

1) ALORS D'ABORD QUE l'employeur est tenu, à l'égard de son personnel, d'une obligation de sécurité de résultat qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer, de manière effective la sécurité des travailleurs et protéger leur droit fondamental à la santé et à la dignité; qu'il lui est interdit, dans l'exercice de son pouvoir de direction, de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé, la sécurité et la dignité des salariés ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que le projet ENERGIE 2012 avait généré chez les salariés de la DI/PE un hyper stress ayant entraîné des pathologies anxio-dépressives et que ces salariés seraient contraints, une fois le projet mis en oeuvre, de former, en plus de leur travail, leurs successeurs dans des conditions dégradantes et avec la certitude de devoir s'adapter à un nouveau poste de travail, la cour d'appel a considéré que le risque psychosocial n'était pas démontré dans des conditions qui devraient conduire à interdire la mise en oeuvre du projet litigieux ; qu'en subordonnant ainsi l'interdiction d'une mesure attentatoire à la santé et à la dignité des salariés à l'exigence d'un certain degré de gravité, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition contraire à ses objectifs, a violé l'article L.4121-1 du Code du travail ;
2) ALORS A TOUT LE MOINS QU'en se déterminant ainsi, sans expliquer en droit comme en fait, les raisons pour lesquelles l'hyper stress des salariés de la DI/PE qui seraient contraints, dans de telles conditions, et en plus de leur tâche habituelle, d'assurer la formation de leurs successeurs dans des conditions dégradantes et avec la certitude de devoir s'adapter à un nouveau poste de travail n'était pas de nature à justifier l'interdiction du projet ENERGIE 2012, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.4121-1 du Code du travail ;
3) ALORS ENSUITE QUE, pour se déterminer comme elle l'a fait et après avoir constaté que le projet d'externalisation de la DI/PE avait été annoncé en juillet 2010, mis en oeuvre en mars 2011 et annulé par le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris le 5 juillet 2011 assorti de l'exécution provisoire, la cour d'appel a retenu qu'il ressortait de diverses mesures d'accompagnement mises en place en 2008, 2009 et 2010, du rapport du service de santé pour l'année 2012, des documents de suivi de janvier à août 2013 et du rapport d'octobre 2013 établi par le LATI à la demande de la Société AREVA que le risque psychosocial engendré par le projet d'externalisation avait été réduit par les mesures mises en place par la Société AREVA; qu'en se fondant ainsi, pour apprécier la gravité du risque psychosocial engendré par le projet d'externalisation, sur des mesures qui avaient été mises en place bien avant l'annonce du projet et sa mise en oeuvre et sur des rapports et expertises relatifs à la santé des salariés établis plus d'une année voire plus de deux années après que le projet ait été totalement annulé, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé l'article L.4121-1 du Code du travail ;
4) ALORS AU SURPLUS QU'en se bornant, pour statuer ainsi, à analyser le risque induit par l'annonce du projet sans rechercher, ainsi cependant qu'elle y était invitée, si la Société AREVA avait pris des mesures de nature à réduire le risque engendré par les modalités de mise en oeuvre du projet et notamment, l'obligation pour les salariés de la DI/PE de devoir former, en sus de leur travail, leurs successeurs, dans des conditions dégradantes et avec la certitude qu'ils devraient s'adapter à un nouveau poste de travail, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L.4121-1 du Code du travail ;
5) ALORS EN OUTRE QU'en retenant que le risque psychosocial généré par le Projet ENERGIE 2012 était caractérisé par l'inquiétude des salariés quand il ressortait du rapport STIMULUS déposé en février 2011 et du rapport TECHNOLOGIA déposé en janvier 2011 d'une part, que ledit projet avait généré un hyper stress défini comme un état de stress qui par son intensité et/ou sa fréquence représente un facteur de risque pour la santé de l'individu lequel avait engendré des pathologies anxio-dépressives pouvant aller, pour certains, jusqu'au suicide et d'autre part, que les modalités de mise en oeuvre du projet étaient génératrices d'une souffrance au travail certaine susceptible d'entraîner des pathologies de surcharge liées à un nécessaire sentiment d'insuffisance sociale et de perte de valeur pouvant aller jusqu'à provoquer des troubles musculo-squelettiques et des syndromes d'épuisement professionnel, la cour d'appel, qui a dénaturé ces pièces déterminantes du litige, a violé l'article 4 du Code de procédure civile, ensemble le principe suivant lequel le juge ne peut pas dénaturer les éléments de la cause ;
6) ALORS A TOUT LE MOINS QU'ayant constaté, d'une part, qu'au moment de l'annonce du projet d'externalisation de la DI/PE en juillet 2010 et de sa mise en oeuvre en mars 2011, il était acquis, au vu du rapport SYNDEX déposé le 4 janvier 2011, du rapport STIMULUS, établi à la demande de la Société AREVA et déposé en février 2011, du rapport TECHNOLOGIA pour les années 2011 et 2012, que les salariés de la DI/PE visés par le projet étaient dans une situation d'hyper stress ayant entraîné le développement de pathologies anxio-dépressives, ce qui était confirmé par les rapports du médecin du travail et du service de santé au travail pour les années 2011 et 2012 et d'autre part, que ces salariés, déjà en situation d'hyper stress, allaient devoir, en plus de leur tâche habituelle et dans des conditions aboutissant à une remise en cause de leurs capacités et de leur professionnalisme, assurer la formation des salariés de la Société HAGUE ENERGIE amenés à les remplacer définitivement, la cour d'appel, qui ne pouvait déduire de ces constatations que le risque psychosocial était caractérisé par une simple inquiétude des salariés, a violé l'article L.4211-1 du Code du travail ;
7) ALORS ENFIN QU'en affirmant, pour dire que le plan de reclassement mis en oeuvre par la Société AREVA était de nature à répondre aux inquiétudes des salariés quant à leur avenir, qu'il ressortait du tableau produit par la Société AREVA que celle-ci avait fait une ou plusieurs propositions de reclassement aux salariés concernés quand il résultait dudit tableau que chaque salarié n'avait reçu qu'une ou deux propositions de reclassement et que dans les cas où deux postes étaient proposés, le second concernait le poste d'un collègue dont le départ en retraite ne serait pas effectif au moment où la mise à disposition des salariés de la DI/PE auprès du GIE aurait pris fin, la cour d'appel, qui a dénaturé ce document, a violé l'article 4 du Code de procédure civile, ensemble le principe selon lequel le juge ne peut pas dénaturer les éléments de la cause ;
8) ALORS, A TOUT LE MOINS, QU'en se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui n'a dès lors pas analysé, même sommairement, le dit tableau dont il ressortait que la majorité des salariés n'avaient en réalité reçu qu'une proposition de reclassement sans précision ce qui n'était aucunement de nature à réduire leur inquiétude concernant leur avenir, a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR rejeté les demandes formées par le syndicat des travailleurs CGT AREVA NC LA HAGUE et le syndicat CGT FO de l'ENERGIE NUCLEAIRE de LA HAGUE tendant à ce que la mise en oeuvre du projet d'externalisation de la DI/PE soit annulée ;
AUX MOTIFS QUE : « Sur les risques industriels et techniques - le projet et la sécurité nucléaire. L'établissement de LA HAGUE de la société AREVA NC, assurant le traitement de combustibles nucléaires usés et radioactifs, constitue une installation nucléaire de base, au sens de l'article L'593-2 du code de l'environnement. Si le DI/PE, qui assure sur le site la production et la distribution de l'énergie et des fluides divers, y compris de refroidissement, ainsi que la surveillance et la maintenance de premier niveau des installations correspondantes, n'a pas recours aux techniques nucléaires et a une activité industrielle et non nucléaire, il n'en participe pas moins au bon fonctionnement général du site et des opérations de traitement de combustibles radioactifs qui y sont conduites. M. M. ajoute sans être contredit dans sa note du 3 juin 2012 que des retours de radio éléments dans les circuits gérés par ce service sont toujours possibles en cas d'incident, de sorte que leur détection entre dans ses missions. Le rapport SYNDEX a d'ailleurs étudié, sans se voir aucunement contester sur ce point, les risques radiologiques encourus par les salariés du service. Il sera observé à cet égard que les missions confiées au DI/PE étaient concernées, notamment au titre des pertes d'alimentation électrique et des pertes de refroidissement, par l'audit que le Premier ministre a confié à l'Autorité de sûreté nucléaire par lettre en date du 23 mars 2011 (pièce n° 61 du syndicat des travailleurs CGT de AREVA NC LA HAGUE), à la suite de l'accident survenu dans la centrale de FUKUSHIMA au Japon à partir du 11 mars 2011. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont relevé que l'obligation de sécurité de résultat résultant des textes susvisés s'impose plus particulièrement à l'employeur lorsqu'une installation nucléaire est concernée et que sont applicables les articles L'4521-1 et suivants du code du travail, aux termes desquels, notamment, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté «'sur la liste des postes de travail liés à la sécurité de l'installation'» et «'avant toute décision de sous traiter une activité, jusqu'alors réalisée par les salariés de l'établissement, à une entreprise extérieure appelée à réaliser une intervention pouvant présenter des risques particuliers en raison de sa nature ou de la proximité de l'installation'». L'Autorité de sûreté nucléaire, compétente en application des dispositions de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, depuis codifiées au code de l'environnement, a donc été saisie par la société AREVA NC notamment du projet litigieux. Répondant à la commission locale d'information, l'ASN a indiqué que «'le recours à la sous traitance relève d'un choix industriel de l'exploitant mais que ce choix ne doit pas remettre en cause les compétences techniques qu'il doit conserver en tant qu'exploitant nucléaire'», de sorte qu'elle «'contrôle que l'exploitant exerce toujours sa responsabilité par la mise en place d'une démarche permettant d'assurer la qualité des prestations sous traitées': choix des entreprises, surveillance, prise en compte du retour d'expérience, adaptation des ressources au volume de travail à réaliser'» et conclut que «'l'exploitant doit disposer des compétences nécessaires pour exercer cette responsabilité'». Saisie du projet par la société AREVA NC, en même temps que d'autres projets de réorganisation du site, l'ASN a, le 3 mars 2011, donné son accord à la mise en oeuvre des modifications induites par l'ensemble de ces projets, aux règles générales d'exploitation (incluant le secteur de la production d'énergie) et au plan d'urgence interne de l'établissement, seuls point sur lesquels, en application de l'article 26 du décret n° 2007-1557 du 2 novembre 2007 alors en vigueur, son accord était requis. Dans ce même courrier, elle a fait part de ses observations sur le «'suivi du basculement de l'exploitation du secteur «'production d'énergie'» vers un opérateur industriel'». Elle énonce que l'opération lui a été présentée «'de manière détaillée'», récapitule le processus de suivi mis en place par la société AREVA NC et fixe un calendrier de transmission par celle ci des bilans annuels «'du transfert de compétences'» et «'des indicateurs de surveillance de la prestation définis dans le cadre du plan de surveillance': perturbation de fourniture de chacune des utilités, nombre de dysfonctionnements et de constats, suivi des indisponibilités, respect des délais de rétablissement des fonctions et indicateurs environnementaux'». Ce calendrier est cependant devenu sans objet, compte tenu de l'arrêt du processus décidé par le jugement déféré. Il sera relevé à ce stade que c'est à tort que les syndicats intimés soutiennent que l'ASN n'aurait pas été complètement informée par la société AREVA NC, alors qu'à la principale note par laquelle cette société a transmis les informations complémentaires demandées par l'autorité sur le projet litigieux, celle du 23 février 2011, régulièrement versée aux débats (pièce n° 53 de la société AREVA NC et n° 63 du syndicat des travailleurs CGT de AREVA NC LA HAGUE), sont annexés une note technique dont il n'est pas soutenu qu'elle serait entachée d'erreurs ou d'imprécisions, les conventions de sécurité conclues avec la société HAGUE ÉNERGIE et un plan ressources. Par ailleurs, il doit être observé, d'une part, que les modifications aux règles générales d'exploitation et au plan d'urgence interne de l'établissement que l'ASN a approuvées étaient indissociables du projet d'externalisation litigieux et, d'autre part, qu'il résulte de la combinaison des articles 28 de la loi du 13 juin 2006 et 34 du décret du 2 novembre 2007 que l'autorité n'a pas estimé que la mise en oeuvre du dit projet était de nature à ce que l'établissement de LA HAGUE présente des risques graves pour la sécurité, la santé ou la salubrité publiques ou la protection de la nature et de l'environnement. Quoiqu'aucune des parties n'en tire d'argument particulier,il doit être encore relevé que le rapport SYNDEX a tenté d'évaluer les risques radiologiques encourus par le personnel à raison du projet d'externalisation (chapitre 6, pages 67 à 77). Il en conclut que ceux ci ne sont pas modifiés par le projet, en service normal, mais pourraient l'être en fonctionnement dégradé, au cas où l'externalisation se traduirait par une «'baisse du niveau de maîtrise des installations ou une perte de la culture sûreté AREVA lors du transfert des compétences de DI/PE à DALKIA'». Le risque d'exposition à des rayonnement ionisants s'apprécie donc au regard des modalités du transfert des compétences. La cour retient, à ce stade, que les risques allégués doivent être examinés au regard de la nature de l'installation nucléaire de base au bon fonctionnement de laquelle le DI/PE participe, et que l'Autorité de sûreté nucléaire chargée par la loi du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection ne s'est pas opposée au projet litigieux d'externalisation de ce service, dont elle avait été complètement informée. - les risques liés aux compétences insuffisantes des nouveaux opérateurs. Les syndicats intimés soutiennent à cet égard que': - la société DALKIA et donc sa filiale HAGUE ÉNERGIE et ses salariés ne présentent pas des garanties de compétence suffisantes,- le processus de formation par transfert de compétences est insuffisant à compenser ce déficit,- il crée en lui même un fonctionnement perturbé du service. Le projet, tel qu'il a déjà été décrit, consiste en l'externalisation de l'activité du DI/PE, qui sera confiée à la société HAGUE ÉNERGIE, et ce au terme d'une période de trois ans pendant laquelle les personnels de ce service assureront, au sein du GIE, la formation de leurs successeurs. S'agissant du choix de la société DALKIA,il n'est pas produit d'éléments qui seraient de nature à démontrer qu'il serait en lui même générateur d'un risque technique ou industriel. Il sera observé à cet égard qu'il n'est pas contesté que cette société est spécialisée dans la gestion et l'exploitation de la production d'énergie, spécialement à partir de biomasse, ni qu'elle intervient dans la gestion et la maintenance sur différents sites nucléaires (rapport CVA, pages 59 et 60). Enfin, cette société est déjà présente sur le site de LA HAGUE dès lors qu'il résulte des pièces produites (n° 181-1 et 194 de la société AREVA NC) qu'elle est titulaire de deux contrats de maintenance, concernant les installations de ventilation et des chaudières productrices d'utilités et qui représentent, en coût, un quart des sommes consacrées par la société à l'intervention de prestataires extérieurs en la matière, soit un volume significatif. À cet égard, il doit être constaté que les critiques contenues dans le rapport SECAFI (pages 29 et 30) sur la qualité de la prestation offerte par la société DALKIA dans le cadre de ces contrats ne sont pas documentées, mais rendent compte de la méfiance des salariés du DI/PE à l'égard des salariés de DALKIA, également relevée par M. M. en page 4 de sa note du 17 mai 2011. Il en est de même de celles relevées par le rapport SYNDEX (page 75), dont les auteurs indiquent n'avoir pu «'confirmer physiquement'» les témoignages recueillis. S'il n'est pas contesté que la société HAGUE ÉNERGIE a procédé par embauche externe au recrutement des salariés appelés à intégrer le GIE, la qualité de la formation initiale de ces personnels n'est pas sérieusement contestée, cette question n'étant pas abordée dans les rapports SYNDEX et SECAFI, ni dans les notes de M. M.. Le niveau de cette formation initiale résulte des curriculum vitae produits (pièce n° 72 de la société AREVA NC) et a été relevé de façon précise par le rapport CVA (page 88) s'agissant des dix premiers recrutements effectués. Le processus de formation des salariés ainsi recrutés, tel qu'il résulte des pièces produites (n° 20 et 62 à 70 de la société AREVA NC, pages 17 à 19 du rapport SYNDEX et pages 82 à 86 du rapport CVA), doit se dérouler en trois temps, le premier théorique, d'une durée d'un mois, assuré par la société DALKIA, le deuxième de trois mois, en alternance en salle et sur le site, assuré par l'AFPA selon contrat conclu avec la société AREVA NC, spécifique aux installations de l'établissement selon un programme détaillé en plusieurs modules, et le troisième consistant en un compagnonnage de cinq mois, par intégration en surnombre dans les équipes, selon le modèle déjà utilisé au sein du DI/PE pour la formation des nouveaux arrivés. Cette formation doit être sanctionnée par l'acquisition des diverses autorisations d'exercer en vigueur au sein de l'établissement et reconnues par l'ASN. Ces autorisations d'exercer seront obtenues au terme de cette formation de neuf mois, pour ce qui concerne les conducteurs d'installation. Les personnels d'encadrement (adjoints et chefs de quart) ne pourront obtenir pour leur part les autorisations d'exercer correspondantes qu'au terme de quinze mois supplémentaires pour les premiers et d'encore une année pour les seconds, étant relevé qu'il n'est pas contesté que toute la période de fonctionnement du GIE offrira à tous les personnels de la société HAGUE ÉNERGIE la possibilité de parfaire leur formation et la connaissance du site au contact des salariés du DI/PE. Ce plan de formation, qualifié de «'réfléchi'» par M. M. (en page 9 de sa note du 3 juin 2012) est jugé insuffisant par le rapport SYNDEX, qui le compare avec la formation assurée aux nouveaux venus au sein du PI/PE, dont il est indiqué qu'elle dure de quatre à cinq ans pour un agent d'exploitation et de sept à dix ans pour un adjoint ou un chef de quart, étant observé que cette formation est uniquement pratique et assurée par le seul mode du compagnonnage.Ce rapport dénonce la remise en cause du recours exclusif à ce mode de formation, sans formuler cependant de critiques précises à l'égard du contenu des quatre premiers mois de la formation envisagée, estime que la durée totale (qu'il ramène à huit mois) est «'problématique du point de vue cognitif'» et que le dispositif envisagé «'répond davantage à une problématique de masse et de durée qu'à une problématique de qualité'». Le rapport du LATI fait à cet égard observer (pages 36 et 37) de façon pertinente que le compagnonnage tel que pratiqué au sein du DI/PE pendant les longues périodes indiquées lors des entretiens ne peut être comparé à celui prévu par la formation envisagée au sein du GIE, où les nouveaux travailleurs seront intégrés en surnombre dans les équipes, alors qu'il ne résulte d'aucun élément produit qu'il en était de même dans le compagnonnage dont se prévalent les salariés du DI/PE. M. M...., dans sa note du 17 mai 2011, rejoint cependant les critiques du rapport SYNDEX': il rappelle que la création du service assuré par le DI/PE a pris dix sept ans «'d'investissements humains et techniques'», note l'importance pour la sécurité de l'usine de «'la vivacité de réaction des agents polyvalents DI/PE'» et estime «'tout à fait utopique d'imaginer que des agents extérieurs, non pénétrés de ces installations atypiques, puissent s'y substituer en un ou deux ans'», ce qui nécessiterait en tout état de cause «'une coopération étroite'» comme condition nécessaire «'de la réussite du transfert des connaissances technologiques'», ce dont il doute «'compte tenu du climat qui règne entre les équipes AREVA et les équipes DALKIA'». Le rapport CVA relève que «'le programme de formation mis en place couvre l'ensemble des tâches du périmètre DEMC/PE'» et ajoute que «'la collaboration entre AREVA NC, DALKIA, les experts de l'AFPA et le personnel de DEMC/PE permet de confronter les différents modes de travail et entraînera l'amélioration des pratiques'», cependant que M. Hervé S. juge ce dispositif «'particulièrement robuste'» et excédant «'largement ce qui est pratiqué pour le démarrage d'un site nouveau'». M. M. fait grief à ce dernier de n'avoir pas été chargé à LA HAGUE du «'coeur de métier'» nucléaire mais seulement de maintenance et de conduite des utilités, critique qui n'est pas pertinente en ce qui concerne l'appréciation portée par l'intéressé sur le processus de formation.Il résulte de ces éléments et analyses que les personnels du DI/PE ont une forte identité propre, (notamment relevée dans le rapport SECAFI) et une ancienneté plus importante au sein du service que celle annoncée par la société AREVA NC dans le tableau figurant en pièce n° 71, qui ne tient compte que du dernier poste tenu, et non des fonctions précédemment occupées dans le service, ainsi que le montre le tableau enrichi de cette donnée produit par le syndicat des travailleurs CGT de AREVA NC LA HAGUE (sa pièce n° 66), et intègrent par compagnonnage les rares nouveaux arrivés. Il sera observé que quatre des salariés du service seulement ont moins de 25 ans (pièce n° 71 de la société AREVA NC) et six moins de deux années d'ancienneté dans la société (pièce n° 66 précitée). Le projet litigieux consiste indéniablement en le démantèlement d'une équipe composée de personnels anciens (près de vingt d'entre eux ont entre 50 et 60 ans) et expérimentés, qui ont l'habitude de travailler ensemble et assurent, dans des conditions de professionnalisme qui ne sont à aucun moment remises en cause, une mission importante au sein de l'établissement, démantèlement que ces salariés peuvent très légitimement regretter, ainsi qu'ils l'ont exprimé dans les entretiens avec les auteurs des rapports SYNDEX et SECAFI. Il conduit, par ailleurs, à solliciter ces mêmes salariés pour assurer la formation de ceux qui vont les remplacer, ce qui est une situation dont on comprend qu'elle puisse être vécue comme frustrante. Cependant, ces éléments objectifs et ces analyses ne démontrent pas les insuffisances du plan de formation prévu par la société AREVA NC. La durée et les modalités de celui ci, telles qu'elles sont précisément décrites par les pièces produites aux débats, ne sont en particulier par utilement critiquées, la seule comparaison avec des durées de compagnonnage informel et d'apprentissage exprimées par les intéressés de façon nécessairement subjective, n'étant pas à cet égard significative, ainsi que le fait observer de façon pertinente le rapport du LATI (page 35), en rappelant que la technique d'entretien dans ce type de contexte aboutit fréquemment à une surestimation par les salariés de la complexité de leur travail et des difficultés de leur formation (et étant ajouté à ce stade que les enseignements qui peuvent être tirés de l'expérience conduite par la société AREVA NC sur son site de MARCOULE seront examinés plus loin). Ils ne caractérisent pas davantage un risque avéré de déperdition des connaissances et de l'expérience accumulées, qui serait susceptible de rejaillir sur la sécurité de l'établissement et donc de l'ensemble des salariés de celui ci. Il doit être observé, à cet égard, que si la limitation à trois années de la durée de vie du GIE prévue par l'acte constitutif de celui ci se révélait trop courte au regard des exigences de la transmission des compétences, ainsi que les syndicats intimés l'ont fait observer, il a été apporté ultérieurement une modification permettant une prolongation éventuelle de deux années. Cette possibilité a été retenue comme un point positif par la DIRECCTE dans sa note du 4 mars 2011. Le rapport SYNDEX mentionne un risque de «'fonctionnement en mode dégradé'» et de «'déstabilisation des équipes'», qu'il attribue en partie à la nécessité pour les salariés du DI/PE de faire face en même temps à leurs tâches quotidiennes et à la formation des salariés de la société HAGUE ÉNERGIE. Il s'agit cependant d'une situation qui est inhérente à la formation par compagnonnage, et s'il est certain que le nombre de personnes à former sera nettement plus important qu'il ne l'était par le passé, alors que le DI/PE était, ainsi qu'il a déjà été relevé, marqué par une importante stabilité du personnel, ce point est compensé par la certitude que les salariés à former seront, pendant les cinq mois de la période de compagnonnage pour ce qui concerne les agents d'exploitation, intégrés aux équipes en sur effectif. Les risques par ailleurs évoqués dans le dit rapport ainsi que par M. M., liés aux difficultés relationnelles qui pourraient surgir entre les salariés du GIE, selon qu'ils proviennent du DI/PE où qu'ils viennent d'être engagés par la société HAGUE ÉNERGIE, ne peuvent, en revanche, être écartés. Il est cependant impossible à la cour de les objectiver sur la base des éléments produits, dès lors que ceux ci démontrent le professionnalisme et la culture de la sécurité régnant au sein du DI/PE, ce qui les relativise donc pour l'essentiel. Le risque de perte des compétences acquises par les salariés du DI/PE n'apparaît donc pas avéré sur la base d'éléments objectifs.- les risques liés à l'économie générale du projet. Sont évoqués à ce titre par les syndicats intimés':- la prépondérance d'un choix économique sur les impératifs de sécurité,- un montage juridique complexe et une dilution des responsabilités,- la capacité de contrôle par la société AREVA NC au regard de sa perte en compétences,- la possibilité de revenir en arrière (réversibilité du projet). Le syndicat CGT FO de l'énergie nucléaire de LA HAGUE s'appuie sur le rapport SECAFI pour estimer que la motivation du projet est essentiellement économique. Ce rapport insiste en fait sur le critère économique du recours à l'énergie tirée de la biomasse, et discute au contraire la pertinence économique du projet d'externalisation.Aucun élément chiffré objectif n'est produit sur ce point. Il doit, en tout état de cause, être rappelé que le juge n'a pas à porter d'appréciation sur la pertinence économique du projet, lequel ne lui est soumis qu'en tant qu'il constituerait un risque pour les travailleurs concernés. Cet argument est donc dénué de pertinence, seule la réalité du risque allégué pouvant être utilement débattue. Le projet litigieux correspond à la définition que donne la société AREVA NC elle même de l'externalisation (sa pièce n° 2) et non à ce qu'elle définit comme une simple sous traitance, dès lors que la conduite et la surveillance d'installations sont remises à un prestataire, le GIE dans un premier temps, puis la société HAGUE ÉNERGIE. Il en résulte que la responsabilité entière de la prestation est transférée au tiers à qui elle est confiée, ce qui se traduit, pendant la période transitoire du GIE, par le fait que la direction opérationnelle de celui ci est confiée à un directeur général désigné par la société HAGUE ÉNERGIE, cependant que la société AREVA NC, qui conserve sa responsabilité d'exploitant d'une installation nucléaire de base et donc le rôle de chef d'installation (qui, contrairement à ce qu'écrit en page 31 le rapport SECAFI n'est pas délégué au prestataire), désigne pour sa part le président du groupement et contrôle l'action de l'exploitant. Le partage des responsabilités pendant la période transitoire puis à l'issue de celle ci est organisé dans des conventions conclues entre les deux sociétés (pièces n° 25 et 26 de la société AREVA NV), conventions qui ont été transmises à l'ASN avant qu'elle ne donne son avis du 3 mars 2011. S'il est exact que le projet doit aboutir à ce que la gestion et le contrôle des divers sous traitants soient assurés par le prestataire (pièce n° 190 de la société AREVA NC, pages 72 et 73), il ne résulte d'aucune des pièces produites aux débats que cette nouvelle chaîne de responsabilité serait source de risques en matière de sécurité. Il n'est au contraire pas sérieusement contredit que c'est le maintien de la gestion directe par la société AREVA NC de ces sous traitants, qui assurent notamment divers niveaux de maintenance des installations après celle de premier niveau transférée au GIE puis à la société HAGUE ÉNERGIE, qui rendrait plus complexe le pilotage du projet, et que la logique de l'externalisation conduit à confier cette responsabilité au prestataire et non au chef d'installation et donneur d'ordre. Il n'est pas à cet égard démontré que les incidents survenus les 3 et 11 mai 2011, soit pendant la période où le GIE a fonctionné, seraient la conséquence de cette modification de la chaîne des responsabilités, dès lors qu'il ne résulte d'aucune des pièces produites que les erreurs éventuellement imputables au GIE (soit, le 3 mai, l'évacuation par des sous traitants, les sociétés PONTICHELLI et CHERBOURG LEVAGE,de groupes électrogènes pour réparation chez le constructeur, sans que l'un des sous traitants ait pris possession de l'autorisation de travail accordée, et le 11 mai, l'intervention d'un salarié de DALKIA sur une chaudière, sans autorisation de travail pour l'entrée dans la zone considérée) dans sa mission de contrôle des sous traitants n'auraient pas été commises par la société AREVA NC elle même. Il doit être, en effet, relevé que les salariés concernés étaient des salariés de sous traitants qui intervenaient sur le site dans les mêmes conditions avant et après l'entrée en fonctionnement du GIE (voir à cet égard le compte rendu de la réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du 19 mai 2011, sur information rapide, pièce n° 70 du syndicat des travailleurs CGT de AREVA NC LA HAGUE, et les lettres d'observations émises à la suite de ces incidents par les sociétés AREVA NC et HAGUE ÉNERGIE, pièces n° 161 et 163 de la société AREVA NC). Il sera observé à cet égard que le syndicat des travailleurs CGT de AREVA NC LA HAGUE se prévaut en vain d'un rapport de l'ASN sur l'augmentation des incidents en 2010 par rapport à 2009 et ne démontre nullement que la période située entre février et juillet 2011 aurait été marquée par un nombre plus élevé que précédemment d'incidents. De même, lorsque le rapport SYNDEX relève (page 57) «'le conflit d'intérêt consubstantiel à la relation entre le donneur d'ordre et le prestataire'», point particulièrement repris par les premiers juges, et que la commission locale d'information s'inquiète (pièce n° 94 susvisée) de «'cette forme spécifique de division du travail qu'est la relation de sous traitance (désengagement du donneur d'ordre, opacité des activités réciproques, difficultés de coopération et de communication)'», ils n'explicitent pas plus avant les raisons de la fragilisation dans la maîtrise des risques que le rapport affirme (la commission se contentant de le suggérer) être la conséquence inéluctable de cette situation. Ainsi que le rapport SYNDEX le précise immédiatement, et ainsi qu'il a été déjà relevé, ce sont les modalités du contrôle par la société AREVA NC de l'action du prestataire et d'exercice de sa responsabilité de chef d'installation qui sont déterminantes. À cet égard, la société AREVA NC avait versé aux débats la fiche d'attribution du chef d'installation (sa pièce n° 28) et le rapport CVA, postérieur à la décision des premiers juges, décrit de façon détaillée (pages 92 et 93) et non contredite les moyens que se donne la société pour l'exercice de cette responsabilité dont elle doit, en tout état de cause, répondre devant l'ASN'; il en résulte que la personne chargée des responsabilités de chef d'installation au sein de la société encadre une équipe de neuf personnes assurant le pilotage des prestations effectuées, outre une personne chargée de veiller aux processus et à la mise à jour de la documentation, et est assistée de cinq référents, un par utilité, et que des indicateurs de performance précis constituent le référentiel de ce suivi. Cette description est confirmée par une note d'organisation du futur service chargé du suivi de l'opérateur industriel et du pilotage du contrat d'externalisation, note non datée produite devant la cour par la société AREVA NC (sa pièce n° 201, annexe 1). Si ces données techniques ne sont pas contredites, les syndicats intimés soutiennent que la société AREVA NC n'aura plus, compte tenu de l'externalisation, les compétences nécessaires pour assumer efficacement le contrôle de l'action du prestataire et le respect par lui de ses obligations, ses salariés ayant perdu la connaissance du terrain. S'il apparaît pertinent de faire observer qu'un contrôle effectif suppose la connaissance intime des activités contrôlées, aucun des éléments produits aux débats ne permet cependant de retenir cette objection, alors qu'il incombera à la société AREVA NC de faire appel, pour pourvoir ces postes, à des personnes formées et compétentes, sans exclure que cette formation et cette compétence aient été acquises au sein du DI/PE, dont les personnels ne bénéficient cependant pas d'un monopole de connaissance en la matière. Il sera observé à cet égard qu'il résulte du tableau de suivi du dispositif de reclassement des salariés (pièce n°186 de la société AREVA NC) que quatre des salariés du DI/PE se sont vus proposer un reclassement en qualité de référent pour une des utilités, de sorte que si ces propositions étaient acceptées, quatre des cinq référents prévus pourraient nourrir leur mission de contrôle de l'expérience directement opérationnelle acquise. Sur la question de la réversibilité, sur laquelle le rapport SYNDEX s'interrogeait brièvement en page 81, il n'est pas contesté que les accords passés peuvent être résiliés (ainsi que le relevait le rapport SECAFI en page 31, qui mentionnait par ailleurs de façon dénuée de pertinence s'agissant de contrats qui n'étaient pas encore signés au moment où il a été déposé, que la société AREVA NC n'avait jamais fait jouer sa capacité à rompre le dit contrat). L'article 24 du contrat entre les sociétés AREVA NC et DALKIA (pièce n° 139 de la première nommée) met à la charge du prestataire des obligations précises pour garantir l'effectivité du «'plan de réversibilité'» qu'il organise, et notamment la transmission de toute la documentation accumulée. Ce sont les modalités pratiques selon lesquelles la société AREVA NC pourrait reprendre l'activité externalisée ou la confier à un autre prestataire, sans que ce changement s'accompagne d'une perte des compétences accumulées par le DI/PE et transmises à la société HAGUE ÉNERGIE, qui sont débattues. La société appelante produit à cet égard les observations du rapport CVA, qui n'avait pas été soumis aux premiers juges et qui ne fait pas sur ce point l'objet de critiques de la part de M. M.. Il en résulte que l'équipe du chef d'installation, en contact quotidien avec les opérateurs dans le cadre de sa mission de contrôle, sera à même d'assurer la pérennité des compétences correspondantes au sein de la société AREVA NC et, qu'en tout état de cause, le transfert de cette activité à un autre prestataire, ou par réintégration au sein du donneur d'ordre, pourra s'accompagner, en application des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail ou dans un autre cadre juridique, selon les modalités de l'opération, du maintien en fonction du personnel de la société HAGUE ÉNERGIE. Il n'est donc pas démontré que le principe et les modalités de l'externalisation projetée emporteraient les risques allégués.- les enseignements tirés de l'expérience du site de MARCOULE. La société appelante se prévaut du succès d'une opération d'externalisation similaire, par le biais d'un GIE, et portant sur le même type d'activités et sur un effectif voisin de 45 personnes, qu'elle a menée à bien sur son site de MARCOULE, cependant que le syndicat des travailleurs CGT de AREVA NC LA HAGUE soutient que les différences entre les deux sites retirent toute signification à cette comparaison. Il n'est pas contesté que cette opération d'externalisation à MARCOULE s'est déroulée de façon satisfaisante. Le rapport SYNDEX relève (page 50) que «'l'objectif d'externaliser la production des utilités dans un délai de trois ans a été tenu'», que «'la prise en main des installations par le prestataire a même été plus rapide que prévu du fait du départ précipité des salariés AREVA'», le tout «'sans incident majeur concernant la sécurité de travail, la sécurité industrielle et la fourniture des utilisateurs'», notant toutefois qu'il «'n'est pas sûr que le transfert de la connaissance des installations ait été complètement et finement réalisé'», sans préciser pour autant, ainsi que le relève de façon pertinente le rapport du LATI (page 38) sur quoi repose cette interrogation. Le processus suivi à MARCOULE est décrit par le rapport CVA (pages 66 suivantes) d'une façon qui n'est pas contredite s'agissant des faits eux mêmes et il est, de fait, similaire à celui objet du projet litigieux. Il résulte de la pièce n° 105 du syndicat des travailleurs CGT de AREVA NC LA HAGUE, qu'il n'était plus procédé, sur le site de MARCOULE, en matière d'activité nucléaire, et compte tenu de l'arrêt à la fin de l'année 2009 des réacteurs de production de tritium, qu'à des opérations d'assainissement et de démantèlement, de reconditionnement et traitement des effluents et déchets, de dosimétrie du personnel, de décontamination de machines et d'appareillages, et de maintenance d'emballages de transport de matières nucléaires, dont il n'est pas contesté qu'elles sont moins sensibles que celles effectuées à LA HAGUE. La note du 3 juin 2012 de M. M. (pages 4 à 8), qui insiste sur les besoins moins importants en utilités et les bien moindres conséquences de manquements en la matière, le confirme de façon non contredite (la note de M. J. du 1er février 2013 étant muette sur ce point). Sur la question, débattue entre les parties, notamment sur la base du rapport SYNDEX (page 47), d'une plus grande polyvalence des opérateurs à former à LA HAGUE par rapport à ceux effectivement formés à MARCOULE, de nature à rendre plus complexe la transmission des compétences, aucun élément probant n'est produit. Dès lors qu'il n'est pas démontré que le processus suivi à MARCOULE s'est déroulé de façon insatisfaisante, la circonstance que les éventuelles difficultés qui auraient pu y survenir auraient eu, ainsi que le démontre M. M., des conséquences infiniment moins graves que des difficultés du même type si elles survenaient à LA HAGUE, n'interdit pas à la société AREVA NC de tirer des enseignements du succès du processus d'externalisation mené à bien sur ce site. Il résulte, à ce stade, de ce qui précède que les risques industriels et techniques mis en avant par les syndicats intimés pour s'opposer au projet litigieux ne sont pas objectivement avérés dans des conditions qui soient susceptibles de justifier qu'interdiction soit faite à la société AREVA NC de le poursuivre ».

1) ALORS QUE l'employeur exploitant une installation nucléaire de base, est soumis au principe de précaution qui lui interdit de prendre toute mesure qui serait susceptible d'entraîner un risque grave et irréversible pour l'environnement, la santé et la sécurité des tiers et de ses salariés, ce risque fût-il incertain ou potentiel ; qu'en l'espèce, pour débouter les syndicats exposants de leur demande tendant à obtenir l'annulation de la mise en oeuvre du projet d'externalisation de la DI/PE et après avoir constaté que la DI/PE constituait une installation nucléaire de base au sens de l'article L. 593-2 du Code de l'environnement, la cour d'appel a retenu que les risques industriels et techniques mis en avant par les syndicats intimés pour s'opposer au projet litigieux n'étaient pas objectivement avérés dans des conditions susceptibles de justifier qu'interdiction soit faite à la Société AREVA NC de poursuivre ; qu'en subordonnant ainsi l'interdiction du projet litigieux à la démonstration d'un risque avéré alors que l'externalisation de la DI/PE devait être exclusive de tout risque même potentiel susceptible d'engendrer des conséquences graves et irréversibles, la cour d'appel a violé le principe de précaution, ensemble l'article L.4121-1 du Code du travail ;
2) ALORS A TOUT LE MOINS QU'en cas de litige relatif aux risques présentés par la modification d'une installation nucléaire de base susceptible d'entraîner des conséquences graves et irréversibles pour l'environnement, la santé et la sécurité des tiers et des salariés, il appartient aux salariés de présenter des éléments de fait laissant supposer qu'un risque est vraisemblable et au vu de ces éléments, il appartient à l'employeur de démontrer l'absence de tout risque ; qu'en retenant, pour se déterminer comme elle l'a fait, que les risques industriels et techniques mis en avant par les syndicats intimés pour s'opposer au projet litigieux n'étaient pas objectivement avérés dans des conditions susceptibles de justifier qu'interdiction soit faite à la Société AREVA NC de poursuivre quand il leur incombait seulement de présenter des éléments de nature à démontrer que ce risque était vraisemblable et qu'il appartenait à la Société AREVA de prouver que le projet d'externalisation de la DI/PE était exempt de tout risque, la cour d'appel a derechef violé le principe de précaution, ensemble l'article L.4121-1 du Code du travail.
TROISIEME MOYEN CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR rejeté les demandes formées par le syndicat des travailleurs CGT AREVA NC LA HAGUE et le syndicat CGT FO de l'énergie nucléaire de LA HAGUE tendant à ce que la mise en oeuvre du projet d'externalisation de la DI/PE soit annulée ;
AUX MOTIFS QUE : « Sur les risques industriels et techniques - le projet et la sécurité nucléaire. L'établissement de LA HAGUE de la société AREVA NC, assurant le traitement de combustibles nucléaires usés et radioactifs, constitue une installation nucléaire de base, au sens de l'article L'593-2 du code de l'environnement. Si le DI/PE, qui assure sur le site la production et la distribution de l'énergie et des fluides divers, y compris de refroidissement, ainsi que la surveillance et la maintenance de premier niveau des installations correspondantes, n'a pas recours aux techniques nucléaires et a une activité industrielle et non nucléaire, il n'en participe pas moins au bon fonctionnement général du site et des opérations de traitement de combustibles radioactifs qui y sont conduites. M. M. ajoute sans être contredit dans sa note du 3 juin 2012 que des retours de radio éléments dans les circuits gérés par ce service sont toujours possibles en cas d'incident, de sorte que leur détection entre dans ses missions. Le rapport SYNDEX a d'ailleurs étudié, sans se voir aucunement contester sur ce point, les risques radiologiques encourus par les salariés du service. Il sera observé à cet égard que les missions confiées au DI/PE étaient concernées, notamment au titre des pertes d'alimentation électrique et des pertes de refroidissement, par l'audit que le Premier ministre a confié à l'Autorité de sûreté nucléaire par lettre en date du 23 mars 2011 (pièce n° 61 du syndicat des travailleurs CGT de AREVA NC LA HAGUE), à la suite de l'accident survenu dans la centrale de FUKUSHIMA au Japon à partir du 11 mars 2011. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont relevé que l'obligation de sécurité de résultat résultant des textes susvisés s'impose plus particulièrement à l'employeur lorsqu'une installation nucléaire est concernée et que sont applicables les articles L'4521-1 et suivants du code du travail, aux termes desquels, notamment, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté «'sur la liste des postes de travail liés à la sécurité de l'installation'» et «'avant toute décision de sous traiter une activité, jusqu'alors réalisée par les salariés de l'établissement, à une entreprise extérieure appelée à réaliser une intervention pouvant présenter des risques particuliers en raison de sa nature ou de la proximité de l'installation'». L'Autorité de sûreté nucléaire, compétente en application des dispositions de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, depuis codifiées au code de l'environnement, a donc été saisie par la société AREVA NC notamment du projet litigieux. Répondant à la commission locale d'information, l'ASN a indiqué que «'le recours à la sous traitance relève d'un choix industriel de l'exploitant mais que ce choix ne doit pas remettre en cause les compétences techniques qu'il doit conserver en tant qu'exploitant nucléaire'», de sorte qu'elle «'contrôle que l'exploitant exerce toujours sa responsabilité par la mise en place d'une démarche permettant d'assurer la qualité des prestations sous traitées': choix des entreprises, surveillance, prise en compte du retour d'expérience, adaptation des ressources au volume de travail à réaliser'» et conclut que «'l'exploitant doit disposer des compétences nécessaires pour exercer cette responsabilité'». Saisie du projet par la société AREVA NC, en même temps que d'autres projets de réorganisation du site, l'ASN a, le 3 mars 2011, donné son accord à la mise en oeuvre des modifications induites par l'ensemble de ces projets, aux règles générales d'exploitation (incluant le secteur de la production d'énergie) et au plan d'urgence interne de l'établissement, seuls point sur lesquels, en application de l'article 26 du décret n° 2007-1557 du 2 novembre 2007 alors en vigueur, son accord était requis. Dans ce même courrier, elle a fait part de ses observations sur le «'suivi du basculement de l'exploitation du secteur «'production d'énergie'» vers un opérateur industriel'». Elle énonce que l'opération lui a été présentée «'de manière détaillée'», récapitule le processus de suivi mis en place par la société AREVA NC et fixe un calendrier de transmission par celle ci des bilans annuels «'du transfert de compétences'» et «'des indicateurs de surveillance de la prestation définis dans le cadre du plan de surveillance': perturbation de fourniture de chacune des utilités, nombre de dysfonctionnements et de constats, suivi des indisponibilités, respect des délais de rétablissement des fonctions et indicateurs environnementaux'». Ce calendrier est cependant devenu sans objet, compte tenu de l'arrêt du processus décidé par le jugement déféré. Il sera relevé à ce stade que c'est à tort que les syndicats intimés soutiennent que l'ASN n'aurait pas été complètement informée par la société AREVA NC, alors qu'à la principale note par laquelle cette société a transmis les informations complémentaires demandées par l'autorité sur le projet litigieux, celle du 23 février 2011, régulièrement versée aux débats (pièce n° 53 de la société AREVA NC et n° 63 du syndicat des travailleurs CGT de AREVA NC LA HAGUE), sont annexés une note technique dont il n'est pas soutenu qu'elle serait entachée d'erreurs ou d'imprécisions, les conventions de sécurité conclues avec la société HAGUE ÉNERGIE et un plan ressources. Par ailleurs, il doit être observé, d'une part, que les modifications aux règles générales d'exploitation et au plan d'urgence interne de l'établissement que l'ASN a approuvées étaient indissociables du projet d'externalisation litigieux et, d'autre part, qu'il résulte de la combinaison des articles 28 de la loi du 13 juin 2006 et 34 du décret du 2 novembre 2007 que l'autorité n'a pas estimé que la mise en oeuvre du dit projet était de nature à ce que l établissement de LA HAGUE présente des risques graves pour la sécurité, la santé ou la salubrité publiques ou la protection de la nature et de l'environnement. Quoiqu'aucune des parties n'en tire d'argument particulier, il doit être encore relevé que le rapport SYNDEX a tenté d'évaluer les risques radiologiques encourus par le personnel à raison du projet d'externalisation (chapitre 6, pages 67 à 77). Il en conclut que ceux ci ne sont pas modifiés par le projet, en service normal, mais pourraient l'être en fonctionnement dégradé, au cas où l'externalisation se traduirait par une «'baisse du niveau de maîtrise des installations ou une perte de la culture sûreté AREVA lors du transfert des compétences de DI/PE à DALKIA'». Le risque d'exposition à des rayonnements ionisants s'apprécie donc au regard des modalités du transfert des compétences. La cour retient, à ce stade, que les risques allégués doivent être examinés au regard de la nature de l'installation nucléaire de base au bon fonctionnement de laquelle le DI/PE participe, et que l'Autorité de sûreté nucléaire chargée par la loi du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection ne s'est pas opposée au projet litigieux d'externalisation de ce service, dont elle avait été complètement informée. - les risques liés aux compétences insuffisantes des nouveaux opérateurs. Les syndicats intimés soutiennent à cet égard que': - la société DALKIA et donc sa filiale HAGUE ÉNERGIE et ses salariés ne présentent pas des garanties de compétence suffisantes,- le processus de formation par transfert de compétences est insuffisant à compenser ce déficit,- il crée en lui même un fonctionnement perturbé du service. Le projet, tel qu'il a déjà été décrit, consiste en l'externalisation de l'activité du DI/PE, qui sera confiée à la société HAGUE ÉNERGIE, et ce au terme d'une période de trois ans pendant laquelle les personnels de ce service assureront, au sein du GIE, la formation de leurs successeurs. S'agissant du choix de la société DALKIA, il n'est pas produit d'éléments qui seraient de nature à démontrer qu'il serait en lui même générateur d'un risque technique ou industriel. Il sera observé à cet égard qu'il n'est pas contesté que cette société est spécialisée dans la gestion et l'exploitation de la production d'énergie, spécialement à partir de biomasse, ni qu'elle intervient dans la gestion et la maintenance sur différents sites nucléaires (rapport CVA, pages 59 et 60). Enfin, cette société est déjà présente sur le site de LA HAGUE dès lors qu'il résulte des pièces produites (n° 181-1 et 194 de la société AREVA NC) qu'elle est titulaire de deux contrats de maintenance, concernant les installations de ventilation et des chaudières productrices d'utilités et qui représentent, en coût, un quart des sommes consacrées par la société à l'intervention de prestataires extérieurs en la matière, soit un volume significatif. À cet égard, il doit être constaté que les critiques contenues dans le rapport SECAFI (pages 29 et 30) sur la qualité de la prestation offerte par la société DALKIA dans le cadre de ces contrats ne sont pas documentées, mais rendent compte de la méfiance des salariés du DI/PE à l'égard des salariés de DALKIA, également relevée par M. M. en page 4 de sa note du 17 mai 2011. Il en est de même de celles relevées par le rapport SYNDEX (page 75), dont les auteurs indiquent n'avoir pu «'confirmer physiquement'» les témoignages recueillis. S'il n'est pas contesté que la société HAGUE ÉNERGIE a procédé par embauche externe au recrutement des salariés appelés à intégrer le GIE, la qualité de la formation initiale de ces personnels n'est pas sérieusement contestée, cette question n'étant pas abordée dans les rapports SYNDEX et SECAFI, ni dans les notes de M. M.. Le niveau de cette formation initiale résulte des curriculum vitae produits (pièce n° 72 de la société AREVA NC) et a été relevé de façon précise par le rapport CVA (page 88) s'agissant des dix premiers recrutements effectués. Le processus de formation des salariés ainsi recrutés, tel qu'il résulte des pièces produites (n° 20 et 62 à 70 de la société AREVA NC, pages 17 à 19 du rapport SYNDEX et pages 82 à 86 du rapport CVA), doit se dérouler en trois temps, le premier théorique, d'une durée d'un mois, assuré par la société DALKIA, le deuxième de trois mois, en alternance en salle et sur le site, assuré par l'AFPA selon contrat conclu avec la société AREVA NC, spécifique aux installations de l'établissement selon un programme détaillé en plusieurs modules, et le troisième consistant en un compagnonnage de cinq mois, par intégration en surnombre dans les équipes, selon le modèle déjà utilisé au sein du DI/PE pour la formation des nouveaux arrivés. Cette formation doit être sanctionnée par l'acquisition des diverses autorisations d'exercer en vigueur au sein de l'établissement et reconnues par l'ASN. Ces autorisations d'exercer seront obtenues au terme de cette formation de neuf mois, pour ce qui concerne les conducteurs d'installation. Les personnels d'encadrement (adjoints et chefs de quart) ne pourront obtenir pour leur part les autorisations d'exercer correspondantes qu'au terme de quinze mois supplémentaires pour les premiers et d'encore une année pour les seconds, étant relevé qu'il n'est pas contesté que toute la période de fonctionnement du GIE offrira à tous les personnels de la société HAGUE ÉNERGIE la possibilité de parfaire leur formation et la connaissance du site au contact des salariés du DI/PE. Ce plan de formation, qualifié de «'réfléchi'» par M. M. (en page 9 de sa note du 3 juin 2012) est jugé insuffisant par le rapport SYNDEX, qui le compare avec la formation assurée aux nouveaux venus au sein du PI/PE, dont il est indiqué qu'elle dure de quatre à cinq ans pour un agent d'exploitation et de sept à dix ans pour un adjoint ou un chef de quart, étant observé que cette formation est uniquement pratique et assurée par le seul mode du compagnonnage. Ce rapport dénonce la remise en cause du recours exclusif à ce mode de formation, sans formuler cependant de critiques précises à l'égard du contenu des quatre premiers mois de la formation envisagée, estime que la durée totale (qu'il ramène à huit mois) est «'problématique du point de vue cognitif'» et que le dispositif envisagé «'répond davantage à une problématique de masse et de durée qu'à une problématique de qualité'». Le rapport du LATI fait à cet égard observer (pages 36 et 37) de façon pertinente que le compagnonnage tel que pratiqué au sein du DI/PE pendant les longues périodes indiquées lors des entretiens ne peut être comparé à celui prévu par la formation envisagée au sein du GIE, où les nouveaux travailleurs seront intégrés en surnombre dans les équipes, alors qu'il ne résulte d'aucun élément produit qu'il en était de même dans le compagnonnage dont se prévalent les salariés du DI/PE. M. M...., dans sa note du 17 mai 2011, rejoint cependant les critiques du rapport SYNDEX':il rappelle que la création du service assuré par le DI/PE a pris dix sept ans «'d'investissements humains et techniques'», note l'importance pour la sécurité de l'usine de «'la vivacité de réaction des agents polyvalents DI/PE'» et estime «'tout à fait utopique d'imaginer que des agents extérieurs, non pénétrés de ces installations atypiques, puissent s'y substituer en un ou deux ans'», ce qui nécessiterait en tout état de cause «'une coopération étroite'» comme condition nécessaire «'de la réussite du transfert des connaissances technologiques'», ce dont il doute «'compte tenu du climat qui règne entre les équipes AREVA et les équipes DALKIA'». Le rapport CVA relève que «'le programme de formation mis en place couvre l'ensemble des tâches du périmètre DEMC/PE'» et ajoute que «'la collaboration entre AREVA NC, DALKIA, les experts de l'AFPA et le personnel de DEMC/PE permet de confronter les différents modes de travail et entraînera l'amélioration des pratiques'», cependant que M. Hervé S. juge ce dispositif «'particulièrement robuste'» et excédant «'largement ce qui est pratiqué pour le démarrage d'un site nouveau'». M. M. fait grief à ce dernier de n'avoir pas été chargé à LA HAGUE du «'coeur de métier'» nucléaire mais seulement de maintenance et de conduite des utilités, critique qui n'est pas pertinente en ce qui concerne l'appréciation portée par l'intéressé sur le processus de formation. Il résulte de ces éléments et analyses que les personnels du DI/PE ont une forte identité propre, (notamment relevée dans le rapport SECAFI) et une ancienneté plus importante au sein du service que celle annoncée par la société AREVA NC dans le tableau figurant en pièce n° 71, qui ne tient compte que du dernier poste tenu, et non des fonctions précédemment occupées dans le service, ainsi que le montre le tableau enrichi de cette donnée produit par le syndicat des travailleurs CGT de AREVA NC LA HAGUE (sa pièce n° 66), et intègrent par compagnonnage les rares nouveaux arrivés. Il sera observé que quatre des salariés du service seulement ont moins de 25 ans (pièce n° 71 de la société AREVA NC) et six moins de deux années d'ancienneté dans la société (pièce n° 66 précitée). Le projet litigieux consiste indéniablement en le démantèlement d'une équipe composée de personnels anciens (près de vingt d'entre eux ont entre 50 et 60 ans) et expérimentés, qui ont l'habitude de travailler ensemble et assurent, dans des conditions de professionnalisme qui ne sont à aucun moment remises en cause, une mission importante au sein de l'établissement, démantèlement que ces salariés peuvent très légitimement regretter, ainsi qu'ils l'ont exprimé dans les entretiens avec les auteurs des rapports SYNDEX et SECAFI. Il conduit, par ailleurs, à solliciter ces mêmes salariés pour assurer la formation de ceux qui vont les remplacer, ce qui est une situation dont on comprend qu'elle puisse être vécue comme frustrante.Cependant, ces éléments objectifs et ces analyses ne démontrent pas les insuffisances du plan de formation prévu par la société AREVA NC. La durée et les modalités de celui ci, telles qu'elles sont précisément décrites par les pièces produites aux débats, ne sont en particulier par utilement critiquées, la seule comparaison avec des durées de compagnonnage informel et d'apprentissage exprimées par les intéressés de façon nécessairement subjective, n'étant pas à cet égard significative, ainsi que le fait observer de façon pertinente le rapport du LATI (page 35), en rappelant que la technique d'entretien dans ce type de contexte aboutit fréquemment à une surestimation par les salariés de la complexité de leur travail et des difficultés de leur formation (et étant ajouté à ce stade que les enseignements qui peuvent être tirés de l'expérience conduite par la société AREVA NC sur son site de MARCOULE seront examinés plus loin). Ils ne caractérisent pas davantage un risque avéré de déperdition des connaissances et de l'expérience accumulées, qui serait susceptible de rejaillir sur la sécurité de l'établissement et donc de l'ensemble des salariés de celui ci. Il doit être observé, à cet égard, que si la limitation à trois années de la durée de vie du GIE prévue par l'acte constitutif de celui ci se révélait trop courte au regard des exigences de la transmission des compétences, ainsi que les syndicats intimés l'ont fait observer, il a été apporté ultérieurement une modification permettant une prolongation éventuelle de deux années. Cette possibilité a été retenue comme un point positif par la DIRECCTE dans sa note du 4 mars 2011. Le rapport SYNDEX mentionne un risque de «'fonctionnement en mode dégradé'» et de «'déstabilisation des équipes'», qu'il attribue en partie à la nécessité pour les salariés du DI/PE de faire face en même temps à leurs tâches quotidiennes et à la formation des salariés de la société HAGUE ÉNERGIE. Il s'agit cependant d'une situation qui est inhérente à la formation par compagnonnage, et s'il est certain que le nombre de personnes à former sera nettement plus important qu'il ne l'était par le passé, alors que le DI/PE était, ainsi qu'il a déjà été relevé, marqué par une importante stabilité du personnel, ce point est compensé par la certitude que les salariés à former seront, pendant les cinq mois de la période de compagnonnage pour ce qui concerne les agents d'exploitation, intégrés aux équipes en sur effectif. Les risques par ailleurs évoqués dans le dit rapport ainsi que par M. M., liés aux difficultés relationnelles qui pourraient surgir entre les salariés du GIE, selon qu'ils proviennent du DI/PE où qu'ils viennent d'être engagés par la société HAGUE ÉNERGIE, ne peuvent, en revanche, être écartés. Il est cependant impossible à la cour de les objectiver sur la base des éléments produits, dès lors que ceux ci démontrent le professionnalisme et la culture de la sécurité régnant au sein du DI/PE, ce qui les relativise donc pour l'essentiel. Le risque de perte des compétences acquises par les salariés du DI/PE n'apparaît donc pas avéré sur la base d'éléments objectifs.- les risques liés à l'économie générale du projet. Sont évoqués à ce titre par les syndicats intimés':- la prépondérance d'un choix économique sur les impératifs de sécurité,- un montage juridique complexe et une dilution des responsabilités,- la capacité de contrôle par la société AREVA NC au regard de sa perte en compétences,- la possibilité de revenir en arrière (réversibilité du projet). Le syndicat CGT FO de l'énergie nucléaire de LA HAGUE s'appuie sur le rapport SECAFI pour estimer que la motivation du projet est essentiellement économique. Ce rapport insiste en fait sur le critère économique du recours à l'énergie tirée de la biomasse, et discute au contraire la pertinence économique du projet d'externalisation. Aucun élément chiffré objectif n'est produit sur ce point. Il doit, en tout état de cause, être rappelé que le juge n'a pas à porter d'appréciation sur la pertinence économique du projet, lequel ne lui est soumis qu'en tant qu'il constituerait un risque pour les travailleurs concernés. Cet argument est donc dénué de pertinence, seule la réalité du risque allégué pouvant être utilement débattue. Le projet litigieux correspond à la définition que donne la société AREVA NC elle même de l'externalisation (sa pièce n° 2) et non à ce qu'elle définit comme une simple sous traitance, dès lors que la conduite et la surveillance d'installations sont remises à un prestataire, le GIE dans un premier temps, puis la société HAGUE ÉNERGIE. Il en résulte que la responsabilité entière de la prestation est transférée au tiers à qui elle est confiée, ce qui se traduit, pendant la période transitoire du GIE, par le fait que la direction opérationnelle de celui ci est confiée à un directeur général désigné par la société HAGUE ÉNERGIE, cependant que la société AREVA NC, qui conserve sa responsabilité d'exploitant d'une installation nucléaire de base et donc le rôle de chef d'installation (qui, contrairement à ce qu'écrit en page 31 le rapport SECAFI n'est pas délégué au prestataire), désigne pour sa part le président du groupement et contrôle l'action de l'exploitant. Le partage des responsabilités pendant la période transitoire puis à l'issue de celle ci est organisé dans des conventions conclues entre les deux sociétés (pièces n° 25 et 26 de la société AREVA NV), conventions qui ont été transmises à l'ASN avant qu'elle ne donne son avis du 3 mars 2011. S'il est exact que le projet doit aboutir à ce que la gestion et le contrôle des divers sous traitants soient assurés par le prestataire (pièce n° 190 de la société AREVA NC, pages 72 et 73), il ne résulte d'aucune des pièces produites aux débats que cette nouvelle chaîne de responsabilité serait source de risques en matière de sécurité. Il n'est au contraire pas sérieusement contredit que c'est le maintien de la gestion directe par la société AREVA NC de ces sous traitants, qui assurent notamment divers niveaux de maintenance des installations après celle de premier niveau transférée au GIE puis à la société HAGUE ÉNERGIE, qui rendrait plus complexe le pilotage du projet, et que la logique de l'externalisation conduit à confier cette responsabilité au prestataire et non au chef d'installation et donneur d'ordre. Il n'est pas à cet égard démontré que les incidents survenus les 3 et 11 mai 2011, soit pendant la période où le GIE a fonctionné, seraient la conséquence de cette modification de la chaîne des responsabilités, dès lors qu'il ne résulte d'aucune des pièces produites que les erreurs éventuellement imputables au GIE (soit, le 3 mai, l'évacuation par des sous traitants, les sociétés PONTICHELLI et CHERBOURG LEVAGE, de groupes électrogènes pour réparation chez le constructeur, sans que l'un des sous traitants ait pris possession de l'autorisation de travail accordée, et le 11 mai, l'intervention d'un salarié de DALKIA sur une chaudière, sans autorisation de travail pour l'entrée dans la zone considérée) dans sa mission de contrôle des sous traitants n'auraient pas été commises par la société AREVA NC elle même. Il doit être, en effet, relevé que les salariés concernés étaient des salariés de sous traitants qui intervenaient sur le site dans les mêmes conditions avant et après l'entrée en fonctionnement du GIE (voir à cet égard le compte rendu de la réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du 19 mai 2011, sur information rapide, pièce n° 70 du syndicat des travailleurs CGT de AREVA NC LA HAGUE, et les lettres d'observations émises à la suite de ces incidents par les sociétés AREVA NC et HAGUE ÉNERGIE, pièces n° 161 et 163 de la société AREVA NC). Il sera observé à cet égard que le syndicat des travailleurs CGT de AREVA NC LA HAGUE se prévaut en vain d'un rapport de l'ASN sur l'augmentation des incidents en 2010 par rapport à 2009 et ne démontre nullement que la période située entre février et juillet 2011 aurait été marquée par un nombre plus élevé que précédemment d'incidents. De même, lorsque le rapport SYNDEX relève (page 57) «'le conflit d'intérêt consubstantiel à la relation entre le donneur d'ordre et le prestataire'», point particulièrement repris par les premiers juges, et que la commission locale d'information s'inquiète (pièce n° 94 susvisée) de «'cette forme spécifique de division du travail qu'est la relation de sous traitance (désengagement du donneur d'ordre, opacité des activités réciproques, difficultés de coopération et de communication)'», ils n'explicitent pas plus avant les raisons de la fragilisation dans la maîtrise des risques que le rapport affirme (la commission se contentant de le suggérer) être la conséquence inéluctable de cette situation. Ainsi que le rapport SYNDEX le précise immédiatement, et ainsi qu'il a été déjà relevé, ce sont les modalités du contrôle par la société AREVA NC de l'action du prestataire et d'exercice de sa responsabilité de chef d'installation qui sont déterminantes. À cet égard, la société AREVA NC avait versé aux débats la fiche d'attribution du chef d'installation (sa pièce n° 28) et le rapport CVA, postérieur à la décision des premiers juges, décrit de façon détaillée (pages 92 et 93) et non contredite les moyens que se donne la société pour l'exercice de cette responsabilité dont elle doit, en tout état de cause, répondre devant l'ASN'; il en résulte que la personne chargée des responsabilités de chef d'installation au sein de la société encadre une équipe de neuf personnes assurant le pilotage des prestations effectuées, outre une personne chargée de veiller aux processus et à la mise à jour de la documentation, et est assistée de cinq référents, un par utilité, et que des indicateurs de performance précis constituent le référentiel de ce suivi. Cette description est confirmée par une note d'organisation du futur service chargé du suivi de l'opérateur industriel et du pilotage du contrat d'externalisation, note non datée produite devant la cour par la société AREVA NC (sa pièce n° 201, annexe 1). Si ces données techniques ne sont pas contredites, les syndicats intimés soutiennent que la société AREVA NC n'aura plus, compte tenu de l'externalisation, les compétences nécessaires pour assumer efficacement le contrôle de l'action du prestataire et le respect par lui de ses obligations, ses salariés ayant perdu la connaissance du terrain. S'il apparaît pertinent de faire observer qu'un contrôle effectif suppose la connaissance intime des activités contrôlées, aucun des éléments produits aux débats ne permet cependant de retenir cette objection, alors qu'il incombera à la société AREVA NC de faire appel, pour pourvoir ces postes, à des personnes formées et compétentes, sans exclure que cette formation et cette compétence aient été acquises au sein du DI/PE, dont les personnels ne bénéficient cependant pas d'un monopole de connaissance en la matière. Il sera observé à cet égard qu'il résulte du tableau de suivi du dispositif de reclassement des salariés (pièce n° 186 de la société AREVA NC) que quatre des salariés du DI/PE se sont vus proposer un reclassement en qualité de référent pour une des utilités, de sorte que si ces propositions étaient acceptées, quatre des cinq référents prévus pourraient nourrir leur mission de contrôle de l'expérience directement opérationnelle acquise. Sur la question de la réversibilité, sur laquelle le rapport SYNDEX s'interrogeait brièvement en page 81, il n'est pas contesté que les accords passés peuvent être résiliés (ainsi que le relevait le rapport SECAFI en page 31, qui mentionnait par ailleurs de façon dénuée de pertinence s'agissant de contrats qui n'étaient pas encore signés au moment où il a été déposé, que la société AREVA NC n'avait jamais fait jouer sa capacité à rompre le dit contrat). L'article 24 du contrat entre les sociétés AREVA NC et DALKIA (pièce n° 139 de la première nommée) met à la charge du prestataire des obligations précises pour garantir l'effectivité du «'plan de réversibilité'» qu'il organise, et notamment la transmission de toute la documentation accumulée. Ce sont les modalités pratiques selon lesquelles la société AREVA NC pourrait reprendre l'activité externalisée ou la confier à un autre prestataire, sans que ce changement s'accompagne d'une perte des compétences accumulées par le DI/PE et transmises à la société HAGUE ÉNERGIE, qui sont débattues. La société appelante produit à cet égard les observations du rapport CVA, qui n'avait pas été soumis aux premiers juges et qui ne fait pas sur ce point l'objet de critiques de la part de M. M.. Il en résulte que l'équipe du chef d'installation, en contact quotidien avec les opérateurs dans le cadre de sa mission de contrôle, sera à même d'assurer la pérennité des compétences correspondantes au sein de la société AREVA NC et, qu'en tout état de cause, le transfert de cette activité à un autre prestataire, ou par réintégration au sein du donneur d'ordre, pourra s'accompagner, en application des dispositions de l'article L'1224-1 du code du travail ou dans un autre cadre juridique, selon les modalités de l'opération, du maintien en fonction du personnel de la société HAGUE ÉNERGIE. Il n'est donc pas démontré que le principe et les modalités de l'externalisation projetée emporteraient les risques allégués.- les enseignements tirés de l'expérience du site de MARCOULE. La société appelante se prévaut du succès d'une opération d'externalisation similaire, par le biais d'un GIE, et portant sur le même type d'activités et sur un effectif voisin de 45 personnes, qu'elle a menée à bien sur son site de MARCOULE, cependant que le syndicat des travailleurs CGT de AREVA NC LA HAGUE soutient que les différences entre les deux sites retirent toute signification à cette comparaison. Il n'est pas contesté que cette opération d'externalisation à MARCOULE s'est déroulée de façon satisfaisante. Le rapport SYNDEX relève (page 50) que «'l'objectif d'externaliser la production des utilités dans un délai de trois ans a été tenu'», que «'la prise en main des installations par le prestataire a même été plus rapide que prévu du fait du départ précipité des salariés AREVA'», le tout «'sans incident majeur concernant la sécurité de travail, la sécurité industrielle et la fourniture des utilisateurs'», notant toutefois qu'il «'n'est pas sûr que le transfert de la connaissance des installations ait été complètement et finement réalisé'», sans préciser pour autant, ainsi que le relève de façon pertinente le rapport du LATI (page 38) sur quoi repose cette interrogation. Le processus suivi à MARCOULE est décrit par le rapport CVA (pages 66 suivantes) d'une façon qui n'est pas contredite s'agissant des faits eux mêmes et il est, de fait, similaire à celui objet du projet litigieux. Il résulte de la pièce n° 105 du syndicat des travailleurs CGT de AREVA NC LA HAGUE, qu'il n'était plus procédé, sur le site de MARCOULE, en matière d'activité nucléaire, et compte tenu de l'arrêt à la fin de l'année 2009 des réacteurs de production de tritium, qu'à des opérations d'assainissement et de démantèlement, de reconditionnement et traitement des effluents et déchets, de dosimétrie du personnel, de décontamination de machines et d'appareillages, et de maintenance d'emballages de transport de matières nucléaires, dont il n'est pas contesté qu'elles sont moins sensibles que celles effectuées à LA HAGUE. La note du 3 juin 2012 de M. M. (pages 4 à 8), qui insiste sur les besoins moins importants en utilités et les bien moindres conséquences de manquements en la matière, le confirme de façon non contredite (la note de M. J. du 1er février 2013 étant muette sur ce point). Sur la question, débattue entre les parties, notamment sur la base du rapport SYNDEX (page 47), d'une plus grande polyvalence des opérateurs à former à LA HAGUE par rapport à ceux effectivement formés à MARCOULE, de nature à rendre plus complexe la transmission des compétences, aucun élément probant n'est produit. Dès lors qu'il n'est pas démontré que le processus suivi à MARCOULE s'est déroulé de façon insatisfaisante, la circonstance que les éventuelles difficultés qui auraient pu y survenir auraient eu, ainsi que le démontre M. M., des conséquences infiniment moins graves que des difficultés du même type si elles survenaient à LA HAGUE, n'interdit pas à la société AREVA NC de tirer des enseignements du succès du processus d'externalisation mené à bien sur ce site. Il résulte, à ce stade, de ce qui précède que les risques industriels et techniques mis en avant par les syndicats intimés pour s'opposer au projet litigieux ne sont pas objectivement avérés dans des conditions qui soient susceptibles de justifier qu'interdiction soit faite à la société AREVA NC de le poursuivre. Sur les risques psychosociaux. Les risques psychosociaux encourus du fait du projet litigieux, étant rappelé que cette notion n'a pas reçu de définition légale, seront analysés au regard de la définition qu'en propose le LATI (page 13 de son rapport) -'qui n'est pas contredite par les parties et rend compte de leur argumentation'-, à savoir les risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrés par les conditions d'emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d'interagir avec le fonctionnement mental.- l'analyse du rapport SYNDEX. Les syndicats intimés fondent leur analyse sur le rapport déposé par l'expert désigné par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, qui consacre son chapitre 5 (pages 58 à 66) aux impacts du projet sur la santé des salariés concernés. Y sont notamment décrits le choc ressenti par les intéressés à l'annonce du projet, l'incompréhension que celui ci suscite, le fait qu'il est reçu comme un message de mépris envers leur professionnalisme et leur engagement, et le scepticisme sur les capacités de la nouvelle organisation projetée à garantir un niveau de sécurité équivalent à celui offert par le DI/PE. Sont aussi soulignées la crainte d'une séparation programmée d'avec les collègues, les inquiétudes spécifiques des chefs de quart et adjoints sur la compétence de leurs futurs opérateurs et l'inquiétude de chacun sur ses perspectives professionnelles, étant observé que les salariés rencontrés par les auteurs du rapport semblent, pour la «'grande majorité d'entre eux'», subir la réorientation professionnelle qui suivra la fin de leur mise à disposition du GIE et s'inquiètent des offres qui pourront leur être faites. Plus précisément, outre une «'perte de motivation'», le rapport note que «'plusieurs salariés ont évoqué des troubles du sommeil et de l'humeur et un état dépressif'», fait l'hypothèse que si le projet est mis en ouvre, une partie, voire une grande partie, des salariés va « pouvoir s adapter », mais qu'il «'n'est pas sûr que tout le monde le puisse'» ni que «'l'engagement dans le travail ne soit pas émoussé dans la durée'», et relève que «'l'issue pathologique et un passage à l'acte ne peuvent être exclus'». Il conclut que la résistance des salariés face au projet «'est un moyen de lutte contre la souffrance'», et «'doit être prise en compte à ce titre par le management plutôt que dans l'engagement d'un rapport de force qui exacerberait les tensions et les risques». Il déduit notamment de cette analyse, dans ses préconisations (pages 81 et suivantes), la nécessité de prendre en compte et de suivre ces risques psychosociaux, qui engage la responsabilité de l'entreprise, et de mieux accompagner l'élaboration du projet professionnel des salariés intéressés.

Comme le précise le rapport lui même (méthodologie, notamment pages 6 et 7), le chapitre 5, tel qu'il vient d'être résumé, est pour l'essentiel le fruit des entretiens individuels conduits, aux mois de novembre et décembre 2010, avec 19 des salariés du DI/PE choisis sur la base du volontariat, des propos tenus lors de ces entretiens, reproduits entre guillemets, venant illustrer les observations présentées. Ainsi que l'a relevé le LATI (page 30) et que cela résulte du rappel chronologique fait ci dessus, ces entretiens se sont donc déroulés alors que le projet d'externalisation avait été annoncé et présenté aux institutions représentatives du personnel, mais restait encore dénué de toute concrétisation, notamment s'agissant de la situation personnelle de chacun des intéressés, laquelle n'a été abordée avec chacun d'entre eux qu'à partir de la fin du mois de janvier 2011. Il en résulte que le rapport SYNDEX rend compte de la grande inquiétude dans laquelle se trouvaient les salariés concernés à la fin de l'année 2010. Il convient, à ce stade, de replacer la situation particulière du DI/PE dans le contexte général de l'établissement de LA HAGUE en la matière. Il doit être rappelé, préalablement, que l'ensemble des salariés postés du DI/PE et une grande partie des salariés de l'établissement ont exprimé, presqu'à la même période (le 21 janvier 2011), leur opposition au projet.- la situation générale de l'établissement au regard des risques psychosociaux La société AREVA NC produit une étude globale qu'elle a commandée, indépendamment du projet litigieux, au cabinet STIMULUS, qui n'était pas agréé au sens de l'article L.4614-12 du code du travail au moment où elle l'a saisi, mais l'est devenu par arrêté du 23 décembre 2011. Cette étude (pièces n° 83 de la société AREVA NC et 54 du syndicat des travailleurs CGT de AREVA NC LA HAGUE) a procédé par recours à un questionnaire qui a été utilement renseigné du 18 octobre au 5 novembre 2010 par 2107 personnes sur 3070 sollicitées. Il en résulte que 15,90 % des salariés du site de LA HAGUE sont en situation d'hyper stress (défini comme «'un état de stress qui, par son intensité et/ou sa fréquence, représente un facteur de risque pour la santé de l'individu'», contre 24 % sur un « panel STIMULUS repondéré (France, 39 057 salariés) ». Le secteur DI/PE atteint le niveau le plus élevé, soit 38,78 % d hyper stress et de démotivation élevée, trois facteurs spécifiques étant identifiés chez ces salariés, à savoir «'la justice organisationnelle'», «'l'incertitude par rapport à l'avenir'» et «'les relations avec les supérieurs».Il sera observé à cet égard que la période de recueil est elle aussi située entre l'annonce du projet d'externalisation et le début du processus de reclassement individuel. Plusieurs documents émis par le service de santé au travail de l'établissement sont également produits aux débats, étant d'abord observé que ce service avait été associé à la mise en place de l'étude conduite par le cabinet STIMULUS (lettre du 15 février 2011 du chef de service, pièce n° 30 des syndicats intimés) et en a estimé les résultats pertinents, le chef du service ajoutant que ces résultants «confirmaient les observations qui ont été faites par les médecins du travail et la psychologue de l'établissement, tant sur les aspects quantitatifs (nombre de salariés en état de stress et d'hyper stress), que sur les causes». Le rapport annuel d'activité du service, pour l'année 2010 (pièces n° 28 des syndicats intimés et 101 de la société appelante) relève, sous la plume d'un des médecins du travail, le Dr M., que les sollicitations «dans le domaine de la santé mentale'» se sont accrues «'de façon très nette en 2010 avec les répercussions liées à la démarche d'externalisation du DI/PE'» et que «'de nombreux salariés ont exprimé de l'anxiété, du stress, des troubles du sommeil, des troubles psychologiques allant jusqu'à la dépression pour quelques salariés'». Ce même médecin précise encore que « toute nouvelle organisation demande un effort d'adaptation'», que l'annonce de l'externalisation complète «a entraîné beaucoup de déception et de découragement chez les salariés et particulièrement chez les plus anciens pour qui ce service a été le sens de leur vie professionnelle», relevant aussi «'l'incertitude prolongée concernant l'avenir professionnel des salariés» qui les a «maintenus dans leur souffrance'», à raison de «'l'impossibilité de se projeter dans l'avenir'» et de «'l'appréhension de redémarrer une carrière à zéro dans un autre service». Un autre praticien relève également une «'augmentation des consultations en relation avec les risques psychosociaux pour des questions de modifications d'équipes, d'évolution dans les organisations du travail, de charge de travail mais aussi de contexte socio économique difficile», avant de conclure que «'l'analyse de l'étude STIMULUS permettra probablement de mettre en pratique des propositions collectivement acceptées». La psychologue du travail évoque, pour sa part, un malaise grandissant, et la nécessité d'«une démarche d'évaluation collective des risques psychosociaux'», allant au delà des interventions de cabinets externes sollicités par la direction ou le comité d'hygiène, de sécurité et des conditionsde travail, sur la base de «'demandes multiples mais à chaque fois parcellaires», qu'elle oppose à la «grande étude d'évaluation des risques psychosociaux ' lancée par la direction en partenariat avec le cabinet STIMULUS», démarche «fort intéressante» quoiqu'«initiée tardivement» et qui «devra permettre de proposer et de mettre en place des actions concrètes visant à protéger les salariés face aux risques psychosociaux». Dans le rapport pour l'année 2011 (pièce n° 108 du syndicat des travailleurs CGT de AREVA NC LA HAGUE), le Dr M. relève encore qu'il a été amené à recevoir «'un certain nombre de salariés de DEMC/PE en souffrance du fait de l'incertitude qui se prolonge concernant leur avenir professionnel dans le contexte d'externalisation de ce service'», la psychologue du travail faisant état, pour sa part, de «'la mise en place de groupes de travail faisant suite à l'enquête STIMULUS'». Le rapport TECHNOLOGIA déposé en janvier 2011 à la demande du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail sur l'autre projet de réorganisation, concernant la direction DI/DM (pièce n°13 des syndicats intimés), décrit les risques psychosociaux que comporte ce projet, évoquant perte de confiance et incertitude sur l'avenir, à l'origine de pathologies anxio dépressives dont les symptômes atteignent déjà quelques salariés et mentionne, à cet égard, les obligations pesant sur l'employeur en application des articles L.4121-1 et suivants du code du travail. Le second rapport déposé par le cabinet TECHNOLOGIA, au mois de mars 2012, mais à la suite de la décision prise par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail en avril 2010 en raison du suicide d'un responsable de production d'un atelier de la direction industrielle (pièce n° 52 du syndicat CGT FO de l'énergie nucléaire de LA HAGUE), dont la mission a été réduite par la cour d'appel de CAEN aux seuls «'cadres au forfait'», exploite un questionnaire, qui n'a pu être soumis aux intéressés avant le second semestre de l'année 2011, ainsi que des entretiens individuels et évoque notamment «'une succession de réorganisations insuffisamment accompagnées'», l'isolement des cadres, le manque de reconnaissance et les insuffisances de l'accompagnement par les équipes chargées des ressources humaines. Le dépôt puis l'analyse de ce rapport ont donné lieu à une mise en demeure du 18 septembre 2012 adressée par la DIRECCTE à la société AREVA NC, portant sur «'la mise en place d'un plan d'action permettant l'évaluation et la maîtrise de la charge mentale et physique de travail'» et ce pour tout le personnel de l'établissement quel que soit son niveau de qualification, sur le respect des repos légaux et des limites maximales légales de la durée du travail, et la mise en place d'«'un système d'enregistrement automatique, fiable, infalsifiable du début et de la fin de chaque période de travail pour tout le personnel'». La DIRECCTE a pris bonne note, le 29 novembre 2012 (pièce n° 197 de la société AREVA NC), du dépôt du plan d'action, des mesures prises et des réponses apportées, dont elle a estimé qu'il répondait à sa mise en demeure. Des suicides de salariés en activité au sein de l'établissement, que les parties estiment à environ cinq sur la période considérée, entre les mois de février 2010 et février 2011, doivent également être pris en compte. Les rapports susvisés du service de santé au travail font état de l'augmentation du nombre des suicides'; ils en recensent un en 2008, aucun en 2009, mais trois en 2010 et cinq en 2011 (et encore deux dans les deux premiers mois de 2012) et notent que ces chiffres correspondent à un taux au sein de l'établissement nettement plus important que le taux moyen pour le département de la Manche. Les parties divergent sur le lien entre chacun de ces suicides et le contexte professionnel. Il n'appartient pas à la cour de trancher ici au cas par cas cette question délicate, ce qu'elle ne saurait en tout état de cause faire sur la base des seules pièces produites de part et d'autre. Il sera seulement et de façon générale observé, avec le rapport TECHNOLOGIA rendu à la suite du suicide de mars 2010, que «'les situations préoccupantes sont actuellement minoritaires sur le site'» mais qu'«'il n'en demeure pas moins que de nombreuses caractéristiques ancrées dans le quotidien du travail représentent des facteurs de risque pour la santé mentale des salariés'» et, qu'en tout état de cause, ainsi que le relève le chef du service de santé au travail, «'il s'agit, à l'évidence, d'un indicateur d'alerte qu'il convient de prendre en compte de façon prioritaire'», ce praticien ajoutant, après avoir rappelé que «'le travail est un facteur de protection important contre le suicide'», qu'«'il semble qu'il joue de moins en moins son rôle pour les travailleurs de l'établissement'» et que «'les problèmes de vie privée ne sont plus compensés par un investissement dans leur travail'», ce dont témoigne «'le taux élevé de démotivation'». Il sera encore observé que la DIRECCTE, dans une lettre du 19 septembre 2012, a estimé, sur la base du rapport TECHNOLOGIA, que «'la situation qu'a subie M. L. n'est pas un cas isolé et que la situation, pour les cadres au forfait jours, deux ans après le suicide de M. L. n'a pas évolué malgré les anomalies'» relevées en terme de durée du travail, et fait part à la société AREVA NC de sa décision d'informer «'le procureur de la République de son inaction depuis 2010 sur les moyens de mesurer la charge mentale des cadres au forfait jours et de soulager cette charge physique et mentale'». Enfin, il n'est pas contesté qu'aucun des suicides survenus dans l'établissement n'a concerné un des salariés du DI/PE intéressés par le projet litigieux. Aucune des pièces produites aux débats ne permet, contrairement à ce que suggère le syndicat CGT FO de l'énergie nucléaire de LA HAGUE, de relier au projet d'externalisation de ce service et à la procédure en train d'être initiée la tentative de suicide survenue dans la première quinzaine du mois d'avril 2011, qui a donné lieu à une réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail en date du 15 avril 2011, puis à une enquête arrêtée à la demande du salarié concerné. Il résulte de l'ensemble de ces documents que la question des risques psychosociaux concerne l'établissement dans son ensemble, mais qu'elle est apparue particulièrement aiguë au sein du DI/PE à la fin de l'année 2010 et encore pendant l'année 2011.- la situation d'incertitude des salariés concernés par le projet. Ainsi qu'il a été relevé par le LATI, «'d'une manière générale, le changement est considéré comme une source de stress pour les membres de l'organisation touchés par le changement'», et la rupture que celui ci consacre s'accompagne nécessairement d'une situation d'incertitude, d'un sentiment de perte de contrôle et d'une augmentation des contraintes du travail perçues (pages 17 à 19). Ainsi que l'ont relevé tous les rapports et avis analysés plus haut, et comme le résume le LATI, «'à l'époque du lancement de l'externalisation, les salariés étaient certainement dans un état de stress important, voire en situation de mal être'», le LATI notant encore que «'l'externalisation est un changement qui sollicite beaucoup les capacités d'adaptation des salariés'». Il résulte des pièces produites que, depuis la fin de l'année 2010, la situation des salariés concernés a évolué à cet égard dans les premiers mois de l'année 2011. Il y a lieu d'examiner, à ce stade, le début du processus de préparation du reclassement des salariés du DI/PE à l'issue de leur mise à disposition du GIE, étant observé qu'il n'est pas contesté qu'ainsi que l'a observé le rapport SECAFI (page 39), il existe sur le site de LA HAGUE un nombre de postes suffisants pour accueillir l'ensemble des salariés concernés. Il sera observé que ce dispositif a fait l'objet, selon un processus annoncé lors de la réunion du comité d'établissement du 25 janvier 2011 (page 23) et initié dès le 4 avril 2011 (pièces n° 148 et 149 de la société AREVA NC), soit avant la délivrance de l'acte introductif de la présente instance, d'un accord d'entreprise en date du 22 avril 2012, signé par les syndicats UNSA SPAEN, CFDT et CFE CGC, dont les syndicats intimés ne sauraient nier l'existence au seul motif qu'ils ont choisi de ne pas le signer.Ces syndicats font cependant à juste titre observer que la signature donnée par les autres organisations représentatives au sein de l'établissement ne doit pas être interprétée comme une approbation donnée au projet d'externalisation lui même. Il doit en effet être rappelé que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et le comité d'établissement se sont prononcés à l'unanimité contre ce projet lors des réunions des 21 et 25 janvier 2011. Par ailleurs, il résulte des pièces produites (n° 150 du syndicat des travailleurs CGT de AREVA NC LA HAGUE, 53, 54 et 55 du syndicat CGT FO de l'énergie nucléaire de LA HAGUE et 137 et 150 de la société AREVA NC) que deux des syndicats signataires, les syndicats CFDT et UNSA SPAEN, ont, avant et après le 22 avril 2011, réaffirmé clairement leur opposition au projet. Le texte même de l'accord rappelle d'ailleurs expressément l'opposition des partenaires sociaux au projet d'externalisation. La société AREVA NC s'engage, par cet accord, à repositionner la totalité des salariés en contrat de travail à durée indéterminée du secteur DEMPC/PE mis à la disposition du GIE, et organise un processus destiné à permettre à ces salariés de mieux connaître les besoins en postes à pourvoir ainsi que la nature de ces postes (y compris par «'le dispositif «'Vis ma vie'»'»), processus ponctué de rendez vous avec une structure dédiée du service des ressources humaines, un accompagnement et un suivi personnalisés, chaque salarié se voyant proposer «'jusqu'à 3 opportunités de mobilité, au plus près de ses souhaits exprimés'», mais devant accepter la troisième proposition au cas où il aurait refusé les deux premières, l'objectif étant de permettre au salarié de retrouver «'un niveau de responsabilité équivalent à celui qu'il occupe au sein du secteur DEMC/PE'». Il est encore, plus spécifiquement, proposé aux salariés partant à la retraite ou en préretraite au plus tard deux années après la dissolution du GIE une mise à disposition auprès de la société HAGUE ÉNERGIE, afin de leur éviter un changement de métier pour une courte durée, et de façon générale, l'engagement est pris de faciliter la réalisation de transferts vers la société HAGUE ÉNERGIE pour ceux qui le souhaiteraient. Le dispositif est complété par une garantie financière dégressive en cas de perte de rémunération liée au repositionnement, et l'engagement de versement d'une prime de 300 euros par trimestre pour prendre en compte les sujétions liées à l'accompagnement des équipes de la société HAGUE ÉNERGIE, versée aux salariés pendant leur mise à disposition du GIE. Ce dispositif a été mis en ouvre, ainsi qu' il a été relevé plus haut, des mois de février à juin 2011, par le recueil des souhaits des salariés, les entretiens d'accompagnement et l'émission par l'employeur de propositions de reclassement (les fiches concernant chacun des salariés, émargées par eux, sont produites en pièce n° 185 de la société AREVA NC). Il résulte du tableau versé aux débats (pièce n°186 de la société AREVA NC) qu'au mois de juin 2011, les cinquante six salariés concernés s'étaient vus proposer un ou plusieurs postes, à l'exception d'un seul pour lequel il est mentionné «en cours'-' plusieurs options à confirmer'», que dix sept salariés avaient accepté un poste de reclassement, et que onze autres bénéficiaient du dispositif «'vis ma vie'». Le déroulement de ce processus annoncé n'a cependant pas fait diminuer l'inquiétude des salariés concernés, qui s'est manifestée par une lettre pétition adressée aux premiers juges le 16 mai 2011 (pièce n° 42 du syndicat CGT FO de l'énergie nucléaire de LA HAGUE), dans laquelle était affirmée notamment la volonté des vingt sept signataires, «'en l'état actuel de la cellule d'accompagnement mise en place par la direction à propos de notre suivi psychologique et des moyens associés'», d'«'avoir recours à des soutiens extérieurs et en dehors du périmètre AREVA'». Il sera cependant observé qu'il résulte de la comparaison de cette lettre avec le tableau évoqué ci dessus que sept des signataires du courrier avaient, avant la fin du mois de juin, accepté une proposition de reclassement ou leur participation au dispositif «'vis ma vie'». Ce plan de reclassement n'est pas utilement critiqué par les syndicats intimés. Sa mise en ouvre a, cependant, été interrompue par l'interdiction édictée par la décision déférée. Il est de nature à répondre aux inquiétudes légitimement exprimées par les salariés concernés relativement à leur avenir professionnel à la fin de leur mise à disposition du GIE. Il répond également aux préconisations exprimées par le rapport SYNDEX.- les mesures mises en place par la société AREVA NC. Indépendamment de cette question spécifique, le projet litigieux peut légitimement continuer à susciter les autres inquiétudes des salariés concernés, telles qu'elles ont déjà été relevées, touchant à l'intégration, qu'ils n'ont pas choisie, au sein du GIE avec des salariés d'une autre société, dont ils doivent assurer la formation tout en continuant à effectuer leur propre travail, avec la certitude, pour la plupart d'entre eux et sous la réserve des possibilités d'intégration au sein de la société prestataire offertes par l'accord du 22 avril 2011, de devoir s'adapter à un nouveau poste de travail, le tout dans des conditions qui sont vécues comme une remise en question de leurs capacités et de leur professionnalisme. S'il ne peut être exigé, dans le cadre de l'application des dispositions des articles L'4121-1 et suivants du code du travail, de la société AREVA NC qu'elle renonce à son projet au seul motif de ces inquiétudes que suscite le changement qu'il entraîne, cette société ne peut, en revanche, prétendre en poursuivre la mise en ouvre que si elle justifie qu'elle a mis en place un dispositif efficace propre à accompagner les salariés pendant cette période et donc à éviter les risques psychosociaux, comme l'a préconisé le rapport SYNDEX.Ce dispositif est décrit par le LATI (chapitre 4, «'le plan et actions de prévention'», pages 51 à 64), et par une note du directeur d'exploitation moyens communs (DEMC) de la société AREVA NC produite devant la cour (pièce n° 201 de cette société), et documenté par l'annexe J à cette pièce («'indicateurs à la fin août 2013 »), le rapport annuel du service de santé 2012 (pièce n° 198 de la société AREVA NC), ainsi que les pièces déjà produites devant les premiers juges sur la politique mise en place à partir de 2007 en la matière (pièces 77 à 103 de la société AREVA NC), incluant les précédents rapports du service de santé au travail, et les documents relatifs à l'étude du cabinet STIMULUS. S'il est significatif, mais insuffisant en soi, que les plans d'action de la société AREVA NC pour les périodes 2008/2011 et 2011/2013 (pièces n° 77 et 78) aient pris en compte l'objectif de prévention des risques pour la santé psychologique au travail, il convient de s'attacher aux dispositifs effectivement mis en place et à leur évaluation. À cet égard, doivent être relevés les éléments suivants': - relativement aux modalités d'application de la démarche de la société en matière de risques psychosociaux, la psychologue du travail (pièce n° 79) fait le point, le 7 octobre 2008, sur les projets déployés sur le site (identification, orientation et aide des salariés concernés) et sur ceux encore en devenir (soutien aux managers, évolution de la culture interne et implication de l'ensemble des secteurs de l'entreprise), - un «'dispositif d'écoute et d'accompagnement'» a été mis en place à partir de l'année 2009 (pièces n° 80 et 90, puis 96 et 97) par le service de santé au travail, sur lequel a été diffusée une large information (pièces n° 84 et 89), dispositif qui fait l'objet d'une évaluation régulière (voir pièce n° 93, mars 2010), - un «'dispositif d'évolution des conditions de vie au travail'» est venu compléter ce dispositif d'écoute et d'accompagnement, sur le site de LA HAGUE à partir du mois de septembre 2010, confié au cabinet STIMULUS (pièces n° 94 et 95), lequel a donné lieu au dépôt du rapport déjà évoqué,- ces deux dispositifs ont été intégrés dans un projet global de prévention des risques psychosociaux,- le rapport du service de santé pour l'année 2012, qui relève que le nombre de suicides sur cette année est descendu à deux (secteur médecine, page 24), fait mention à plusieurs reprises et de façon positive (secteur du Dr D., page 13, du Dr M., page 12, du psychologue du travail, pages 6, 8 et 10) des résultats obtenus par la mise en uvre de ce projet global, notamment dans le domaine de la formation de managers, domaine dont il est utile de rappeler qu'il restait inexploité en octobre 2008, et spécialement de l'établissement et de l'utilisation concertés d'une grille d'impact humain des réorganisations et d'un suivi mensuel des indicateurs en matière de risques psychosociaux,- des documents issus de ce suivi mensuel, de janvier à août 2013 (annexe J à la pièce n° 201 susvisée) montrent que cette démarche s'est poursuivie dans la durée, et qu'elle donne lieu à une réunion mensuelle d'analyse rassemblant des représentants de toutes les directions, - le LATI précise (page 59 et 60) également que la société AREVA NC s'est enfin dotée, sur le site, d'un dispositif d'évaluation de l'impact humain des changements et d'évolution des organisations, qui permet d'évaluer les facteurs de risque. La note du directeur de la DEMC décline pour ce qui concerne sa direction, et spécialement pour ce qui intéresse le service DEMC/PE, touché par le projet d'externalisation, ces dispositifs, en synthétisant d'une façon non contestée les éléments repris ci dessus, tant relativement à l'organisation de la phase transitoire de transfert de compétences et l'organisation du reclassement ultérieur, que sur la prévention des risques psychosociaux. Il en résulte que la société AREVA NC s'est donnée les moyens de réduire les risques psychosociaux que caractérisent les inquiétudes des salariés concernés par le projet litigieux, dans des conditions qui sont compatibles avec les exigences qui pèsent sur elle en application des articles L 4121-1 et suivants du code du travail. Sur les demandes. Les risques industriels et techniques et les risques psychosociaux allégués ne sont donc pas démontrés dans des conditions qui devraient conduire la cour à interdire à la société AREVA NC de mettre en ouvre son projet d externalisation de l activité du service DI/PE, devenu DEMC/PE, d'exploitation et de conduite des installations nécessaires à la transformation, la production et la distribution des utilités du site de LA HAGUE. Il n'y a pas davantage, dans ces conditions, lieu de suspendre les effets de cette décision d'externalisation, étant observé que le syndicat des travailleurs CGT de AREVA NC LA HAGUE, au soutien de cette demande subsidiaire, ne précise à aucun moment à la survenance de quel événement ou à la satisfaction de quelles exigences la levée d'une telle suspension pourrait être conditionnée. La décision déférée sera donc intégralement infirmée ».

1) ALORS D'UNE PART QUE le risque industriel ne peut être analysé indépendamment du risque psychosocial qui le nourrit; qu'en l'espèce, après avoir constaté d'abord, que l'établissement de LA HAGUE constituait une installation nucléaire de base visée par l'article L. 593-2 du Code de l'environnement imposant à l'employeur une obligation de sécurité de résultat renforcée, ensuite, qu'il était acquis qu'un fonctionnement dégradé et en particulier une déstabilisation des équipes entraînerait un risque radiologique certain et enfin, que dans un tel contexte, il était imposé aux salariés du DI/PE dont l'hyper stress était reconnu, de former leurs futurs successeurs, en sus de leur tâches quotidiennes, la cour d'appel a retenu que le risque industriel n'était pas avéré ; qu'en statuant ainsi alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'existence d'un risque psychosocial avéré était de nature à engendrer de façon certaine un risque industriel, la cour d'appel a violé l'article L. 4121-1 du Code du travail ;
2) ALORS A TOUT LE MOINS QU'en se déterminant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi cependant qu'elle y était invitée, si l'hyper stress des salariés de la DI/PE qui seraient chargés d'assurer, en sus de leurs tâches quotidiennes, la formation des nouveaux salariés qui allaient les remplacer n'était pas de nature à entraîner une déstabilisation des équipes génératrice d'un risque industriel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.4121-1 du Code du travail ;
3) ALORS D'AUTRE PART, sur le transfert de compétences, QUE pour infirmer le jugement entrepris en ce qu'il avait constaté que le processus de formation des nouvelles recrues de la Société DALKIA était nettement insuffisant, la cour d'appel a affirmé qu'il ressortait des conclusions du rapport CVA déposé en février 2012 et du rapport du LATI remis en octobre 2013 à la demande de la Société AREVA que le risque de perte des compétences acquises par les salariés de la DI/PE n'était pas avéré ; qu'en statuant ainsi, sans réfuter les motifs du jugement dont il ressortait, sur la base de l'attestation de M. M..., de l'expertise du cabinet SYNDEX, du rapport SECAFI, de l'ancienneté des salariés de la DI/PE que la Société AREVA avait volontairement tronquée, du plan ressources démontrant que la majorité des salariés de la DI/PE aurait quitté ce service à la fin de l'année 2013 et de l'avis de la commission locale d'information, que le dispositif de formation des nouveaux salariés de la DI/PE prévue par la Société AREVA était nettement insuffisant ce qui était de nature à engendrer un risque industriel certain, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
4) ALORS A TOUT LE MOINS QUE les juges ne peuvent se fonder exclusivement sur les expertises amiables réalisées à la demande d'une partie ; qu'en se fondant exclusivement, pour statuer comme elle l'a fait, sur les expertises du CVA et du LATI - experts non agréés par le Ministère du travail - et réalisées à la demande de la Société AREVA à la suite de l'annulation du projet sans aucune enquête de terrain et sans être soumises à la consultation du CHSCT, la cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile et le principe de l'égalité des armes consacré par l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
5) ALORS ENCORE QUE les syndicats exposants avaient précisément démontré dans leurs écritures pièces à l'appui, d'abord, que les rapports CVA et LATI avaient été réalisés pour les besoins de la cause, sans respecter le principe du contradictoire et sans être soumis à la consultation du CHSCT (Concl. p.16), ensuite, qu'il ressortait du rapport SECAFI, de l'attestation de M. M... et des diverses attestations de formations suivies par les salariés de la DI/PE que le niveau du service de la DI/PE n'avait pu être construit qu'avec le temps et avec un brassage diffusé lentement et sûrement, en outre, que l'intensité de la formation rendait impossible une assimilation certaine des connaissances étant par ailleurs précisé que la majorité des salariés recrutés n'avait aucune compétence en matière nucléaire, enfin que la commission locale d'information avait, le 8 juin 2011, émis un avis défavorable à l'unanimité aux motifs que le dispositif de formation des nouveaux agents ne fournissait pas des gages de sécurité suffisants compte tenu des risques liés à l'activité et la complexité technique du site (Concl. p. 47 et s.); qu'en s'abstenant de répondre à ces moyens déterminants démontrant un risque réel de perte de compétences de nature à engendrer un risque industriel certain, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
6) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en retenant, pour dire que le processus de formation des nouveaux agents serait plus rapide que celui des agents de la DI/PE, d'une part, qu'il résultait du rapport du LATI que les nouveaux travailleurs seraient intégrés en surnombre dans les équipes ce qui n'était pas le cas dans le compagnonnage dont se prévalaient les salariés de la DI/PE et d'autre part, qu'il résultait du processus de formation présenté par la Société AREVA que la période de compagnonnage se ferait sur 5 mois par intégration en surnombre dans les équipes selon le modèle déjà utilisé au sein du DI/PE pour la formation des nouveaux arrivés, la cour d'appel, qui a statué par des motifs contradictoires, a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
7) ALORS QUE dans leurs écritures (Concl. p. 55) les syndicats exposants avaient précisément démontré, pièces à l'appui, qu'indépendamment de la durée de prolongation éventuelle de deux années de la durée de vie du GIE, il était acquis, conformément au plan ressources, que sur les 56 salariés de la DI/PE mis à disposition en février 2011 et chargés d'assurer la formation de leurs successeurs, il n'en resterait que 33 en janvier 2012, 20 en janvier 2013 et 16 en novembre 2013; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen des écritures des syndicats exposants dont il résultait que la possibilité de proroger la durée de vie de GIE afin d'asseoir la formation des nouvelles recrues n'était que théorique dès lors qu'au bout de deux années, il était certain que les nouvelles recrues de la Société DALKIA ne pourraient plus bénéficier de la formation des salariés de la DI/PE, la cour d'appel a de nouveau violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
8) ALORS EN OUTRE, sur l'économie générale du projet QU'en retenant, pour considérer que les modalités de contrôle exercées par la Société AREVA étaient de nature à pallier tout risque lié au transfert de la responsabilité de la DI/PE à la Société HAGUE ENERGIE, d'une part, qu'il incombera à la Société AREVA de désigner un chef d'installation compétent et d'autre part, qu'il résultait du tableau de suivi du dispositif de reclassement des salariés de la DI/PE que quatre salariés de la DI/PE s'étaient vus proposer un reclassement en qualité de référent de sorte que si ces propositions étaient acceptées, quatre des cinq référents prévus pourraient nourrir leur mission de contrôle de l'expérience directement opérationnelle acquise, la cour d'appel, qui a statué par des motifs hypothétiques, a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
9) ALORS QU'en s'abstenant de répondre au moyen circonstancié des écritures des syndicats exposants (Concl. p. 55) dont il résultait qu'à la fin de l'année 2013, il n'y aurait plus suffisamment de salariés de la Société AREVA afin d'assurer le contrôle effectif des installations externalisées auprès de DALKIA ce qui empêcherait nécessairement, en cas de changement de prestataire pour cause de défaillance de la Société DALKIA ou de réintégration du personnel au sein de la Société AREVA, le maintien des compétences indispensables à la sécurité de la DI/PE, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
10) ALORS ENFIN sur l'autorisation de l'Autorité de sûreté nucléaire, QU'en application de l'article 26 du décret n°2007-1557 du 2 novembre 2007, lorsque l'exploitant d'une installation nucléaire de base envisage une modification des règles générales d'exploitation ou du plan d'urgence interne, il en fait la simple déclaration à l'Autorité de sûreté nucléaire en lui transmettant un dossier comportant toutes les justifications utiles ; qu'en affirmant néanmoins que l'accord de l'ASN était requis pour la modification des règles générales d'exploitation et du plan d'urgence interne induit par le projet litigieux, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
11) ALORS A TOUT LE MOINS QU'en application de l'article 26 du décret n°2007-1557 du 2 novembre 2007, lorsque l'exploitant d'une installation nucléaire de base envisage une modification des règles générales d'exploitation ou du plan d'urgence interne, il en fait la simple déclaration à l'Autorité de sûreté nucléaire en lui transmettant un dossier comportant toutes les justifications utiles ; qu'en se fondant, pour dire que le projet litigieux ne présentait pas de risque industriel et technique, sur l'aval donné par l'ASN dans son courrier du 3 mars 2011 sur le fondement de l'article 26 du décret n°2007-1557 du 2 novembre 2007 alors que ledit projet n'était pas soumis à une autorisation de l'ASN mais à une simple déclaration dépourvue de toute autorité de chose décidée, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
12) ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QU'en se déterminant ainsi sans rechercher, ainsi cependant qu'elle y était invitée, si l'ASN avait eu accès à l'ensemble des modalités de l'opération et si elle disposait du pouvoir et des moyens d'apprécier effectivement l'incidence du risque psychosocial qui était établi, sur le risque industriel et nucléaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.4121-1 du Code du travail.
QUATRIEME MOYEN CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande subsidiaire formée par le syndicat des travailleurs CGT AREVA NC LA HAGUE et le syndicat CGT FO de l'énergie nucléaire de LA HAGUE tendant à ce que la mise en oeuvre du projet d'externalisation de la DI/PE soit suspendue ;
AUX MOTIFS QUE : « Sur les risques industriels et techniques - le projet et la sécurité nucléaire. L'établissement de LA HAGUE de la société AREVA NC, assurant le traitement de combustibles nucléaires usés et radioactifs, constitue une installation nucléaire de base, au sens de l'article L'593-2 du code de l'environnement. Si le DI/PE, qui assure sur le site la production et la distribution de l'énergie et des fluides divers, y compris de refroidissement, ainsi que la surveillance et la maintenance de premier niveau des installations correspondantes, n'a pas recours aux techniques nucléaires et a une activité industrielle et non nucléaire, il n'en participe pas moins au bon fonctionnement général du site et des opérations de traitement de combustibles radioactifs qui y sont conduites. M. M. ajoute sans être contredit dans sa note du 3 juin 2012 que des retours de radio éléments dans les circuits gérés par ce service sont toujours possibles en cas d'incident, de sorte que leur détection entre dans ses missions. Le rapport SYNDEX a d'ailleurs étudié, sans se voir aucunement contester sur ce point, les risques radiologiques encourus par les salariés du service. Il sera observé à cet égard que les missions confiées au DI/PE étaient concernées, notamment au titre des pertes d'alimentation électrique et des pertes de refroidissement, par l'audit que le Premier ministre a confié à l'Autorité de sûreté nucléaire par lettre en date du 23 mars 2011 (pièce n° 61 du syndicat des travailleurs CGT de AREVA NC LA HAGUE), à la suite de l'accident survenu dans la centrale de FUKUSHIMA au Japon à partir du 11 mars 2011. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont relevé que l'obligation de sécurité de résultat résultant des textes susvisés s'impose plus particulièrement à l'employeur lorsqu'une installation nucléaire est concernée et que sont applicables les articles L'4521-1 et suivants du code du travail, aux termes desquels, notamment, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté «'sur la liste des postes de travail liés à la sécurité de l'installation'» et «'avant toute décision de sous traiter une activité, jusqu'alors réalisée par les salariés de l'établissement, à une entreprise extérieure appelée à réaliser une intervention pouvant présenter des risques particuliers en raison de sa nature ou de la proximité de l'installation'». L'Autorité de sûreté nucléaire, compétente en application des dispositions de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, depuis codifiées au code de l'environnement, a donc été saisie par la société AREVA NC notamment du projet litigieux. Répondant à la commission locale d'information, l'ASN a indiqué que «'le recours à la sous traitance relève d'un choix industriel de l'exploitant mais que ce choix ne doit pas remettre en cause les compétences techniques qu'il doit conserver en tant qu'exploitant nucléaire'», de sorte qu'elle «'contrôle que l'exploitant exerce toujours sa responsabilité par la mise en place d'une démarche permettant d'assurer la qualité des prestations sous traitées': choix des entreprises, surveillance, prise en compte du retour d'expérience, adaptation des ressources au volume de travail à réaliser'» et conclut que «'l'exploitant doit disposer des compétences nécessaires pour exercer cette responsabilité'». Saisie du projet par la société AREVA NC, en même temps que d'autres projets de réorganisation du site, l'ASN a, le 3 mars 2011, donné son accord à la mise en oeuvre des modifications induites par l'ensemble de ces projets, aux règles générales d'exploitation (incluant le secteur de la production d'énergie) et au plan d'urgence interne de l'établissement, seuls point sur lesquels, en application de l'article 26 du décret n° 2007-1557 du 2 novembre 2007 alors en vigueur, son accord était requis. Dans ce même courrier, elle a fait part de ses observations sur le «'suivi du basculement de l'exploitation du secteur «'production d'énergie'» vers un opérateur industriel'». Elle énonce que l'opération lui a été présentée «'de manière détaillée'», récapitule le processus de suivi mis en place par la société AREVA NC et fixe un calendrier de transmission par celle ci des bilans annuels «'du transfert de compétences'» et «'des indicateurs de surveillance de la prestation définis dans le cadre du plan de surveillance': perturbation de fourniture de chacune des utilités, nombre de dysfonctionnements et de constats, suivi des indisponibilités, respect des délais de rétablissement des fonctions et indicateurs environnementaux'». Ce calendrier est cependant devenu sans objet, compte tenu de l'arrêt du processus décidé par le jugement déféré. Il sera relevé à ce stade que c'est à tort que les syndicats intimés soutiennent que l'ASN n'aurait pas été complètement informée par la société AREVA NC, alors qu'à la principale note par laquelle cette société a transmis les informations complémentaires demandées par l'autorité sur le projet litigieux, celle du 23 février 2011, régulièrement versée aux débats (pièce n° 53 de la société AREVA NC et n° 63 du syndicat des travailleurs CGT de AREVA NC LA HAGUE), sont annexés une note technique dont il n'est pas soutenu qu'elle serait entachée d'erreurs ou d'imprécisions, les conventions de sécurité conclues avec la société HAGUE ÉNERGIE et un plan ressources. Par ailleurs, il doit être observé, d'une part, que les modifications aux règles générales d'exploitation et au plan d'urgence interne de l'établissement que l'ASN a approuvées étaient indissociables du projet d'externalisation litigieux et, d'autre part, qu'il résulte de la combinaison des articles 28 de la loi du 13 juin 2006 et 34 du décret du 2 novembre 2007 que l'autorité n'a pas estimé que la mise en oeuvre du dit projet était de nature à ce que l établissement de LA HAGUE présente des risques graves pour la sécurité, la santé ou la salubrité publiques ou la protection de la nature et de l'environnement. Quoiqu'aucune des parties n'en tire d'argument particulier, il doit être encore relevé que le rapport SYNDEX a tenté d'évaluer les risques radiologiques encourus par le personnel à raison du projet d'externalisation (chapitre 6, pages 67 à 77). Il en conclut que ceux ci ne sont pas modifiés par le projet, en service normal, mais pourraient l'être en fonctionnement dégradé, au cas où l'externalisation se traduirait par une «'baisse du niveau de maîtrise des installations ou une perte de la culture sûreté AREVA lors du transfert des compétences de DI/PE à DALKIA'». Le risque d'exposition à des rayonnement ionisants s'apprécie donc au regard des modalités du transfert des compétences. La cour retient, à ce stade, que les risques allégués doivent être examinés au regard de la nature de l'installation nucléaire de base au bon fonctionnement de laquelle le DI/PE participe, et que l'Autorité de sûreté nucléaire chargée par la loi du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection ne s'est pas opposée au projet litigieux d'externalisation de ce service, dont elle avait été complètement informée. - les risques liés aux compétences insuffisantes des nouveaux opérateurs. Les syndicats intimés soutiennent à cet égard que': - la société DALKIA et donc sa filiale HAGUE ÉNERGIE et ses salariés ne présentent pas des garanties de compétence suffisantes,- le processus de formation par transfert de compétences est insuffisant à compenser ce déficit,- il crée en lui même un fonctionnement perturbé du service. Le projet, tel qu'il a déjà été décrit, consiste en l'externalisation de l'activité du DI/PE, qui sera confiée à la société HAGUE ÉNERGIE, et ce au terme d'une période de trois ans pendant laquelle les personnels de ce service assureront, au sein du GIE, la formation de leurs successeurs. S'agissant du choix de la société DALKIA, il n'est pas produit d'éléments qui seraient de nature à démontrer qu'il serait en lui même générateur d'un risque technique ou industriel. Il sera observé à cet égard qu'il n'est pas contesté que cette société est spécialisée dans la gestion et l'exploitation de la production d'énergie, spécialement à partir de biomasse, ni qu'elle intervient dans la gestion et la maintenance sur différents sites nucléaires (rapport CVA, pages 59 et 60). Enfin, cette société est déjà présente sur le site de LA HAGUE dès lors qu'il résulte des pièces produites (n° 181-1 et 194 de la société AREVA NC) qu'elle est titulaire de deux contrats de maintenance, concernant les installations de ventilation et des chaudières productrices d'utilités et qui représentent, en coût, un quart des sommes consacrées par la société à l'intervention de prestataires extérieurs en la matière, soit un volume significatif. À cet égard, il doit être constaté que les critiques contenues dans le rapport SECAFI (pages 29 et 30) sur la qualité de la prestation offerte par la société DALKIA dans le cadre de ces contrats ne sont pas documentées, mais rendent compte de la méfiance des salariés du DI/PE à l'égard des salariés de DALKIA, également relevée par M. M. en page 4 de sa note du 17 mai 2011. Il en est de même de celles relevées par le rapport SYNDEX (page 75), dont les auteurs indiquent n'avoir pu «'confirmer physiquement'» les témoignages recueillis. S'il n'est pas contesté que la société HAGUE ÉNERGIE a procédé par embauche externe au recrutement des salariés appelés à intégrer le GIE, la qualité de la formation initiale de ces personnels n'est pas sérieusement contestée, cette question n'étant pas abordée dans les rapports SYNDEX et SECAFI, ni dans les notes de M. M.. Le niveau de cette formation initiale résulte des curriculum vitae produits (pièce n° 72 de la société AREVA NC) et a été relevé de façon précise par le rapport CVA (page 88) s'agissant des dix premiers recrutements effectués. Le processus de formation des salariés ainsi recrutés, tel qu'il résulte des pièces produites (n° 20 et 62 à 70 de la société AREVA NC, pages 17 à 19 du rapport SYNDEX et pages 82 à 86 du rapport CVA), doit se dérouler en trois temps, le premier théorique, d'une durée d'un mois, assuré par la société DALKIA, le deuxième de trois mois, en alternance en salle et sur le site, assuré par l'AFPA selon contrat conclu avec la société AREVA NC, spécifique aux installations de l'établissement selon un programme détaillé en plusieurs modules, et le troisième consistant en un compagnonnage de cinq mois, par intégration en surnombre dans les équipes, selon le modèle déjà utilisé au sein du DI/PE pour la formation des nouveaux arrivés. Cette formation doit être sanctionnée par l'acquisition des diverses autorisations d'exercer en vigueur au sein de l'établissement et reconnues par l'ASN. Ces autorisations d'exercer seront obtenues au terme de cette formation de neuf mois, pour ce qui concerne les conducteurs d'installation. Les personnels d'encadrement (adjoints et chefs de quart) ne pourront obtenir pour leur part les autorisations d'exercer correspondantes qu'au terme de quinze mois supplémentaires pour les premiers et d'encore une année pour les seconds, étant relevé qu'il n'est pas contesté que toute la période de fonctionnement du GIE offrira à tous les personnels de la société HAGUE ÉNERGIE la possibilité de parfaire leur formation et la connaissance du site au contact des salariés du DI/PE. Ce plan de formation, qualifié de «'réfléchi'» par M. M. (en page 9 de sa note du 3 juin 2012) est jugé insuffisant par le rapport SYNDEX, qui le compare avec la formation assurée aux nouveaux venus au sein du PI/PE, dont il est indiqué qu'elle dure de quatre à cinq ans pour un agent d'exploitation et de sept à dix ans pour un adjoint ou un chef de quart, étant observé que cette formation est uniquement pratique et assurée par le seul mode du compagnonnage. Ce rapport dénonce la remise en cause du recours exclusif à ce mode de formation, sans formuler cependant de critiques précises à l'égard du contenu des quatre premiers mois de la formation envisagée, estime que la durée totale (qu'il ramène à huit mois) est «'problématique du point de vue cognitif'» et que le dispositif envisagé «'répond davantage à une problématique de masse et de durée qu'à une problématique de qualité'». Le rapport du LATI fait à cet égard observer (pages 36 et 37) de façon pertinente que le compagnonnage tel que pratiqué au sein du DI/PE pendant les longues périodes indiquées lors des entretiens ne peut être comparé à celui prévu par la formation envisagée au sein du GIE, où les nouveaux travailleurs seront intégrés en surnombre dans les équipes, alors qu'il ne résulte d'aucun élément produit qu'il en était de même dans le compagnonnage dont se prévalent les salariés du DI/PE. M. M...., dans sa note du 17 mai 2011, rejoint cependant les critiques du rapport SYNDEX': il rappelle que la création du service assuré par le DI/PE a pris dix sept ans «'d'investissements humains et techniques'», note l'importance pour la sécurité de l'usine de «'la vivacité de réaction des agents polyvalents DI/PE'» et estime «'tout à fait utopique d'imaginer que des agents extérieurs, non pénétrés de ces installations atypiques, puissent s'y substituer en un ou deux ans'», ce qui nécessiterait en tout état de cause «'une coopération étroite'» comme condition nécessaire «'de la réussite du transfert des connaissances technologiques'», ce dont il doute «'compte tenu du climat qui règne entre les équipes AREVA et les équipes DALKIA'». Le rapport CVA relève que «'le programme de formation mis en place couvre l'ensemble des tâches du périmètre DEMC/PE'» et ajoute que «'la collaboration entre AREVA NC, DALKIA, les experts de l'AFPA et le personnel de DEMC/PE permet de confronter les différents modes de travail et entraînera l'amélioration des pratiques'», cependant que M. Hervé S. juge ce dispositif «'particulièrement robuste'» et excédant «'largement ce qui est pratiqué pour le démarrage d'un site nouveau'». M. M. fait grief à ce dernier de n'avoir pas été chargé à LA HAGUE du «'coeur de métier'» nucléaire mais seulement de maintenance et de conduite des utilités, critique qui n'est pas pertinente en ce qui concerne l'appréciation portée par l'intéressé sur le processus de formation. Il résulte de ces éléments et analyses que les personnels du DI/PE ont une forte identité propre, (notamment relevée dans le rapport SECAFI) et une ancienneté plus importante au sein du service que celle annoncée par la société AREVA NC dans le tableau figurant en pièce n° 71, qui ne tient compte que du dernier poste tenu, et non des fonctions précédemment occupées dans le service, ainsi que le montre le tableau enrichi de cette donnée produit par le syndicat des travailleurs CGT de AREVA NC LA HAGUE (sa pièce n° 66), et intègrent par compagnonnage les rares nouveaux arrivés. Il sera observé que quatre des salariés du service seulement ont moins de 25 ans (pièce n° 71 de la société AREVA NC) et six moins de deux années d'ancienneté dans la société (pièce n° 66 précitée). Le projet litigieux consiste indéniablement en le démantèlement d'une équipe composée de personnels anciens (près de vingt d'entre eux ont entre 50 et 60 ans) et expérimentés, qui ont l'habitude de travailler ensemble et assurent, dans des conditions de professionnalisme qui ne sont à aucun moment remises en cause, une mission importante au sein de l'établissement, démantèlement que ces salariés peuvent très légitimement regretter, ainsi qu'ils l'ont exprimé dans les entretiens avec les auteurs des rapports SYNDEX et SECAFI. Il conduit, par ailleurs, à solliciter ces mêmes salariés pour assurer la formation de ceux qui vont les remplacer, ce qui est une situation dont on comprend qu'elle puisse être vécue comme frustrante. Cependant, ces éléments objectifs et ces analyses ne démontrent pas les insuffisances du plan de formation prévu par la société AREVA NC. La durée et les modalités de celui ci, telles qu'elles sont précisément décrites par les pièces produites aux débats, ne sont en particulier par utilement critiquées, la seule comparaison avec des durées de compagnonnage informel et d'apprentissage exprimées par les intéressés de façon nécessairement subjective, n'étant pas à cet égard significative, ainsi que le fait observer de façon pertinente le rapport du LATI (page 35), en rappelant que la technique d'entretien dans ce type de contexte aboutit fréquemment à une surestimation par les salariés de la complexité de leur travail et des difficultés de leur formation (et étant ajouté à ce stade que les enseignements qui peuvent être tirés de l'expérience conduite par la société AREVA NC sur son site de MARCOULE seront examinés plus loin). Ils ne caractérisent pas davantage un risque avéré de déperdition des connaissances et de l'expérience accumulées, qui serait susceptible de rejaillir sur la sécurité de l'établissement et donc de l'ensemble des salariés de celui ci. Il doit être observé, à cet égard, que si la limitation à trois années de la durée de vie du GIE prévue par l'acte constitutif de celui ci se révélait trop courte au regard des exigences de la transmission des compétences, ainsi que les syndicats intimés l'ont fait observer, il a été apporté ultérieurement une modification permettant une prolongation éventuelle dedeux années. Cette possibilité a été retenue comme un point positif par la DIRECCTE dans sa note du 4 mars 2011. Le rapport SYNDEX mentionne un risque de «'fonctionnement en mode dégradé'» et de «'déstabilisation des équipes'», qu'il attribue en partie à la nécessité pour les salariés du DI/PE de faire face en même temps à leurs tâches quotidiennes et à la formation des salariés de la société HAGUE ÉNERGIE. Il s'agit cependant d'une situation qui est inhérente à la formation par compagnonnage, et s'il est certain que le nombre de personnes à former sera nettement plus important qu'il ne l'était par le passé, alors que le DI/PE était, ainsi qu'il a déjà été relevé, marqué par une importante stabilité du personnel, ce point est compensé par la certitude que les salariés à former seront, pendant les cinq mois de la période de compagnonnage pour ce qui concerne les agents d'exploitation, intégrés aux équipes en sur effectif. Les risques par ailleurs évoqués dans le dit rapport ainsi que par M. M., liés aux difficultés relationnelles qui pourraient surgir entre les salariés du GIE, selon qu'ils proviennent du DI/PE où qu'ils viennent d'être engagés par la société HAGUE ÉNERGIE, ne peuvent, en revanche, être écartés. Il est cependant impossible à la cour de les objectiver sur la base des éléments produits, dès lors que ceux ci démontrent le professionnalisme et la culture de la sécurité régnant au sein du DI/PE, ce qui les relativise donc pour l'essentiel. Le risque de perte des compétences acquises par les salariés du DI/PE n'apparaît donc pas avéré sur la base d'éléments objectifs.- les risques liés à l'économie générale du projet. Sont évoqués à ce titre par les syndicats intimés':- la prépondérance d'un choix économique sur les impératifs de sécurité,- un montage juridique complexe et une dilution des responsabilités,- la capacité de contrôle par la société AREVA NC au regard de sa perte en compétences,- la possibilité de revenir en arrière (réversibilité du projet). Le syndicat CGT FO de l'énergie nucléaire de LA HAGUE s'appuie sur le rapport SECAFI pour estimer que la motivation du projet est essentiellement économique. Ce rapport insiste en fait sur le critère économique du recours à l'énergie tirée de la biomasse, et discute au contraire la pertinence économique du projet d'externalisation. Aucun élément chiffré objectif n'est produit sur ce point. Il doit, en tout état de cause, être rappelé que le juge n'a pas à porter d'appréciation sur la pertinence économique du projet, lequel ne lui est soumis qu'en tant qu'il constituerait un risque pour les travailleurs concernés. Cet argument est donc dénué de pertinence, seule la réalité du risque allégué pouvant être utilement débattue. Le projet litigieux correspond à la définition que donne la société AREVA NC elle même de l'externalisation (sa pièce n° 2) et non à ce qu'elle définit comme une simple sous traitance, dès lors que la conduite et la surveillance d'installations sont remises à un prestataire, le GIE dans un premier temps, puis la société HAGUE ÉNERGIE. Il en résulte que la responsabilité entière de la prestation est transférée au tiers à qui elle est confiée, ce qui se traduit, pendant la période transitoire du GIE, par le fait que la direction opérationnelle de celui ci est confiée à un directeur général désigné par la société HAGUE ÉNERGIE, cependant que la société AREVA NC, qui conserve sa responsabilité d'exploitant d'une installation nucléaire de base et donc le rôle de chef d'installation (qui, contrairement à ce qu'écrit en page 31 le rapport SECAFI n'est pas délégué au prestataire), désigne pour sa part le président du groupement et contrôle l'action de l'exploitant. Le partage des responsabilités pendant la période transitoire puis à l'issue de celle ci est organisé dans des conventions conclues entre les deux sociétés (pièces n° 25 et 26 de la société AREVA NV), conventions qui ont été transmises à l'ASN avant qu'elle ne donne son avis du 3 mars 2011. S'il est exact que le projet doit aboutir à ce que la gestion et le contrôle des divers sous traitants soient assurés par le prestataire (pièce n° 190 de la société AREVA NC, pages 72 et 73), il ne résulte d'aucune des pièces produites aux débats que cette nouvelle chaîne de responsabilité serait source de risques en matière de sécurité. Il n'est au contraire pas sérieusement contredit que c'est le maintien de la gestion directe par la société AREVA NC de ces sous traitants, qui assurent notamment divers niveaux de maintenance des installations après celle de premier niveau transférée au GIE puis à la société HAGUE ÉNERGIE, qui rendrait plus complexe le pilotage du projet, et que la logique de l'externalisation conduit à confier cette responsabilité au prestataire et non au chef d'installation et donneur d'ordre. Il n'est pas à cet égard démontré que les incidents survenus les 3 et 11 mai 2011, soit pendant la période où le GIE a fonctionné, seraient la conséquence de cette modification de la chaîne des responsabilités, dès lors qu'il ne résulte d'aucune des pièces produites que les erreurs éventuellement imputables au GIE (soit, le 3 mai, l'évacuation par des sous traitants, les sociétés PONTICHELLI et CHERBOURG LEVAGE, de groupes électrogènes pour réparation chez le constructeur, sans que l'un des sous traitants ait pris possession de l'autorisation de travail accordée, et le 11 mai, l'intervention d'un salarié de DALKIA sur une chaudière, sans autorisation de travail pour l'entrée dans la zone considérée) dans sa mission de contrôle des sous traitants n'auraient pas été commises par la société AREVA NC elle même. Il doit être, en effet, relevé que les salariés concernés étaient des salariés de sous traitants qui intervenaient sur le site dans les mêmes conditions avant et après l'entrée en fonctionnement du GIE (voir à cet égard le compte rendu de la réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du 19 mai 2011, sur information rapide, pièce n° 70 du syndicat des travailleurs CGT de AREVA NC LA HAGUE, et les lettres d'observations émises à la suite de ces incidents par les sociétés AREVA NC et HAGUE ÉNERGIE, pièces n° 161 et 163 de la société AREVA NC). Il sera observé à cet égard que le syndicat des travailleurs CGT de AREVA NC LA HAGUE se prévaut en vain d'un rapport de l'ASN sur l'augmentation des incidents en 2010 par rapport à 2009 et ne démontre nullement que la période située entre février et juillet 2011 aurait été marquée par un nombre plus élevé que précédemment d'incidents. De même, lorsque le rapport SYNDEX relève (page 57) «'le conflit d'intérêt consubstantiel à la relation entre le donneur d'ordre et le prestataire'», point particulièrement repris par les premiers juges, et que la commission locale d'information s'inquiète (pièce n° 94 susvisée) de «'cette forme spécifique de division du travail qu'est la relation de sous traitance (désengagement du donneur d'ordre, opacité des activités réciproques, difficultés de coopération et de communication)'», ils n'explicitent pas plus avant les raisons de la fragilisation dans la maîtrise des risques que le rapport affirme (la commission se contentant de le suggérer) être la conséquence inéluctable de cette situation. Ainsi que le rapport SYNDEX le précise immédiatement, et ainsi qu'il a été déjà relevé, ce sont les modalités du contrôle par la société AREVA NC de l'action du prestataire et d'exercice de sa responsabilité de chef d'installation qui sont déterminantes. À cet égard, la société AREVA NC avait versé aux débats la fiche d'attribution du chef d'installation (sa pièce n° 28) et le rapport CVA, postérieur à la décision des premiers juges, décrit de façon détaillée (pages 92 et 93) et non contredite les moyens que se donne la société pour l'exercice de cette responsabilité dont elle doit, en tout état de cause, répondre devant l'ASN'; il en résulte que la personne chargée des responsabilités de chef d'installation au sein de la société encadre une équipe de neuf personnes assurant le pilotage des prestations effectuées, outre une personne chargée de veiller aux processus et à la mise à jour de la documentation, et est assistée de cinq référents, un par utilité, et que des indicateurs de performance précis constituent le référentiel de ce suivi. Cette description est confirmée par une note d'organisation du futur service chargé du suivi de l'opérateur industriel et du pilotage du contrat d'externalisation, note non datée produite devant la cour par la société AREVA NC (sa pièce n° 201, annexe 1). Si ces données techniques ne sont pas contredites, les syndicats intimés soutiennent que la société AREVA NC n'aura plus, compte tenu de l'externalisation, les compétences nécessaires pour assumer efficacement le contrôle de l'action du prestataire et le respect par lui de ses obligations, ses salariés ayant perdu la connaissance du terrain. S'il apparaît pertinent de faire observer qu'un contrôle effectif suppose la connaissance intime des activités contrôlées, aucun des éléments produits aux débats ne permet cependant de retenir cette objection, alors qu'il incombera à la société AREVA NC de faire appel, pour pourvoir ces postes, à des personnes formées et compétentes, sans exclure que cette formation et cette compétence aient été acquises au sein du DI/PE, dont les personnels ne bénéficient cependant pas d'un monopole de connaissance en la matière. Il sera observé à cet égard qu'il résulte du tableau de suivi du dispositif de reclassement des salariés (pièce n° 186 de la société AREVA NC) que quatre des salariés du DI/PE se sont vus proposer un reclassement en qualité de référent pour une des utilités, de sorte que si ces propositions étaient acceptées, quatre des cinq référents prévus pourraient nourrir leur mission de contrôle de l'expérience directement opérationnelle acquise. Sur la question de la réversibilité, sur laquelle le rapport SYNDEX s'interrogeait brièvement en page 81, il n'est pas contesté que les accords passés peuvent être résiliés (ainsi que le relevait le rapport SECAFI en page 31, qui mentionnait par ailleurs de façon dénuée de pertinence s'agissant de contrats qui n'étaient pas encore signés au moment où il a été déposé, que la société AREVA NC n'avait jamais fait jouer sa capacité à rompre le dit contrat). L'article 24 du contrat entre les sociétés AREVA NC et DALKIA (pièce n° 139 de la première nommée) met à la charge du prestataire des obligations précises pour garantir l'effectivité du «'plan de réversibilité'» qu'il organise, et notamment la transmission de toute la documentation accumulée. Ce sont les modalités pratiques selon lesquelles la société AREVA NC pourrait reprendre l'activité externalisée ou la confier à un autre prestataire, sans que ce changement s'accompagne d'une perte des compétences accumulées par le DI/PE et transmises à la société HAGUE ÉNERGIE, qui sont débattues. La société appelante produit à cet égard les observations du rapport CVA, qui n'avait pas été soumis aux premiers juges et qui ne fait pas sur ce point l'objet de critiques de la part de M. M.. Il en résulte que l'équipe du chef d'installation, en contact quotidien avec les opérateurs dans le cadre de sa mission de contrôle, sera à même d'assurer la pérennité des compétences correspondantes au sein de la société AREVA NC et, qu'en tout état de cause, le transfert de cette activité à un autre prestataire, ou par réintégration au sein du donneur d'ordre, pourra s'accompagner, en application des dispositions de l'article L'1224-1 du code du travail ou dans un autre cadre juridique, selon les modalités de l'opération, du maintien en fonction du personnel de la société HAGUE ÉNERGIE. Il n'est donc pas démontré que le principe et les modalités de l'externalisation projetée emporteraient les risques allégués.- les enseignements tirés de l'expérience du site de MARCOULE. La société appelante se prévaut du succès d'une opération d'externalisation similaire, par le biais d'un GIE, et portant sur le même type d'activités et sur un effectif voisin de 45 personnes, qu'elle a menée à bien sur son site de MARCOULE, cependant que le syndicat des travailleurs CGT de AREVA NC LA HAGUE soutient que les différences entre les deux sites retirent toute signification à cette comparaison. Il n'est pas contesté que cette opération d'externalisation à MARCOULE s'est déroulée de façon satisfaisante. Le rapport SYNDEX relève (page 50) que «'l'objectif d'externaliser la production des utilités dans un délai de trois ans a été tenu'», que «'la prise en main des installations par le prestataire a même été plus rapide que prévu du fait du départ précipité des salariés AREVA'», le tout «'sans incident majeur concernant la sécurité de travail, la sécurité industrielle et la fourniture des utilisateurs'», notant toutefois qu'il «'n'est pas sûr que le transfert de la connaissance des installations ait été complètement et finement réalisé'», sans préciser pour autant, ainsi que le relève de façon pertinente le rapport du LATI (page 38) sur quoi repose cette interrogation. Le processus suivi à MARCOULE est décrit par le rapport CVA (pages 66 suivantes) d'une façon qui n'est pas contredite s'agissant des faits eux mêmes et il est, de fait, similaire à celui objet du projet litigieux. Il résulte de la pièce n° 105 du syndicat des travailleurs CGT de AREVA NC LA HAGUE, qu'il n'était plus procédé, sur le site de MARCOULE, en matière d'activité nucléaire, et compte tenu de l'arrêt à la fin de l'année 2009 des réacteurs de production de tritium, qu'à des opérations d'assainissement et de démantèlement, de reconditionnement et traitement des effluents et déchets, de dosimétrie du personnel, de décontamination de machines et d'appareillages, et de maintenance d'emballages de transport de matières nucléaires, dont il n'est pas contesté qu'elles sont moins sensibles que celles effectuées à LA HAGUE. La note du 3 juin 2012 de M. M. (pages 4 à 8), qui insiste sur les besoins moins importants en utilités et les bien moindres conséquences de manquements en la matière, le confirme de façon non contredite (la note de M. J. du 1er février 2013 étant muette sur ce point). Sur la question, débattue entre les parties, notamment sur la base du rapport SYNDEX (page 47), d'une plus grande polyvalence des opérateurs à former à LA HAGUE par rapport à ceux effectivement formés à MARCOULE, de nature à rendre plus complexe la transmission des compétences, aucun élément probant n'est produit. Dès lors qu'il n'est pas démontré que le processus suivi à MARCOULE s'est déroulé de façon insatisfaisante, la circonstance que les éventuelles difficultés qui auraient pu y survenir auraient eu, ainsi que le démontre M. M., des conséquences infiniment moins graves que des difficultés du même type si elles survenaient à LA HAGUE, n'interdit pas à la société AREVA NC de tirer des enseignements du succès du processus d'externalisation mené à bien sur ce site. Il résulte, à ce stade, de ce qui précède que les risques industriels et techniques mis en avant par les syndicats intimés pour s'opposer au projet litigieux ne sont pas objectivement avérés dans des conditions qui soient susceptibles de justifier qu'interdiction soit faite à la société AREVA NC de le poursuivre. Sur les risques psychosociaux. Les risques psychosociaux encourus du fait du projet litigieux, étant rappelé que cette notion n'a pas reçu de définition légale, seront analysés au regard de la définition qu'en propose le LATI (page 13 de son rapport) -'qui n'est pas contredite par les parties et rend compte de leur argumentation'-, à savoir les risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrés par les conditions d'emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d'interagir avec le fonctionnement mental.- l'analyse du rapport SYNDEX. Les syndicats intimés fondent leur analyse sur le rapport déposé par l'expert désigné par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, qui consacre son chapitre 5 (pages 58 à 66) aux impacts du projet sur la santé des salariés concernés. Y sont notamment décrits le choc ressenti par les intéressés à l'annonce du projet, l'incompréhension que celui ci suscite, le fait qu'il est reçu comme un message de mépris envers leur professionnalisme et leur engagement, et le scepticisme sur les capacités de la nouvelle organisation projetée à garantir un niveau de sécurité équivalent à celui offert par le DI/PE. Sont aussi soulignées la crainte d'une séparation programmée d'avec les collègues, les inquiétudes spécifiques des chefs de quart et adjoints sur la compétence de leurs futurs opérateurs et l'inquiétude de chacun sur ses perspectives professionnelles, étant observé que les salariés rencontrés par les auteurs du rapport semblent, pour la «'grande majorité d'entre eux'», subir la réorientation professionnelle qui suivra la fin de leur mise à disposition du GIE et s'inquiètent des offres qui pourront leur être faites. Plus précisément, outre une «'perte de motivation'», le rapport note que «'plusieurs salariés ont évoqué des troubles du sommeil et de l'humeur et un état dépressif'», fait l'hypothèse que si le projet est mis en ouvre, une partie, voire une grande partie, des salariés va « pouvoir s adapter », mais qu'il «'n'est pas sûr que tout le monde le puisse'» ni que «'l'engagement dans le travail ne soit pas émoussé dans la durée'», et relève que «'l'issue pathologique et un passage à l'acte ne peuvent être exclus'». Il conclut que la résistance des salariés face au projet «'est un moyen de lutte contre la souffrance'», et «'doit être prise en compte à ce titre par le management plutôt que dans l'engagement d'un rapport de force qui exacerberait les tensions et les risques». Il déduit notamment de cette analyse, dans ses préconisations (pages 81 et suivantes), la nécessité de prendre en compte et de suivre ces risques psychosociaux, qui engage la responsabilité de l'entreprise, et de mieux accompagner l'élaboration du projet professionnel des salariés intéressés. Comme le précise le rapport lui même (méthodologie, notamment pages 6 et 7), le chapitre 5, tel qu'il vient d'être résumé, est pour l'essentiel le fruit des entretiens individuels conduits, aux mois de novembre et décembre 2010, avec 19 des salariés du DI/PE choisis sur la base du volontariat, des propos tenus lors de ces entretiens, reproduits entre guillemets, venant illustrer les observations présentées. Ainsi que l'a relevé le LATI (page 30) et que cela résulte du rappel chronologique fait ci dessus, ces entretiens se sont donc déroulés alors que le projet d'externalisation avait été annoncé et présenté aux institutions représentatives du personnel, mais restait encore dénué de toute concrétisation, notamment s'agissant de la situation personnelle de chacun des intéressés, laquelle n'a été abordée avec chacun d'entre eux qu'à partir de la fin du mois de janvier 2011. Il en résulte que le rapport SYNDEX rend compte de la grande inquiétude dans laquelle se trouvaient les salariés concernés à la fin de l'année 2010. Il convient, à ce stade, de replacer la situation particulière du DI/PE dans le contexte général de l'établissement de LA HAGUE en la matière. Il doit être rappelé, préalablement, que l'ensemble des salariés postés du DI/PE et une grande partie des salariés de l'établissement ont exprimé, presqu'à la même période (le 21 janvier 2011), leur opposition au projet.- la situation générale de l'établissement au regard des risques psychosociaux La société AREVA NC produit une étude globale qu'elle a commandée, indépendamment du projet litigieux, au cabinet STIMULUS, qui n'était pas agréé au sens de l'article L'4614-12 du code du travail au moment où elle l'a saisi, mais l'est devenu par arrêté du 23 décembre 2011. Cette étude (pièces n° 83 de la société AREVA NC et 54 du syndicat des travailleurs CGT de AREVA NC LA HAGUE) a procédé par recours à un questionnaire qui a été utilement renseigné du 18 octobre au 5 novembre 2010 par 2107 personnes sur 3070 sollicitées. Il en résulte que 15,90 % des salariés du site de LA HAGUE sont en situation d'hyper stress (défini comme «'un état de stress qui, par son intensité et/ou sa fréquence, représente un facteur de risque pour la santé de l'individu'», contre 24 % sur un « panel STIMULUS repondéré (France, 39 057 salariés) ». Le secteur DI/PE atteint le niveau le plus élevé, soit 38,78 % d'hyper stress et de démotivation élevée, trois facteurs spécifiques étant identifiés chez ces salariés, à savoir «'la justice organisationnelle'», «'l'incertitude par rapport à l'avenir'» et «'les relations avec les supérieurs».Il sera observé à cet égard que la période de recueil est elle aussi située entre l'annonce du projet d'externalisation et le début du processus de reclassement individuel. Plusieurs documents émis par le service de santé au travail de l'établissement sont également produits aux débats, étant d'abord observé que ce service avait été associé à la mise en place de l'étude conduite par le cabinet STIMULUS (lettre du 15 février 2011 du chef de service, pièce n° 30 des syndicats intimés) et en a estimé les résultats pertinents, le chef du service ajoutant que ces résultants «confirmaient les observations qui ont été faites par les médecins du travail et la psychologue de l'établissement, tant sur les aspects quantitatifs (nombre de salariés en état de stress et d'hyper stress), que sur les causes». Le rapport annuel d'activité du service, pour l'année 2010 (pièces n° 28 des syndicats intimés et 101 de la société appelante) relève, sous la plume d'un des médecins du travail, le Dr M., que les sollicitations «dans le domaine de la santé mentale'» se sont accrues «'de façon très nette en 2010 avec les répercussions liées à la démarche d'externalisation du DI/PE'» et que «'de nombreux salariés ont exprimé de l'anxiété, du stress, des troubles du sommeil, des troubles psychologiques allant jusqu'à la dépression pour quelques salariés'». Ce même médecin précise encore que « toute nouvelle organisation demande un effort d'adaptation'», que l'annonce de l'externalisation complète «a entraîné beaucoup de déception et de découragement chez les salariés et particulièrement chez les plus anciens pour qui ce service a été le sens de leur vie professionnelle», relevant aussi «'l'incertitude prolongée concernant l'avenir professionnel des salariés» qui les a «maintenus dans leur souffrance'», à raison de «'l'impossibilité de se projeter dans l'avenir'» et de «'l'appréhension de redémarrer une carrière à zéro dans un autre service». Un autre praticien relève également une «'augmentation des consultations en relation avec les risques psychosociaux pour des questions de modifications d'équipes, d'évolution dans les organisations du travail, de charge de travail mais aussi de contexte socio économique difficile», avant de conclure que «'l'analyse de l'étude STIMULUS permettra probablement de mettre en pratique des propositions collectivement acceptées». La psychologue du travail évoque, pour sa part, un malaise grandissant, et la nécessité d'«une démarche d'évaluation collective des risques psychosociaux'», allant au delà des interventions de cabinets externes sollicités par la direction ou le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, sur la base de «'demandes multiples mais à chaque fois parcellaires», qu'elle oppose à la «grande étude d'évaluation des risques psychosociaux ' lancée par la direction en partenariat avec le cabinet STIMULUS», démarche «fort intéressante» quoiqu'«initiée tardivement» et qui «devra permettre de proposer et de mettre en place des actions concrètes visant à protéger les salariés face aux risques psychosociaux». Dans le rapport pour l'année 2011 (pièce n° 108 du syndicat des travailleurs CGT de AREVA NC LA HAGUE), le Dr M. relève encore qu'il a été amené à recevoir «'un certain nombre de salariés de DEMC/PE en souffrance du fait de l'incertitude qui se prolonge concernant leur avenir professionnel dans le contexte d'externalisation de ce service'», la psychologue du travail faisant état, pour sa part, de «'la mise en place de groupes de travail faisant suite à l'enquête STIMULUS'». Le rapport TECHNOLOGIA déposé en janvier 2011 à la demande du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail sur l'autre projet de réorganisation, concernant la direction DI/DM (pièce n°13 des syndicats intimés), décrit les risques psychosociaux que comporte ce projet, évoquant perte de confiance et incertitude sur l'avenir, à l'origine de pathologies anxio dépressives dont les symptômes atteignent déjà quelques salariés et mentionne, à cet égard, les obligations pesant sur l'employeur en application des articles L'4121-1 et suivants du code du travail. Le second rapport déposé par le cabinet TECHNOLOGIA, au mois de mars 2012, mais à la suite de la décision prise par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail en avril 2010 en raison du suicide d'un responsable de production d'un atelier de la direction industrielle (pièce n° 52 du syndicat CGT FO de l'énergie nucléaire de LA HAGUE), dont la mission a été réduite par la cour d'appel de CAEN aux seuls «'cadres au forfait'», exploite un questionnaire, qui n'a pu être soumis aux intéressés avant le second semestre de l'année 2011, ainsi que des entretiens individuels et évoque notamment «'une succession de réorganisations insuffisamment accompagnées'», l'isolement des cadres, le manque de reconnaissance et les insuffisances de l'accompagnement par les équipes chargées des ressources humaines. Le dépôt puis l'analyse de ce rapport ont donné lieu à une mise en demeure du 18 septembre 2012 adressée par la DIRECCTE à la société AREVA NC, portant sur «'la mise en place d'un plan d'action permettant l'évaluation et la maîtrise de la charge mentale et physique de travail'» et ce pour tout le personnel de l'établissement quel que soit son niveau de qualification, sur le respect des repos légaux et des limites maximales légales de la durée du travail, et la mise en place d'«'un système d'enregistrement automatique, fiable, infalsifiable du début et de la fin de chaque période de travail pour tout le personnel'». La DIRECCTE a pris bonne note, le 29 novembre 2012 (pièce n° 197 de la société AREVA NC), du dépôt du plan d'action, des mesures prises et des réponses apportées, dont elle a estimé qu'il répondait à sa mise en demeure. Des suicides de salariés en activité au sein de l'établissement, que les parties estiment à environ cinq sur la période considérée, entre les mois de février 2010 et février 2011, doivent également être pris en compte. Les rapports susvisés du service de santé au travail font état de l'augmentation du nombre des suicides'; ils en recensent un en 2008, aucun en 2009, mais trois en 2010 et cinq en 2011 (et encore deux dans les deux premiers mois de 2012) et notent que ces chiffres correspondent à un taux au sein de l'établissement nettement plus important que le taux moyen pour le département de la Manche. Les parties divergent sur le lien entre chacun de ces suicides et le contexte professionnel. Il n'appartient pas à la cour de trancher ici au cas par cas cette question délicate, ce qu'elle ne saurait en tout état de cause faire sur la base des seules pièces produites de part et d'autre. Il sera seulement et de façon générale observé, avec le rapport TECHNOLOGIA rendu à la suite du suicide de mars 2010, que «'les situations préoccupantes sont actuellement minoritaires sur le site'» mais qu'«'il n'en demeure pas moins que de nombreuses caractéristiques ancrées dans le quotidien du travail représentent des facteurs de risque pour la santé mentale des salariés'» et, qu'en tout état de cause, ainsi que le relève le chef du service de santé au travail, «'il s'agit, à l'évidence, d'un indicateur d'alerte qu'il convient de prendre en compte de façon prioritaire'», ce praticien ajoutant, après avoir rappelé que «'le travail est un facteur de protection important contre le suicide'», qu'«'il semble qu'il joue de moins en moins son rôle pour les travailleurs de l'établissement'» et que «'les problèmes de vie privée ne sont plus compensés par un investissement dans leur travail'», ce dont témoigne «'le taux élevé de démotivation'». Il sera encore observé que la DIRECCTE, dans une lettre du 19 septembre 2012, a estimé, sur la base du rapport TECHNOLOGIA, que «'la situation qu'a subie M. L. n'est pas un cas isolé et que la situation, pour les cadres au forfait jours, deux ans après le suicide de M. L. n'a pas évolué malgré les anomalies'» relevées en terme de durée du travail, et fait part à la société AREVA NC de sa décision d'informer «'le procureur de la République de son inaction depuis 2010 sur les moyens de mesurer la charge mentale des cadres au forfait jours et de soulager cette charge physique et mentale'». Enfin, il n'est pas contesté qu'aucun des suicides survenus dans l'établissement n'a concerné un des salariés du DI/PE intéressés par le projet litigieux. Aucune des pièces produites aux débats ne permet, contrairement à ce que suggère le syndicat CGT FO de l'énergie nucléaire de LA HAGUE, de relier au projet d'externalisation de ce service et à la procédure en train d'être initiée la tentative de suicide survenue dans la première quinzaine du mois d'avril 2011, qui a donné lieu à une réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail en date du 15 avril 2011, puis à une enquête arrêtée à la demande du salarié concerné. Il résulte de l'ensemble de ces documents que la question des risques psychosociaux concerne l'établissement dans son ensemble, mais qu'elle est apparue particulièrement aiguë au sein du DI/PE à la fin de l'année 2010 et encore pendant l'année 2011.- la situation d'incertitude des salariés concernés par le projet. Ainsi qu'il a été relevé par le LATI, «'d'une manière générale, le changement est considéré comme une source de stress pour les membres de l'organisation touchés par le changement'», et la rupture que celui ci consacre s'accompagne nécessairement d'une situation d'incertitude, d'un sentiment de perte de contrôle et d'une augmentation des contraintes du travail perçues (pages 17 à 19). Ainsi que l'ont relevé tous les rapports et avis analysés plus haut, et comme le résume le LATI, «'à l'époque du lancement de l'externalisation, les salariés étaient certainement dans un état de stress important, voire en situation de mal être'», le LATI notant encore que «'l'externalisation est un changement qui sollicite beaucoup les capacités d'adaptation des salariés'». Il résulte des pièces produites que, depuis la fin de l'année 2010, la situation des salariés concernés a évolué à cet égard dans les premiers mois de l'année 2011. Il y a lieu d'examiner, à ce stade, le début du processus de préparation du reclassement des salariés du DI/PE à l'issue de leur mise à disposition du GIE, étant observé qu'il n'est pas contesté qu'ainsi que l'a observé le rapport SECAFI (page 39), il existe sur le site de LA HAGUE un nombre de postes suffisants pour accueillir l'ensemble des salariés concernés. Il sera observé que ce dispositif a fait l'objet, selon un processus annoncé lors de la réunion du comité d'établissement du 25 janvier 2011 (page 23) et initié dès le 4 avril 2011 (pièces n° 148 et 149 de la société AREVA NC), soit avant la délivrance de l'acte introductif de la présente instance, d'un accord d'entreprise en date du 22 avril 2012, signé par les syndicats UNSA SPAEN, CFDT et CFE CGC, dont les syndicats intimés ne sauraient nier l'existence au seul motif qu'ils ont choisi de ne pas le signer. Ces syndicats font cependant à juste titre observer que la signature donnée par les autres organisations représentatives au sein de l'établissement ne doit pas être interprétée comme une approbation donnée au projet d'externalisation lui même. Il doit en effet être rappelé que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et le comité d'établissement se sont prononcés à l'unanimité contre ce projet lors des réunions des 21 et 25 janvier 2011. Par ailleurs, il résulte des pièces produites (n° 150 du syndicat des travailleurs CGT de AREVA NC LA HAGUE, 53, 54 et 55 du syndicat CGT FO de l'énergie nucléaire de LA HAGUE et 137 et 150 de la société AREVA NC) que deux des syndicats signataires, les syndicats CFDT et UNSA SPAEN, ont, avant et après le 22 avril 2011, réaffirmé clairement leur opposition au projet. Le texte même de l'accord rappelle d'ailleurs expressément l'opposition des partenaires sociaux au projet d'externalisation. La société AREVA NC s'engage, par cet accord, à repositionner la totalité des salariés en contrat de travail à durée indéterminée du secteur DEMPC/PE mis à la disposition du GIE, et organise un processus destiné à permettre à ces salariés de mieux connaître les besoins en postes à pourvoir ainsi que la nature de ces postes (y compris par «'le dispositif «'Vis ma vie'»'»), processus ponctué de rendez vous avec une structure dédiée du service des ressources humaines, un accompagnement et un suivi personnalisés, chaque salarié se voyant proposer «'jusqu'à 3 opportunités de mobilité, au plus près de ses souhaits exprimés'», mais devant accepter la troisième proposition au cas où il aurait refusé les deux premières, l'objectif étant de permettre au salarié de retrouver «'un niveau de responsabilité équivalent à celui qu'il occupe au sein du secteur DEMC/PE'». Il est encore, plus spécifiquement, proposé aux salariés partant à la retraite ou en préretraite au plus tard deux années après la dissolution du GIE une mise à disposition auprès de la société HAGUE ÉNERGIE, afin de leur éviter un changement de métier pour une courte durée, et de façon générale, l'engagement est pris de faciliter la réalisation de transferts vers la société HAGUE ÉNERGIE pour ceux qui le souhaiteraient. Le dispositif est complété par une garantie financière dégressive en cas de perte de rémunération liée au repositionnement, et l'engagement de versement d'une prime de 300 euros par trimestre pour prendre en compte les sujétions liées à l'accompagnement des équipes de la société HAGUE ÉNERGIE, versée aux salariés pendant leur mise à disposition du GIE. Ce dispositif a été mis en ouvre, ainsi qu' il a été relevé plus haut, des mois de février à juin 2011, par le recueil des souhaits des salariés, les entretiens d'accompagnement et l'émission par l'employeur de propositions de reclassement (les fiches concernant chacun des salariés, émargées par eux, sont produites en pièce n° 185 de la société AREVA NC). Il résulte du tableau versé aux débats (pièce n°186 de la société AREVA NC) qu'au mois de juin 2011, les cinquante six salariés concernés s'étaient vus proposer un ou plusieurs postes, à l'exception d'un seul pour lequel il est mentionné «en cours'-' plusieurs options à confirmer'», que dix sept salariés avaient accepté un poste de reclassement, et que onze autres bénéficiaient du dispositif «'vis ma vie'». Le déroulement de ce processus annoncé n'a cependant pas fait diminuer l'inquiétude des salariés concernés, qui s'est manifestée par une lettre pétition adressée aux premiers juges le 16 mai 2011 (pièce n° 42 du syndicat CGT FO de l'énergie nucléaire de LA HAGUE), dans laquelle était affirmée notamment la volonté des vingt sept signataires, «'en l'état actuel de la cellule d'accompagnement mise en place par la direction à propos de notre suivi psychologique et des moyens associés'», d'«'avoir recours à des soutiens extérieurs et en dehors du périmètre AREVA'». Il sera cependant observé qu'il résulte de la comparaison de cette lettre avec le tableau évoqué ci dessus que sept des signataires du courrier avaient, avant la fin du mois de juin, accepté une proposition de reclassement ou leur participation au dispositif «'vis ma vie'». Ce plan de reclassement n'est pas utilement critiqué par les syndicats intimés. Sa mise en ouvre a, cependant, été interrompue par l'interdiction édictée par la décision déférée. Il est de nature à répondre aux inquiétudes légitimement exprimées par les salariés concernés relativement à leur avenir professionnel à la fin de leur mise à disposition du GIE. Il répond également aux préconisations exprimées par le rapport SYNDEX.- les mesures mises en place par la société AREVA NC. Indépendamment de cette question spécifique, le projet litigieux peut légitimement continuer à susciter les autres inquiétudes des salariés concernés, telles qu'elles ont déjà été relevées, touchant à l'intégration, qu'ils n'ont pas choisie, au sein du GIE avec des salariés d'une autre société, dont ils doivent assurer la formation tout en continuant à effectuer leur propre travail, avec la certitude, pour la plupart d'entre eux et sous la réserve des possibilités d'intégration au sein de la société prestataire offertes par l'accord du 22 avril 2011, de devoir s'adapter à un nouveau poste de travail, le tout dans des conditions qui sont vécues comme une remise en question de leurs capacités et de leur professionnalisme. S'il ne peut être exigé, dans le cadre de l'application des dispositions des articles L'4121-1 et suivants du code du travail, de la société AREVA NC qu'elle renonce à son projet au seul motif de ces inquiétudes que suscite le changement qu'il entraîne, cette société ne peut, en revanche, prétendre en poursuivre la mise en ouvre que si elle justifie qu'elle a mis en place un dispositif efficace propre à accompagner les salariés pendant cette période et donc à éviter les risques psychosociaux, comme l'a préconisé le rapport SYNDEX.Ce dispositif est décrit par le LATI (chapitre 4, «'le plan et actions de prévention'», pages 51 à 64), et par une note du directeur d'exploitation moyens communs (DEMC) de la société AREVA NC produite devant la cour (pièce n° 201 de cette société), et documenté par l'annexe J à cette pièce («'indicateurs à la fin août 2013 »), le rapport annuel du service de santé 2012 (pièce n° 198 de la société AREVA NC), ainsi que les pièces déjà produites devant les premiers juges sur la politique mise en place à partir de 2007 en la matière (pièces 77 à 103 de la société AREVA NC), incluant les précédents rapports du service de santé au travail, et les documents relatifs à l'étude du cabinet STIMULUS. S'il est significatif, mais insuffisant en soi, que les plans d'action de la société AREVA NC pour les périodes 2008/2011 et 2011/2013 (pièces n° 77 et 78) aient pris en compte l'objectif de prévention des risques pour la santé psychologique au travail, il convient de s'attacher aux dispositifs effectivement mis en place et à leur évaluation. À cet égard, doivent être relevés les éléments suivants': - relativement aux modalités d'application de la démarche de la société en matière de risques psychosociaux, la psychologue du travail (pièce n° 79) fait le point, le 7 octobre 2008, sur les projets déployés sur le site (identification, orientation et aide des salariés concernés) et sur ceux encore en devenir (soutien aux managers, évolution de la culture interne et implication de l'ensemble des secteurs de l'entreprise), - un «'dispositif d'écoute et d'accompagnement'» a été mis en place à partir de l'année 2009 (pièces n° 80 et 90, puis 96 et 97) par le service de santé au travail, sur lequel a été diffusée une large information (pièces n° 84 et 89), dispositif qui fait l'objet d'une évaluation régulière (voir pièce n° 93, mars 2010), - un «'dispositif d'évolution des conditions de vie au travail'» est venu compléter ce dispositif d'écoute et d'accompagnement, sur le site de LA HAGUE à partir du mois de septembre 2010, confié au cabinet STIMULUS (pièces n° 94 et 95), lequel a donné lieu au dépôt du rapport déjà évoqué,- ces deux dispositifs ont été intégrés dans un projet global de prévention des risques psychosociaux,- le rapport du service de santé pour l'année 2012, qui relève que le nombre de suicides sur cette année est descendu à deux (secteur médecine, page 24), fait mention à plusieurs reprises et de façon positive (secteur du Dr D., page 13, du Dr M., page 12, du psychologue du travail, pages 6, 8 et 10) des résultats obtenus par la mise en uvre de ce projet global, notamment dans le domaine de la formation de managers, domaine dont il est utile de rappeler qu'il restait inexploité en octobre 2008, et spécialement de l'établissement et de l'utilisation concertés d'une grille d'impact humain des réorganisations et d'un suivi mensuel des indicateurs en matière de risques psychosociaux,- des documents issus de ce suivi mensuel, de janvier à août 2013 (annexe J à la pièce n° 201 susvisée) montrent que cette démarche s'est poursuivie dans la durée, et qu'elle donne lieu à une réunion mensuelle d'analyse rassemblant des représentants de toutes les directions, - le LATI précise (page 59 et 60) également que la société AREVA NC s'est enfin dotée, sur le site, d'un dispositif d'évaluation de l'impact humain des changements et d'évolution des organisations, qui permet d'évaluer les facteurs de risque. La note du directeur de la DEMC décline pour ce qui concerne sa direction, et spécialement pour ce qui intéresse le service DEMC/PE, touché par le projet d'externalisation, ces dispositifs, en synthétisant d'une façon non contestée les éléments repris ci dessus, tant relativement à l'organisation de la phase transitoire de transfert de compétences et l'organisation du reclassement ultérieur, que sur la prévention des risques psychosociaux. Il en résulte que la société AREVA NC s'est donnée les moyens de réduire les risques psychosociaux que caractérisent les inquiétudes des salariés concernés par le projet litigieux, dans des conditions qui sont compatibles avec les exigences qui pèsent sur elle en application des articles L 4121-1 et suivants du code du travail. Sur les demandes. Les risques industriels et techniques et les risques psychosociaux allégués ne sont donc pas démontrés dans des conditions qui devraient conduire la cour à interdire à la société AREVA NC de mettre en ouvre son projet d externalisation de l activité du service DI/PE, devenu DEMC/PE, d'exploitation et de conduite des installations nécessaires à la transformation, la production et la distribution des utilités du site de LA HAGUE. Il n'y a pas davantage, dans ces conditions, lieu de suspendre les effets de cette décision d'externalisation, étant observé que le syndicat des travailleurs CGT de AREVA NC LA HAGUE, au soutien de cette demande subsidiaire, ne précise à aucun moment à la survenance de quel événement ou à la satisfaction de quelles exigences la levée d'une telle suspension pourrait être conditionnée. La décision déférée sera donc intégralement infirmée ».

1) ALORS QU'en application des articles L.4121-1 et L.4121-2 du Code du travail interprétés à lumière de la directive CE n° 89/391 du 12 juin 1989 concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail, il incombe à l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat, de prendre les mesures nécessaires afin de prévenir et d'éviter les risques susceptibles de porter atteinte à la santé et à la sécurité des salariés ; qu'en l'espèce, pour débouter les syndicats exposants de leur demande tendant à voir le projet ENERGIE 2012 suspendu, la cour d'appel a relevé que ceux-ci ne précisaient pas à la survenance de quel événement ou à la satisfaction de quelles exigences la levée d'une suspension pourrait être conditionnée ; qu'en subordonnant ainsi la suspension d'une mesure compromettant la santé et la sécurité des salariés à l'obligation pour les syndicats demandeurs de présenter des mesures destinés à protéger la santé des salariés, la cour d'appel, qui a fait peser sur les syndicats une obligation de sécurité et de prévention dont seul l'employeur est débiteur, a violé les textes susvisés ;
2) ALORS QU'en application de l'article 624 du Code de procédure civile, la cassation à intervenir sur l'un ou l'autre des trois premiers moyens entraînera, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a débouté les salariés de leur demande tendant à obtenir la suspension du projet ENERGIE 2012;
3) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE, sur le risque psychosocial, D'ABORD QUE l'employeur est tenu, à l'égard de son personnel, d'une obligation de sécurité de résultat qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer, de manière effective, la sécurité des travailleurs et protéger leur droit fondamental à la santé et à la dignité; qu'il lui est interdit, dans l'exercice de son pouvoir de direction, de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé, la sécurité et la dignité des salariés ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que le projet ENERGIE 2012 avait généré chez les salariés de la DI/PE un hyper stress ayant entraîné des pathologies anxiodépressives et que ces salariés seraient contraints, une fois le projet mis en oeuvre, de former, en plus de leur travail, leurs successeurs dans des conditions dégradantes et avec la certitude de devoir s'adapter à un nouveau poste de travail, la cour d'appel a considéré que le risque psychosocial n'était pas démontré dans des conditions qui devraient conduire à interdire la mise en oeuvre du projet litigieux ; qu'en subordonnant ainsi l'interdiction d'une mesure attentatoire à la santé et à la dignité des salariés à l'exigence d'un certain degré de gravité, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition contraire à ses objectifs, a violé l'article L.4121-1 du Code du travail ;
4) ALORS A TOUT LE MOINS QU'en se déterminant ainsi, sans expliquer en droit comme en fait, les raisons pour lesquelles l'hyper stress des salariés de la DI/PE qui seraient contraints, dans de telles conditions, et en plus de leur tâche habituelle, d'assurer la formation de leurs successeurs dans des conditions dégradantes et avec la certitude de devoir s'adapter à un nouveau poste de travail n'était pas de nature à justifier l'interdiction du projet ENERGIE 2012, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.4121-1 du Code du travail ;
5) ALORS ENSUITE QUE, pour se déterminer comme elle l'a fait et après avoir constaté que le projet d'externalisation de la DI/PE avait été annoncé en juillet 2010, mis en oeuvre en février 2011 et annulé par le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris le 5 juillet 2011 assorti de l'exécution provisoire, la cour d'appel a retenu qu'il ressortait de diverses mesures d'accompagnement mises en place en 2008, 2009 et 2010, du rapport du service de santé pour l'année 2012, des documents de suivi de janvier à août 2013 et du rapport d'octobre 2013 établi par le LATI à la demande de la Société AREVA que le risque psychosocial engendré par le projet d'externalisation avait été réduit par les mesures mises en place par la Société AREVA; qu'en se fondant ainsi, pour apprécier la gravité du risque psychosocial engendré par le projet d'externalisation, sur des mesures qui avaient été mises en place bien avant l'annonce du projet et sa mise en oeuvre et sur des rapports et expertises relatifs à la santé des salariés établis plus d'une année voire plus de deux années après que le projet ait été totalement annulé, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé l'article L.4121-1 du Code du travail ;
6) ALORS QU'en se bornant, pour statuer ainsi, à analyser le risque induit par l'annonce du projet sans rechercher, ainsi cependant qu'elle y était invitée, si la Société AREVA avait pris des mesures de nature à réduire le risque engendré par les modalités de mise en oeuvre du projet et notamment, l'obligation pour les salariés de la DI/PE de devoir former, en sus de leur travail, leurs successeurs, dans des conditions dégradantes et avec la certitude qu'ils devraient s'adapter à un nouveau poste de travail, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L.4121-1 du Code du travail ;
7) ALORS EN OUTRE QU'en retenant que le risque psychosocial généré par le Projet ENERGIE 2012 était caractérisé par l'inquiétude des salariés quand il ressortait du rapport STIMULUS déposé en février 2011 et du rapport TECHNOLOGIA déposé en janvier 2011 d'une part, que ledit projet avait généré un hyper stress défini comme un état de stress qui par son intensité et/ou sa fréquence représente un facteur de risque pour la santé de l'individu lequel avait engendré des pathologies anxio-dépressives pouvant aller, pour certains jusqu'au suicide et d'autre part, que les modalités de mise en oeuvre du projet étaient génératrices d'une souffrance au travail certaine susceptible d'entraîner des pathologies de surcharge liées à un nécessaire sentiment d'insuffisance sociale et de perte de valeur pouvant aller jusqu'à provoquer des troubles musculo-squelettiques et des syndromes d'épuisement professionnel, la cour d'appel qui a dénaturé ces pièces déterminantes du litige, a violé l'article 4 du Code de procédure civile, ensemble, le principe suivant lequel le juge ne peut pas dénaturer les éléments de la cause ;
8) ALORS A TOUT LE MOINS QU'ayant constaté, d'une part, qu'au moment de l'annonce du projet d'externalisation de la DI/PE en juillet 2010 et de sa mise en oeuvre en mars 2011, il était acquis, au vu du rapport SYNDEX déposé le 4 janvier 2011, du rapport STIMULUS de février 2011, du rapport TECHNOLOGIA pour les années 2011 et 2012, que les salariés de la DI/PE visés par le projet étaient dans une situation d'hyper stress ayant entraîné le développement de pathologies anxio-dépressives, ce qui était confirmé par les rapports du médecin du travail et du service de santé au travail pour les années 2011 et 2012 et d'autre part, que ces salariés, déjà en situation d'hyper stress, allaient devoir, en plus de leur tâche habituelle et dans des conditions aboutissant à une remise en cause de leurs capacités et de leur professionnalisme, assurer la formation des salariés de la Société HAGUE ENERGIE amenés à les remplacer définitivement, la cour d'appel, qui ne pouvait en déduire que le risque psychosocial était caractérisé par une simple inquiétude des salariés, a violé l'article L.4211-1 du Code du travail ;
9) ALORS ENFIN QU'en affirmant, pour dire que le plan de reclassement mis en oeuvre par la Société AREVA était de nature à répondre aux inquiétudes des salariés quant à leur avenir, qu'il ressortait du tableau produit par la Société AREVA que celle-ci avait fait une ou plusieurs propositions de reclassement aux salariés concernés quand il résultait dudit tableau que chaque salarié n'avait reçu qu'une ou deux propositions de reclassement et que dans les cas où deux postes étaient proposés, le second concernait le poste d'un collègue dont le départ en retraite ne serait pas effectif au moment où la mise à disposition des salariés de la DI/PE auprès du GIE aurait pris fin, la cour d'appel qui a dénaturé ce document, a violé l'article 4 du Code de procédure civile, ensemble le principe selon lequel le juge ne peut pas dénaturer les éléments de la cause ;
10) ALORS, A TOUT LE MOINS, QU'en se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui n'a dès lors pas analysé même sommairement le dit tableau dont il ressortait que la majorité des salariés n'avaient en réalité reçu qu'une proposition de reclassement sans précision ce qui n'était aucunement de nature à réduire leur inquiétude concernant leur avenir, a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
11) ALORS, sur le risque industriel, QUE l'employeur exploitant une installation nucléaire de base, est soumis au principe de précaution qui lui interdit de prendre toute mesure qui serait susceptible d'entraîner un risque grave et irréversible pour l'environnement, la santé et la sécurité des tiers et de ses salariés, ce risque fû-il incertain ou potentiel ; qu'en l'espèce, pour débouter les syndicats exposants de leur demande tendant à obtenir l'annulation de la mise en oeuvre du projet d'externalisation de la DI/PE et après avoir constaté que la DI/PE constituait une installation nucléaire de base au sens de l'article L. 593-2 du Code de l'environnement, la cour d'appel a retenu que les risques industriels et techniques mis en avant par les syndicats intimés pour s'opposer au projet litigieux n'étaient pas objectivement avérés dans des conditions susceptibles de justifier qu'interdiction soit faite à la Société AREVA NC de poursuivre ; qu'en subordonnant ainsi l'interdiction du projet litigieux à la démonstration d'un risque avéré alors que l'externalisation de la DI/PE devait être exclusive de tout risque même potentiel susceptible d'engendrer des conséquences graves et irréversibles, la cour d'appel a violé le principe de précaution, ensemble l'article L.4121-1 du Code du travail ;
12) ALORS A TOUT LE MOINS QU'en cas de litige relatif aux risques présentés par la modification d'une installation nucléaire de base susceptible d'entraîner des conséquences graves et irréversibles pour l'environnement, la santé et la sécurité des tiers et des salariés, il appartient aux salariés de présenter des éléments de fait laissant supposer qu'un risque est vraisemblable et au vu de ces éléments, il appartient à l'employeur de démontrer l'absence de tout risque ; qu'en retenant, pour se déterminer comme elle l'a fait, que les risques industriels et techniques mis en avant par les syndicats intimés pour s'opposer au projet litigieux n'étaient pas objectivement avérés dans des conditions susceptibles de justifier qu'interdiction soit faite à la Société AREVA NC de poursuivre quand il leur incombait seulement de présenter des éléments de nature à démontrer que ce risque était vraisemblable et qu'il appartenait à la Société AREVA de prouver que le projet d'externalisation de la DI/PE était exempt de tout risque, la cour d'appel a derechef violé le principe de précaution, ensemble l'article L.4121-1 du Code du travail ;
13) ALORS ENCORE QUE le risque industriel ne peut être analysé indépendamment du risque psychosocial qui le nourrit; qu'en l'espèce, après avoir constaté d'abord, que la DI/PE faisait partie des installations nucléaires de base visée par l'article L. 593-2 du Code de l'environnement imposant à l'employeur une obligation de sécurité de résultat renforcée, ensuite, qu'il était acquis qu'un fonctionnement dégradé et en particulier une déstabilisation des équipes entraînerait un risque radiologique certain, enfin, que dans un tel contexte, il était imposé aux salariés du DI/PE dont l'hyper stress était reconnu, de former leurs futurs successeurs, en sus de leur tâches quotidiennes, la cour d'appel a retenu que le risque industriel n'était pas avéré ; qu'en statuant ainsi alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'existence d'un risque psychosocial avéré était de nature à engendrer de façon certaine un risque industriel, la cour d'appel a violé l'article L. 4121-1 du Code du travail ;
14) ALORS A TOUT LE MOINS QU'en se déterminant comme elle l'a fait, sans rechercher, ainsi cependant qu'elle y était invitée, si l'hyper stress des salariés de la DI/PE qui seraient chargés d'assurer, en sus de leurs tâches quotidiennes, la formation des nouveaux salariés qui allaient les remplacer n'était pas de nature à entraîner une déstabilisation des équipes génératrice d'un risque industriel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.4121-1 du Code du travail ;
15) ALORS, sur le transfert de compétences, QUE pour infirmer le jugement entrepris en ce qu'il avait constaté que le processus de formation des nouvelles recrues de la Société DALKIA était nettement insuffisant, la cour d'appel a affirmé qu'il ressortait des conclusions du rapport CVA déposé en février 2012 et du rapport du LATI établi en octobre 2013 à la demande de la Société AREVA que le risque de perte des compétences acquises par les salariés de la DI/PE n'était pas avéré ; qu'en statuant ainsi sans réfuter les motifs du jugement dont il ressortait, sur la base de l'attestation de M. M..., de l'expertise du cabinet SYNDEX, du rapport SECAFI, de l'ancienneté des salariés de la DI/PE que la Société AREVA avait volontairement tronquée, du plan ressources démontrant que la majorité des salariés de la DI/PE aurait quitté ce service à la fin de l'année 2013 et de l'avis de la commission locale d'information, que le dispositif de formation des nouveaux salariés de la DI/PE prévue par la Société AREVA était nettement insuffisant ce qui était de nature à engendrer un risque industriel certain, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
16) ALORS A TOUT LE MOINS QUE les juges ne peuvent se fonder exclusivement sur les expertises amiables réalisées à la demande d'une partie ; qu'en se fondant exclusivement, pour statuer comme elle l'a fait, sur les expertises du CVA et du LATI - experts non agréés par le Ministère du travail - et réalisées à la demande de la Société AREVA à la suite de l'annulation du projet sans aucune enquête de terrain et sans être soumises à la consultation du CHSCT, la cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile et le principe de l'égalité des armes consacré par l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
17) ALORS ENCORE QUE les syndicats exposants avaient précisément démontré dans leurs écritures, pièces à l'appui, d'abord, que les rapports CVA et LATI avaient été réalisés pour les besoins de la cause, sans respecter le principe du contradictoire et sans être soumis à la consultation du CHSCT, ensuite, qu'il ressortait du rapport SECAFI, de l'attestation de M. M... et des diverses attestations de formations suivies par les salariés de la DI/PE que le niveau du service de la DI/PE n'avait pu être construit qu'avec le temps et avec un brassage diffusé lentement et sûrement, en outre, que l'intensité de la formation rendait impossible une assimilation certaine des connaissances étant par ailleurs précisé que la majorité des salariés recrutés n'avait aucune compétence en matière nucléaire, enfin que la commission locale d'information avait le 8 juin 2011 émis un avis défavorable à l'unanimité aux motifs que le dispositif de formation des nouveaux agents ne fournissait pas des gages de sécurité suffisants compte tenu des risques liés à l'activité et la complexité technique du site ; qu'en s'abstenant de répondre à ces moyens déterminants démontrant un risque réel de perte de compétences de nature à engendrer un risque industriel certain, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
18) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en retenant, pour dire que le processus de formation des nouveaux agents serait plus rapide que celui des agents de la DI/PE, d'une part, qu'il résultait du rapport du LATI que les nouveaux travailleurs seraient intégrés en surnombre dans les équipes ce qui n'était pas le cas dans le compagnonnage dont se prévalaient les salariés de la DI/PE et d'autre part, qu'il résultait du processus de formation présenté par la Société AREVA que la période de compagnonnage se ferait sur 5 mois par intégration en surnombre dans les équipes selon le modèle déjà utilisé au sein du DI/PE pour la formation des nouveaux arrivés, la cour d'appel, qui a statué par des motifs contradictoires, a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
19) ALORS QUE dans leurs écritures, les syndicats exposants avaient précisément démontré, pièces à l'appui, qu'indépendamment de la durée de prolongation éventuelle de deux années de la durée de vie du GIE, il était acquis, conformément au plan ressources, que sur les 56 salariés de la DI/PE mis à disposition en février 2011 et chargés d'assurer la formation de leurs successeurs, il n'en resterait que 33 en janvier 2012, 20 en janvier 2013 et 16 en novembre 2013; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen des écritures des syndicats exposants dont il résultait que la possibilité de proroger la durée de vie de GIE afin d'asseoir la formation des nouvelles recrues n'était que théorique dès lors qu'au bout de deux années, il était certain que les nouvelles recrues de la Société DALKIA ne pourraient plus bénéficier de la formation des salariés de la DI/PE, la cour d'appel a de nouveau violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
20) ALORS EN OUTRE, sur l'économie générale du projet QU'en retenant, pour considérer que les modalités de contrôle exercées par la Société AREVA étaient de nature à pallier tout risque lié au transfert de la responsabilité de la DI/PE à la Société HAGUE ENERGIE, d'une part, qu'il incombera à la Société AREVA de désigner un chef d'installation compétent et d'autre part, qu'il résultait du tableau de suivi du dispositif de reclassement des salariés de la DI/PE que quatre salariés de la DI/PE s'étaient vus proposer un reclassement en qualité de référent de sorte que si ces propositions étaient acceptées, quatre des cinq référents prévus pourraient nourrir leur mission de contrôle de l'expérience directement opérationnelle acquise, la cour d'appel, qui a statué par des motifs hypothétiques, a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
21) ALORS QU'en s'abstenant de répondre au moyen circonstancié des écritures des syndicats exposants dont il résultait qu'à la fin de l'année 2013, il n'y aurait plus suffisamment de salariés de la Société AREVA afin d'assurer le contrôle effectif des installations externalisées auprès de DALKIA ce qui empêcherait nécessairement, en cas de changement de prestataire pour cause de défaillance de la Société DALKIA ou de réintégration du personnel au sein de la Société AREVA, le maintien des compétences indispensables à la sécurité de la DI/PE, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
22) ALORS ENFIN sur l'autorisation de l'Autorité de sûreté nucléaire, QU'en application de l'article 26 I du décret n°2007-1557 du 2 novembre 2007, lorsque l'exploitant d'une installation nucléaire de base envisage une modification des règles générales d'exploitation ou du plan d'urgence interne, il en fait la simple déclaration à l'Autorité de sûreté nucléaire en lui transmettant un dossier comportant toutes les justifications utiles ; qu'en affirmant néanmoins que l'accord de l'ASN était requis pour la modification des règles générales d'exploitation et du plan d'urgence interne induit par le projet litigieux, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
23) ALORS A TOUT LE MOINS QU'en application de l'article 26 du décret n°2007-1557 du 2 novembre 2007, lorsque l'exploitant d'une installation nucléaire de base envisage une modification des règles générales d'exploitation ou du plan d'urgence interne, il en fait la simple déclaration à l'Autorité de sûreté nucléaire en lui transmettant un dossier comportant toutes les justifications utiles ; qu'en se fondant, pour dire que le projet litigieux ne présentait pas de risque industriel et technique, sur l'aval donné par l'ASN dans son courrier du 3 mars 2011 sur le fondement de l'article 26 du décret n°2007-1557 du 2 novembre 2007 alors que ledit projet n'était pas soumis à une autorisation de l'ASN mais à une simple déclaration dépourvue de toute autorité de chose décidée, la cour d'appel qui a statué par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale ;
24) ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QU'en se déterminant ainsi sans rechercher, ainsi cependant qu'elle y était invitée, si l'ASN avait eu accès à l'ensemble des modalités de l'opération et si elle disposait du pouvoir et des moyens d'apprécier effectivement l'incidence du risque psychosocial qui était établi, sur le risque industriel et nucléaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.4121-1 du Code du travail.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

TRAVAIL REGLEMENTATION, SANTE ET SECURITE - Hygiène et sécurité - Principes généraux de prévention - Obligations de l'employeur - Prévention des risques professionnels - Prévention des riques psycho-sociaux - Planification de la prévention - Modalités - Détermination - Portée

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Pouvoir de direction - Etendue - Organisation de l'entreprise - Externalisation de l'activité - Mise en oeuvre - Action préalable de prévention des risques psycho-sociaux - Portée POUVOIRS DES JUGES - Appréciation souveraine - Travail réglementation - Hygiène et sécurité - Obligations de l'employeur - Obligation de prévention - Risques professionnels - Risques psycho-sociaux - Existence - Eléments de preuve

Appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, qui a relevé que l'employeur avait initié un plan global de prévention des risques psycho-sociaux comportant notamment un dispositif d'écoute et d'accompagnement, ainsi qu'un dispositif d'évolution des conditions de vie au travail et de formation des managers, et que cette démarche s'était poursuivie dans la durée et donnait lieu à un suivi mensuel, a pu décider qu'il n'y avait pas lieu d'interdire la mise en oeuvre du projet d'externalisation de l'activité d'un service


Références :

article L. 4121-1 du code du travail

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 06 mars 2014

Sur les actions de prévention des risques professionnels que doit mener l'employeur au titre de son obligation de sécurité, à rapprocher :Soc., 6 octobre 2010, pourvoi n° 09-65103, Bull. 2010, V, n° 215 (cassation)

arrêt cité ;Soc., 30 novembre 2010, pourvoi n° 08-70390, Bull. 2010, V, n° 270 (cassation)


Publications
Proposition de citation: Cass. Soc., 22 oct. 2015, pourvoi n°14-20173, Bull. civ. 2016, n° 838, Soc., n° 397
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2016, n° 838, Soc., n° 397
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Composition du Tribunal
Président : M. Frouin
Avocat général : Mme Robert
Rapporteur ?: Mme Wurtz
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Formation : Chambre sociale
Date de la décision : 22/10/2015
Date de l'import : 16/12/2017

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 14-20173
Numéro NOR : JURITEXT000031404857 ?
Numéro d'affaire : 14-20173
Numéro de décision : 51501732
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2015-10-22;14.20173 ?
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