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30/09/2015 | FRANCE | N°14-25704

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 30 septembre 2015, 14-25704


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Nantes, 8 octobre 2014), que, par requêtes du 10 juin 2014, la société Manpower France a demandé l'annulation de la désignation le 27 mai 2014 de MM. X... et Y... et de Mme Z... en qualité de membres des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail Pays de Loire Bretagne et Poitou-Charente Centre aux motifs qu'au jour de la réunion des collèges désignatifs ils n'étaient pas titulaires d'un contrat de mission ; <

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Nantes, 8 octobre 2014), que, par requêtes du 10 juin 2014, la société Manpower France a demandé l'annulation de la désignation le 27 mai 2014 de MM. X... et Y... et de Mme Z... en qualité de membres des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail Pays de Loire Bretagne et Poitou-Charente Centre aux motifs qu'au jour de la réunion des collèges désignatifs ils n'étaient pas titulaires d'un contrat de mission ;
Attendu que la société Manpower France fait grief au jugement de rejeter cette demande alors, selon le moyen :
1°/ que les conditions de la désignation au CHSCT doivent être remplies à la date du scrutin organisé pour la mise en place de l'institution et que ne peuvent donc être éligibles dans les entreprises de travail temporaire que les salariés titulaires d'un contrat de mission au moment de la désignation ; que le tribunal d'instance qui a déduit l'éligibilité aux CHSCT Pays de Loire/ Bretagne et Poitou-Charente/ Centre de la société Manpower de Mme Z... et de MM. X... et Y... de la seule circonstance qu'au 27 mai 2014, ils feraient partie de l'effectif de l'entreprise de travail temporaire et y seraient électeurs sans rechercher, comme il y était invité, si à la date précitée, les intéressés étaient liés par un lien contractuel leur conférant la qualité de salarié de la société Manpower, a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4613-1 du code du travail ;
2°/ qu'en considérant établie au sens de l'article L. 1251-54, l'appartenance aux effectifs de la société Manpower de Mme Z... et de MM. X... et Y... au seul motif qu'elle n'était pas contestée par la société sans vérifier si les trois personnes concernées avaient bien été liés à l'entreprise par des contrats de mission pendant une durée totale d'au moins trois mois au cours de la dernière année civile, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1251-54 et L. 4613-1 du code du travail ;
3°/ que selon les dispositions des articles L. 2314-18 et L. 2324-17 du code du travail, pour être électeurs dans l'entreprise de travail temporaire, les salariés temporaires doivent satisfaire aux conditions d'ancienneté définies tant par les articles L. 2314-17 ou L. 2324-16 que par les autres dispositions des textes applicables et être liés à l'entreprise par un contrat de mission au moment de la confection des listes ; qu'en se bornant à affirmer que les trois salariés dont l'élection était contestée, ayant été liés à l'entreprise par des contrats de mission pendant une durée totale d'au moins trois mois au cours de la dernière année civile, faisaient donc partie de l'effectif et y étaient électeurs pour en déduire leur qualité d'éligibles au CHSCT de l'entreprise de travail temporaire sans qu'il résulte de ses constatations l'existence d'un lien contractuel unissant les intéressés à la société Manpower susceptible de justifier leur appartenance à l'électorat à la date du 27 mai 2014, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2314-18 et L. 2324-17 ainsi que des articles L. 4613-1 et L. 4613-2 du code du travail ;
4°/ que s'il appartient aux seuls membres du collège désignatif d'arrêter les modalités d'élection des membres de la délégation du personnel au CHSCT, il n'entre pas dans la compétence dudit collège de fixer les conditions d'éligibilité des salariés dont la détermination ne peut résulter que de dispositions légales ou réglementaires, ni d'ajouter une condition d'ancienneté qui n'est pas prévue par la loi ; qu'en retenant également, pour valider les élections contestées, que nul ne conteste que les trois salariés remplissaient les conditions d'éligibilité fixées par le collège désignatif le 7 avril 2014, à savoir avoir travaillé une heure au cours des six derniers mois, le tribunal d'instance a violé les articles L. 4313-1 et L. 4613-2 du code du travail ;
Mais attendu que sont éligibles aux comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, dans les entreprises de travail temporaire, les salariés intérimaires qui remplissent les conditions visées à l'article L. 1251-54, 2° du code du travail, peu important qu'ils ne soient pas titulaires d'un contrat de mission lors de la réunion du collège désignatif, dès lors qu'ils n'ont pas fait connaître à l'entrepreneur de travail temporaire qu'ils n'entendent plus bénéficier d'un nouveau contrat et que ce dernier ne leur a pas notifié sa décision de ne plus faire appel à eux pour de nouveaux contrats ;
Et attendu qu'ayant constaté que les salariés concernés remplissaient la condition d'ancienneté prévue à l'article L. 1251-54 du code du travail, le tribunal, devant lequel l'employeur s'était borné à invoquer l'absence de contrats de mission le jour de la réunion du collège désignatif, abstraction faite du motif surabondant visé par la quatrième branche du moyen, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Manpower France et les établissements Manpower France Ouest à payer à Mme Z... et à MM. X... et Y... la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Manpower France et les établissement Manpower France Ouest.
Ce moyen reproche au jugement attaqué d'avoir débouté la société MANPOWER France de ses demandes en annulation des désignations de Madame Sabrina Z... en tant que membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail Pays de Loire/ Bretagne et de Messieurs Thomas Y... et Abdoul X... en tant que membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail Poitou-Charentes/ Centre ainsi que de l'avoir condamnée à payer aux intéressés une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE sur les demandes d'annulation des désignations de Madame Z... et Messieurs X... et Y... en tant que membres du CHSCT, la loi n'a fixé aucune exigence en matière de désignation des membres du CHSCT ; que l'article L. 4313-1 du Code du travail prévoit seulement que « le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail comprend l'employeur et une délégation du personnel dont les membres sont désignés par un collège constitué par les membres élus du comité d'entreprise et les délégués du personnel » ; qu'ainsi, aucune condition de capacité électorale n'est fixée pour la désignation des membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (Chambre sociale de la Cour de cassation : 9 juillet 1996) ; que la jurisprudence a apporté des précisions quant à l'éligibilité des membres du CHSCT : 1°) les salariés travaillant dans une zone géographique relevant d'un CHSCT ne peuvent être désignés membres d'un CHSCT différent (Chambre sociale de la Cour de cassation : 9 novembre 2011), 2°) les salariés des entreprises de travail temporaire, qui font partie des effectifs d l'entreprise de travail temporaire et y sont électeurs, sont comme les autres salariés éligibles au CHSCT de l'entreprise qui les emploie (Chambre sociale de la Cour de cassation : 22 septembre 2010) ; qu'à cet égard, l'article L. 1251-54 du Code du travail dispose que « pour calculer les effectifs d'une entreprise de travail temporaire, il est tenu compte : 1°) des salariés permanents de cette entreprise, 2°) des salariés temporaires qui ont été liés à cette entreprise par des contrats de mission pendant une durée totale d'au moins trois mois au cours de la dernières année civile » ; qu'elle a aussi apporté des précisions quant aux modalités de désignation des membres du CHSCT ; que les modalités de désignation des représentants du personnel au CHSCT n'entrent pas dans les aménagements conventionnels prévus par l'article L. 4311-7 du Code du travail et il n'appartient qu'aux membres du collège désignatif d'arrêter, conformément aux dispositions de l'article L. 4613-1 du Code du travail, les modalités de désignation, parmi lesquelles les modalités du scrutin, des membres de la délégation du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (Chambre sociale de la Cour de cassation : 16 décembre 2009) ; que lorsque le collège désignatif a prévu les modalités d'information des salariés sur les conditions dans lesquelles ils peuvent se porter candidats à l'élection des membres de la délégation des représentants du personnel, l'employeur est tenu d'effectuer cette information, quel que soit le mode employé (Chambre sociale de la Cour de cassation : 26 mai 2010) ; qu'en l'espèce, le collège désignatif a été réuni une première fois pas la société MANPOWER pour le renouvellement des mandats des CHSCT Pays de Loire/ Bretagne et Poitou-Charentes/ Centre le 7 avril 2014 ; qu'à l'issue de cette réunion, il a été décidé à l'unanimité de ses membres d'encadrer la désignation des membres du CHSCT selon les conditions suivantes : « sont éligibles tous les salariés de l'établissement, intérimaires et permanents, présents ayant au moins une heure dans les six mois précédents et rattachés juridiquement au périmètre concerné (agence de rattachement pour les intérimaires et permanents ou lieu de travail habituel pour les fonctionnels) » ; que la société MANPOWER ne conteste pas que Madame Z... et Messieurs Y... et X... faisaient partie de l'effectif de l'entreprise au sens de l'article L. 1251-54 du Code du travail le 27 mai 2014, à savoir qu'en tant que salariés temporaires, ils ont été liés à l'entreprise par des contrats de mission pendant une durée totale d'au moins trois mois au cours de la dernière année civile ; que le 27 mai 2014, ils faisaient donc partie des effectifs de l'entreprise de travail temporaire et y étaient électeurs, en conséquence de quoi ils étaient éligibles au CHSCT de l'entreprise qui les emploie (Chambre sociale de la Cour de cassation : 22 septembre 2010) ; que nul ne conteste par ailleurs que ces trois salariés remplissaient les conditions d'éligibilité fixées par le collège désignatif le 7 avril 2014 ; que l'argument de la société MANPOWER portant sur les termes du Référentiel du Dialogue Social est indifférent, l'employeur n'ayant aucune compétence en matière de désignation des membres du CHSCT, y compris en accord avec les organisations syndicales, seul le collège désignatif ayant cette compétence ; qu'il apparaît donc que les désignations litigieuses sont régulières et que la société MANPOWER doit être déboutée de ses demandes d'annulation ;
ALORS D'UNE PART QUE les conditions de la désignation au CHSCT doivent être remplies à la date du scrutin organisé pour la mise en place de l'institution et que ne peuvent donc être éligibles dans les entreprises de travail temporaire que les salariés titulaires d'un contrat de mission au moment de la désignation ; que le Tribunal d'instance qui a déduit l'éligibilité aux CHSCT Pays de Loire/ Bretagne et Poitou-Charente/ Centre de la société MANPOWER de Madame Z... et de Messieurs X... et Y... de la seule circonstance qu'au 27 mai 2014, ils feraient partie de l'effectif de l'entreprise de travail temporaire et y seraient électeurs sans rechercher, comme il y était invité, si à la date précitée, les intéressés étaient liés par un lien contractuel leur conférant la qualité de salarié de la société MANPOWER, a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4613-1 du Code du travail ;
ALORS D'AUTRE PART, et en tout état de cause, QUE en considérant établie au sens de l'article L. 1251-54, l'appartenance aux effectifs de la société MANPOWER de Madame Z... et de Messieurs X... et Y... au seul motif qu'elle n'était pas contestée par la société sans vérifier si les trois personnes concernées avaient bien été liés à l'entreprise par des contrats de mission pendant une durée totale d'au moins trois mois au cours de la dernière année civile, le Tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard des article L. 1251-54 et L. 4613-1 du Code du travail ;
ALORS EN OUTRE, et en tout état de cause, QUE selon les dispositions des articles L. 2314-18 et L. 2324-17 du Code du travail, pour être électeurs dans l'entreprise de travail temporaire, les salariés temporaires doivent satisfaire aux conditions d'ancienneté définies tant par les articles L. 2314-17 ou L. 2324-16 que par les autres dispositions des textes applicables et être liés à l'entreprise par un contrat de mission au moment de la confection des listes ; qu'en se bornant à affirmer que les trois salariés dont l'élection était contestée, ayant été liés à l'entreprise par des contrats de mission pendant une durée totale d'au moins trois au cours de la dernière année civile, faisaient donc partie de l'effectif et y étaient électeurs pour en déduire leur qualité d'éligibles au CHSCT de l'entreprise de travail temporaire sans qu'il résulte de ses constatations l'existence d'un lien contractuel unissant les intéressés à la société MANPOWER susceptible de justifier leur appartenance à l'électorat à la date du 27 mai 2014, le Tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2314-18 et L. 2324-17 ainsi que des articles L. 4613-1 et L. 4613-2 du Code du travail ;
ALORS ENCORE QUE s'il appartient aux seuls membres du collège désignatif d'arrêter les modalités d'élection des membres de la délégation du personnel au CHSCT, il n'entre pas dans la compétence dudit collège de fixer les conditions d'éligibilité des salariés dont la détermination ne peut résulter que de dispositions légales ou réglementaires, ni d'ajouter une condition d'ancienneté qui n'est pas prévue par la loi ; qu'en retenant également, pour valider les élections contestées, que nul ne conteste que les trois salariés remplissaient les conditions d'éligibilité fixées par le collège désignatif le 7 avril 2014, à savoir avoir travaillé une heure au cours des six derniers mois, le Tribunal d'instance a violé les article L. 4313-1 et L. 4613-2 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14-25704
Date de la décision : 30/09/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

TRAVAIL REGLEMENTATION, SANTE ET SECURITE - Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail - Composition - Délégation du personnel - Désignation - Eligibilité - Entreprise de travail temporaire - Salariés pris en compte - Travailleur temporaire - Condition

REPRESENTATION DES SALARIES - Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail - Délégation du personnel - Désignation - Eligibilité - Entreprise de travail temporaire - Salariés pris en compte - Travailleur temporaire - Conditions - Durée totale des contrats de mission - Fondement - Détermination ELECTIONS PROFESSIONNELLES - Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail - Délégation du personnel - Désignation - Eligibilité du travailleur temporaire - Conditions - Détermination

Sont éligibles aux comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), dans les entreprises de travail temporaire, les salariés intérimaires qui remplissent les conditions visées à l'article L. 1251-54, 2°, du code du travail, peu important qu'ils ne soient pas titulaires d'un contrat de mission lors de la réunion du collège désignatif, dès lors qu'ils n'ont pas fait connaître à l'entrepreneur de travail temporaire qu'ils n'entendent plus bénéficier d'un nouveau contrat et que ce dernier ne leur a pas notifié sa décision de ne plus faire appel à eux pour de nouveaux contrats


Références :

articles L. 1251-54, L. 2314-18, L. 2324-17 et L. 4613-1 du code du travail

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Nantes, 08 octobre 2014

Sur le principe de l'éligibilité des travailleurs temporaires au CHSCT de l'entreprise de travail temporaire, à rapprocher :Soc., 22 septembre 2010, pourvoi n° 09-60454, Bull. 2010, V, n° 196 (cassation sans renvoi)

arrêt cité.Sur les conditions d'éligibilité des travailleurs temporaires aux institutions représentatives de l'entreprise de travail temporaire, à rapprocher :Soc., 8 juin 1977, pourvoi n° 77-60482, Bull. 1977, V, n° 384 (rejet) ;Soc., 4 février 2004, pourvoi n° 03-60163, Bull. 2004, V, n° 41 (cassation sans renvoi) ;Soc., 26 septembre 2012, pourvoi n° 11-25420, Bull. 2012, V, n° 238 (rejet).Sur l'exclusion des travailleurs temporaires de la qualité d'électeur au sein de l'entreprise utilisatrice, à rapprocher :Soc., 28 février 2007, pourvoi n° 06-60171, Bull. 2007, V, n° 34 (2) (cassation partielle), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 30 sep. 2015, pourvoi n°14-25704, Bull. civ. 2016, n° 836, Soc., n° 263
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2016, n° 836, Soc., n° 263

Composition du Tribunal
Président : M. Frouin
Avocat général : M. Weissmann
Rapporteur ?: M. Huglo
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.25704
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