LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 2 juillet 2014), que Mme X... a été victime de violences volontaires commises par son concubin, M. Y..., les 5 février 2006, 1er janvier 2007, 29 avril 2007 et 13 mai 2007 ; que M. Y... ayant été définitivement condamné par la juridiction correctionnelle à payer à Mme X... la somme de 189 449 euros après déduction d'une provision de 3 000 euros déjà allouée, celle-ci a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infraction ;
Attendu que le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande et dire que ces sommes seront versées directement par celui-ci conformément à l'article R. 50-24 du code de procédure pénale, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il ne peut être fait droit à une demande d'indemnisation d'un événement futur favorable qu'à la condition que cet événement ne soit pas simplement virtuel et hypothétique ; qu'il s'évince des constatations de l'arrêt que M. Z... a conclu que Mme X... ne subissait pas un retentissement professionnel ou scolaire puisqu'elle n'exerçait à l'époque des faits aucune activité professionnelle ou estudiantine ; qu'en énonçant néanmoins qu'il convenait de prendre en compte pour l'avenir la privation de ressources professionnelles engendrées par le dommage en se référant à une indemnisation par estimation et qu'à ce titre, au vu des bulletins trimestriels et de l'attestation du directeur du lycée du Restmeur selon laquelle Mme X... avait très largement la possibilité de poursuivre ses études et d'envisager d'obtenir au moins un diplôme de type baccalauréat, Mme X... avait d'autres possibilités que de percevoir une allocation « adulte handicapé », qu'elle avait un potentiel et qu'elle pourrait prétendre à un emploi rémunéré lui procurant un gain mensuel égal au minimum au SMIC, la cour d'appel a indemnisé un préjudice simplement virtuel et hypothétique et a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;
2°/ que dans ses conclusions d'appel signifiées le 1er octobre 2013, le FGTI faisait valoir que si l'attestation du directeur du lycée du 14 décembre 2009 précisait que la victime avait très largement la possibilité en fin d'année scolaire 2004/2005 d'obtenir un diplôme de baccalauréat, celle-ci admettait avoir cessé d'assister au cours et décidé au mois de février 2005 d'abandonner sa scolarité en quittant l'établissement ce qui procédait d'un choix délibéré de sa part ; qu'il s'en déduisait qu'aucun élément ne permettait d'objectiver l'existence d'un préjudice pour perte de gains professionnels futurs en relation causale avec les faits objets de la procédure ; qu'en indemnisant un préjudice pour perte de gains professionnels futurs en prenant en compte la possibilité pour Mme X... d'envisager d'obtenir le baccalauréat, sans nullement s'expliquer sur ce point sinon de nature à compromettre les chances d'obtenir ce diplôme, à tout le moins de rendre ambiguë la volonté de Mme X... de l'obtenir, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 706-3 du code de procédure pénale et du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que s'agissant des pertes de gains futurs, si l'expert judiciaire a effectivement conclu que Mme X... ne subissait pas un retentissement professionnel ou scolaire puisqu'elle n'exerçait à l'époque des faits aucune activité professionnelle ou estudiantine, les jeunes victimes ne percevant pas à la date du dommage de gains professionnels, il est évident qu'à 18 ans, celle-ci n'était pas destinée à rester inactive toute sa vie et qu'elle pouvait au moins prétendre à un salaire équivalent au SMIC, qu'elle était une bonne élève, et que le directeur du lycée attestait qu'elle avait très largement la possibilité de poursuivre ses études et d'envisager d'obtenir au moins un diplôme de type baccalauréat, ce dont il résulte qu'elle avait un potentiel et qu'elle pouvait prétendre à un emploi rémunéré, la cour d'appel n'a pas réparé un préjudice virtuel et hypothétique en allouant à Mme X... une indemnité réparant l'incidence professionnelle du dommage subi ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré recevable la demande d'indemnisation de Mlle Margaux X..., alloué à celle-ci la somme de 189.446 euros après déduction de la provision de 3.000 euros déjà perçue, en réparation du préjudice subi et dit que ces sommes seront versées directement par le Fonds de garantie conformément à l'article 50-24 du code de procédure pénale,
Aux motifs, s'agissant des pertes de gains professionnels futurs, que si le docteur Z... a effectivement conclu que Mme X... ne subissait pas un retentissement professionnel ou scolaire puisqu'elle n'exerçait à l'époque des faits aucune activité professionnelle ou estudiantine, la CIVI a retenu à juste titre que les jeunes victimes ne percevant pas à la date du dommage de gains professionnels, il convenait de prendre en compte pour l'avenir la privation de ressources professionnelles engendrée par le dommage en se référant à une indemnisation par estimation ; qu'en effet, Mme X... avait d'autres possibilités que de percevoir à vie une allocation « adulte handicapé » de 681 euros ; qu'elle avait décidé de réintégrer le lycée de Restmeur à Pabu en septembre 2006 pour obtenir un BEP « services aux personnes » ; que les faits du 5 février 2006 ont entravé ce projet; que ses séquelles (raideur et déformation du rachis, amyotrophie du mollet, raideur complète de la talienne et de la sous-talienne, retentissement psychologique) ont entraîné une reconnaissance de personne handicapée avec un taux d'incapacité supérieur ou égal à 80 %, ce qui limite les possibilités d'exercice d'une activité professionnelle ; que les bulletins trimestriels produits aux débats prouvent que Mme X... était une bonne élève ; que le directeur du Lycée du Restmeur a attesté qu'elle avait très largement la possibilité de poursuivre ses études et d'envisager d'obtenir au moins un diplôme de type baccalauréat ; qu'il en résulte qu'elle avait un potentiel et qu'elle pouvait prétendre à un emploi rémunéré, au minimum, au SMIC ; que la CIVI a parfaitement estimé le préjudice à la différence entre les revenus actuels et les revenus auxquels pouvait prétendre la victime (1 073 € - 681 € = 392 € x 12 = 4 704 €), puis a capitalisé la somme à 4 704 € x 27,193 = 127 915,87 € arrondi à 127 916 € ; que la décision sera confirmée sur ce point,
Alors d'une part qu'il ne peut être fait droit à une demande d'indemnisation d'un événement futur favorable qu'à la condition que cet événement ne soit pas simplement virtuel et hypothétique ; qu'il s'évince des constatations de l'arrêt que le docteur Z... a conclu que Mlle X... ne subissait pas un retentissement professionnel ou scolaire puisqu'elle n'exerçait à l'époque des faits aucune activité professionnel ou estudiantine ; qu'en énonçant néanmoins qu'il convenait de prendre en compte pour l'avenir la privation de ressources professionnelles engendrées par le dommage en se référant à une indemnisation par estimation et qu'à ce titre, au vu des bulletins trimestriels et de l'attestation du directeur du lycée du Restmeur selon laquelle Mlle X... avait très largement la possibilité de poursuivre ses études et d'envisager d'obtenir au moins un diplôme de type baccalauréat, Mlle X... avait d'autres possibilités que de percevoir une allocation « adulte handicapé », qu'elle avait un potentiel et qu'elle pourrait prétendre à un emploi rémunéré lui procurant un gain mensuel égal au minimum au SMIC, la cour d'appel a indemnisé un préjudice simplement virtuel et hypothétique et a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime,
Alors d'autre part que dans ses conclusions d'appel signifiées le 1er octobre 2013, le Fonds de garantie faisait valoir que si l'attestation du directeur du lycée du 14 décembre 2009 précisait que la victime avait très largement la possibilité en fin d'année scolaire 2004/2005 d'obtenir un diplôme de baccalauréat, celle-ci admettait avoir cessé d'assister au cours et décidé au mois de février 2005 d'abandonner sa scolarité en quittant l'établissement ce qui procédait d'un choix délibéré de sa part; qu'il s'en déduisait qu'aucun élément ne permettait d'objectiver l'existence d'un préjudice pour perte de gains professionnels futurs en relation causale avec les faits objets de la procédure ; qu'en indemnisant un préjudice pour perte de gains professionnels futurs en prenant en compte la possibilité pour Mlle X... d'envisager d'obtenir le baccalauréat, sans nullement s'expliquer sur ce point sinon de nature à compromettre les chances d'obtenir ce diplôme, à tout le moins de rendre ambiguë la volonté de Mlle X... de l'obtenir, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 706-3 du Code de procédure pénale et du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.