Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Bernard X..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 2-7, en date du 20 février 2014, qui l'a débouté de ses demandes après relaxe de MM.
Y...
et Z... des chefs de diffamation publique envers un fonctionnaire public et complicité ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 9 juin 2015, où étaient présents : M. Straehli, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Monfort, conseiller rapporteur, M. Finidori, Mme Durin-Karsenty, conseillers de la chambre, M. Barbier, conseiller référendaire appelé à compléter la chambre conformément à l'article L. 431-3, alinéa 2 du code de l'organisation judiciaire, M. Talabardon, conseiller référendaire ;
Avocat général : Mme Le Dimna ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller MONFORT, les observations de la société civile professionnelle MONOD, COLIN et STOCLET, la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général LE DIMNA ;
Vu les mémoires en demande, en défense, et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme, 23, 29, 30 et 31 de la loi du 29 juillet 1881, 132-71 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé MM.
Y...
et Z... des fins de la poursuite et, en conséquence, débouté M. X... de ses demandes de réparation ;
" aux motifs que, comme devant le tribunal, les prévenus soutiennent que les propos ne sont pas diffamatoires à l'égard de la partie civile puisqu'il n'est contraire à son honneur et à sa considération, ni qu'elle soit tenue d'obéir et de passer à l'acte, comportement inhérent à sa fonction de directeur à la direction centrale du renseignement intérieur, ni qu'il lui soit demandé de s'intéresser à un journaliste, l'intérêt public pouvant exceptionnellement justifier qu'un journaliste, qui n'est pas au-dessus de la loi, soit soumis à une surveillance particulière, l'article n'indiquant pas au surplus que la partie civile exerce ces surveillances de sa propre initiative puisqu'il est précisé plus loin ; " ce rôle ne plaît guère à M. X... " ; qu'enfin la phrase évoquant un " groupe monté à cet effet au sein de la DCRI " ne peut être interprétée, ainsi que le fait la partie civile, comme faisant référence à un " cabinet noir ", et par la même à une réalité effrayante remontant au temps de la monarchie absolue, alors que le journaliste a voulu seulement exprimer que la partie civile était obligée en pratique de s'entourer d'hommes de main pour faire le travail qu'on exigeait de lui et qu'il n'est pas déshonorant de dire que M. X... s'est entouré d'une équipe de collaborateurs dédiés ; que les prévenus font également valoir que M. X..., n'était pas la cible de l'article puisque ce n'est pas à lui qu'est attribuée l'initiative critiquée des écoutes téléphoniques mais à M. B..., ainsi qu'il résulte du paragraphe introductif qui précède directement le passage poursuivi et de deux autres articles publiés antérieurement mettant en cause l'appareil de l'État à son plus haut niveau ; qu'il en résulte donc que la qualité de victime du plaignant, condition de la constitution du délit de diffamation, n'est pas remplie ; qu'il résulte toutefois de l'article litigieux que M. X... est personnellement désigné pour faire espionner, à la demande du Président de la République de l'époque, M. B..., des journalistes lorsque ceux-ci enquêtent sur des affaires gênantes pour le pouvoir ou ses proches et de s'être entouré, pour procéder à ces surveillances, qualifiées dans les autres passages de l'article d'illégales ou de " pratiques barbouzardes " d'un groupe constitué d'anciens collègues des RG expérimentés ; que même s'il ne lui est pas imputé d'être " l'ordonnateur de ces pratiques ", et s'il est précisé qu'il ne s'y livrerait que " sans plaisir ", l'imputation de commettre, même sur ordre, des actions illégales est attentatoire à l'honneur et la considération de M. X... ainsi mis en cause dans ses fonctions de directeur central du renseignement intérieur ; que sur l'offre de preuve, il est fait état, d'une part, du procès-verbal d'audition de M. C..., directeur du 1er janvier 2008 au 31 juillet 2012, du groupement interministériel de contrôle (GIS), organisme dépendant du premier ministre, procédant à des écoutes téléphoniques dites administratives qui, entendu, le 4 novembre 2011, dans le cadre de l'information ayant donné lieu à la mise en examen de M. X..., notamment du chef de collecte de données à caractère personnel par moyen frauduleux, déloyal ou illicite, et répondant à la question suivante posée par les juges : " selon MM. D..., E... et X..., la demande de fadettes émanant de la DCRl se fait systématiquement sur le fondement de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 ". " Avez-vous une opinion ? ", a fait la déclaration suivante " je découvre qu'ils ont dit ça ; C'est faux ; Depuis que c'est autorisé la DCRl nous fait de nombreuses demandes de fadettes chaque semaine et dernièrement chaque jour ! " ; que les déclarations de M. C..., certes recevables, bien que recueillies postérieurement à l'article poursuivi puisque se rapportant à des faits antérieurs, ne peuvent toutefois, comme l'a estimé le tribunal, être interprétées comme désignant M. X... pour procéder systématiquement à des demandes tendant à obtenir le relevé de facturations détaillées de postes fixes ou portables, dites fadettes, en se fondant illégalement sur l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991, lequel permet, à titre dérogatoire, " aux seules fins de défense des intérêts nationaux " de ne pas être soumis au contrôle de la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) puisque le témoin exprime son étonnement en affirmant que les demandes de facturations détaillées émanant des services de M. X... sont faites régulièrement sur le fondement de l'article 22 et sont donc soumises au contrôle de la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité ; qu'il ne résulte pas plus de cette audition que ses demandes concerneraient plus particulièrement des journalistes ; que les déclarations de plusieurs témoins, et notamment celles de M. F..., ancien président de la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, de M. G..., ancien membre de la commission, tous deux entendus de nouveau devant la cour, et de M. H..., autre membre de la commission confirment certes les conclusions de l'assemblée plénière de ladite commission dans ses travaux de l'année 2011-2012 selon lesquelles les mesures de l'article 20 (devenu l'article L. 241-3 du code de la sécurité intérieure), qui échappent au contrôle de la commission sont des mesures générales de surveillance des ondes, consistant en des opérations de balayage aléatoire, qui ne peuvent être mises en oeuvre que pour la seule défense des intérêts nationaux et ne peuvent être utilisées dans le cadre d'interception de communications individualisables, c'est-à-dire de correspondances ou d'écoutes privées, auquel s'apparentent des relevés de factures ou fadettes ; qu'il a été précisé par les témoins que la nécessité d'interpréter strictement le cadre permettant d'opérer en dehors du contrôle de la commission avait déjà fait l'objet de communiqués ainsi que de rappels auprès des opérateurs téléphoniques ; que néanmoins ces témoins qui n'ont pu se prononcer sur des écoutes opérées en dehors de leur contrôle n'ont donné aucune indication ni sur l'identité et ni sur la profession des personnes ayant éventuellement fait l'objet d'écoutes en dehors d'un cadre légal ; que le journaliste M. I..., entendu par le tribunal, a déclaré qu'alors qu'il suivait l'affaire N... pour le journal Le Monde, " affaire gênant à priori l'Elysée ", des réquisitions administratives avait été faites par la DCRl pour obtenir les fadettes concernant ses communications téléphoniques et ainsi savoir qui lui avait précisément téléphoné, que l'une de ses sources avait été identifiée, M. J... en l'occurrence, lequel avait été prié de quitter rapidement ses fonctions de conseiller auprès du garde des sceaux ; qu'il a rappelé qu'ayant déposé plainte à la suite de ces faits M. X..., avait été mis en examen notamment pour collecte illégale de données personnelles ; que le journaliste M. K..., a déclaré qu'il avait été destinataire, ainsi que le journaliste M. L..., qui a attesté en ce sens, d'informations émanant " du coeur de l'appareil d'État, de cabinets ministériels et de la DCRI " selon lesquelles ils étaient surveillés alors qu'ils étaient en charge des affaires Q... (Karachi) et N..., raisons pour laquelle un article avait été publié par Mediapart le 3 novembre 2011, soit le lendemain du jour de publication de l'article litigieux mettant en cause, outre M. X..., qui n'a pas poursuivi l'article, M. M..., qui, lui l'a poursuivi mais a préféré retirer sa plainte quelques jours avant la date d'audience ; que néanmoins, ces éléments, s'ils tendent à démontrer, d'une part, que selon plusieurs témoins ayant siégé à la CNICS, les demandes de facturation détaillée de communication téléphonique ne peuvent se faire sans recourir à la procédure de contrôle de cette commission, sauf si " des intérêts nationaux sont en jeu " et, d'autre part, que certains journalistes estimant avoir été surveillés dans des conditions illégales en raison d'enquêtes gênantes, selon eux, pour le pouvoir ont soit déposé plainte soit exprimé dans la presse leur indignation ne peuvent suffire à rapporter la preuve qu'au jour où l'article a été publié M. X... pouvait être désigné pour avoir exercé, sur ordre de l'Élysée, des surveillances sur tout journaliste se livrant à une enquête gênante dans un cadre dont il est établi qu'il était illégal ; que, sur la bonne foi, il n'est pas discuté devant la cour qu'il est légitime d'informer le public sur les conditions dans lesquelles seraient exercées des surveillances sur des journalistes dont les enquêtes portent sur des sujets, dits " sensibles " pour être susceptibles de mettre en cause des personnes proches du pouvoir ; qu'il n'est pas plus soutenu que M. Z..., auteur de l'article, l'aurait écrit en raison d'une animosité personnelle qu'il éprouverait de M. X... alors que ce dernier ne dément pas que, se connaissant de longue date, ils ont toujours entretenu des relations courtoises ; que restent débattus devant la cour les caractère sérieux et contradictoire de l'enquête ; que le tribunal a estimé insuffisants s'agissant " surtout " de l'imputation de faire espionner les journalistes par " un groupe monté à cet effet au sein de la DCRI " composé de " plusieurs anciens policiers RG experts en recherches discrètes ou présumés tels " ; que sur l'enquête sérieuse, il résulte des témoignages de journalistes déjà évoqués, des attestations versées de M. L... et notamment des témoignages recueillis devant la cour de MM. O... et de P..., venus confirmer l'espionnage dont eux-mêmes ou certains de leurs confrères auraient été victimes, selon les confidences qu'ils auraient recueillies de membres de la DCRI notamment, de multiples articles de presse, publiés soit dans le Canard Enchaîné soit concomitamment dans d'autres journaux, et faisant état, bien que non poursuivis, de l'espionnage dont seraient victimes des journalistes ; que M. Z... pouvait dénoncer la mise sous surveillance, à la demande du Président de la République, de certains journalistes ; qu'il résulte d'autre part des pièces versées par la défense que, s'agissant précisément du rôle joué par M. X..., alors à la tête de la DCRI, qu'il a été mis en examen du chef de collecte de données à caractère personnel par des moyens illicites, suite à la plainte déposée le 10 janvier 2011, soit peu après l'article litigieux, par M. I... et Le Monde ; que sa mise en examen a été confirmée de ce chef par un arrêt rendu le 13 décembre 2012 par la chambre d'accusation et qu'il a été renvoyé devant la juridiction correctionnelle ; que ces éléments certes postérieurs à l'article et insuffisants pour affirmer que M. X..., qui doit évidemment bénéficier de la présomption d'innocence, ne pouvait recourir, comme il le soutient à l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991, pour obtenir communication des fadettes de M. I..., journaliste, enquêtant sur l'affaire dite N..., et de M. J..., à l'époque conseiller du garde des Sceaux, démontrent néanmoins, en ce qu'ils corroborent les témoignages recueillis, que le journaliste du Canard Enchaîné disposait d'une base factuelle suffisante pour évoquer dans le style imagé propre à la publication les mauvaises " manières " et " pratiques barbouzardes " auxquelles se livraient les services de M. X... ; que le principal reproche fait à l'article, ainsi qu'il résulte des conclusions déposées par M. X..., suivant en cela le motif pour lequel les premiers juges n'ont pas estimé devoir accorder la bonne foi au journaliste, est d'avoir induit le lecteur à croire que la partie civile aurait organisé un " cabinet noir ", c'est-à-dire un service de renseignements chargé d'espionner fréquemment les journalistes pour le compte du Président de la République ; qu'outre que le terme de " cabinet noir " ne figure pas dans l'article litigieux mais dans celui de Mediapart, non poursuivi par la partie civile, il ne peut être déduit du seul fait que dans le cadre de " l'affaire I... ", M. X... a déclaré ne s'être adressé qu'à l'un de ses adjoints pour obtenir le relevé des fadettes auprès de l'opérateur téléphonique ; qu'il ne pouvait être dit que des membres de son service, expérimentés, étaient chargés de ces opérations ; que plusieurs autres journalistes, venus témoigner, se sont en effet faits l'écho de plusieurs surveillances ; qu'il en résulte que M. Z... pouvait faire état d'un " groupe ", la partie civile ayant elle-même évoque une " section presse " en précisant qu'il s'agissait d'un " petit groupe qui se lève tôt ¿ ", et qu'évoquer, dans le cadre d'un article portant sur la surveillance qui se serait exercée sur des journalistes en général et en se référant à plusieurs affaires et non pas seulement à l'affaire " N... ", un " groupe monté à cet effet " n'apparaît pas, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, ajouter à l'imputation diffamatoire une portée plus grave, justifiant de ne pas faire droit au bénéfice de la bonne foi ; qu'enfin, sur le dernier grief, à savoir le défaut de contradictoire résultant de ce que le journaliste s'est dispensé de recueillir les observations de la partie civile, il convient d'observer que si, en faisant état de ce que le rôle confié à la partie civile qui " se doit d'obéir et de passer à l'acte " ne lui plaît guère, M. Z..., contrairement à ce qu'il soutient, ne donne nullement la parole à M. X... qui, selon les propres déclarations du journaliste recueillis à l'audience du tribunal a déclaré que, lorsque l'article était sorti, " M. X... lui avait téléphoné, lui avait dit qu'il n'était pas d'accord avec le titre et le contenu de l'article et qu'il n'avait pas besoin des ordres du Président de la République pour mener une enquête dans son domaine ", qu'il n'en demeure pas moins que, compte tenu des éléments précédemment évoqués dont disposait le journaliste, du caractère particulièrement sensible et polémique du sujet, les journalistes en étant parties prenantes, ce qui n'a pu échapper aux lecteurs, et des possibilités données aux personnalités mises en cause d'apporter tous les démentis estimés nécessaires, le bénéfice de la bonne foi ne saurait être refusé en l'espèce pour ce seul motif ;
" 1°) alors que la bonne foi du prévenu ne peut être déduite de faits postérieurs à la diffusion des propos litigieux ; qu'en l'espèce, pour relaxer les prévenus MM. Z... et Y... des chefs de diffamation et complicité de diffamation commise le 3 novembre 2010, au bénéfice de la bonne foi, la cour d'appel s'est fondée sur une plainte déposée, le 10 janvier 2011, à l'encontre de M. X..., sa mise en examen confirmée le 13 décembre 2010, son renvoi devant la juridiction correctionnelle, que la teneur d'une conversation téléphonique avec le prévenu journaliste, initiée par la partie civile après la parution de l'article, et la possibilité pour les personnes visées dans l'article d'apporter, après la publication, des démentis ; qu'en se fondant ainsi exclusivement sur des faits postérieurs à la diffusion des propos litigieux, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" 2°) alors que, si le prévenu peut démontrer sa bonne foi par l'existence de circonstances particulières, c'est à lui seul qu'incombe cette preuve ; qu'en retenant, pour relaxer les prévenus, que l'imputation que M. X... aurait monté un groupe aux fins de surveiller illégalement des journalistes n'ajouterait pas de portée plus grave aux faits diffamatoires reprochés, que justifiant de ne pas faire droit au bénéfice de la bonne foi, et que même en l'absence d'enquête contradictoire, " le bénéfice de la bonne foi ne saurait être refusé pour ce seul motif ", la cour d'appel a renversé la présomption de mauvaise foi qui pesait sur les prévenus et ainsi méconnu le principe susvisé ;
" 3°) alors que constitue une circonstance aggravante la commission d'une infraction en bande organisée, définie comme tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou de plusieurs infractions ; qu'en retenant, en l'espèce, que l'imputation que M. X... aurait monté un groupe aux fins de surveiller illégalement des journalistes n'ajouterait pas de portée plus grave aux faits diffamatoires reprochés, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inaptes à justifier légalement sa décision ;
" 4°) alors que le devoir de prudence et d'objectivité impose au journaliste de vérifier préalablement l'exactitude des faits qu'il publie et, à ce titre, d'interroger les prétendus responsables des délits dénoncés dans une publication ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que ce n'est qu'après la parution de l'article que M. X... avait lui-même téléphoné à M. Z... pour démentir les faits diffamatoires qui avaient été publiés ; qu'en retenant néanmoins que même en l'absence d'enquête contradictoire le bénéfice de la bonne foi ne saurait être refusée pour seul motif, la cour d'appel n'a pas justifié également sa décision ;
" 5°) alors que la bonne foi exonératoire de responsabilité pénale du chef de diffamation suppose la réunion de quatre conditions : la légitimité du but poursuivi, l'absence d'animosité personnelle, la prudence et l'objectivité des propos et le sérieux de l'enquête et la vérification des sources ; qu'en l'espèce, pour relaxer les prévenus au bénéfice de la bonne foi, la cour d'appel s'est finalement bornée à constater que M. Z... disposait " d'une base factuelle suffisante pour évoquer dans le style imagé propre à la publication les mauvaises manières " et " pratiques barbouzardes " qu'auxquelles se livraient les services de M. X... ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inaptes à caractériser la réunion des conditions de la bonne foi, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Vu l'article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que la bonne foi du prévenu ne peut être déduite de faits postérieurs à la diffusion du propos litigieux ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le journal Le Canard enchaîné a publié, dans son édition du 3 novembre 2010, un article signé par M. Z..., intitulé " A... supervise l'espionnage des journalistes ", affirmant que le Président de la République, " dès qu'un journaliste se livre à une enquête gênante pour lui ou pour les siens ", demandait à M. X..., chef de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), de " s'intéresser à cet effronté " ; que cet article comportait le passage suivant : "... Mais X... se doit d'obéir et de passer à l'acte. En confiant le cas du journaliste concerné, comme il l'a déjà fait pour d'autres, à un groupe monté à cet effet au sein de la direction centrale du renseignement intérieur. A savoir plusieurs anciens policiers des RG, experts en recherches discrètes, ou présumés tels " ; que M. X... s'étant constitué partie civile devant le juge d'instruction, des chefs de diffamation publique envers un fonctionnaire public et complicité, en raison de ce passage, M.
Y...
, directeur de la publication, et M. Z..., auteur de l'article, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel, qui les a retenus dans les liens de la prévention ; que les parties et le ministère public ont relevé appel ;
Attendu que, pour infirmer le jugement, et renvoyer les prévenus des fins de la poursuite, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en retenant que M. X... a été mis en examen du chef de collecte de données à caractère personnel par des moyens illicites peu de temps après l'article litigieux, que cette mise en examen a été confirmée, le 13 décembre 2012, par la chambre de l'instruction, qu'il a été ultérieurement renvoyé devant le tribunal correctionnel, et que ces circonstances démontraient que le journaliste du Canard enchaîné disposait d'une base factuelle suffisante pour évoquer les pratiques auxquelles se livraient les services de M. X..., alors que ces éléments étaient postérieurs à la publication de l'article incriminé, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 20 février 2014, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit septembre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.