La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/10/2015 | FRANCE | N°14-19598

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 20 octobre 2015, 14-19598


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 avril 2014), que M. X... et son épouse, Mme Y..., (M. et Mme X...) dirigent la société Stell, agence immobilière dont ils possèdent l'intégralité des actions ; que celle-ci détient le capital de la société Lefort et Raimbert, administrateur de biens et syndic de copropriété, qui détient elle-même le capital de la société Square, laquelle est propriétaire de biens immobiliers au travers de six filiales ; qu'estimant que la soc

iété Stell, au travers de filiales et sous-filiales, possédait un patrimoine...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 avril 2014), que M. X... et son épouse, Mme Y..., (M. et Mme X...) dirigent la société Stell, agence immobilière dont ils possèdent l'intégralité des actions ; que celle-ci détient le capital de la société Lefort et Raimbert, administrateur de biens et syndic de copropriété, qui détient elle-même le capital de la société Square, laquelle est propriétaire de biens immobiliers au travers de six filiales ; qu'estimant que la société Stell, au travers de filiales et sous-filiales, possédait un patrimoine immobilier qui n'apparaissait pas nécessaire à son activité et ne répondait donc pas aux conditions d'exonération posées par l'article 885 O ter du code général des impôts, l'administration fiscale a notifié à M. et Mme X... des propositions de rectification de leur impôt de solidarité sur la fortune (ISF) au titre des années 1996 à 2003 ; qu'après mise en recouvrement des droits correspondants et rejet de leurs réclamations contentieuses, M. et Mme X... ont saisi le tribunal de grande instance afin d'être déchargés de cette imposition ;
Attendu que le directeur général des finances publiques fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande alors, selon le moyen :
1°/ qu'aux termes de l'article 885 O ter du code général des impôts « seule la fraction de la valeur des parts ou actions d'une société correspondant aux éléments du patrimoine social nécessaires à l'activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de cette société est considérée comme un bien professionnel exonéré » au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune ; qu'il appartient dès lors à l'administration fiscale, lorsque des parts ou actions d'une société sont déclarées comme biens professionnels, de vérifier le lien de nécessité entre l'activité exercée par cette société et les différents éléments composant son patrimoine social ; que si les titres de participation inscrits au bilan d'une société sont en principe considérés comme des actifs professionnels lorsque la possession durable de ces titres est estimée utile à l'activité de la société, une telle qualification doit toutefois être totalement ou partiellement remise en cause lorsque les éléments composant le patrimoine social des sociétés détenues ne sont pas eux-mêmes nécessaires à l'activité industrielle et commerciale de la société détentrice ; qu'en pratique, seul l'examen détaillé de l'activité et des éléments composant l'actif social des filiales et sous-filiales permet de déterminer dans quelle proportion les participations détenues, en tant qu'élément composant le patrimoine social de la société dont les titres bénéficient de l'exonération, peuvent être considérées comme des actifs professionnels ; qu'en l'espèce, en jugeant le contraire, et en retenant en particulier qu'« aucune disposition ne prévoit l'extension du champ d'application de l'article 885 O ter aux actifs des filiales et sous-filiales de l'ensemble des sociétés composant le groupe en sorte qu'il n'y a pas lieu de rechercher si les actifs de ces sociétés sont nécessaires à l'activité de la société Stell » la cour d'appel a nécessairement violé les dispositions de l'article 885 O ter du code général des impôts ;
2°/ qu'aux termes de l'article 885 O ter du code général des impôts «seule la fraction de la valeur des parts ou actions d'une société correspondant aux éléments du patrimoine social nécessaires à l'activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de cette société est considérée comme un bien professionnel exonéré» au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune ; qu'il appartient dès lors à l'administration fiscale, lorsque des parts ou actions d'une société sont déclarées comme biens professionnels, de vérifier le lien de nécessité entre l'activité exercée par cette société et les différents éléments composant son patrimoine social ; que si les titres de participation inscrits au bilan d'une société sont en principe considérés comme des actifs professionnels lorsque la possession durable de ces titres est estimée utile à l'activité de la société, une telle qualification doit toutefois être totalement ou partiellement remise en cause lorsque les éléments composant le patrimoine social des sociétés détenues ne sont pas eux-mêmes nécessaires à l'activité industrielle et commerciale de la société détentrice ; qu'en pratique, seul l'examen détaillé des éléments composant l'actif social des filiales et sous-filiales permet de déterminer dans quelle proportion les participations détenues, en tant qu'élément composant le patrimoine social de la société dont les titres bénéficient de l'exonération, peuvent être considérées comme des actifs professionnels ; qu'en l'espèce, en se bornant à retenir en substance que la participation de la société Stell dans sa filiale, la société Lefort et Raimbert, était nécessaire à son objet social, pour conclure à l'utilité professionnelle de cette participation, sans analyser de manière détaillée, comme elle y était pourtant invitée, les éléments composant l'actif social de cette filiale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte et des principes susvisés ;
Mais attendu que l'arrêt retient à bon droit que l'article 885 O ter du code général des impôts, qui limite la portée de l'exonération de taxation des biens professionnels, est d'interprétation stricte, en sorte que son champ d'application ne s'étend pas aux actifs des filiales et sous-filiales des sociétés constituant un groupe et que le terme « société », qu'il mentionne, renvoie seulement à la société qualifiée de bien professionnel par l'article 885 O bis du même code, dans laquelle le contribuable détient des parts sociales ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le directeur général des finances publiques aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour le directeur général des finances publiques.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris;
AUX MOTIFS PROPRES QU' « il résulte des articles 885 A, 885 0 bis et 885 0 ter sus-visés que doivent seuls être pris en compte pour le calcul de l'assiette de l'imp6t de solidarité sur la fortune les biens appartenant à la personne physique soumise à cet impôt ; que l'article 885 0 ter qui limite la portée de l'exonération de taxation des biens professionnels est d'interprétation stricte ; qu'ainsi, les premiers juges ont exactement retenu que le terme «société» mentionné dans l'article 885 0 ter renvoie nécessairement à la société visée dans l'article 885 0 bis dans laquelle le contribuable détient des parts sociales, qualifiée de bien professionnel et les éléments d'actif figurant au bilan de cette société; qu'en l'espèce, les époux X... sont propriétaires des actions de la société Stell, dans laquelle ils exercent des fonctions dirigeantes dont ils tirent leur rémunération principale ; que l'administration fiscale admet que les actions de la société Stell constituent pour ceux-ci des biens professionnels exclus de l'assiette de l'I.S.F au sens de l'article 885 0 bis; que la société Stell a pour actif principal les actions de la société Lefort et Raimbert qu'elle détient en totalité, laquelle exerce une activité commerciale d'administrateur de biens ; que la participation de la société Stell dans sa filiale, la société Lefort et Raimbert est nécessaire à son objet social, l'activité d'agence immobilière, s'agissant d'activités complémentaires qu'elles exercent en partageant les mêmes clients et les mêmes moyens d'exploitation en sorte que les actions de la société Lefort et Raimbert représente bien un actif professionnel de la société Stell, tel que prévu à l'article 885 0 ter du C.G.l. ; que l'administration fiscale n'établit pas que ces actions seraient dépourvues d'utilité professionnelle; que seuls les biens appartenant au contribuable, personne physique soumise à l'impôt, doivent être pris en compte dans le calcul de l'assiette de l'l.S.F ; que la société Stell ne détient aucune participation dans la société Square, filiale de la société Lefort et Raimbert, détenue à 100% par celle-ci ; que les époux X... n'exercent pas leur activité professionnelle au sein des sociétés Lefort et Raimbert et de ses filiales, qui ne peuvent dès lors constituer pour eux un bien professionnel; qu'ils font valoir, à juste titre, qu'aucune disposition ne prévoit l'extension du champ d'application de l'article 885 0 ter aux actifs des filiales et sous-filiales de l'ensemble des sociétés composant le groupe en sorte qu'il n'y a pas lieu de rechercher si les actifs de ces sociétés sont nécessaires à l'activité de la société Stell » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « L'article 885 0 ter du C.G.l. dispose pour sa part que « seule la fraction de la valeur des parts ou actions correspondant aux éléments du patrimoine social nécessaires à l'activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de la société est considéré comme un bien professionnel ». Le terme « société », dans cette dernière disposition, renvoie nécessairement à la «société » visée dans l'article 885 0 bis, dont les parts sociales appartiennent au contribuable, soit en l'espèce la société Stell. Seront ainsi exclus de l'assiette de l' I.S.F. les «éléments du patrimoine social nécessaires à l'activité» de cette société. n est consrant que la société Stell ne possède aucune participation dans la société Square, détenue à 100 %par la société Lefort et Raimbert, mais est propriétaire de 100 %des actions de cette dernière société. Il n'y a donc pas lieu de s'interroger sur le caractère nécessaire ou non à l'activité de la société Stell des immeubles appartenant à la société Square, la société Stell ne possédant dans son patrimoine social aucune participation dans la société Square. Il convient en revanche de déterminer si les actions de la société Lefort et Raimbert, qui font partie des actifs de la société Stell, sont nécessaires à l'activité de cette dernière société. La société Stell a pour objet social l'administration d'immeubles et biens immobiliers, activité identique à celle de la société Lefort et Raimbert. Celle dernière société exerçant ainsi dans le même secteur d'activilé que sa société mère, rien n'indique que la possession par la société Stell de ces actions n'est pas nécessaire à la réalisation de son objet social. ».
ALORS, D'UNE PART, QU'aux termes de l'article 885 0 ter du Code général des impôts « seule la fraction de la valeur des parts ou actions d'une société correspondant aux éléments du patrimoine social nécessaires à l'activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de cette société est considérée comme un bien professionnel exonéré » au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune ; qu'il appartient dès lors à l'administration fiscale, lorsque des parts ou actions d'une société sont déclarées comme biens professionnels, de vérifier le lien de nécessité entre l'activité exercée par cette société et les différents éléments composant son patrimoine social ; que si les titres de participation inscrits au bilan d'une société sont en principe considérés comme des actifs professionnels lorsque la possession durable de ces titres est estimée utile à l'activité de la société, une telle qualification doit toutefois être totalement ou partiellement remise en cause lorsque les éléments composant le patrimoine social des sociétés détenues ne sont pas eux-mêmes nécessaires à l'activité industrielle et commerciale de la société détentrice ; qu'en pratique, seul l'examen détaillé de l'activité et des éléments composant l'actif social des filiales et sous-filiales permet de déterminer dans quelle proportion les participations détenues, en tant qu'élément composant le patrimoine social de la société dont les titres bénéficient de l'exonération, peuvent être considérées comme des actifs professionnels ; qu'en l'espèce, en jugeant le contraire, et en retenant en pru1iculier qu' « aucune disposition ne prévoit l'extension du champ d'application de l'article 885 0 ter aux actifs des filiales et sous-filiales de l'ensemble des sociétés composant le groupe en sorte qu'il n'y a pas lieu de rechercher si les actifs de ces sociétés sont nécessaires à l'activité de la société Stell » la cour a nécessairement violé les dispositions de l'article 885 0 ter du code général des impôts ;
ALORS, D'AUTRE PART, OU' aux termes de l'article 885 0 ter du Code général des impôts « seule la fraction de la valeur des parts ou actions d'une société correspondant aux éléments du patrimoine social nécessaires à l'activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de cette société est considérée comme un bien professionnel exonéré » au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune ; qu'il appartient dès lors à l'administration fiscale, lorsque des parts ou actions d'une société sont déclarées comme biens professionnels, de vérifier le lien de nécessité entre l'activité exercée par cette société et les différents éléments composant son patrimoine social ; que si les titres de participation inscrits au bilan d'une société sont en principe considérés comme des actifs professionnels lorsque la possession durable de ces titres est estimée utile à l'activité de la société, une telle qualification doit toutefois être totalement ou partiellement remise en cause lorsque les éléments composant le patrimoine social des sociétés détenues ne sont pas eux-mêmes nécessaires à l'activité industrielle et commerciale de la société détentrice ; qu'en pratique, seul l'examen détaillé des éléments composant l'actif social des filiales et sous-filiales permet de déterminer dans quelle proportion les participations détenues, en tant qu'élément composant le patrimoine social de la société dont les titres bénéficient de l'exonération, peuvent être considérées comme des actifs professionnels ; qu'en l'espèce, en se bornant à retenir en substance que la participation de la société Stell dans sa filiale, la société Lefort et Raimbert, était nécessaire à son objet social, pour conclure à l'utilité professionnelle de cette participation, sans analyser de manière détaillée, comme elle y était pourtant invitée, les éléments composant l'actif social de cette filiale, la cour a privé sa décision de base légale au regard du texte et des principes susvisés.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 14-19598
Date de la décision : 20/10/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Impôt de solidarité sur la fortune - Biens professionnels - Exonération - Parts sociales - Prise en compte des actifs des filiales et sous-filiales (non)

La limitation de la portée de l'exonération de taxation des biens professionnels prévue par l'article 885 O ter du code général des impôts, d'interprétation stricte, ne s'étend pas aux actifs des filiales et sous-filiales des sociétés constituant un groupe. Le terme "société" qu'il mentionne renvoie seulement à la société qualifiée de bien professionnel par l'article 885 O bis du même code


Références :

articles 885 O bis et 885 O ter du code général des impôts

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 03 avril 2014

Déclarant contraire à la constitution un projet de réforme législative prenant en compte les actifs des filiales pour limiter la portée de l'exonération de l'impôt de solidarité sur la fortune prévue à l'article 885 O bis du code général des impôts (considérant 96 : "si le législateur pouvait, pour la détermination du patrimoine non professionnel des contribuables, prendre en compte la fraction de la valeur des parts ou actions correspondant aux éléments du patrimoine des sociétés qui ne sont pas nécessaires à l'activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de la société, il ne pouvait asseoir l'impôt de solidarité sur la fortune sur ces éléments du patrimoine de la société à concurrence du pourcentage détenu dans cette dernière alors même qu'il n'est pas établi que ces biens sont, dans les faits, à la disposition de l'actionnaire ou de l'associé ;

que le législateur a défini une assiette sans lien avec les facultés contributives"), cf. :Cons. const., 29 décembre 2012, décision n° 2012-662 DC, Loi de finances pour 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 20 oct. 2015, pourvoi n°14-19598, Bull. civ. 2016, n° 838, Com., n° 376
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2016, n° 838, Com., n° 376

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat général : Mme Pénichon
Rapporteur ?: Mme Bregeon
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.19598
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award