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09/09/2015 | FRANCE | N°14-19876

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 09 septembre 2015, 14-19876


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 novembre 2013), que Léa X...
Y..., née 23 novembre 2011, a été inscrite à l'état civil sous le nom de sa mère, Mme X...
Y...; que M. Z..., qui l'a reconnue le 21 janvier 2012, a, le 4 décembre 2012, face au refus de la mère de procéder à une déclaration conjointe de changement de nom de l'enfant, en application de l'article 311-23 du code civil, par substitution à l'un des deux noms X... ou Y...du nom de Z..., saisi un juge aux affaires familiales, sta

tuant comme juge des tutelles des mineurs, afin d'être autorisé à déposer...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 novembre 2013), que Léa X...
Y..., née 23 novembre 2011, a été inscrite à l'état civil sous le nom de sa mère, Mme X...
Y...; que M. Z..., qui l'a reconnue le 21 janvier 2012, a, le 4 décembre 2012, face au refus de la mère de procéder à une déclaration conjointe de changement de nom de l'enfant, en application de l'article 311-23 du code civil, par substitution à l'un des deux noms X... ou Y...du nom de Z..., saisi un juge aux affaires familiales, statuant comme juge des tutelles des mineurs, afin d'être autorisé à déposer une demande de changement de nom sur le fondement de l'article 61 du code civil ; que le juge aux affaires familiales a accueilli sa demande ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X...
Y...fait grief à l'arrêt, après avoir annulé l'ordonnance entreprise, de statuer au fond, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en l'absence de mise en cause par le greffe de la personne concernée, dès lors non informée de l'existence même d'un procès à son encontre, une requête unilatérale ne saisit pas régulièrement la juridiction de première instance, en sorte que l'effet dévolutif d'appel ne peut s'opérer, les conclusions subsidiaires au fond étant sans portée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que le juge des tutelles n'avait ni entendu, ni même dûment appelé Mme X...
Y..., mais a décidé que la saisine du premier juge était néanmoins régulière ; qu'en décidant en conséquence de statuer au fond, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il résultait que le juge des tutelles s'était prononcé sans que Mme X...
Y..., à l'encontre de laquelle M. Z... avait formulé des demandes dans sa requête unilatérale, n'ait été mise en cause par le greffe et donc informée de l'existence même de la saisine de la juridiction, violant ainsi les articles 14 et 562 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en se fondant encore, pour dire que l'irrégularité affectant l'ordonnance ne portait pas sur la régularité de la saisine du premier juge, sur le fait que la requête de M. Z... visait expressément l'intéressée et comportait une demande de condamnation à son encontre au titre de l'article 700 du code de procédure civile, circonstance pourtant inopérante à établir la régularité de la saisine de la juridiction par requête unilatérale avec la mise en cause par le greffe de Mme X...
Y..., la cour d'appel, qui s'est ainsi déterminée par des motifs inopérants, a violé les articles 14 et 562 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant constaté que le juge des tutelles, régulièrement saisi par requête, avait statué sur la demande du père tendant à être autorisé, sur le fondement des articles 61 du code civil et 2, 7°, du décret n° 94-52 du 20 janvier 1994, à présenter, pour le compte de la mineure, une demande de changement de nom, sans avoir entendu ou dûment appelé la mère, qui s'y opposait, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que l'irrégularité affectant l'ordonnance portait non sur la saisine du juge mais sur l'absence de débat contradictoire ; qu'elle en a exactement déduit qu'elle se trouvait, par l'effet dévolutif de l'appel, saisie de l'entier litige et devait statuer sur le fond du droit ; qu'abstraction faite du motif critiqué par la seconde branche du moyen, l'arrêt se trouve ainsi légalement justifié ;
Sur le second moyen :
Attendu que Mme X...
Y...fait grief à l'arrêt d'autoriser M. Z..., administrateur légal de l'enfant Léa X...
Y..., à présenter pour son compte auprès du garde des Sceaux une demande de changement de nom tendant à voir substituer le nom de Z... à l'un des deux noms X... ou Y...alors, selon le moyen, que dans ses conclusions d'appel (p. 6, § 8), Mme X...
Y...soutenait que M. Z... avait utilisé de manière détournée la procédure administrative de changement de nom régie par les articles 61 et suivants du code civil pour obtenir de l'autorité administrative une modification d'un nom résultant de l'ordre des reconnaissances que les règles de dévolution du nom de famille ne permettaient plus de demander au juge judiciaire ; que ce moyen a été repris par le Ministère public dans ses réquisitions à l'audience ; qu'en refusant de l'examiner au prétexte que le contrôle d'un éventuel détournement de la procédure administrative de changement de nom prévue à l'article 61 du code civil ressortirait de la compétence de l'autorité administrative et non du juge des tutelles, la cour d'appel a méconnu ses pouvoirs, violant ainsi l'article 4 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu qu'il n'appartenait pas au juge des tutelles d'apprécier l'existence d'un éventuel détournement de la procédure administrative de changement de nom prévue à l'article 61 du code civil, ce contrôle relevant de la seule compétence de l'autorité administrative chargée d'apprécier l'intérêt légitime de la demande, et qu'il ne lui incombait que d'apprécier si le changement envisagé, sans incidence sur le lien de filiation, présentait un intérêt pour l'enfant ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X...
Y...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf septembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.
Moyens produits par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour Mme Reine Chimène X...
Y....
Le premier moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué, après avoir annulé l'ordonnance rendue le 14 février 2013 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris, statuant comme juge des tutelles, d'avoir statué au fond et autorisé M. Z..., administrateur légal de l'enfant Léa, Camille, Marthe X...
Y..., née le 23 novembre 2011 à Paris 14e, à présenter pour son compte auprès du garde des sceaux une demande de changement de nom tendant à voir substituer le nom de Z... à l'un des deux noms de sa mère X... ou Y...;
AUX MOTIFS QU'il résulte de l'article 2-7° du décret n° 94-52 du 20 janvier 1994 que la demande de changement de nom prévue à l'article 61 du code civil, adressée au garde des sceaux, ministre de la justice, faite pour le compte d'un mineur doit être accompagnée, lorsque la demande n'est pas présentée par ses deux parents exerçant en commun l'autorité parentale, de l'autorisation de juge des tutelles ou, en cas d'ouverture de la tutelle, de celle du conseil de famille. La demande d'autorisation d'un des parents exerçant en commun l'autorité parentale présentée à cette fin au juge des tutelles, en l'absence d'accord de l'autre parent, étant de nature contentieuse, il en résulte que ce magistrat ne peut statuer qu'après avoir entendu ou dûment appelé le parent qui s'oppose à la demande de changement de nom et les parties intéressées. Le juge des tutelles ne peut au demeurant valablement apprécier l'intérêt de l'enfant au changement envisagé, qui doit seul présider à sa décision, sans chercher à connaître les motifs respectifs de ce désaccord. Le premier juge ayant dès lors méconnu le principe de la contradiction posé par les articles 14 et 16 du code de procédure civile, il convient d'annuler l'ordonnance entreprise. Selon l'article 562, alinéa 2, du code de procédure civile applicable en la cause s'agissant d'un appel en annulation, les dispositions de l'article 1246 du même code n'ayant en effet pas vocation à s'appliquer en cette hypothèse, la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel n'est pas limité à certains chefs, lorsqu'il tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. En l'espèce, l'irrégularité affectant l'ordonnance portant non pas, comme le soutient Mme Reine Chimène X...
Y..., sur la régularité de la saisine du premier juge, la requête de M. Jérôme Z... visant d'ailleurs expressément l'intéressée et comportant une demande de condamnation à son encontre au titre de l'article 700 du code de procédure civile, mais sur l'absence de débat contradictoire, la cour se trouve, par l'effet dévolutif de l'appel, saisie de l'entier litige et doit donc statuer sur le fond du droit » (arrêt p. 4 et 5) ;

1°) ALORS QU'en l'absence de mise en cause par le greffe de la personne concernée, dès lors non informée de l'existence même d'un procès à son encontre, une requête unilatérale ne saisit pas régulièrement la juridiction de première instance, en sorte que l'effet dévolutif d'appel ne peut s'opérer, les conclusions subsidiaires au fond étant sans portée ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a retenu que le juge des tutelles n'avait ni entendu, ni même dûment appelé Mme X...
Y..., mais a décidé que la saisine du premier juge était néanmoins régulière ; qu'en décidant en conséquence de statuer au fond, la cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il résultait que le juge des tutelles s'était prononcé sans que Mme X...
Y..., à l'encontre de laquelle M. Z... avait formulé des demandes dans sa requête unilatérale, n'ait été mise en cause par le greffe et donc informée de l'existence même de la saisine de la juridiction, violant ainsi les articles 14 et 562 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'en se fondant encore, pour dire que l'irrégularité affectant l'ordonnance ne portait pas sur la régularité de la saisine du premier juge, sur le fait que la requête de M. Z... visait expressément l'intéressée et comportait une demande de condamnation à son encontre au titre de l'article 700 du code de procédure civile, circonstance pourtant inopérante à établir la régularité de la saisine de la juridiction par requête unilatérale avec la mise en cause par le greffe de Mme X...
Y..., la cour d'appel, qui s'est ainsi déterminée par des motifs inopérants, a violé les articles 14 et 562 du code de procédure civile.
Le second moyen de cassation (subsidiaire) fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir autorisé M. Z..., administrateur légal de l'enfant Léa, Camille, Marthe X...
Y..., née le 23 novembre 2011 à Paris 14e, à présenter pour son compte auprès du garde des sceaux une demande de changement de nom tendant à voir substituer le nom de Z... à l'un des deux noms de sa mère X... ou Y...;
AUX MOTIFS QUE s'il est vrai que le changement de nom envisagé par M. Z... pour le compte de sa fille a pour effet de contourner les règles de dévolution du nom de famille édictées à l'article 311-21 du code civil et le refus de la mère de procéder à un changement de nom par déclaration conjointe, il apparaît toutefois qu'il n'appartient pas au juge des tutelles d'apprécier l'existence d'un éventuel détournement de la procédure administrative de changement de nom prévue à l'article 61 du code civil, ce contrôle ressortissant à la seule compétence de l'autorité administrative qui doit apprécier l'intérêt légitime à la demande de changement de nom. Il lui incombe en revanche d'apprécier si le changement envisagé, qui est sans incidence sur le lien de filiation, présente un intérêt pour l'enfant. En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que Mme X...
Y...a indéniablement mené sa grossesse dans des conditions particulièrement difficiles et douloureuses, le couple s'étant séparé pendant cette période et M. Z... ayant dans un premier temps refusé cette grossesse, qui justifient ses légitimes réticences à l'égard de ce dernier. A ces difficultés, se sont ajoutées celles consécutives à la naissance grandement prématurée des jumelles et à la douleur de la perte de Maëva le 28 janvier 2012. M. Jérôme Z..., qui n'a pas usé de la faculté de reconnaissance anticipée offerte par l'article 316 du code civil, n'a pas été informé dans un premier temps de la naissance intervenue le 23 novembre 2011. Il a pu voir ses filles alors hospitalisées à compter du 19 décembre puis les a reconnues le 21 janvier 2012. Nonobstant les relations difficiles entre les parents, le droit de visite et d'hébergement progressif à l'égard de Léa fixé par le juge aux affaires familiales s'est exercé. M. Z... a en définitive assumé sa paternité et exerce pleinement son rôle de père. Dans ces conditions, alors même que le changement de nom envisagé a pour effet de limiter le nom de famille de la mère à un nom et que l'enfant décédée Maëva porte le seul nom de sa mère, il apparaît conforme à l'intérêt de Léa aujourd'hui âgée de deux ans, pour marquer son double lien familial, sans attendre qu'elle ait l'âge de treize ans à partir duquel l'enfant doit consentir au changement de nom, que son père soit autorisé à engager pour son compte une procédure administrative de changement de nom. Il convient dès lors de faire droit à la requête (arrêt p. 5 et 6) ;

ALORS QUE dans ses conclusions d'appel (p. 6, § 8), Mme X...
Y...soutenait que M. Z... avait utilisé de manière détournée la procédure administrative de changement de nom régie par les articles 61 et suivants du code civil pour obtenir de l'autorité administrative une modification d'un nom résultant de l'ordre des reconnaissances que les règles de dévolution du nom de famille ne permettaient plus de demander au juge judiciaire ; que ce moyen a été repris par le Ministère public dans ses réquisitions à l'audience ; qu'en refusant de l'examiner au prétexte que le contrôle d'un éventuel détournement de la procédure administrative de changement de nom prévue à l'article 61 du code civil ressortirait de la compétence de l'autorité administrative et non du juge des tutelles, la cour d'appel a méconnu ses pouvoirs, violant ainsi l'article 4 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 14-19876
Date de la décision : 09/09/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

NOM - Nom patronymique - Changement - Autorisation - Demande - Procédure - Détournement - Contrôle - Compétence - Détermination

NOM - Nom patronymique - Changement - Autorisation - Demande - Procédure - Office du juge - Etendue - Limites - Détermination

Il n'appartient pas au juge aux affaires familiales, statuant comme juge des tutelles des mineurs, d'apprécier l'existence d'un éventuel détournement de la procédure administrative de changement de nom prévue à l'article 61 du code civil, ce contrôle relevant de la seule compétence de l'autorité administrative chargée d'apprécier l'intérêt légitime de la demande. Il n'incombe au juge des tutelles que d'apprécier si le changement envisagé présente un intérêt pour l'enfant


Références :

Sur le numéro 1 : articles 14 et 562 du code de procédure civile
Sur le numéro 2 : article 61 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12 novembre 2013

Sur le n° 1 : Sur la portée de l'irrégularité affectant l'ordonnance du juge en cas d'absence de débat contradictoire, s'agissant de l'effet dévolutif de l'appel, à rapprocher : Com., 13 décembre 2005, pourvoi n° 04-18391, Bull. 2005, IV, n° 250 (2) (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 09 sep. 2015, pourvoi n°14-19876, Bull. civ. 2016, n° 835, 1re Civ., n° 146
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2016, n° 835, 1re Civ., n° 146

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat général : M. Bernard de La Gatinais (premier avocat général)
Rapporteur ?: Mme Le Cotty
Avocat(s) : SCP Boulloche, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.19876
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