LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Le Conseil régional des géomètres-experts de la région Rhône-Alpes, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 2 septembre 2014, qui, dans la procédure suivie contre M. Pascal X... du chef d'exercice illégal de la profession de géomètre-expert, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 2 juin 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Fossier, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller FOSSIER, les observations de la société civile professionnelle LE BRET-DESACHÉ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général RAYSSÉGUIER ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1er, 2 et 7 de la loi n° 46-942 du 7 mai 1946, des articles 25 et 30 du décret n° 55-471 du 30 avril 1955, de l'article 8 de l'arrêté du 30 juillet 2010, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a débouté le conseil régional des géomètres-experts de la région Rhône-Alpes de ses demandes dirigées contre M. X... ;
"aux motifs que, en droit, par l'effet des articles 509 et 515 du code de procédure pénale, les juges du second degré, saisis du seul appel de la partie civile d'un jugement de relaxe, n'ont pas, sauf à porter atteinte à la présomption d'innocence du prévenu définitivement relaxé, à déterminer si les faits qui leur sont déférés présentent le caractère d'une infraction pénale et doivent seulement rechercher si le dommage dont la partie civile peut obtenir réparation de la part de la personne relaxée résulte d'une faute civile démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite ; qu'en l'espèce, il est reproché à M. X... d'avoir en deux circonstances précises réalisé des études et travaux topographiques ayant des incidences foncières pour changer des limites de propriétés et créer des droits nouveaux, interventions relevant du monopole d'exercice de la profession de géomètre-expert, tel que défini aux articles 1 et 2 de loi n° 46-942 du 7 mai 1946 en vertu desquels peuvent seuls effectuer les études et travaux topographiques qui fixent les limites de biens fonciers, notamment les plans de division, de partage, de vente et d'échange de bien fonciers et les plans de bornage ou de délimitation de la propriété foncière ; qu'à la date de ces faits, M. X... était titulaire d'un agrément de la direction générale des finances publiques l'autorisant à établir des documents d'arpentage destinés à la modification du parcellaire castral ; que dans ce cadre, il est habilité à établir conformément aux prévissions de l'article 25 du décret n° 55-471 du 30 avril 1995 relatif à la rénovation et la conservation du cadastre les documents d'arpentage constatant les changements de limite de propriété notamment par suite de division, lotissement ou partage, ces documents établis à la diligence des parties concernées et certifiées par elles devant être soumis au service du cadastre préalablement à la rédaction de l'acte réalisant le changement de limite pour vérification et numérotage des nouvelles parcelles cadastrales ; que l'objet de ces documents d'arpentage destinés à concrétiser l'accord des propriétaires sur la délimitation cadastrale de leurs biens n'est pas de fixer les limites des biens fonciers et de définir les droits qui y sont attachés, dont le cadastre ne fait pas preuve ; que la cour constate, comme le tribunal, que les documents d'arpentage établis par M. X... constatant la modification des limites parcellaires issues des divisions de parcelles pour la réalisation des transactions convenues entre les époux Y... et les consorts Z... ainsi qu'entre les époux A... et B..., s'inscrivent dans ce cadre ; qu'en l'absence de preuve de tout agissement de sa part pour à effet de persuader ses clients de se dispenser d'avoir recours à une opération de délimitation et de bornage par un géomètre-expert, le fait que les documents d'arpentage destinés au cadastre qu'il a établis soient mentionnés dans des actes translatif de propriété pour la définition contractuelle des limites du bien vendu, n'est pas constitutif d'une faute qui lui serait personnellement imputable et de nature à engager sa responsabilité ; qu'il n'est pas davantage démontré qu'il ait cherché à entretenir une confusion entre les interventions relevant de sa compétence et celles réservées aux géomètres-experts et il a notamment clairement informé la communauté de commune de Val Guiers, qui lui demandait l'établissement d'un plan de bornage, que n'étant pas inscrit à l'ordre des géomètres-experts, il n'était pas habilité à établir un tel document ; qu'au vu des seuls documents versés aux débats, la preuve n'est pas rapportée de la commission par M. X... d'une faute de nature à engager sa responsabilité envers le conseil régional de l'ordre des géomètres-experts de la région Rhone-Alpes et ouvrant droit à réparation du préjudice invoqué ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le conseil régional de l'ordre des géomètres-experts de la région Rhône-Alpes de ses demandes indemnitaires ;
"1°) alors que doit être regardé comme fixant les limites des biens fonciers au sens de l'article 1er de la loi du 7 mai 1946 le document d'arpentage qui établit une ligne de séparation au sein d'une parcelle et qui est destiné à être annexé à l'acte de cession de l'une des deux parcelles nouvellement créées, cette ligne devenant la limite séparative des deux fonds issus de la vente ; qu'en affirmant, pour juger que M. X... n'avait commis aucune faute, que les documents qu'il avait établis devaient être « soumis au service du cadastre préalablement à la rédaction de l'acte réalisant le changement de limite pour vérification et numérotage des nouvelles parcelles cadastrales », la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants, le service du cadastre se bornant à vérifier que la nouvelle délimitation des parcelles ne porte pas atteinte aux droits des tiers de sorte qu'in fine c'est bien la limite établie par l'auteur du document annexé à l'acte de vente qui devient la limite séparative des deux fonds issus de l'acte de vente ;
"2°) alors que doit être regardé comme fixant les limites des biens fonciers au sens de l'article 1er de la loi du 7 mai 1946 le document d'arpentage qui établit une ligne de séparation au sein d'une parcelle et qui est destiné à être annexé à l'acte de cession de l'une des deux parcelles nouvellement créées, cette ligne devenant la limite séparative des deux fonds issus de la vente ; qu'en affirmant, pour juger que M. X... n'avait commis aucune faute, après avoir elle-même constaté qu'il avait établi les documents d'arpentage litigieux « pour la réalisation des transactions convenues entre les époux Y... et les consorts Z... ainsi qu'entre les époux A... et B... » et que ces documents étaient « mentionnés dans des actes translatifs de propriété pour la définition contractuelle des limites du bien vendu », ce dont il s'inférait que les documents établis par M. X... avaient pour objet de fixer, dans le cadre d'opérations de divisions de parcelles, les limites nouvelles des propriétés respectives des vendeurs et des acquéreurs, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des textes visés au moyen ;
"3°) alors que doit être regardé comme fixant les limites des biens fonciers au sens de l'article 1er de la loi du 7 mai 1946 le document d'arpentage qui établit une ligne de séparation au sein d'une parcelle et qui est destiné à être annexé à l'acte de cession de l'une des deux parcelles nouvellement créées cette ligne devenant la limite séparative des deux fonds issus de la vente ; qu'il en va ainsi même lorsque cette limite résulte de l'accord amiable des parties ; qu'en se fondant, pour affirmer que M. X... n'avait commis aucune faute, sur la circonstance que celui-ci n'avait fait que « concrétiser l'accord des propriétaires sur la délimitation cadastrale de leurs biens », la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant en violation des textes visés au moyen ; "
Vu les articles 1-1° et 2, ensemble l'article 7, de la loi du 7 mai 1946 ;
Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que le géomètre-expert réalise les études et les travaux topographiques qui fixent les limites des biens fonciers et, à ce titre, lève et dresse, à toutes échelles et sous quelque forme que ce soit, les plans et documents topographiques concernant la définition des droits attachés à la propriété foncière, tels que les plans de division, de partage, de vente et d'échange des biens fonciers, les plans de bornage ou de délimitation de la propriété foncière ;
Attendu que l'article 2 susvisé énonce, en son alinéa premier, que peuvent seuls effectuer les travaux prévus au 1° de l'article 1er les géomètres-experts inscrits à l'ordre conformément aux articles 3 et 26 ;
Attendu que, pour débouter la partie civile à la suite de la relaxe de M. X... des fins de la poursuite engagée contre lui pour exercice illégal de la profession de géomètre expert, l'arrêt attaqué retient que les documents établis par le prévenu constatent la modification des limites parcellaires issues des divisions de parcelles pour la réalisation de transactions ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que les documents établis par M. X... ont eu pour effet de fixer les nouvelles limites de biens fonciers et de créer des droits réels qui y seraient attachés, et participaient ainsi à la rédaction des actes translatifs de propriété, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Grenoble, en date du 2 septembre 2014, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Grenoble et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le premier septembre deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.